L’Essentiel : Le 23 mai 2019, la Caisse d’épargne Provence-Alpes-Corse a interjeté appel d’un jugement déboutant sa demande de paiement contre la société Réunion holding, caution d’un prêt. Cette dernière conteste la décision de la cour d’appel, qui l’a condamnée à verser 199 177,85 euros, arguant de la nullité du contrat de prêt et du défaut d’information annuelle. La cour a estimé que la société n’avait pas demandé l’annulation des actes concernés, négligeant ainsi les moyens de défense présentés dans ses conclusions. Cette omission constitue une violation des articles 71 et 954 du code de procédure civile.
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Contexte de l’affaireLe 23 mai 2019, la Caisse d’épargne Provence-Alpes-Corse, successeur de la Banque de La Réunion, a interjeté appel d’un jugement rendu le 13 mai 2019 par un tribunal mixte de commerce. Ce jugement avait débouté la banque de sa demande en paiement du solde d’un prêt, formulée contre la société Réunion holding, qui agissait en tant que caution. Arguments de la sociétéLa société Réunion holding conteste la décision de la cour d’appel qui l’a condamnée à verser à la banque la somme de 199 177,85 euros, ainsi que des intérêts. Elle soutient que la nullité du contrat de prêt, la nullité de l’acte de cautionnement et le défaut d’information annuelle constituent des moyens de défense qui devraient être pris en compte pour rejeter la demande de la banque. Position de la cour d’appelLa cour d’appel a statué en se basant sur le fait que la société n’avait pas expressément demandé l’annulation de l’acte de cautionnement ou du contrat de prêt dans le dispositif de ses écritures. Elle a donc considéré qu’elle n’était pas saisie de ces prétentions et a condamné la société à payer la somme demandée. Analyse des moyens de défenseLa cour d’appel a omis d’examiner les moyens de défense invoqués par la société, qui, bien que non énoncés dans le dispositif, étaient présents dans les motifs de ses conclusions. La société avait demandé le rejet des demandes de la banque en se fondant sur la nullité du contrat de prêt et de l’acte de cautionnement, ainsi que sur le défaut d’information annuelle. Violation des textes de procédureEn ne tenant pas compte des moyens de défense soulevés par la société, la cour d’appel a violé les articles 71 et 954 du code de procédure civile. Ces articles stipulent que toute défense au fond doit être examinée, même si elle n’est pas explicitement mentionnée dans le dispositif des conclusions. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de recevabilité des moyens de défense en appel selon le Code de procédure civile ?La recevabilité des moyens de défense en appel est régie par les articles 71 et 954 du Code de procédure civile. Selon l’article 71, « constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire. » Cet article souligne que tout moyen qui vise à contester la demande de l’adversaire doit être pris en compte par la cour d’appel. L’article 954, quant à lui, précise que « les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée. » Les prétentions doivent être récapitulées sous forme de dispositif, et la cour d’appel ne statue que sur celles-ci. Ainsi, si un moyen de défense est invoqué dans le dispositif, la cour doit l’examiner, même s’il n’est pas explicitement mentionné comme une demande d’annulation ou de déchéance. Comment la cour d’appel a-t-elle interprété les prétentions de la société Réunion holding ?La cour d’appel a interprété les prétentions de la société Réunion holding en se basant sur le dispositif de ses conclusions. Elle a constaté que la société ne demandait ni l’annulation de l’acte de cautionnement, ni celle du contrat de prêt, ni la déchéance du droit aux intérêts. En conséquence, la cour a estimé qu’elle n’était pas saisie de ces prétentions, ce qui a conduit à la condamnation de la société à verser des sommes à la banque. Cependant, la société avait effectivement demandé, dans le dispositif de ses conclusions, le rejet de toutes les demandes de la banque. Elle avait également invoqué des moyens de fond, tels que la nullité du contrat de prêt et de l’acte de cautionnement, ainsi que le défaut d’information annuelle. La cour d’appel, en ne tenant pas compte de ces moyens, a donc violé les articles 71 et 954 du Code de procédure civile. Quelles sont les conséquences de la violation des articles 71 et 954 du Code de procédure civile ?La violation des articles 71 et 954 du Code de procédure civile a des conséquences significatives sur le jugement rendu par la cour d’appel. En ne tenant pas compte des moyens de défense invoqués par la société, la cour