L’Essentiel : L’affaire oppose AXA France à la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE concernant la proratisation de l’allocation supplémentaire en cas d’absences. La Fédération conteste cette pratique, arguant qu’elle porte atteinte aux droits des salariés, et demande une injonction pour le respect des obligations conventionnelles. AXA, de son côté, soutient que le juge des référés n’est pas compétent pour traiter ces demandes, qui relèvent du Conseil de prud’hommes. Le tribunal conclut à l’incompétence du Président pour les paiements aux salariés, tout en reconnaissant la recevabilité des autres demandes, entraînant des frais pour la Fédération.
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Contexte de l’affaireL’affaire concerne AXA France, qui se compose de deux entités : AXA France VIE et AXA France IARD. Ces sociétés sont soumises à la Convention collective nationale des salariés commerciaux des sociétés d’assurance, qui garantit une rémunération minimale annuelle et prévoit une allocation supplémentaire en fin d’exercice. Litige sur l’allocation supplémentaireLa Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE conteste la proratisation de l’allocation supplémentaire appliquée par AXA France en cas d’absences non assimilées à du temps de travail effectif. En réponse, la Fédération a assigné les sociétés en référé pour faire cesser cette pratique. Demandes de la FédérationLa Fédération demande la reconnaissance de sa recevabilité, l’injonction à AXA France de respecter ses obligations conventionnelles, le paiement de dommages-intérêts pour préjudice collectif, ainsi que des frais de justice. Elle exige également que l’allocation soit versée intégralement aux salariés concernés, y compris de manière rétroactive. Réponse des sociétés AXAAXA France VIE et AXA France IARD contestent la compétence du juge des référés pour traiter des demandes de régularisation des situations individuelles des salariés. Elles demandent le rejet des demandes de la Fédération, arguant que le Conseil de prud’hommes est la juridiction compétente pour ces questions. Compétence du juge des référésLe juge des référés est compétent pour ordonner des mesures conservatoires en cas de trouble manifestement illicite, mais il n’est pas compétent pour statuer sur des demandes de régularisation individuelle. La question de la proratisation de l’allocation est soumise à une interprétation de la convention collective, ce qui crée une contestation sérieuse. Recevabilité des demandesLa Fédération soutient qu’elle a qualité à agir pour défendre l’intérêt collectif des salariés. Le tribunal reconnaît que les syndicats peuvent agir en justice pour faire valoir des droits collectifs, mais il doit également examiner la recevabilité des demandes individuelles. Injonction sous astreinteLa Fédération allègue que la proratisation de l’allocation constitue une discrimination liée à l’état de santé. Cependant, les sociétés affirment qu’il n’y a pas de trouble manifestement illicite et que la question doit être tranchée par le juge du fond. Le tribunal conclut qu’il n’y a pas d’urgence à statuer. Demande de dommages et intérêtsLa Fédération prétend que la pratique d’abattement sur l’allocation porte atteinte à l’intérêt collectif. Toutefois, en l’absence de décision favorable sur la demande principale, le tribunal rejette la demande de dommages et intérêts. Décision finaleLe tribunal déclare le Président incompétent pour les demandes de paiement aux salariés, mais recevables pour le surplus des demandes. Il n’y a pas lieu à référé, et la Fédération est condamnée à verser des frais aux sociétés AXA ainsi qu’aux dépens de l’instance. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la compétence du juge des référésLa question de la compétence du juge des référés est soulevée par les sociétés AXA France VIE et AXA France IARD, qui soutiennent que le Conseil de prud’hommes est la seule juridiction compétente pour trancher les litiges relatifs à l’exécution du contrat de travail, conformément à l’article L. 1411-1 du code du travail. Cet article stipule que : « Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti. » En revanche, la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE argue que le juge des référés est compétent pour faire cesser une violation d’un texte conventionnel, en vertu de l’article L. 2132-3 du code du travail, qui permet aux syndicats d’agir en justice pour défendre l’intérêt collectif de la profession. Il est donc établi que le juge des référés peut ordonner des mesures pour faire cesser un trouble manifestement illicite, mais il n’est pas compétent pour statuer sur des demandes de régularisation de situations individuelles, qui relèvent du Conseil de prud’hommes. Ainsi, le juge des référés est compétent pour enjoindre à une société d’appliquer une clause d’une convention collective, mais