L’Essentiel : En octobre 2023, la cour a déclaré nul l’engagement de caution de [E] [R] du 23 janvier 2007, en raison de l’absence de mention manuscrite. Les engagements de 2005 et 2007 ont également été jugés disproportionnés par rapport à la situation financière de [E] [R]. Le jugement de première instance a été infirmé, et le Crédit Lyonnais a été déchu de ses droits sur ces engagements. La banque a été condamnée aux dépens, tandis que les demandes des parties au titre de l’article 700 du CPC ont été rejetées.
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Engagements de caution[E] [R] a agi en tant que caution pour la SA Le Crédit Lyonnais, garantissant des prêts souscrits par la SCI Camboulan, d’un montant de 100.000 euros en janvier 2007 et de 240.000 euros en décembre 2005, ainsi qu’un solde débiteur de 78.000 euros pour la SARL [R] Group. Procédures collectivesLa SCI Camboulan et la SARL [R] Group, toutes deux gérées par [E] [R], ont été soumises à des procédures collectives. La SCI a été placée sous redressement judiciaire en juin 2015, avec un plan de redressement arrêté en octobre 2016. La SARL a été mise en redressement judiciaire en mars 2015, puis en liquidation judiciaire en février 2016. Surendettement et décisions judiciairesEn avril 2016, la commission de surendettement a déclaré recevable la requête de [E] [R]. En juillet 2017, le tribunal d’instance a fixé les créances du Crédit Lyonnais. Une demande de prolongation des mesures de suspension des créances a été rejetée en novembre 2018. En août 2019, la commission a décidé d’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, entraînant l’effacement des créances du Crédit Lyonnais. Contestation et déchéanceLe Crédit Lyonnais a contesté cette décision, accusant [E] [R] de dissimulation de patrimoine. En octobre 2020, le tribunal a prononcé la déchéance de [E] [R] du bénéfice de la procédure de surendettement pour avoir fraudé ses créanciers. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel en mars 2021. Assignation et jugement de première instanceEn janvier 2021, le Crédit Lyonnais a assigné [E] [R] pour le paiement des sommes dues en tant que caution. En décembre 2021, le tribunal a déclaré irrecevables les conclusions de [E] [R], a confirmé l’exigibilité des créances de la banque et a condamné [E] [R] à payer des sommes spécifiques, tout en déduisant les intérêts et pénalités. Appel et décisions ultérieuresEn novembre 2022, [E] [R] a fait appel de ce jugement. En octobre 2023, le magistrat a déclaré l’appel recevable, a débouté le Crédit Lyonnais de ses demandes et a condamné la banque à verser une somme à [E] [R] au titre des frais de justice. Prétentions des parties[E] [R] a demandé l’infirmation du jugement de première instance, la nullité de son engagement de caution et la décharge de ses obligations. La SA LCL a demandé la confirmation du jugement initial et la condamnation de [E] [R] à des sommes supplémentaires. Nullité de l’engagement de cautionLa cour a constaté que l’engagement de caution du 23 janvier 2007 était nul, car [E] [R] n’avait pas apposé de sa main la mention manuscrite requise. De plus, les engagements de caution du 21 décembre 2005 et du 5 décembre 2007 ont été jugés manifestement disproportionnés par rapport à la situation financière de [E] [R]. Conclusion et décisions finalesLa cour a infirmé le jugement de première instance, prononcé la nullité de l’engagement de caution du 23 janvier 2007, et a déchu le Crédit Lyonnais de ses droits sur les autres engagements de caution. La banque a été condamnée aux dépens, et les demandes des parties au titre de l’article 700 du CPC ont été déboutées. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences de la nullité de l’engagement de caution du 23 janvier 2007 ?La nullité de l’engagement de caution du 23 janvier 2007 a pour effet d’annuler toutes les obligations qui en découlent pour [E] [R]. En vertu de l’article L341-2 ancien du Code de la consommation, il est stipulé que « toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante… ». Cette mention manuscrite est essentielle pour la validité de l’engagement de caution. Dans le cas présent, la cour a constaté que la mention manuscrite et la signature de [E] [R] sur l’acte de caution du 23 janvier 2007 diffèrent de celles des autres engagements, ce qui a conduit à la conclusion que [E] [R] n’avait pas apposé sa signature de sa main. Ainsi, la nullité de cet engagement entraîne l’irrecevabilité de toute demande de paiement fondée sur cet acte, et [E] [R] est déchargé de toute obligation envers la SA Le Crédit Lyonnais LCL à ce titre. Comment la disproportion manifeste des engagements de caution peut-elle être établie ?La disproportion