L’Essentiel : La cour a examiné l’engagement de caution de [R] [P] et a conclu que celui-ci était manifestement disproportionné par rapport à ses revenus de 25 600 euros. En conséquence, le Fct Absus a été déchu de son droit de se prévaloir du cautionnement, et toutes ses demandes de paiement ont été rejetées. De plus, la cour a constaté que la banque n’avait pas respecté son obligation de mise en garde envers [R] [P], engageant ainsi sa responsabilité. Concernant les dépens, le Fct Absus, partie perdante, a été condamné à rembourser les frais de première instance et d’appel.
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Prétentions de [R] [P]Les conclusions de [R] [P], notifiées le 30 janvier 2024, demandent la réformation du jugement qui a débouté ses demandes. Il sollicite la reconnaissance de la disproportion de son engagement de caution par rapport à ses revenus et à son patrimoine au moment de la souscription. [R] [P] affirme ne pas être une caution avertie et accuse la CRCAM de ne pas avoir respecté son obligation de mise en garde. Il demande également à être déchargé de son engagement de caution solidaire, le rejet des demandes de la CRCAM, le paiement de dommages et intérêts, ainsi que la mainlevée d’une inscription hypothécaire sur son bien immobilier. Réponse du Fct AbsusEn réponse, le Fct Absus, par ses conclusions du 25 mars 2024, demande la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Foix, sauf en ce qui concerne l’échelonnement de la dette de [R] [P]. Il conteste la demande de délai de paiement et réclame le paiement de 2 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que le remboursement des dépens. Le Fct Absus se positionne en tant que créancier, ayant acquis les droits du Crédit Agricole. Engagement de caution de [R] [P]La cour examine l’engagement de caution de [R] [P] en vertu de l’article L.332-1 du code de la consommation, qui stipule qu’un créancier ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution. Les éléments présentés montrent que les revenus annuels de [R] [P] étaient de 25 600 euros, avec un crédit en cours. La cour conclut que le cautionnement de 227 500 euros était manifestement disproportionné à ses capacités financières au moment de la souscription. Situation patrimoniale postérieureLe Fct Absus n’a pas fourni de preuves suffisantes concernant la situation patrimoniale de [R] [P] au moment de l’appel en paiement. Bien que les revenus de [R] [P] aient augmenté, cela ne prouve pas sa capacité à rembourser la dette. La cour déclare que le Fct Absus est déchu de son droit de se prévaloir du cautionnement, et rejette toutes les demandes de paiement à l’encontre de [R] [P]. Obligation de mise en garde de la banqueConcernant le manquement de la banque à son obligation de mise en garde, la cour rappelle que la banque doit avertir une caution non avertie des risques liés à l’engagement. [R] [P] soutient que la banque ne l’a pas informé des risques d’endettement. La cour conclut que la banque n’a pas prouvé qu’elle avait respecté son obligation de mise en garde, ce qui engage sa responsabilité. Demande de dommages et intérêtsLa cour rejette la demande de [R] [P] pour dommages et intérêts, considérant que son préjudice est nul puisque son cautionnement a été annulé. Le jugement de première instance est confirmé sur ce point. Frais irrépétibles et dépensLe jugement de première instance est infirmé concernant les dépens et frais irrépétibles. Le Fct Absus, partie perdante, est condamné à payer les dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’une somme de 1 500 euros à [R] [P] en application de l’article 700 du code de procédure civile. La demande du Fct Absus sur ce fondement est rejetée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de validité d’un engagement de caution selon le Code de la consommation ?L’article L332-1 du Code de la consommation stipule qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus. Cette disposition précise que le caractère disproportionné s’apprécie d’une part, au regard de l’ensemble des engagements souscrits par la caution, et d’autre part, de ses biens et revenus, sans tenir compte des revenus escomptés de l’opération garantie. Ainsi, l’engagement de caution ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus tels que déclarés par la caution, énonciations auxquelles le créancier est en droit de se fier. La sanction du caractère manifestement disproportionné de l’engagement de la caution est l’impossibilité pour le créancier de se prévaloir de cet engagement. Il appartient à la caution qui l’invoque de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement à la date à laquelle il a été souscrit. Quelles sont les obligations de mise en garde du créancier envers la caution ?Selon l’article 1382 du Code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Dans le cadre d’un engagement de caution, la banque a une obligation de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie, notamment