Droit au nom et à l’image du salarié sortant

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Droit au nom et à l’image du salarié sortant

Le salarié ne peut obtenir réparation du préjudice subi en raison de la persistance de l’utilisation de son nom et de son image par son ex employeur (le salarié étant mentionné comme appartenant toujours à la société) s’il ne démontre pas l’existence à son détriment du préjudice dont il se prévaut.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 08 FEVRIER 2022

N° RG 19/00188 – N° Portalis DBVH-V-B7D-HG4T

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES 21 décembre 2018

S.A.R.L. BRIDGIN

APPELANT :

Monsieur Y X

né le […] à METZ

[…]

[…]

Représenté par Me Delphine ANDRES de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A.R.L. BRIDGIN

[…]

[…]

Représentée par Me Céline QUOIREZ de la SELARL CELINE QUOIREZ, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 05 Novembre 2021

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Mme Joëlle TORMOS, Conseillère

Mme Marie-Lucie GODARD, Vice présidente placée

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et Madame Emmanuelle BERGERAS, Greffière, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

À l’audience publique du 19 Novembre 2021, où l’affaire a été mise en délibéré au 01 Février 2022 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

A r r ê t c o n t r a d i c t o i r e , p r o n o n c é p u b l i q u e m e n t e t s i g n é p a r M o n s i e u r Y v e s ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 08 évrier 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

M. Y X a été engagé par la SARL Bridgin en qualité d’ingénieur commercial suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 25 août 2014.

Après que les parties ont signé une rupture conventionnelle le 11 mai 2016, les relations de travail ont pris fin le 16 juin 2016.

Faisant valoir plusieurs manquements de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes en paiement de diverses sommes lequel, par jugement contradictoire du 21 décembre 2018, a :

– dit que l’accomplissement des heures supplémentaires n’est pas assez démontré,

– reconnu qu’aucune visite médicale n’a été programmée à l’embauche,

– constaté l’utilisation du nom de M. X sur des documents de salon après son départ,

– en conséquence, débouté le salarié de ses demandes relatives aux heures supplémentaires et au travail dissimulé,

– condamné la société Bridgin à lui verser:

. 1 000 euros de dommages et intérêts au titre du défaut de visite médicale d’embauche,

. 1 000 euros de dommages et intérêts pour l’utilisation abusive du nom de M. X par la société Bridgin, après son départ,

. 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SARL Bridgin aux entiers dépens.

Par acte du 15 janvier 2019, M. X a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 15 avril 2019, l’appelant demande à la cour de:

– confirmer le jugement en ce qu’il a constaté le défaut de visite médicale d’embauche et en ce qu’il a dit et jugé fautive l’utilisation par la société Bridgin de son nom postérieurement à la rupture du contrat de travail,

– infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,

– constater le défaut de visite médicale d’embauche,

– accueillir M. X dans sa demande de rappel d’heures supplémentaires,

– dire et juger l’infraction de travail dissimulé caractérisée,

– constater l’atteinte au droit à l’image de M. X,

– constater que M. X a restitué l’ensemble du matériel appartenant à la société Bridgin,

– en conséquence, condamner la SARL Bridgin à payer à M. X les sommes suivantes:

. 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche,

. 17 290, 33 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre 1 729, 03 euros de congés payés afférents,

. 26 244 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

. 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte au droit à l’image,

. 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– débouter la SARL Bridgin de sa demande reconventionnelle,

– condamner la SARL Bridgin aux entiers dépens.

Il soutient, tout d’abord, que, faute d’avoir bénéficié d’une visite médicale d’embauche, il a occupé un emploi au sein de la SARL Bridgin qui a eu d’importantes conséquences sur son état de santé, ce qui a engendré à son détriment un préjudice devant être réparé par l’octroi de dommages et intérêts d’un montant supérieur à celui octroyé en première instance.

Il expose également produire des éléments suffisamment précis non valablement remis en cause par l’employeur pour étayer sa demande en paiement d’heures supplémentaires, sans que la société justifie des horaires qu’il a effectivement réalisés, et explique que l’intention dissimulatrice de l’employeur constituant l’infraction de travail dissimulé est caractérisée au regard du volume d’heures supplémentaires réalisées et non rémunérées.

Il fait valoir, en outre, que la société a utilisé son nom et sa réputation postérieurement à la rupture du contrat de travail, et ce sans son accord, ce qui constitue une atteinte au droit à l’image, justifiant le paiement de dommages et intérêts d’un montant supérieur à celui alloué par le jugement querellé.

Enfin, il indique que l’employeur allègue sans en justifier de son absence de restitution du matériel appartenant à la société lors de la rupture du contrat de travail, de sorte qu’il devra être débouté de sa demande reconventionnelle à ce titre.

En l’état de ses dernières écritures en date du 27 mai 2019, la SARL Bridgin a sollicité de voir:

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a alloué à M. X les sommes de:

. 1 000 euros de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale,

. 1 000 euros de dommages et intérêts pour utilisation abusive du nom de M. X après son départ,

. 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– débouter M. X de ses demandes,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. X de ses demandes,

– dans tous les cas:

– ordonner à M. X de restituer à la SARL Bridgin le matériel GNSS SP80 n° 5512550676

– condamner M. X à régler à la SARL Bridgin la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que si la visite médicale d’embauche n’a pas été effectuée, M. X ne démontre pas le préjudice qu’il aurait subi du fait de cette absence, ce qui justifie qu’il soit débouté de sa demande, ou, à tout le moins, que la somme qui lui a été allouée à ce titre en première instance, soit ramenée à de plus justes proportions.