manifeste des engagements de caution est régie par l’article L341-4 du Code de la consommation, qui stipule qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus. Pour établir cette disproportion, il appartient à la caution de prouver que ses engagements sont manifestement disproportionnés à ses revenus et à son patrimoine au moment de la souscription de l’engagement. Dans cette affaire, [E] [R] a produit des avis d’imposition et a démontré que ses revenus annuels étaient largement inférieurs au montant des engagements de caution. La cour a également pris en compte le fait que [E] [R] n’avait pas d’autres biens ou revenus significatifs à la date de la souscription des engagements. Ainsi, la cour a conclu que l’engagement de caution du 21 décembre 2005 était manifestement disproportionné par rapport aux biens et revenus déclarés de [E] [R] au moment de sa souscription. Quelles sont les implications du plan de redressement de la SCI Le Camboulan sur les créances de la banque ?Le plan de redressement de la SCI Le Camboulan, tel que prévu par l’article L622-29 du Code de commerce, a pour effet de suspendre les créances antérieures à la procédure de redressement judiciaire. Cependant, la cour a jugé que ce plan de redressement est sans effet sur l’exigibilité des créances de la banque contre la caution. Cela signifie que même si la SCI bénéficie d’un plan de redressement, cela n’affecte pas les droits de la banque de réclamer le paiement des sommes dues par la caution. En effet, l’article L631-14 du Code de commerce précise que les créanciers peuvent toujours agir contre les cautions, même en cas de redressement judiciaire de la société cautionnée. Ainsi, la banque peut continuer à faire valoir ses créances contre [E] [R], malgré le plan de redressement de la SCI. Quels sont les effets de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels pour la banque ?La déchéance du droit aux intérêts conventionnels, prononcée par le tribunal, a des conséquences significatives pour la SA Le Crédit Lyonnais LCL. En vertu de l’article 1231-6 du Code civil, la déchéance des intérêts signifie que la banque ne peut plus exiger le paiement des intérêts sur les sommes dues par [E] [R]. Cela implique que les sommes versées par le débiteur s’imputent d’abord sur le principal de la dette, ce qui réduit le montant total que [E] [R] doit rembourser. La cour a confirmé cette déchéance, ce qui signifie que la banque ne peut plus réclamer d’intérêts sur les créances, ce qui pourrait avoir un impact sur le montant total que [E] [R] doit rembourser à la banque. En conséquence, la banque doit se contenter de récupérer uniquement le principal de la dette, sans intérêts supplémentaires. Quelles sont les conséquences de la décision de la cour d’appel sur les demandes accessoires des parties ?La cour d’appel a statué sur les demandes accessoires des parties en confirmant certaines décisions du tribunal de première instance tout en infirmant d’autres. Elle a notamment débouté les parties de leurs demandes en application de l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet de demander le remboursement des frais irrépétibles. Cela signifie que ni [E] [R] ni la SA Le Crédit Lyonnais LCL ne recevront de compensation pour les frais engagés dans le cadre de la procédure. La cour a également condamné la SA Le Crédit Lyonnais LCL aux entiers dépens de première instance et d’appel, ce qui signifie que la banque devra supporter l’ensemble des frais de la procédure, y compris ceux de [E] [R]. Cette décision souligne l’importance de la situation respective des parties et des circonstances particulières du litige dans l’appréciation des demandes accessoires. |
ARRÊT N°417
N° RG 22/03986 – N° Portalis DBVI-V-B7G-PC4R
VS / CD
Décision déférée du 06 Décembre 2021 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE – 21/00238
M. GUICHARD
[E] [R]
C/
S.A. LCL LE CREDIT LYONNAIS
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
Me Laurie DELAS
Me Olivier THEVENOT
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANT
Monsieur [E] [R]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Laurie DELAS, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 31555/2022/017568 du 21/11/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMEE
S.A. LCL LE CREDIT LYONNAIS,
représenté par ses dirigeants légaux demeurant en leur qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Olivier THEVENOT de la SELARL THEVENOT MAYS BOSSON, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant V. SALMERON, Présidente, chargée du rapport et M. NORGUET, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère
M. NORGUET, conseillère
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.