lorsque l’engagement n’est pas adapté à ses capacités financières ou s’il existe un risque d’endettement. La banque doit informer la caution des risques liés à l’octroi d’un prêt inadapté à ses capacités financières, ce qui inclut le risque de non-paiement de l’engagement par le débiteur principal. Il est important de noter que le caractère averti de la caution ne peut être déduit uniquement de son statut de dirigeant d’une société. La banque doit prouver qu’elle a effectivement rempli son obligation de mise en garde. En l’absence de preuve de cette mise en garde, la responsabilité de la banque peut être engagée. Quels sont les effets d’un engagement de caution jugé disproportionné ?Lorsqu’un engagement de caution est jugé manifestement disproportionné, le créancier ne peut pas se prévaloir de cet engagement. Cela signifie que la caution peut être déchargée de son obligation de paiement. Dans le cas présent, la cour a constaté que l’engagement de caution consenti par [R] [P] était manifestement disproportionné à ses biens et revenus au moment de sa conclusion. En conséquence, le Fonds commun de titrisation Absus a été déchu de son droit de se prévaloir de cet engagement, et toutes les demandes en paiement formulées à l’encontre de [R] [P] ont été rejetées. Cela illustre l’importance de l’évaluation des capacités financières de la caution au moment de la conclusion de l’engagement, ainsi que la nécessité pour le créancier de respecter ses obligations de mise en garde. |
ARRÊT N° 425
N° RG 23/01016 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PKMA
MN / CD
Décision déférée du 20 Février 2023 – Tribunal de Commerce de FOIX – 2021J00052
M. ROOSEN
[R] [P]
C/
Caisse CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MED ITERRANEE
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
Me Marion LAVAL
Me Regis DEGIOANNI
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANT
Monsieur [R] [P]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Marion LAVAL, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME
FONDS COMMUN DE TITRISATION ABSUS,
représenté par la société IQ EQ MANAGEMENT, société de gestion de portefeuille agréée par l’autorité des marchés financiers sous le numéro GP02-023 dûment représentée par son Mandataire social précité, ayant aux fins de recouvrement désigné MCS TM, venant aux droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Regis DEGIOANNI de la SCP DEGIOANNI – PONTACQ – GUY-FAVIER, avocat au barreau D’ARIEGE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. NORGUET, Conseillère, chargée du rapport et F. PENAVAYRE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
M. NORGUET, conseillère
F. PENAVAYRE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Greffier, lors des débats : N.DIABY
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.
Faits et procédure :
Par acte authentique du 9 janvier 2014, l’Eurl Viandes et Délices Del Barot a souscrit auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée (ci-après le Crédit Agricole ou la banque), un prêt professionnel d’un montant de 175 000 euros, remboursable en 180 mensualités, au taux d’intérêt de 4,45% l’an, afin d’acquérir et restructurer des bâtiments d’exploitation.
Par acte sous seing privé du 20 décembre 2013, [R] [P], le gérant, et son épouse, [J] [P], s’étaient portés cautions personnelles et solidaires des engagements de l’Eurl Viandes et Délices Del Barot au bénéfice du Crédit Agricole dans la limite de la somme de 227 500 euros couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard.
Par jugement du 14 février 2019, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de l’Eurl Viandes et Délices Del Barot, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 30 juillet 2019 et clôturée pour insuffisance d’actif par jugement du 1er juillet 2021.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 février 2019, le Crédit Agricole a déclaré sa créance entre les mains du mandataire liquidateur, Maître [S] pour la somme de 165 999,71 euros. Cette créance a été admise par ordonnance du juge commissaire du 3 mars 2020 pour un montant de 2 149,69 euros à titre privilégié hypothécaire échu et 153 621,31 euros.
Dans le cadre du règlement de la procédure de liquidation judiciaire, le Crédit Agricole a indiqué avoir reçu du mandataire liquidateur la somme de 20 186, 24 euros.
Par lettres recommandées du 9 août 2019, les cautions ont été mises en demeure d’avoir à régler les sommes restant dues au titre de leur engagement.
Le 17 septembre 2021, le Crédit Agricole a assigné [R] [P] devant le tribunal de commerce de Foix en paiement des sommes restant dues s’établissant à 136 916,20 euros selon décompte du 5 août 2021.
Suite à son assignation, en sa qualité de caution, par le Crédit Agricole devant le tribunal judiciaire de Toulouse, [J] [P] s’est vue déchargée de cet engagement, reconnu disproportionné à ses biens et revenus, par jugement le 13 février 2013.