a rendu une décision qui ne prend pas en considération l’ensemble des arguments présentés. Cela peut entraîner une atteinte au droit à un procès équitable, car la société n’a pas eu l’opportunité de voir ses moyens examinés. De plus, cette situation peut justifier un pourvoi en cassation, car la cour d’appel n’a pas respecté les règles de procédure. En effet, la Cour de cassation pourrait annuler l’arrêt de la cour d’appel et renvoyer l’affaire pour un nouvel examen, en ordonnant à la cour d’appel de prendre en compte les moyens de défense de la société. Ainsi, la décision de la cour d’appel pourrait être remise en question, entraînant une réévaluation des prétentions de la banque et des moyens de défense de la société. |
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 janvier 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 44 F-B
Pourvoi n° X 22-17.956
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025
La société Réunion holding, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 22-17.956 contre l’arrêt rendu le 2 février 2022 par la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre commerciale), dans le litige l’opposant à la société Caisse d’épargne Provence-Alpes-Corse, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Caillard, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de la société Réunion holding, de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Caisse d’épargne Provence-Alpes-Corse, et l’avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l’audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Caillard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Sara, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 2 février 2022), le 23 mai 2019, la Caisse d’épargne Provence-Alpes-Corse, venant aux droits de la Banque de La Réunion (la banque), a relevé appel d’un jugement rendu le 13 mai 2019 par un tribunal mixte de commerce l’ayant déboutée de sa demande en paiement du solde d’un prêt, formée contre la société Réunion holding (la société) en sa qualité de caution.
Enoncé du moyen
2. La société fait grief à l’arrêt de la condamner, en sa qualité de caution, à verser à la banque la somme de 199 177,85 euros, outre les intérêts sur la somme en principal au taux conventionnel à partir du 10 février 2017 au titre du crédit d’équipement, alors « que la nullité du contrat de prêt, la nullité de l’acte de cautionnement ou le défaut d’information annuelle, invoqués par la caution au soutien de sa prétention tendant à voir rejeter la demande en paiement formée par la banque à son encontre, constituent des moyens de défense au fond, qui n’ont pas à être énoncés au dispositif de ses conclusions ; que la cour d’appel qui, bien qu’elle ait constaté que la société Réunion holding demandait le rejet de la demande en paiement formée à son encontre par la banque en se prévalant notamment de la nullité de l’acte de cautionnement, de la nullité du contrat de prêt et de l’absence d’information annuelle, a néanmoins retenu, pour dire qu’elle n’était pas saisie de ces prétentions, que la caution, dans le dispositif de ses écritures, ne demandait ni l’annulation de l’acte de cautionnement, ni l’annulation du contrat de prêt et pas davantage la déchéance du droit aux intérêts, a violé les articles 72 et 954 du code de procédure civile. »
Vu les articles 71 et 954, alinéas 1er, 2 et 3, du code de procédure civile, le dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :
3. Aux termes du premier de ces textes, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire.
4. Selon le second, les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée. Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
5. Pour condamner la société, en sa qualité de caution, à payer diverses sommes à la banque, l’arrêt, après avoir rappelé que la cour d’appel n’a à statuer que sur les prétentions figurant au dispositif des écritures, retient que la société ne demande ni l’annulation de l’acte de cautionnement, ni celle du contrat de prêt, ni la déchéance du droit aux intérêts, et qu’ainsi la cour d’appel n’en est pas saisie.
6. En statuant ainsi, alors que la société demandait, dans le dispositif de ses conclusions, notamment le rejet de toutes les demandes et prétentions de la banque, en invoquant dans les motifs de ses conclusions, les moyens de fond pris de la nullité du contrat de prêt, la nullité de l’acte de cautionnement, et le défaut d’information annuelle de la caution, la cour d’appel, qui devait examiner de tels moyens qui étaient invoqués au soutien des prétentions, a violé les textes susvisés.
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