[E] [R] s’est porté caution auprès de la SA Le Crédit Lyonnais
– d’une part au titre de prêts souscrits par la SCI Camboulan, pour :
100.000 euros le 18 janvier 2007 au taux de 4,506%,
240.000 euros le 8 décembre 2005 au taux de 3,25%.
– d’autre part au titre du solde débiteur du compte courant de la société SARL [R] Group dans la limite de 78 000 euros.
La SCI Camboulan et la SARL [R] group, gérées par [E] [R] associé majoritaire, ont fait l’objet de procédures collectives.
Par jugement du TGI de Toulouse du 23 juin 2015, la SCI a été placée sous redressement judiciaire. Le 27 octobre 2016, un plan de redressement a été arrêté.
La SARL [R] group a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 24 mars 2015, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 9 février 2016.
Parallèlement, par décision du 28 avril 2016 la commission de surendettement des particuliers du Tarn et Garonne a déclaré recevable la requête en surendettement de [E] [R].
Par jugement du tribunal d’instance de Montauban du 28 juillet 2017 devenu définitif, les 4 créances du Crédit Lyonnais ont été fixées dans leur montant.
Par courrier du 18 avril 2018, [E] [R] a demandé à bénéficier de la prolongation des mesures de suspension des créances ; laquelle a été rejetée par le tribunal d’instance de Montauban par jugement du 5 novembre 2018.
Par LRAR du 29 août 2019, la commission de surendettement a notifié au Crédit Lyonnais qu’elle avait décidé de faire bénéficier [E] [R] d’une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire emportant effacement des créances détenues par le Crédit Lyonnais à son égard compte tenu de sa situation irrémédiablement compromise et le défaut d’actifs réalisables.
Après contestation de la décision par le Crédit lyonnais pour dissimulation d’une partie de son patrimoine et organisation de son insolvabilité,, par jugement du 1er octobre 2020, le tribunal d’instance de Montauban a prononcé la déchéance à l’encontre de [E] [R] du bénéfice de la procédure de surendettement pour avoir « délibérément détourné une partie de son patrimoine de la procédure de surendettement en fraude aux droits de ses créanciers » en diluant sa participation dans le capital social de la SCI le Camboulan et en cédant ses parts à son fils pour 1 euro. [E] [R] a relevé appel de ce jugement.
Par arrêt du 18 mars 2021, la cour d’appel de Toulouse a confirmé le jugement en précisant que [E] [R] avait contrevenu à l’interdiction de procéder à des actes de disposition et dissimulé un patrimoine successoral.
Par acte d’huissier de justice du 7 janvier 2021, la SA le Crédit Lyonnais LCL a assigné [E] [R] pour le voir condamné à payer diverses sommes en exécution de ses engagements de caution de la SCI Camboulan et de la sarl [R] Group et pour dire inopposables des opérations intervenues au capital de la société civile, sur le fondement de l’action paulienne.