Par jugement du 20 février 2023, le tribunal de commerce de Foix a :
condamné [R] [P] à payer, au titre de son engagement de caution, à la société Crédit Agricole la somme de 136 916,20 euros, outre intérêts au taux de 7,45% à compter du 5 août 2021 jusqu’à complet règlement,
dit que la société Crédit Agricole n’a pas manqué à son obligation de mise en garde,
rejeté la demande indemnitaire de [R] [P],
accordé à [R] [P] un échelonnement de la dette sur 24 mois à compter de la signification du présent jugement,
rejeté toute autre demande,
condamné [R] [P] à payer à la société Crédit Agricole une indemnité de 1000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
condamné [R] [P] aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 20 mars 2023, [R] [P] a relevé appel du jugement du tribunal de commerce de Foix aux fins de le voir réformé en intégralité.
Par conclusions d’incident du 7 août 2023, le Crédit Agricole a sollicité du conseiller de la cour d’appel de Toulouse en charge de la mise en état la radiation de l’affaire pour défaut d’exécution du jugement de première instance assorti de l’exécution provisoire. Le conseiller en charge de la mise en état a rejeté la demande de radiation par ordonnance du 14 décembre 2023.
La société Mcs et associés a acquis la créance du Crédit Agricole sur [R] [P] et inscrit le 27 septembre 2023, une hypothèque judiciaire provisoire sur un bien immobilier lui appartenant, sis commune de [Localité 11], section D n°[Cadastre 8].
Le 31 janvier 2024, la société Mcs et associés a cédé sa créance au Fonds commun de titrisation Absus (ci-après Fct Absus.)
L’ordonnance de clôture a été rendue en date du 5 août 2024. L’affaire a été fixée à l’audience du 11 septembre 2024.
Deux rappels ont été faits à l’intimée par message RPVA du greffe, envoyé le 10 octobre 2024 ainsi que, le 17 octobre 2024, l’invitant à régulariser le timbre. L’intimée a réglé celui-ci le 21 octobre 2024.
Vu les conclusions notifiées le 30 janvier 2024, auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, et dans lesquelles [R] [P] sollicite, au visa des articles 2293 alinéa 2 et 1343-5 du code civil et L341-4 et L332-1 du Code de la consommation de :
à titre principal, la réformation du jugement entrepris en ce qu’il a débouté [R] [P] de ses demandes,
la reconnaissance que l’engagement de caution de [R] [P] était disproportionné au moment de sa souscription à ses patrimoine et revenus,
la reconnaissance qu'[R] [P] n’était pas une caution avertie,
la reconnaissance que la CRCAM a manqué à son obligation de mise en garde,
en conséquence, qu'[R] [P] soit déchargé de son engagement de caution solidaire souscrit au profit de l’Eurl Viandes et Délices Del Barot,
le rejet de l’ensemble de ses demandes de la CRCAM,
la condamnation de la CRCAM au paiement de la somme de 136 916,20 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de mise en garde,
que soit ordonnée la mainlevée de l’inscription hypothécaire prise sur le bien immobilier commune de [Localité 11] section D n°[Cadastre 8],
à titre subsidiaire, la constatation que la caution n’est pas, à ce jour, en mesure de faire face au paiement de sa dette,
l’octroi d’un échelonnement de la dette sur 24 mois,
en toutes hypothèses, la condamnation de la CRCAM au paiement de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.
En réponse, vu les conclusions notifiées en date du 25 mars 2024, auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, et dans lesquelles le Fct Absus demande, au visa des articles L332-1 du Code de la consommation et 1343-5 du code civil :
la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Foix en date du 20 février 2023 en toutes ses dispositions à l’exception de celle ayant accordé à [R] [P] un échelonnement de sa dette de 24 mois,
statuant de nouveau de ce chef, le rejet de la demande de délai de paiement formulée par [R] [P],
en toute hypothèse, la condamnation d'[R] [P] à payer au Fct Absus, ayant pour société de gestion la société Iq Eq Management, au RCS de Paris sous le numéro 431 252 121, dont le siège social est à [Localité 9] [Adresse 7], et représenté par son entité en charge du recouvrement, la société Mcs Tm, société par action simplifiée, immatriculée au RCS de Paris ([Localité 6]), [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège venant aux droits de Mcs et Associés, société par actions simplifiée immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 334 537 206, dont le siège social est à [Localité 10] [Adresse 3], en vertu d’un bordereau de cession de créances conformes aux dispositions du code monétaire et financier, en date du 31 janvier 2024 elle-même venant aux droits du Crédit Agricole, en vertu d’un bordereau de cession conforme aux dispositions du code monétaire et financier en date du 2 mars 2023, une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La cour prend acte que le Fct Absus, intervenant volontaire, vient aux droits de la société Mcs et Associés, qui venait elle-même aux droits du Crédit Agricole, en vertu du bordereau de cession de créances du 31 janvier 2024 conformément aux dispositions de l’article L313-27 du Code monétaire et financier.