incompétent pour ordonner des paiements individuels aux salariés. Sur la recevabilité des demandesLa recevabilité des demandes de la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE est contestée par les sociétés AXA France, qui soutiennent qu’il existe un défaut de qualité à agir, car la Fédération sollicite la régularisation de situations individuelles de salariés. L’article L. 2132-3 du code du travail précise que : « Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. » La Fédération soutient que sa demande vise à faire respecter le droit à l’allocation d’ancienneté, ce qui est dans son droit d’agir pour défendre l’intérêt collectif. Il est donc reconnu qu’un syndicat peut agir pour faire cesser une irrégularité commise par l’employeur et demander des dommages et intérêts pour le préjudice causé à l’intérêt collectif. Ainsi, la demande de la Fédération est recevable, car elle vise à faire respecter une disposition conventionnelle et à protéger l’intérêt collectif des salariés. Sur la demande d’injonction sous astreinteLa Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE demande une injonction sous astreinte pour faire cesser la pratique de l’abattement sur l’allocation d’ancienneté, qu’elle considère comme un trouble manifestement illicite. L’article 835 du code de procédure civile stipule que : « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. » La Fédération soutient que la proratisation de l’allocation constitue une discrimination fondée sur l’état de santé, en violation de l’article L. 1132-1 du code du travail, qui prohibe de telles discriminations. Cependant, les sociétés AXA France contestent l’existence d’un trouble manifestement illicite, arguant qu’il existe une contestation sérieuse sur l’interprétation de l’article 32 de la convention collective. Le juge des référés a la capacité d’interpréter une convention collective, mais en l’espèce, la contestation sur l’interprétation de la notion de durée de présence est sérieuse. Par conséquent, le juge des référés conclut qu’il n’y a pas lieu à référé, car le trouble manifestement illicite n’est pas établi. Sur la demande au titre des dommages et intérêtsLa Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE demande des dommages et intérêts en raison de la privation des salariés de leur droit à l’allocation d’ancienneté. L’article L. 2132-3 du code du travail permet aux syndicats d’agir pour défendre l’intérêt collectif, tandis que l’article 1240 du code civil exige la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité pour établir la responsabilité délictuelle. La Fédération soutient que la pratique de l’abattement sur l’allocation a porté atteinte à l’intérêt collectif des salariés. Cependant, en l’absence de décision favorable sur la demande principale en référé, aucun manquement ni préjudice n’est établi. Ainsi, la demande de dommages et intérêts est rejetée, car il n’y a pas de fondement pour établir une responsabilité des sociétés AXA France. Sur les demandes accessoiresLa Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE, ayant succombé dans ses demandes, est condamnée aux dépens conformément à l’article 696 du code de procédure civile. Cet article précise que : « La partie perdante est condamnée aux dépens. » De plus, la Fédération est condamnée à verser à chaque société la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, qui prévoit que : « La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. » Ainsi, la Fédération est tenue de supporter les frais de l’instance et de verser des frais irrépétibles aux sociétés AXA France, en raison de sa défaite dans cette instance. |
JUGEMENT RENDU SELON LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND LE 16 Janvier 2025
N° RG 24/02549 – N° Portalis DB3R-W-B7I-ZXMI
N°de minute :
Syndicat FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES FORCE OUVRIERE
c/
S.A. AXA FRANCE VIE, S.A. AXA FRANCE IARD
DEMANDERESSE
Syndicat FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES FORCE OUVRIERE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Sophie HUMBERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0950
DEFENDERESSES
S.A. AXA FRANCE VIE
[Adresse 1]
[Localité 4] / FRANCE
S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 1]
[Localité 4] / FRANCE
Toutes deux représentées par Maître Emmanuel BENARD du PARTNERSHIPS ORRICK HERRINGTON & SUTCLIFFE (Europe) LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0134
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président : Virginie POLO, Juge, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,
Greffier : Philippe GOUTON, Greffier
Statuant publiquement en premier ressort par jugement non qualifiée mis à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
La juge déléguée, après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 20 Novembre 2024, a mis l’affaire en délibéré à ce jour.