Par jugement en date du 6 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
– dit irrecevables les conclusions et le dossier déposés par [E] [R], gérant de la SCI Le Camboulan
– dit que le plan de redressement dont bénéficie la SCI Le Camboulan est sans effet sur l’exigibilité des créances de la banque contre la caution
– déchu la banque LCL du droit de percevoir les intérêts conventionnels et l’a déchu de même du droit de percevoir les pénalités et dit que les sommes versées par le débiteur s’imputent d’abord sur le principal de la dette
– en conséquence, condamné [E] [R] à payer à la SA le Crédit lyonnais LCL la somme de 75 563,12 euros et la somme de 14.259,30 euros avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation
– débouté [E] [R] de sa demande de délais de paiement
– condamné [E] [R] aux dépens de l’action en paiement et à payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– sur l’action paulienne invité la demanderesse à fournir toutes explications de droit et au demandeur à y répondre s’il l’entend
– dit que l’affaire serait rappelée à l’audience de mise en état électronique du 27 avril 2022
– ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration en date du 16 novembre 2022, [E] [R] a relevé appel des chefs du jugement qui ont :
– dit que le plan de redressement dont bénéficie la SCI Le Camboulan est sans effet sur l’exigibilité des créances de la banque contre la caution
– déchu la banque LCL du droit de percevoir les intérêts conventionnels et l’a déchu de même du droit de percevoir les pénalités et dit que les sommes versées par le débiteur s’imputent d’abord sur le principal de la dette
– en conséquence, condamné [E] [R] à payer à la SA le Crédit lyonnais LCL la somme de 75 563,12 euros et la somme de 14.259,30 euros avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation
– débouté [E] [R] de sa demande de délais de payement
– condamné [E] [R] aux dépens de l’action en paiement et à payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 12 octobre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a :
– déclaré l’appel de [E] [R] du 16 novembre 2022 recevable
– débouté la SA LCL Crédit Lyonnais de ses demandes
– condamné la SA LCL Crédit Lyonnais aux dépens de l’incident
– condamné la SA LCL Crédit Lyonnais à verser à [E] [R] la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du cpc.
La clôture est intervenue le 12 avril 2024.
Prétentions et moyens des parties :
Vu les conclusions notifiées le 14 février 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de [E] [R] demandant, au visa des articles L341-2 ancien, L341-4 ancien et L341-4 ancien devenu L333-2 du Code de la Consommation, L622-29 et L631-14 du Code de Commerce, de :
A titre principal :
– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il condamne Monsieur [E] [R] à payer à la SA LE CREDIT LYONNAIS LCL la somme de 75.563,12 € et la somme de 14.259,30 € avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
Statuant à nouveau
– Prononcer la nullité de l’engagement de caution du 23 janvier 2007,
– Déclarer inopposables à Monsieur [E] [R] les engagements de caution des 21 décembre 2005, 23 janvier 2007 et 5 décembre 2007 auprès de la SA LE CREDIT LYONNAIS LCL,
– Juger que Monsieur [E] [R] est déchargé de toute obligation au titre des engagements de caution des 21 décembre 2005, 23 janvier 2007 et 5 décembre 2007 auprès de la SA LE CREDIT LYONNAIS LCL,
– Débouter par conséquent le CREDIT LYONNAIS LCL de l’intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire :
– Confirmer le Jugement dont appel en ce qu’il a déchu le CREDIT LYONNAIS LCL du droit de percevoir les intérêts conventionnels et l’a déchu de même du droit de percevoir les pénalités et dit que les sommes versées par le débiteur s’imputent d’abord sur le principal de la dette.
– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il condamne Monsieur [E] [R] à payer à la SA LE CREDIT LYONNAIS LCL la somme de 75.563,12 € et la somme de 14.259,30 € avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
– Statuant à nouveau :
– Juger que Monsieur [E] [R] n’est redevable d’aucune somme au titre de l’engagement de caution du 21 décembre 2005, en garantie du contrat de prêt de 240.000 € consenti par la SA LE CREDIT LYONNAIS LCL à la SCI LE CAMBOULAN,
– Juger que Monsieur [E] [R] n’est redevable d’aucune somme au titre de l’engagement de caution du 23 janvier 2007, en garantie du contrat de prêt de 100.000 € consenti par la SA LE CREDIT LYONNAIS LCL à la SCI LE CAMBOULAN,
– Limiter les sommes dues au titre de l’engagement de caution du 5 janvier 2007 à la somme de 13.852,31 €,
– Débouter par conséquent la SA LE CREDIT LYONNAIS de l’intégralité de ses demandes,
A titre très subsidiaire :
– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il :
– Dit que le plan de redressement dont bénéficie la SCI LE CAMBOULAN est sans effet sur l’exigibilité des créances de la banque contre la caution,
– Condamne Monsieur [E] [R] à payer à la SA LE CREDIT LYONNAIS LCL la somme de 75.563,12 €,
– Juger que les sommes dues au titre des contrats de prêt de 100.000 € et 240.000 € consentis par le CREDIT LYONNAIS LCL à la SCI LE CAMBOULAN ne sont pas exigibles,
En toutes hypothèses :
– Condamner la SA LCL LE CREDIT LYONNAIS à payer à Monsieur [E] [R] la somme de 4.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
-Condamner la SA LCL LE CREDIT LYONNAIS aux entiers dépens.