Sur l’engagement de caution d'[R] [P] du 20 décembre 2013
Aux termes de l’article L.332-1 du code de la consommation, applicable à l’engagement en cause, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Le caractère disproportionné s’apprécie d’une part, au regard de l’ensemble des engagements souscrits par la caution, d’autre part de ses biens et revenus, sans tenir compte des revenus escomptés de l’opération garantie. L’engagement de caution ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus tels que déclarés par la caution, énonciations auxquelles le créancier est en droit de se fier et dont, en l’absence d’anomalies apparentes, il n’a pas à vérifier l’exactitude ou l’exhaustivité.
La sanction du caractère manifestement disproportionné de l’engagement de la caution est l’impossibilité pour le créancier de se prévaloir de cet engagement.
Il appartient à la caution qui l’invoque de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement à la date à laquelle il a été souscrit et au créancier professionnel, qui entend malgré tout se prévaloir d’un engagement de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion, d’établir qu’au moment où il appelle la caution en paiement, le patrimoine de celui-ci permet de faire face à son obligation.
Lors que la caution est mariée sous le régime légal, l’ensemble des biens communs et notamment les revenus du conjoint doivent être pris en considération pour l’évaluation des biens et revenus du garant au moment de la conclusion de l’engagement.
Le Fct Absus renvoie aux mentions d’une fiche patrimoniale qui n’est pas produite au dossier de la cour.
Cependant, [R] [P] ne conteste pas l’existence d’une telle fiche ainsi que les mentions qui y figuraient relativement à ses revenus annuels au jour de l’engagement. Les revenus annuels communs du couple, marié sous le régime légal, y figuraient pour la somme de 25 600 euros.
L’appelant produit à la cour les avis de non imposition délivrés en 2014 sur les revenus communs annuels déclarés imposables pour l’année 2013 qui étaient alors de 22 606 euros.
[R] [P] indique qu’à cette époque, le couple n’était propriétaire d’aucun bien et qu’ils avaient un crédit en cours de 18 000 euros avec des charges mensuelles de 500 euros. Il ne justifie cependant pas de ce dernier point.
Pour justifier du caractère proportionné du cautionnement à cette date au delà de ces éléments, le Fct Absus produit les documents comptables de l’Eurl Viandes et Délices Del Barot arrêtés au 31 décembre 2012 puis au 30 juin 2013 ainsi qu’un prévisionnel d’exploitation pour l’année 2013, communiqués par l’emprunteuse au moment de la conclusion du prêt.
L’examen de ces documents révèle l’existence d’un compte courant de l’associé unique, [R] [P], pour un montant de 56 834 euros au 30 juin 2013 ainsi qu’un capital social libéré à hauteur de 21 500 euros. La valeur des parts sociales d'[R] [P] ne peut cependant être évaluée avec les seuls éléments produits.
La cour ne peut pas plus, comme l’y invite l’intimée, supputer sur le montant exact des capitaux mobiliers détenus par le couple en 2013 et ayant donné lieu à une déclaration de revenus imposable à hauteur de 1 euro.
Dès lors, à la date de l’engagement de caution, les biens et revenus d'[R] [P] étaient constitués de revenus annuels communs imposables de 25 600 euros au mieux, d’un compte courant associé d’un montant de 56 834 euros et de capitaux mobiliers et de parts sociales dans l’Eurl dont la valeur, certes non-nulle, ne peut être évaluée.
Avec les éléments soumis à son analyse, la cour en conclut que le cautionnement, consenti à hauteur de 227 500 euros couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard, était bien manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution au 20 décembre 2013.
Le Fct Absus est fondé à démontrer que le patrimoine de la caution lui permettait, au jour de l’appel en paiement soit de l’assignation initiale du 17 septembre 2021, de faire face à sa dette de 136 916,20 euros.
Les éléments développés par l’intimée en lien avec la situation patrimoniale d'[R] [P] postérieurement au 17 septembre 2021 sont inopérants.
Le Fct Absus ne produit aucun document permettant d’évaluer la situation patrimoniale d'[R] [P] au jour de l’appel en paiement.
[R] [P] produit de son côté un avis d’imposition pour l’année 2022 sur les revenus communs 2021 aux termes duquel les revenus communs annuels imposables s’établissaient à 36 905 euros ainsi qu’un échéancier de leasing de véhicule débutant au 20 août 2021 avec des échéances mensuelles de 171,65 euros.
Cette seule augmentation des revenus annuels du couple ne permet pas de considérer que la caution était en mesure d’acquitter sa dette au jour de l’appel en paiement.
