Engagement de caution : évaluation de la capacité financière et disproportion manifeste.

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Engagement de caution : évaluation de la capacité financière et disproportion manifeste.

L’Essentiel : La Caisse de Crédit Mutuel a accordé à la SARL Tan Kel un crédit de 190 000 euros, garanti par M. [K], gérant de la société. Suite à la liquidation judiciaire de la SARL le 21 septembre 2021, la Caisse a déclaré une créance de 126 511,49 euros et a mis en demeure M. [K] de rembourser 63 255,74 euros. Le tribunal a jugé, le 1er septembre 2023, que la demande était fondée, condamnant M. [K] à payer cette somme et 800 euros de frais de justice. M. [K] a interjeté appel, arguant de la disproportion de son engagement de caution.

Contexte du litige

La Caisse de Crédit Mutuel a accordé à la SARL Tan Kel un contrat de crédit de 190 000 euros pour la création d’un commerce de pêche et chasse, ainsi qu’un prêt-relais de 50 000 euros. Ces prêts étaient garantis par une garantie BPI Financement et par des engagements de caution solidaire de M. [K], gérant de la société, pour des montants respectifs de 102 000 euros et 60 000 euros.

Liquidation judiciaire de la SARL Tan Kel

Le tribunal de commerce du Puy-en-Velay a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Tan Kel le 21 septembre 2021. La Caisse de Crédit Mutuel a déclaré sa créance de 126 511,49 euros auprès du liquidateur et a mis en demeure M. [K] de rembourser 63 255,74 euros, correspondant à sa part en tant que caution solidaire.

Assignation en justice

Le 28 janvier 2022, la Caisse de Crédit Mutuel a assigné M. [K] devant le tribunal de commerce pour obtenir le paiement de la somme due, ainsi que des intérêts de retard et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Jugement du tribunal de commerce

Le tribunal a jugé, le 1er septembre 2023, que la demande de la Caisse de Crédit Mutuel était recevable et fondée. Il a condamné M. [K] à payer 63 255,74 euros, ainsi qu’une somme de 800 euros pour les frais de justice, tout en déboutant les parties de leurs autres demandes.

Appel de M. [K]

M. [K] a interjeté appel de ce jugement le 12 octobre 2023, soutenant que son engagement de caution était manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus au moment de la signature et lors de l’appel en paiement.

Arguments de M. [K]

M. [K] a fait valoir que ses seuls revenus étaient des indemnités de Pôle emploi et que son patrimoine était limité à la pleine propriété de son domicile familial. Il a également mentionné que la majorité de la soulte perçue lors de son divorce avait été investie dans sa société.

Réponse de la Caisse de Crédit Mutuel

La Caisse de Crédit Mutuel a contesté les arguments de M. [K], affirmant qu’il avait rempli une fiche patrimoniale sans endettement et qu’il était propriétaire d’un bien immobilier évalué à 75 000 euros. Elle a également souligné qu’il avait reçu la nue-propriété d’un autre bien immobilier évalué à 73 500 euros.

Motifs de la décision

Le tribunal a examiné la disproportion de l’engagement de caution selon les dispositions du code de la consommation. Il a conclu que, bien que l’engagement ait été disproportionné lors de sa conclusion, le patrimoine de M. [K] lui permettait de faire face à son obligation au moment où il a été appelé à payer.

Conclusion du jugement

Le jugement a été confirmé, condamnant M. [K] à payer la somme de 63 255,74 euros, ainsi qu’à régler 1 500 euros au titre des frais de justice. M. [K] a également été condamné aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature du contrat de cautionnement selon le Code civil ?

Le cautionnement est défini par l’article 2288 du Code civil, qui stipule que :

« Le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »

Ce contrat implique donc que la caution s’engage à rembourser la dette d’un tiers si ce dernier ne peut pas le faire.

Il est important de noter que le cautionnement est un engagement accessoire, ce qui signifie qu’il dépend de l’existence d’une obligation principale.

Ainsi, la caution ne peut être appelée à payer que si le débiteur principal fait défaut.

En l’espèce, M. [K] a accepté d’être caution pour la SARL Tan Kel, ce qui l’engage à rembourser la Caisse de Crédit Mutuel en cas de défaillance de la société.

Quelles sont les conditions de validité d’un engagement de caution selon le Code de la consommation ?

Les conditions de validité d’un engagement de caution sont régies par l’article L.341-4 ancien du Code de la consommation, qui précise que :

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

Cet article établit donc deux critères essentiels :

1. La disproportion manifeste de l’engagement de caution au moment de sa conclusion.
2. La capacité du patrimoine de la caution à faire face à son obligation au moment où elle est appelée.

La charge de la preuve de la disproportion incombe à la caution, qui doit démontrer que son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus au moment de la signature.

Comment s’apprécie la disproportion de l’engagement de caution ?