Vu les conclusions notifiées le 11 avril 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la SA LCL demandant de :
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Mr [E] [R] à lui payer la somme de 75 563,12 € et la somme de 14 259,30 € avec intérêts au taux légal au jour de l’assignation, en ce qu’il a débouté Mr [E] [R] de sa demande de délai de paiement et en ce qu’il a condamné Mr [E] [R] à lui payer une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC ;
– Débouter Mr [E] [R] de sa demande en réformation du jugement du 6 décembre 2021,
Et statuant à nouveau,
– Condamner Mr [E] [R] au paiement d’une somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC et au paiement des entiers dépens d’appel.
Il convient de constater qu’en appel, si la SA LCL demande de débouter [E] [R] de ses demandes, elle ne soutient aucun moyen pour remettre en cause la déchéance du droit aux intérêts conventionnels prononcée par le tribunal. La cour adopte les motifs pertinents du jugement de ce chef.
De même, il convient de confirmer la disposition du jugement qui dit que le plan de redressement dont bénéficie la SCI Le Camboulan est sans effet sur l’exigibilité des créances de la banque contre la caution.
La caution soulève ensuite plusieurs moyens tenant à la nullité d’un acte de cautionnement, celui du 23 janvier 2007,et à la disproportion manifeste des autres actes de cautionnement dont entend se prévaloir la banque à son encontre.
– Sur la demande de nullité de l’engagement de caution du 23 janvier 2007
Par acte du 23 janvier 2007, [E] [R] s’est porté caution du prêt souscrit par la SCI Le Camboulan le 18 janvier 2007 d’un montant de 100 000 euros, dans la limite de 128 177,89 euros.
Il soulève la nullité de son engagement, dès lors qu’il conteste avoir apposé de sa main la mention manuscrite et sa signature en se fondant sur l’article L341-2 ancien du Code de la consommation.
Cet article dispose que « Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même ».
La banque réplique en affirmant que la mention manuscrite n’est pas arguée de faux et qu’elle est conforme aux dispositions du code de la consommation de sorte que l’engagement de caution du 23 janvier 2007 est régulier.
[E] [R] produit les mentions manuscrites des trois engagements de caution souscrits.
La cour constate que l’écriture des mentions manuscrites des engagements de caution du 21 décembre 2005 et du 5 décembre 2007 est similaire.
En revanche, l’écriture et la signature de la mention manuscrite de l’engagement de caution du 23 janvier 2007 diffèrent des deux autres engagements de caution.
En effet, après comparaison, il apparaît que le style d’écriture et la signature sont différents de ceux figurant sur les documents versés aux débats. L’écriture et la signature de l’engagement de caution du 23 janvier 2007 sont en outre très semblables au style d’écriture et à la signature de Madame [M] [J], épouse [R] figurant sur les actes produits à l’instance (cf pièces 4 et 16 de la SA LCL et pièce 11 de [E] [R]).
La cour en déduit que [E] [R] n’a pas apposé de sa main la mention manuscrite et la signature sur l’acte de caution du 23 janvier 2007. Il y a donc lieu de prononcer la nullité de l’engagement de caution du 23 janvier 2007.
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-Sur la disproportion manifeste des autres actes de cautionnement dont entend se prévaloir la SA LCL le Crédit Lyonnais :
Pour s’opposer aux demandes en paiement de la banque, [E] [R] soutient que ses engagements de caution du 21 décembre 2005 et du 5 décembre 2007 étaient manifestement disproportionnés à sa situation financière et patrimoniale sur le fondement de l’article L341-4 du code de consommation dans sa version applicable à la date des engagements litigieux.