L’entité AXA FRANCE est composée de deux sociétés, à savoir AXA France VIE et AXA France IARD.
Ces sociétés relèvent de la Convention collective nationale des salariés commerciaux des sociétés d’assurance du 27 mars 1972 révisée au 1er janvier 2021.
Les articles 30 et 31 de cette convention prévoient qu’une rémunération minimale annuelle est garantie aux salariés commerciaux. Une allocation supplémentaire peut également être versée en fin d’exercice selon l’article 32 de la même convention.
Les sociétés AXA France VIE et AXA France IARD appliquent une proratisation de cette allocation supplémentaire en cas d’absences non assimilées à du temps de travail effectif au cours de la période précédant l’exercice concerné, ce que conteste la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE.
Afin de trancher ce litige, la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE a assigné en référé les sociétés anonymes AXA France VIE et AXA France IARD par actes signifiés le 16 octobre 2024.
A l’audience, soutenant ses dernières écritures, la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE sollicite de :
DECLARER le syndicat FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES FORCE OUVRIERE recevable en ses demandes,
ENJOINDRE à la société AXA France VIE et à la société AXA France IARD de se conformer à leurs obligations résultant de l’article 32 de la Convention collective nationale des salariés commerciaux des sociétés d’assurance du 27 mars 1972 révisée au 1er janvier 2021 en mettant fin au système d’abattement sur l’allocation supplémentaire dite d’ancienneté, au prorata temporis, des périodes de suspension du contrat de travail par l’effet d’un arrêt de travail lié à un accident ou une maladie n’ayant pas un caractère professionnel, et en octroyant aux salariés éligibles le bénéfice de l’intégralité de ladite allocation calculée en fonction de leur ancienneté dans l’entreprise, et ce y compris de façon rétroactive ;
Et ce dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision à intervenir sous astreinte de 100.000 € par jour de retard à compter de l’expiration de ce délai,
CONDAMNER les sociétés AXA France VIE et AXA France IARD à payer à la Fédération des EMPLOYES ET CADRES FORCE OUVRIERE chacune la somme de 5.000 € à titre de provision sur dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession,
CONDAMNER les sociétés AXA France VIE et AXA France IARD à payer à la Fédération des EMPLOYES ET CADRES FORCE OUVRIERE chacune la somme de 2.000 € à titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens de l’instance.
Dans leurs écritures soutenues à l’audience, les sociétés AXA France VIE et AXA France IARD requièrent de :
A titre liminaire :
– SE DECLARER incompétent rationae materiae pour connaitre des demandes de régularisations pour le passé et pour l’avenir des situations individuelles des salariés et renvoyer FO devant le conseil de prud’hommes de Nanterre
A titre principal :
– JUGER n’y avoir lieu à référé et par conséquent rejeter l’intégralité des demandes de FO
A titre subsidiaire :
– JUGER les demandes de la FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRE FORCE OUVRIERE infondées et en conséquence rejeter l’ensemble des demandes formulées par la FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRE FORCE OUVRIERE.
En toute hypothèse :
– DEBOUTER la FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRE FORCE OUVRIERE de ses demandes d’astreinte et de ses demandes au titre de l’article 700 du CPC et des dépens ;
– CONDAMNER LA FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRE FORCE OUVRIERE au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures et plaidoiries des parties pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions.
EXPOSE DES MOTIFS
Sur la compétence
Conformément à l’article 73 du code de procédure civile :
« Constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »
L’article 75 du code de procédure civile précise que :
« S’il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée. »
L’article L. 1411-1 du code du travail dispose que :
« Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. »
Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti. »
Les sociétés soulèvent l’incompétence du juge des référé pour octroyer aux salariés éligibles le bénéfice d’une allocation, soutenant qu’il s’agit d’une compétence exclusive et d’ordre public du Conseil de prud’hommes sur le fondement de l’article L. 1411-1 du code du travail.