La disproportion de l’engagement de caution s’apprécie selon les déclarations faites par la caution dans la fiche patrimoniale, comme le stipule la jurisprudence.

En effet, la Cour de cassation a jugé que :

« Lorsque le créancier a recueilli les renseignements patrimoniaux auprès de la caution par le biais d’une fiche de renseignements, la disproportion s’apprécie au vu des déclarations de la caution dont le créancier, en l’absence d’anomalies apparentes, n’a pas à vérifier l’exactitude. »

Cela signifie que la fiche patrimoniale signée par M. [K] le 2 février 2018, dans laquelle il a déclaré ses revenus et son patrimoine, est déterminante pour apprécier la disproportion de son engagement.

Cependant, il est également précisé que des éléments d’actif ou de passif non déclarés mais dont le créancier ne pouvait ignorer l’existence peuvent être pris en compte.

Quelles sont les conséquences d’un engagement de caution manifestement disproportionné ?

Les conséquences d’un engagement de caution manifestement disproportionné sont énoncées dans l’article L.341-4 ancien du Code de la consommation, qui stipule que :

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus. »

Cela signifie que si la caution prouve que son engagement était disproportionné au moment de la conclusion, le créancier ne peut pas exiger le paiement de la dette.

Cependant, si le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée, le créancier peut alors se prévaloir de l’engagement de caution.

Dans le cas de M. [K], le tribunal a jugé que son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation au moment où il a été appelé, ce qui a conduit à la confirmation de la condamnation à payer.

Quelles sont les implications des articles 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

« La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans le cadre de ce litige, M. [K] a été condamné à payer à la Caisse de Crédit Mutuel une somme de 800 euros en première instance et 1 500 euros en appel, conformément à cet article.

Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie gagnante, permettant ainsi de réduire le coût de la procédure pour celle-ci.

La décision de condamner M. [K] aux dépens et à payer une somme au titre de l’article 700 reflète le principe selon lequel la partie perdante doit supporter les conséquences financières de son échec.

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 22 Janvier 2025

N° RG 23/01595 – N° Portalis DBVU-V-B7H-GCIS

ACB

Arrêt rendu le vingt deux Janvier deux mille vingt cinq

Sur APPEL d’une décision rendue le 1er septembre 2023 par le Tribunal de commerce du Puy en Velay

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Madame Anne Céline BERGER, Conseiller

En présence de : Mme Valérie SOUILLAT, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [W] [K].

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Nadine MASSON-POMOGIER de la SELARL OGMA, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C-63113-2023-03078 du 11/01/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

APPELANT

ET :

CREDIT MUTUEL [Localité 5]-[Localité 6]

Société coopérative de crédit à capital variable et à responsabilité statutairement limitée, immatriculée au RCS du Puy en Velay n° 316 345 099

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Karine PAYS de la SELARL PARALEX, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

INTIMÉE

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, à l’audience publique du 21 Novembre 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame BERGER, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 22 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Valérie SOUILLAT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon acte en date du 2 février 2018, la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] (ci-après Caisse de Crédit Mutuel) a consenti à la SARL Tan Kel :

– un contrat de crédit pour la création d’un commerce de pêche et chasse d’un montant de’ 190 »000 euros remboursable sur une durée de 85 mois ;

– un prêt-relais de TVA pro investissement d’un montant de 50 000 euros remboursable en une échéance en capital de 50 000 euros à la date du 5 janvier 2019.

Ce contrat de crédit était garanti par :

– la garantie BPI Financement pour le remboursement du capital, intérêts, frais et accessoires à hauteur de 50 % pour le prêt professionnel de 190 000 euros ;

– les engagements de caution solidaire de M. [W] [K], gérant de la société Tan Kel pour les deux concours financiers :

‘ au titre du prêt professionnel, celui-ci se portait caution solidaire dans la limite de 102 000 euros renonçant au bénéfice de discussion ;

‘ au titre du crédit relais il se portait caution solidaire dans la limite de 60 000 euros renonçant au bénéfice de discussion.

Par jugement du 21 septembre 2021, le tribunal de commerce du Puy-en-Velay a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Tan Kel.

La Caisse de Crédit Mutuel a régulièrement déclaré sa créance auprès du liquidateur par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 octobre 2021. La déclaration de créance a été effectuée pour la somme de 126.511,49 euros au titre du prêt professionnel selon décompte en date du 25/10/2021.

Par courrier du 25 octobre 2021, la Caisse de Crédit Mutuel a mis en demeure M. [K] de lui rembourser la somme de 63 255,74 euros correspondant à 50% de l’encours du crédit en sa qualité de caution solidaire.