Les dispositions de l’article L341-4 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, applicables au cas de l’espèce, prévoient qu’« un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
Cette disposition s’applique à toute caution personne physique qui s’est engagée au profit d’un créancier professionnel. Il importe peu qu’elle soit caution profane ou avertie ni qu’elle ait la qualité de dirigeant social. Il convient d’apprécier la disproportion manifeste de l’engagement à ses revenus et son patrimoine pour chaque acte de cautionnement successif à la date de l’engagement de caution.
L’engagement de caution ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l’absence d’anomalies apparentes, n’a pas à vérifier l’exactitude. La proportionnalité de l’engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l’opération garantie.
La sanction du caractère manifestement disproportionné de l’engagement de caution est l’impossibilité pour le créancier de se prévaloir de cet engagement.
Il appartient à la caution de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement à la date ou l’engagement a été souscrit.
Cependant, il résulte de la combinaison des articles 1315 du code civil et L341-4 du code de la consommation qu’il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un engagement de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci permet de faire face à son obligation.
La banque lui oppose une fiche patrimoniale au nom de [E] [R] datée du 14 décembre 2011.
Les engagements de caution ayant été souscrits respectivement les 21 décembre 2005, 23 janvier 2007 et 5 décembre 2007, ladite fiche patrimoniale produite par l’intimée, est postérieure aux engagements litigieux et lui est donc inopposable dans l’appréciation du caractère manifestement disproportionné des dits engagements de caution.
A défaut de fiche patrimoniale, il appartient à la caution d’établir la réalité de sa situation à la date de son engagement.
[E] [R] étant marié sous le régime de la séparation de bien et à défaut pour la banque de se prévaloir d’autres actes garantissant une couverture plus large, l’appréciation des biens et revenus de la caution ne doit tenir compte que de ses biens et revenus propres.
– Concernant l’acte de cautionnement souscrit le 21 décembre 2005,
Par acte du 21 décembre 2005, [E] [R] s’est porté caution du prêt souscrit par la SCI Le Camboulan le 8 décembre 2005 d’un montant de 240 000 euros, dans la limite de 346.538,93 euros.
Pour justifier du caractère manifestement disproportionné de son engagement à ses biens et revenus, il produit son avis d’imposition 2005 sur ces revenus de 2004 ainsi que celui de 2006 sur ses revenus de 2005 qui mentionnent un revenu annuel net de 43 763 euros et 45 175 euros en 2005. Il expose que les mensualités du prêt garanti s’élevant à la somme de 1820, 41 euros correspondent à la moitié de ses revenus mensuels au jour où il s’est porté caution. Sur les dits avis d’imposition, ne figurent aucun revenu foncier et [E] [R] précise qu’il n’était titulaire d’aucun autre bien mobilier ou immobilier.
La cour constate dès lors que ses revenus annuels, à la date de la souscription dudit engagement, étaient de l’ordre de 44.000 euros, soit plus de 7 fois moins que le montant de l’engagement de caution du 21 décembre 2005.
Enfin, il était associé majoritaire à hauteur de 51% de la SCI Le Camboulan immatriculée le 16 décembre 2005 dont le capital social était de 15.357 euros. Il affirme que la valeur de ses parts était nulle au jour de la signature de l’engagement de caution compte tenu de l’endettement de la SCI Le Camboulan alors que l’unique bien acquis avait une valeur de 150.000 euros (pièce 12) .
La banque, quant à elle, fait valoir que la SCI étant propriétaire d’un immeuble évalué par la commission de surendettement à 515.000 euros, que la valeur des parts sociales n’est pas nulle et qu’ainsi cela constituait pour [E] [R] un élément d’actif à prendre en considération pour apprécier le caractère manifestement disproportionné du cautionnement.
La valeur des parts sociales dont est titulaire la caution dans la société cautionnée doit prendre en compte l’ensemble des éléments d’actif et de passif de cette société.
En l’espèce, [E] [R] ne justifie pas de l’endettement de la SCI Le Camboulan en 2005.