Elle explique, en outre, que le salarié ne démontre pas en quoi consisterait l’atteinte au droit à l’image dont il se prévaut, ni le préjudice qui en serait résulté pour lui.

Elle expose, de surcroît, que M. X ne produit aux débats aucun décompte suffisamment précis justifiant des heures supplémentaires alléguées pour lui permettre d’exercer sa défense, ajoutant que le salarié bénéficiait d’une absolue liberté dans l’organisation de son temps de travail, et que l’infraction de travail dissimulé n’est pas constituée, faute pour le salarié d’apporter la preuve de l’élément matériel et intentionnel du délit.

Enfin, au soutien de son appel incident, elle indique justifier l’absence de remise par M. X, lors de la rupture du contrat de travail, d’un matériel appartenant à l’entreprise resté en sa possession.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 13 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 05 novembre 2021.

MOTIFS

– Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

Aux termes de l’article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l’article 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, la charge de la preuve n’incombe spécialement à aucune des parties; il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, il ressort des dispositions du contrat de travail à durée indéterminée, qui a régi la relation contractuelle du 25 août 2014 au 16 juin 2016, que M. X percevait une rémunération mensuelle brute de 2 700 euros pour un horaire hebdomadaire de 39 heures, 16 heures supplémentaires mensuelles lui étant payées, pendant la durée de la relation de travail, ainsi que cela est mentionné sur ses bulletins de salaire.

Le salarié soutient qu’entre les mois de septembre 2014 et juin 2016, il a accompli 808, 5 heures supplémentaires non rémunérées.

Il présente, à l’appui de sa demande, des tableaux récapitulatifs d’heures supplémentaires relatifs à la période susvisée, aux termes desquels il précise les jours où il prétend avoir effectué lesdites heures, et pour chacun de ces jours, le nombre d’heures supplémentaires qu’il considère avoir accomplies sans indication sur ses horaires de travail, en se fondant pour cela sur des courriels et des relevés de péage faisant état de ses déplacements professionnels.

Il apparaît que ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir réalisées pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement; pourtant, ce dernier se limite à critiquer les pièces versées aux débats par M. X, sans fournir aucun élément de contrôle de la durée du travail, alors que ni l’autonomie de l’appelant ni son absence de réclamation durant la relation de travail n’étaient de nature à l’empêcher de répondre.

En conséquence, il sera fait droit à la demande de M. X dans la limite de la somme de 10 487, 97 euros, outre celle de 1 048, 79 euros au titre des congés payés afférents, tenant compte des heures supplémentaires qui lui ont été rémunérées, peu importe qu’elles aient une nature contractuelle, et la société sera condamnée à lui payer ces sommes.

Le jugement sera, dès lors, infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef.

– Sur la demande de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé

Le jugement sera, en revanche, confirmé en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé, la preuve de l’intention de l’employeur de se soustraire à ses obligations, rappelées par les dispositions de l’article L. 8221-5 du code du travail, ne ressortant pas suffisamment des éléments de la cause.

– Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche

S’il n’est pas contesté par la SARL Bridgin qu’elle n’a pas organisé de visite médicale d’embauche pour M. X, alors que celle-ci était obligatoire en application des dispositions de l’article R. 4624-10 du code du travail dans sa rédaction applicable, le salarié ne justifie pas du préjudice qui en est résulté pour lui, aucun lien n’étant établi entre les difficultés de santé dont il fait état (lombalgie, douleur au genou droit) et l’emploi par lui occupé au sein de l’entreprise.

Le jugement sera ainsi infirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de M. X à ce titre.

– Sur la demande de dommages et intérêts pour atteinte au droit à l’image

Le jugement sera également infirmé pour avoir accueilli la demande du salarié en paiement de dommages et intérêts motifs pris d’une atteinte à son droit à l’image, dès lors que s’il ressort de documents en date du mois de juin 2016 que son nom a été mentionné comme appartenant toujours à la société, M. X ne démontre pas l’existence à son détriment du préjudice dont il se prévaut.

– Sur la demande reconventionnelle de la société en restitution du matériel

La SARL Bridgin soutient que M. X a omis, ensuite de la rupture du contrat de travail, de lui restituer le matériel GNSS SP80 n°5512550676 correspondant selon elle à un GPS de précision pour les géomètres, sans pour autant en justifier, et ce alors même que le salarié affirme l’avoir fait et produit aux débats, à ce titre, un inventaire du matériel restitué, parmi lequel figure les articles GNSS SP 80 kit mobile GPRS et GNSS SP 80 kit radio UHF, pièce sur laquelle la société ne s’explique pas.

En conséquence, il ne sera pas fait droit à sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud’homale, par mise à disposition au greffe,

Infirme partiellement le jugement,

Statuant à nouveau sur le tout et y ajoutant,

Condamne la SARL Bridgin à payer à M. X les sommes suivantes:

– 10 487, 97 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

– 1 048, 79 euros au titre des congés payés afférents,

– 700 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

– 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SARL Bridgin aux dépens de première instance et d’appel.

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame BERGERAS, Greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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