Par acte d’huissier du 28 janvier 2022, la Caisse de Crédit Mutuel a assigné M. [K] devant le tribunal de commerce du Puy-en-Velay aux fins d’obtenir sa condamnation à lui payer au titre de son engagement de caution, la somme de 63 255,74 euros, outre intérêts de retard jusqu’à parfait règlement en exécution de son engagement de caution et une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 1er septembre 2023, le tribunal de commerce du Puy-en-Velay a :

– dit la demande de la Caisse de Crédit Mutuel recevable et bien fondée ;

– dit que la capacité financière de la caution était proportionnée au moment de la mise en cause de la caution ;

– en conséquence, a condamné M. [K] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel la somme de 63’255,74 euros, outre intérêts de retard jusqu’à parfait règlement ;

– condamné M. [K] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel une somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– débouté les parties de leurs autres demandes ;

– condamné M. [K] aux entiers dépens.

Le tribunal a énoncé que la banque a fait preuve de négligence en accordant le prêt sur la seule production d’une fiche patrimoniale dont le montant déclaré était manifestement insuffisant à couvrir l’engagement de caution. Ensuite, il a jugé, au vu des pièce produites et notamment de l’attestation du service de publicité foncière du 26 octobre 2021 établissant que M. [K] est propriétaire d’un bien immobilier à [Localité 4] reçu suite à une donation partage publiée le 26 juin 2017 pour un montant évalué dans l’acte de donation à 73 500 euros et la part lui revenant dans le cadre de liquidation du régime matrimonial suite à son divorce, que le patrimoine de M. [K], au moment où la caution est appelée, lui permet de faire face à son obligation.

Par déclaration du 12 octobre 2023, M. [K] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 12 janvier 2024, M. [K] a, au visa de l’article L.332-1 du code de la consommation, demandé à la cour de :

– déclarer recevable et bien fondé son appel contre le jugement rendu en date du 1er septembre 2023 par le tribunal de commerce du Puy-en-Velay et y faire droit ;

– en conséquence, infirmer le jugement déféré de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner la Caisse de Crédit Mutuel à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront ceux de première instance.

M. [K] invoque , au visa des dispositions de l’article L 332-1 du code de la consommation, l’existence d’un engagement de caution qui serait manifestement disproportionné et entraînerait l’impossibilité pour la banque de se prévaloir du cautionnement. Il soutient que cette disproportion existait au jour de son engagement dès lors qu’à cette époque ses seuls revenus étaient des indemnités versées par pôle emploi et que l’actif dont il était titulaire était limité à la pleine propriété du domicile familial détenu conjointement avec son épouse et évalué à la somme de 75’000 euros.

Par ailleurs, il déclare que la disproportion de son engagement existait également au jour où il a été appelé à exécuter son engagement de caution dans la mesure où la propriété de l’immeuble de [Localité 3] a bien été prise en compte lors de la souscription de son engagement et ne peut donc être considérée comme un élément qui serait venu améliorer sa situation. Il déclare que la majorité de la soulte perçue lors de son divorce a été investie au profit de sa société Tankel. Enfin, s’agissant de la nue-propriété du bien reçu en donation partage, il précise que cet élément existait déjà dans son patrimoine lors de l’engagement de caution et que ce bien ne représente aucune valeur susceptible d’être mobilisée compte tenu de l’usufruit existant sur ce bien et des réserves mentionnées dans l’acte (réserve du droit de retour, interdiction d’aliéner et d’hypothéquer).

En réponse, par conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 8 avril 2024, la Caisse de Crédit Mutuel , intimée, en demande à la cour de :

– la juger recevable et bien fondée en son appel incident ;

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a retenu l’existence d’une disproportion à la date de la signature des engagements de caution ;

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a jugé que la capacité financière de la caution

est proportionnée au moment de sa mise en cause et en ce qu’il a condamné M. [K] à lui payer la somme de 63 255,74 €, outre intérêts de retard jusqu’à parfait règlement ;

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné M. [K] au paiement de la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance.

– y ajoutant, condamner M. [K] au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens d’appel ;

– débouter M. [K] de l’ensemble de ses demandes.

La banque fait valoir qu’à l’occasion de la souscription de son engagement de caution, M. [K] a rempli une fiche patrimoniale dans laquelle il a déclaré qu’il n’avait pas d’endettement en cours, qu’il était propriétaire avec son épouse d’un bien immobilier à [Localité 3] évalué à la somme de 75 000 euros. Elle déclare qu’elle démontre en versant les états hypothéquaires pris par elle que M. [K] a reçu selon acte notarié du 26 juin 2017 la nue-propriété sur des lots de copropriété d’un immeuble situé à [Localité 4] évaluée à 73 500 euros. Elle en conclut qu’il n’existait pas de disproportion à la date de la signature de l’engagement de caution.

En second lieu, elle relève que c’est à juste titre que le tribunal a retenu l’absence de disproportion au moment où la caution est appelée en paiement.

Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé complet de leurs demandes et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2024.