La banque a produit les statuts de la SCI Le Camboulan (pièce 16) au 16 décembre 2005 qui font ressortir une création de la SCI par acte notarié du 16 décembre 2005 avec un capital social de 15.357 euros dont les parts sociales appartiennent aux seuls époux [R]. Il n’y est fait mention d’aucun apport en nature. Il faut donc reconstituer les biens immobiliers acquis ensuite
Le prêt de 240.000 euros souscrit par la SCI le 8 décembre 2005 a pour objet ‘acquisition, travaux locaux mixtes, grosses réparations résidence principale [Adresse 4] à [Localité 3]’. De même, le prêt de 100.000 euros qu’elle souscrira le 15 janvier 2007 visait à financer ‘des travaux seuls pour des locaux mixtes pour un bien ancien et des grosses réparations pour un bien situé [Adresse 4] à [Localité 5]’. La dernière adresse apparaît erronée car les parties s’entendent pour n’évoquer qu’un bien immobilier La SCI Le Camboulan était donc propriétaire d’un bien ([Localité 3] résidence principale) dont la valeur permettrait d’évaluer la valeur des parts de la SCI.
Pour justifier de la date de la vente du bien en 2006 au bénéfice de la SCI Le Camboulan, [E] [R] produit la pièce 12 qui ne comprte que les pages 1, 2 et 6 de l’acte de cession de telle sorte qu’il est impossible de déterminer ce que les consorts [V] ont vendu à la SCI Le Camboulan pour 150.500 euros, le 7 avril 2006. Toutefois, il y est fait référence au prêt consenti par le Crédit Lyonnais de 240.000 euros remboursable sur 204 mois au taux de 3,250%/l’an avec paiement de la première échéance au 15 janvier 2008 pour régler le prix de 150.500 euros.
Il ressort de ces éléments que la SCI Le Camboulan est devenue propriétaire dudit bien immobilier allégué par la banque moyennant le prix de 150.500 euros le 7 avril 2006, soit postérieurement à l’engagement de caution, de sorte qu’au jour de l’engagement de caution du 21 décembre 2005, aucun bien immobilier ne faisait partie de son patrimoine et la valeur des parts de la SCI était nulle.
Par conséquent, la cour en déduit que le cautionnement solidaire souscrit le 21 décembre 2005 était manifestement disproportionné par rapport aux biens et revenus déclarés de l’appelant au moment de sa souscription.
Toutefois, la banque est fondée à démontrer que [E] [R] est en mesure de s’acquitter des sommes demandées à la date de son assignation en paiement soit le 27 janvier 2021 et il appartient au créancier qui entend ne pas perdre le bénéfice de sa garantie de l’établir.
En l’espèce, la banque ne fournit aucune pièce relative au patrimoine de [E] [R] au jour de l’assignation et se borne à répondre aux arguments de l’appelant quant à l’existence ou non d’une disproportion manifeste de l’engagement au jour de sa souscription.
Même si la cour relève que dans le rapport sur l’exécution du plan de la SCI Camboulan du 29 décembre 2022, le commissaire à l’exécution relève, en page 7, qu’il est dans l’impossibilité d’apprécier la situation financière de l’exploitation, le débiteur ne lui ayant remis ni bilan ni compte de résultat du dernier exercice et qu’il ne mentionne pas l’existence d’actif immobilier, dans ses conclusions en appel, [E] [R] déclare résider au [Adresse 4] en 2024, soit l’adresse du seul bien immobilier acquis allégué par la SCI Le Camboulan et objet des prêts litigieux cautionnés. Le plan se poursuivant normalement, la banque devrait être remboursée des prêts consentis dans le cadre du plan
Toutefois, la banque est à ce jour défaillante à rapporter la preuve qu’au jour de l’assignation, le patrimoine personnel de [E] [R] lui permet de faire face à sa dette de 75.663,12 euros, solde de sa créance après déchéance du droit aux intérêts qu’elle ne conteste pas et après déduction des sommes versées dans le cadre du plan.
La SA LCL sera déchue du droit de se prévaloir de l’acte de cautionnement du 21 décembre 2005.
– Concernant l’acte de cautionnement souscrit le 5 décembre 2007 :
Par acte du 5 décembre 2007, [E] [R] s’est porté caution du solde débiteur du compte courant de la SARL [R] Group, dans la limite de 78.000 euros.