La Fédération syndicale estime que le juge des référés est compétent sur le fondement de l’article L. 2132-3 du code du travail pour faire cesser la violation d’un texte conventionnel, et condamner à des dommages et intérêts dans ce cadre.
En l’espèce, le litige porte sur la violation alléguée de l’article 32 de la Convention collective nationale des salariés commerciaux des sociétés d’assurance du 27 mars 1972 révisée au 1er janvier 2021. Il s’agit d’un conflit collectif de travail afférent aux modalités d’application d’une disposition conventionnelle.
Conformément aux dispositions de l’article L. 1411-1 du code du travail, le Conseil de prud’hommes est seul compétent pour trancher les litiges relatifs à l’exécution du contrat de travail.
Le juge des référés est compétent pour enjoindre une société à appliquer une clause d’une convention collective à laquelle elle a souscrit en cas de trouble manifestement illicite. Il peut également condamner une partie à verser une provision sur dommages et intérêts à l’autre partie dans certaines conditions.
Il est par conséquent compétent pour statuer sur ces éléments.
En revanche, concernant la demande en paiement aux salariés de sommes considérées comme dues, s’agissant de régularisation de situations individuelles, le juge des référés n’est pas compétent, le Conseil de prud’hommes étant la juridiction compétente pour trancher les litiges nés à l’occasion de l’exécution du contrat de travail dont relèvent les demandes de rappels de rémunération. Il convient de préciser, que ces demandes doivent être formées par les salariés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts.
Il est par conséquent incompétent sur ce second point.
Sur la recevabilité des demandes
Conformément à l’article 122 du code de procédure civile : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
Aux termes de l’article L. 2132-3 du code du travail,
« Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice.
Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. »
En l’espèce, les défenderesses soutiennent qu’il existe un défaut de qualité à agir de la Fédération dans la mesure où celle-ci sollicite la régularisation de situations individuelles de salariés.
La Fédération FO estime que sa demande se borne à solliciter l’effectivité du droit à l’allocation d’ancienneté, qu’elle a qualité à agir et que cette demande est par conséquent recevable.
Un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l’existence d’une irrégularité commise par l’employeur au regard de dispositions légales, règlementaires ou conventionnelles, et solliciter des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession. Il peut demander qu’il soit enjoint à l’employeur de mettre fin à l’avenir à l’irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte.
Ainsi, l’action du syndicat visant la reconnaissance d’une irrégularité et qu’il y soit mis fin et obtenir réparation du préjudice en découlant est recevable, ces éléments relevant de la défense de l’intérêt collectif de la profession.
Sur la demande d’injonction sous astreinte
Il résulte des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile que :
« Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »
La Fédération syndicale estime que le fait de pratiquer un abattement sur l’allocation dite d’ancienneté est contraire aux dispositions de la Convention collective nationale des salariés commerciaux des sociétés d’assurance du 27 mars 1972 révisée au 1er janvier 2021, et constitue une discrimination afférente à l’état de santé, caractérisant ainsi un trouble manifestement illicite.
Les sociétés AXA FRANCE considèrent qu’aucun trouble manifestement illicite n’est établi et qu’il existe une contestation sérieuse. Elles concluent qu’aucune violation évidente d’une règle de droit n’est démontrée et que le litige relève du juge du fond.
En premier lieu, il convient de souligner que le demandeur conteste une disposition appliquée depuis plusieurs décennies, l’urgence n’est ainsi pas caractérisée.
La Fédération syndicale invoque la violation de l’article L. 1132-1 du code du travail prohibant la discrimination fondée sur l’état de santé. Elle se réfère également à l’article L. 3141-5 du code du travail en vigueur depuis le 24 avril 2024, selon lequel le congé maladie ordinaire est désormais considéré comme du temps de travail effectif pour la détermination du congé annuel.
