Escroquerie aux Cryptomonnaies : Questions / Réponses juridiques

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Escroquerie aux Cryptomonnaies : Questions / Réponses juridiques

Entre novembre 2018 et janvier 2019, M. et Mme [Z] ont transféré 63.833,21 euros vers des comptes en Allemagne, croyant investir dans des crypto-monnaies via Northen Lion. Après avoir déposé une plainte en avril 2019 pour récupérer leurs fonds, ils ont assigné ING Bank N.V. et Deutsche Bank AG en septembre 2023, invoquant un manquement à leurs obligations de vigilance. Deutsche Bank a soulevé une exception d’incompétence territoriale, mais le tribunal de Paris a rejeté cette demande, affirmant que le dommage s’était matérialisé en France. L’affaire sera examinée lors d’une audience prévue pour janvier 2025.. Consulter la source documentaire.

Dans le cadre d’une escroquerie aux Cryptomonnaies, dès lors que des fonds ont été virés sur des comptes à l’étranger, le détournement allégué n’a pu advenir qu’ensuite et la matérialisation du dommage ne s’est pas produite en France.

L’article 81 du code de procédure civile dispose en son alinéa 1 que lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir.

Les quinzième et seizième considérants du règlement « Bruxelles I Bis », applicable en l’espèce à l’instance introduite postérieurement au 1er janvier 2015, énoncent respectivement que les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur, outre que le for du domicile du défendeur devrait être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter une bonne administration de la justice.

Le règlement « Bruxelles I Bis », applicable en l’espèce à l’instance introduite postérieurement au 1er janvier 2015, pose en son article 4 comme une règle de compétence générale que les personnes domiciliées sur le territoire d’un Etat-membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat-membre.

En son article 7, le règlement « Bruxelles I Bis » prévoit une option de compétence immédiate en matière délictuelle ou quasi délictuelle d’interprétation restrictive, la personne domiciliée sur le territoire d’un État-membre pouvant être attraite dans un autre État-membre devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.

En l’espèce, le client de la banque a passé cinq ordres de virements depuis son compte courant ouvert dans les livres de ING Bank N.V. à destination de deux comptes ouverts dans les livres de la Deutsche Postbank AG située en Allemagne.

Or, le lieu où le fait dommageable se produit ou risque de se produire, au sens de l’article 7 du règlement « Bruxelles I Bis », s’entend à la fois du lieu de matérialisation du dommage et de celui de l’événement causal qui est à l’origine de ce dommage, le demandeur disposant d’une seconde option entre ces deux critères pour attraire en justice le défendeur.

De plus, le lieu de matérialisation du dommage découlant immédiatement du fait générateur n’est pas nécessairement celui où le préjudice matériel pourrait être ensuite ressenti et ne saurait s’identifier non plus au lieu centralisant le patrimoine dont la perte est alléguée. Le lieu de l’événement causal qui est à l’origine du dommage allégué est celui du prétendu manquement de la banque à ses obligations professionnelles.

En l’espèce, les comptes récepteurs des fonds ont été ouvert dans une banque établie en Allemagne. Dès lors, le lieu de mise en œuvre des obligations de cet établissement bancaire et donc d’un éventuel défaut de vigilance de sa part lors de l’ouverture des comptes, voire à l’occasion de leur fonctionnement, est situé dans cet État-membre.

Étant donné la nature du préjudice allégué tenant en une soustraction des sommes destinées à être investies, le lieu de survenance du dommage est celui de l’appropriation indue par le dépositaire des fonds, à savoir les comptes ouverts dans les livres de la société de droit étranger située dans l’État-membre précité.

Il s’en déduit que le préjudice financier qui, certes, est ressenti sur le compte bancaire du donneur d’ordre, ne saurait, à lui seul, en l’absence de circonstances particulières, être qualifié de « point de rattachement pertinent », et ce alors qu’il résulte directement d’un acte illicite commis dans un autre Etat-membre de l’Union européenne.

Toutefois et par exception, lorsqu’une banque allemande (par exemple) dispose d’une filiale en France, pour éviter tout risque d’inconciliabilité des solutions, il y a dès lors lieu de les juger ensemble, peu important que les demandes soient éventuellement fondées sur des lois différentes et que les rapports entre les parties soient distincts.

En effet, il résulte des dispositions de l’article 8.1 du règlement « Bruxelles I Bis » que s’il y a plusieurs défendeurs, une personne domiciliée sur le territoire d’un État-membre peut, par dérogation au principe énoncé à l’article 4.1 de ce règlement, être attraite devant la juridiction du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.

Cette disposition répond au souci de faciliter une bonne administration de la justice, de réduire la possibilité de procédures concurrentes et d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.

Pour que des décisions soient considérées comme risquant d’être inconciliables, il ne suffit pas qu’il existe une divergence dans la solution du litige, encore faut-il que cette divergence s’inscrive dans le cadre d’une même situation de fait et de droit. Par ailleurs, l’identité des fondements juridiques des actions introduites n’est qu’un facteur pertinent parmi d’autres, de sorte qu’une différence de fondements juridiques entre des actions introduites contre les différents défendeurs ne fait pas obstacle à l’application de cette disposition.

Il appartient dès lors à la juridiction saisie de l’entier litige d’apprécier, au regard de la situation de fait, le risque de solutions inconciliables si les demandes devaient être jugées séparément, en tenant compte de tous les éléments pertinents du dossier.


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