Au 24 mars 2015, date du jugement de mise en redressement judiciaire de la société, le montant du solde débiteur du compte courant de la société [R] Group a été fixé à la somme de 14.259,30 euros, créance admise au passif par ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Toulouse du 20 janvier 2017 et que les parties ne contestent pas.
Pour justifier du caractère manifestement disproportionné de son engagement à ses biens et revenus, il produit son avis d’imposition de l’année 2007 sur ses revenus 2006 qui mentionne un revenu annuel net de 24 000 euros. Il précise également que sa situation patrimoniale et financière est inchangée depuis son précédent engagement de caution du 23 janvier 2007 et qu’il ne dispose pas de patrimoine immobilier.
Toutefois, [E] [R] était associé majoritaire de la SCI Le Camboulan dont la valeur des parts sociales demeure indéterminée, deux ans après sa création ; aucun élément ne vient établir que la SCI a acquis d’autres biens immobiliers. La valeur des parts sociales demeurait donc nulle au regard des emprunts souscrits dont certains n’avaient pas encore commencer à être remboursés. .
La banque produit un extrait KBIS de la sarl [R] Group daté du 10 septembre 2018 (pièce 5) qui mentionne que la société a été créée en 2013 après transfert du RCS Montauban et dans lequel il apparait que [E] [R] est le gérant.
Bien qu’il se soit porté caution au titre d’un prêt souscrit par la SARL [R] Group et que la dénomination sociale porte son nom de famille, aucun élément ne permet d’affirmer que [E] [R] est porteur de parts sociales de cette société depuis l’origine en 2013.
Enfin, au moment de la souscription de cet engagement de caution du 5 décembre 2007, [E] [R] avait déjà souscrit deux cautionnements en 2005 et 2007 pour un montant total de 476 716, 82 euros.
La cour déduit de ces éléments que l’engagement de caution du 5 décembre 2007 était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
Il appartient à la banque d’établir qu’à la date de son assignation en paiement [E] [R] était en mesure de faire face à la somme réclamée, soit 14.259,30 euros.
Elle ne produit aucun élément de nature à l’établir.
Elle sera donc déchue du droit de se prévaloir de l’engagement de caution du 5 décembre 2007. Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires :
[E] [R] sollicite la condamnation de la SA Le Crédit Lyonnais LCL à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du cpc ainsi qu’aux entiers dépens.
La banque sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné Monsieur [E] [R] à la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du cpc et statuant à nouveau il demande à la cour de condamer [E] [R] à la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du cpcet au paiement des entiers dépens d’appel.
La SA Le Crédit Lyonnais LCL, succombant en cause d’appel, sera condamnée au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel.
Eu égard à la situation respective des parties et aux circonstances particulières du litige, il convient de débouter les parties de leurs demandes en application des dispositions de l’article 700 du cpc.
La cour statuant en dernier ressort, de manière contradictoire et par mise à disposition au greffe,
-Infirme le jugement du 6 décembre 2021 sauf en ce qu’il a :
-dit que le plan de redressement dont bénéficie la SCI Le Camboulan est sans effet sur l’exigibilité des créances de la banque contre la caution
– déchu la banque LCL du droit de percevoir les intérêts conventionnels et l’a déchu de même du droit de percevoir les pénalités et dit que les sommes versées par le débiteur s’imputent d’abord sur le principal de la dette
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
– Prononce la nullité de l’engagement de caution de [E] [R] du 23 janvier 2007 ;
– Dit que la SA Le Crédit Lyonnais LCL sera déchue du droit de se prévaloir de l’engagement de caution de [E] [R] du 21 décembre 2005 ;
– Dit que la SA Le Crédit Lyonnais LCL sera déchue du droit de se prévaloir de l’engagement de caution de [E] [R] du 5 décembre 2007 ;
– Condamne la SA Le Crédit Lyonnais LCL aux entiers dépens de première instance et d’appel,
– Déboute [E] [R] et la SA Le Crédit Lyonnais LCL de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Le Greffier La Présidente.
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