Or, il ressort des pièces au dossier que l’employeur estime que certaines absences, à savoir l’ensemble des situations impliquant la suspension du contrat de travail, conduisent à une proratisation de l’allocation et non seulement les périodes de congé pour maladie non professionnelle. Par conséquent, la discrimination invoquée au titre de l’état de santé n’est pas caractérisée, les cas de proratisation étant plus vastes.
L’enjeu repose donc sur l’interprétation de la notion de présence continue au sein de l’article 32 de la convention.
L’article 32 de la convention litigieuse stipule que :
« Le salarié commercial ayant au moins trois années d’ancienneté de présence chez le même employeur reçoit, à la fin de chaque exercice pour lequel sa rémunération réelle a atteint le montant de la RMA foxée à l’article 30 ci-dessus et sous réserve qu’il poursuive ses fonctions, une allocation supplémentaire qui tient compte de sa durée de présence.
Cette allocation supplémentaire est calculée sur la RMA fixée à l’article 30 ci-dessus à raison de : (…)
La durée de présence s’apprécie en années au début de chaque exercice.
Par année de présence au sens du présent article, il faut entendre une année révolue de présence continue dans l’entreprise en qualité de salarié, au titre du même contrat de travail ou de contrats de travail se succédant sans interruption.
Dans l’hypothèse où l’employeur a été dans l‘obligation de compléter la rémunération du salarié commercial afin que celle-ci atteigne en fin d’exercice le montant minimum fixé à l’article 30, l’allocation supplémentaire est diminuée du montant versé au titre du complément. »
Il existe une divergence d’appréciation quant à la notion de la durée de présence évoquée pour bénéficier pleinement de l’allocation prévue à l’article 32 de la convention litigieuse.
Les sociétés justifient d’une interprétation partagée au niveau de la branche en ce sens, versant des éléments d’analyse produits dès 1979, et réitérés en 2022.
Le juge des référés est habilité à interpréter une convention ou un accord collectif.
Néanmoins, il existe en l’espèce une contestation sérieuse, qu’il s’agit de trancher, à savoir une question afférente à l’interprétation de l’article 32 de la convention collective litigieuse.
Ainsi, le trouble manifestement illicite invoqué n’est pas démontré et il existe une contestation sérieuse relative à l’interprétation de la convention.
Par conséquent, il n’y a lieu à référé.
Sur la demande au titre des dommages et intérêts
Aux termes de l’article L. 2132-3 du code du travail,
« Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice.
Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. »
L’article 1240 du code civil prévoit pour que la responsabilité délictuelle soit établie, doivent être caractérisée une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Le demandeur estime qu’en privant tous les salariés absents pour maladie non professionnelle de leur droit à bénéficier de cette allocation, les sociétés ont nécessairement porté atteinte à l’intérêt collectif de la profession qu’il porte.
En l’absence de suite favorable donnée à la demande principale formée en référé, aucun manquement ni préjudice ne sont établis, et la demande au titre des dommages et intérêts, pouvant être ordonnés de manière provisionnelle en référé, sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
La Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE succombant à l’instance, sera condamnée aux dépens conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
Elle sera également condamnée à verser à chaque société la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La juge déléguée, statuant par ordonnance contradictoire, publiquement et en premier ressort,
DECLARE le Président du Tribunal judiciaire incompétent au profit du Conseil de prud’hommes de NANTERRE concernant la demande en paiement aux salariés éligibles de l’intégralité de l’allocation supplémentaire dite d’ancienneté calculée en fonction de leur ancienneté dans l’entreprise ;
DECLARE RECEVABLES le surplus des demandes ;
DIT n’y avoir lieu à référé ;
DEBOUTE la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE de sa demande au titre des dommages et intérêts ;
CONDAMNE la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE à verser aux sociétés anonymes AXA France VIE et AXA France IARD la somme de 700 euros chacune au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE la Fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE aux dépens de l’instance ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
FAIT À NANTERRE, le 16 Janvier 2025.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT
Philippe GOUTON, Greffier
Virginie POLO, Juge
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