MOTIFS :

Sur la disproportion de l’engagement de caution :

Suivant les dispositions de l’article 2288 du code civil, le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci.

Aux termes de l’article L.341-4 ancien du code de la consommation applicable à l’espèce, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Le champ d’application de cet article s’étend aux dirigeants, personnes physiques, qui peuvent se prévaloir de la disproportion de leur engagement lors de sa conclusion.

La caution supporte, lorsqu’elle l’invoque, la charge de la preuve que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Lorsque le créancier a recueilli les renseignements patrimoniaux auprès de la caution par le biais d’une fiche de renseignements, la disproportion s’apprécie au vu des déclarations de la caution dont le créancier, en l’absence d’anomalies apparentes, n’a pas à vérifier l’exactitude (Cass. com. 21 septembre 2022, n° 21-12.218). La fiche de renseignements remplie par la caution lie cette dernière quant aux biens et revenus qu’elle y déclare mais elle ne fait pas obstacle à ce que les éléments d’actif ou de passif dont le créancier ne pouvait ignorer l’existence soient pris en compte, ce, quand bien même ils n’auraient pas été déclarés.

En l’espèce, la Caisse de Crédit Mutuel produit la fiche patrimoniale signée par M. [K] le 2 février 2018 au terme de laquelle il a indiqué être marié sous le régime de la communauté avec Mme [C], percevoir des indemnités de pôle emploi à hauteur de 1 600 euros. Il a précisé que son épouse percevait des indemnité de 900 euros de pôle emploi, qu’ils n’avaient pas d’endettement en cours et qu’ils étaient propriétaires d’une maison située à [Localité 3] acquise en 1998 et évaluée à la somme de 75 000 euros.

La Caisse de Crédit Mutuel établit que selon acte notarié consenti le 26 juin 2017, soit antérieurement à l’engagement de caution, M. [K] avait reçu à titre de donation partage la nue-propriété sur des lots de copropriété d’un immeuble situé à [Localité 4] (43) évaluée dans l’acte de donation à la somme de 73 500 euros.

La disproportion manifeste de l’ engagement de caution s’apprécie par rapport aux biens de la caution sans distinction. Il en résulte que la nue’-propriété d’un bien immobilier doit être prise en compte dans la consistance du patrimoine, quand bien même elle ne pourrait être engagée pour l’exécution de la condamnation éventuelle de la caution, en l’absence d’accord de l’usufruitier.

Il apparaît ainsi que M. [K] disposait, au jour de la souscription de l’engagement de caution, avec son épouse de revenus annuels à hauteur de 30 000 euros (1 600 + 900 x 12) et d’un patrimoine immobilier de 148 500 euros (75 000 + 73 500). Il en ressort que son engagement de caution était manifestement disproportionné, la valeur de ses biens et de ses revenus ne lui permettant de faire face à son engagement de caution à hauteur de 162 000 euros, dès lors que l’exécution de l’ engagement de la caution ne lui laisserait pas le minimum vital nécessaire pour subvenir à ses besoins, étant relevé que les seuls revenus du couple sont constitués d’indemnités de pôle emploi lesquelles ne sont que provisoires et dégressives.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a dit que la Caisse de Crédit Mutuel ne pouvait se prévaloir de l’engagement de caution au moment de la signature de l’acte.

Il convient de déterminer si le patrimoine de la caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permet pas de faire face à son obligation. En effet, il résulte des dispositions in fine de l’article L.341-4 du code de la consommation, devenu l’article L.332-1, que la disproportion s’apprécie au moment de la formation du contrat et au moment où la caution est appelée ; un engagement initialement disproportionné peut trouver son équilibre dans le temps si la situation patrimoniale de la caution s’améliore.

Il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir que, au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

M. [K] a été appelé en paiement en octobre 2021 et assigné en paiement le 28 janvier 2022 à hauteur de 63 255,74 euros.

La Caisse de Crédit Mutuel justifie à cette date que :

– M. [K] était toujours nu-propriétaire d’un bien immobilier et que la nu-propriété de ce bien a été évaluée dans l’acte de donation à la somme de 73 500 euros ;

– à la suite du divorce du couple le bien immobilier situé à [Localité 3] a été évalué à une somme de 80 000 euros dont la moitié revenant à M. [K] au titre de ses droits dans la liquidation du régime matrimonial.

Dès lors, il est établi que le patrimoine de M. [K] au moment où la caution est appelée lui permet de faire face à son obligation.

En conséquence, le jugement qui a condamné M. [K] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel la somme de 63 255,74 euros avec intérêts de retard jusqu’à parfait règlement sera confirmé.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

M. [K], qui succombe, sera condamné aux dépens ainsi qu’à payer à la Caisse de Crédit Mutuel la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Condamne M. [W] [K] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [W] [K] aux dépens.

Le greffier La présidente


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