Le Fct Absus est donc déchu du droit de se prévaloir du cautionnement consenti. Le jugement de première instance est infirmé en ce qu’il a considéré que le créancier pouvait s’en prévaloir et a accueilli les demandes en paiement.
L’ensemble des demandes en paiement du Fct Absus formulées à l’encontre d'[R] [P] est rejeté.
Il est ordonné la mainlevée de l’inscription hypothécaire prise le 26 décembre 2023 sur son bien immobilier, détenu depuis une date inconnue sur la commune de Trun (61), section D n°[Cadastre 8] en exécution de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Foix le 20 février 2023.
Sur le manquement de la banque à son obligation de mise en garde de la caution
Aux termes de l’article 1382 du code civil, dans sa version applicable aux faits en cause, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
[R] [P] soutient que la banque a manqué à son obligation de mise en garde à son égard en ne le prévenant pas des risques d’endettement liés à l’octroi à l’Eurl Viandes et Délices Del Barot d’un prêt inadapté à ses capacités financières et donc du risque de non paiement de son engagement par la débitrice principale. Il demande la condamnation de la banque au paiement de la somme de 136 916,20 euros à titre de dommages et intérêts.
Le Fct Absus venant aux droits de la banque conteste tout devoir de mise en garde, la caution étant avertie et le prêt étant adapté aux capacités financières de l’Eurl, débitrice principale.
La banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie alternativement lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté à ses capacités financières ou s’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, inadapté aux capacités financières de l’emprunteur et créant un risque de défaillance caractérisée du débiteur principal.
C’est en vain que la banque soutient le caractère averti de la caution du seul fait qu’elle était dirigeante de l’Eurl Viandes et Délices Del Barot, quand bien même la société aurait été immatriculée en 2006. La banque ne rapporte la preuve d’aucune circonstance particulière pouvant contredire l’affirmation par la caution de son caractère non averti. La cour note que l’appelant exploite par le biais de son Eurl un fonds de commerce de boucherie, qui comprend 4 salariés, ce qui ne le rend pas, en l’absence de tout autre élément relatif à sa formation et son parcours professionnel, plus avisé en matière financière et d’octroi de crédit.
Sur la base des éléments de preuve rapportés par la caution, le cautionnement consenti a été reconnu manifestement disproportionné à ses biens et revenus au moment de sa conclusion de sorte que la question de l’adaptation du prêt consenti à la débitrice principale est surabondante et que la banque était bien débitrice d’une obligation de mise en garde à l’égard de la caution. Le Fct Absus est défaillant à rapporter la preuve que la banque a effectivement rempli son obligation à l’égard d'[R] [P].
Ce manquement est de nature à engager sa responsabilité à l’égard de la caution.
Le préjudice subi par la caution ne peut consister qu’en une perte de chance de ne pas conclure le cautionnement, laquelle doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
[R] [P] étant déchargé dudit cautionnement dans le cadre de la présente décision, le préjudice découlant de la perte de la chance de ne pas contracter cet engagement est nul.
Dès lors, sa demande de dommages et intérêts est rejetée.
Le jugement de première instance est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire d'[R] [P] de ce chef.
Sur les frais irrépétibles,
Infirmé intégralement, le jugement de première instance le sera également sur ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.
Le Fct Absus, partie succombante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
Les circonstances de l’espèce justifient que le Fct absus soit condamné à verser la somme de 1 500 euros à [R] [P] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Le Fct Absus est débouté de sa propre demande formulée sur ce fondement.
La Cour,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire d'[R] [P] au titre du devoir de mise en garde de la banque à son égard,
Et, statuant à nouveau des chefs infirmés,
Constate la disproportion manifeste de l’engagement de caution conclu par [R] [P] le 20 décembre 2013 à ses biens et revenus,
Constate l’absence de preuve de la possibilité pour la caution de faire face à sa dette au jour de l’appel en paiement,
En conséquence, déchoit le Fonds commun de titrisation Absus du droit de se prévaloir de cet engagement,
Rejette l’ensemble des demandes formulées par le Fonds commun de titrisation Absus à l’encontre d'[R] [P],
Y ajoutant,
Ordonne la mainlevée de l’inscription hypothécaire prise sur le bien immobilier appartenant à [R] [P], sis commune de Trun (61), section D n°[Cadastre 8] en exécution de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Foix le 20 février 2023,
Condamne le Fonds commun de titrisation Absus aux dépens de première instance et d’appel,
Condamne le Fonds commun de titrisation Absus à verser à [R] [P] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute le Fonds commun de titrisation Absus de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente.
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