Droit à l’image entre salariés

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Droit à l’image entre salariés

Le Salarié qui prend, à l’insu ou contre leur gré, des photographies de ses collègues sur leur lieu de travail, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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Cour de cassation

Chambre sociale

8 décembre 2021

N° 20-15.650

Audience publique du 8 décembre 2021

Rejet non spécialement motivé

M. HUGLO, conseiller doyen

faisant fonction de président

Décision n° 11066 F

Pourvoi n° Z 20-15.650

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 DÉCEMBRE 2021

M. [H] [N], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 20-15.650 contre l’arrêt rendu le 12 février 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l’opposant à la société Klymcar, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations écrites de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [N], de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Klymcar, après débats en l’audience publique du 20 octobre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [N] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. [N]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt partiellement confirmatif attaqué D’AVOIR débouté M. [N] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation de l’annulation de son avertissement du 6 octobre 2014 et au titre de l’article 700 du code de procédure civile ET D’AVOIR jugé que chacune des parties assumera la charge de ses propres dépens ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Par confirmation du jugement, le salarié ne justifiant pas d’un préjudice spécifique lié à la nullité de ces sanctions, il est débouté de sa demande de dommages et intérêts (…) Sur les autres demandes, il n’apparaît pas inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce, de laisser à chacune des parties le montant de ses frais irrépétibles et à leurs dépens » (arrêt, p. 3 et 7) ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE « le Conseil dit qu’il n’y a pas lieu de réparer à ce stade ces sanctions injustifiées qui seront étudiées dans le cadre du harcèlement moral allégué » (jugement, p. 5) ;

ALORS QUE lorsqu’elle a remis en cause, de manière injustifiée, la loyauté du salarié, la sanction disciplinaire qui a été prononcée par l’employeur, puis annulée par le juge, est de nature à lui avoir causé un préjudice moral ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel ne pouvait débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour réparer le préjudice que lui avait causé la notification de l’avertissement du 6 octobre 2014, qui lui reprochait, à tort, une déloyauté à l’égard de l’employeur, en se bornant à prononcer l’annulation de cette sanction injustifiée, sans vérifier si cet avertissement n’avait pas, en lui-même, provoqué chez le salarié un stress ce, à quelques jours d’une intervention chirurgicale, comme il l’avait notifié dans son courrier du 10 décembre 2014 ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L . 1333-2 du code du travail et 1147 ancien, devenu 1231-1 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR réduit à 3.000 € la condamnation de la société KLYMCAR à l’égard de M. [N] au titre du harcèlement moral, D’AVOIR débouté M. [N] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ET D’AVOIR jugé que chacune des parties assumera la charge de ses propres dépens ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le harcèlement moral, (…) Il en ressort que M. [N] est bien fondé à solliciter l’indemnisation de son préjudice à ce titre qu’il convient toutefois, par infirmation du jugement déféré, de réduire à la somme de 3.000 euros. (…) Sur les autres demandes, il n’apparaît pas inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce, de laisser à chacune des parties le montant de ses frais irrépétibles et à leurs dépens » (arrêt, p. 4 et 7) ;

ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que la Cour d’appel, qui a confirmé le jugement en ce qu’il a constaté le harcèlement moral, ne pouvait se borner, sans autre motif, à dire qu’il convenait de réduire à 3.000 € l’indemnisation du préjudice du salarié fixé par les premiers juges, alors surtout qu’elle a constaté et ajouté que les courriers de l’employeur avaient présenté un caractère offensif et avaient été adressés au salarié à une période durant laquelle il était en situation de fragilité physique et psychologique ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt partiellement infirmatif attaqué D’AVOIR jugé que le licenciement M. [N] reposait sur une cause réelle et sérieuse, D’AVOIR débouté M. [N] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et au titre de l’article 700 du code de procédure civile ET D’AVOIR jugé que chacune des parties assumera la charge de ses propres dépens ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la rupture du contrat de travail, Sur la nullité du licenciement, Le salarié soutient qu’ayant été victime d’un harcèlement moral et l’ayant dénoncé à son employeur, cette situation a conduit à son licenciement. Or, la cour relève, à l’examen des pièces versées aux débats, que les faits de harcèlement retenus se sont produits entre le mois de septembre 2014 et le mois de janvier 2015, pendant l’arrêt maladie du salarié qui s’est prolongé, après un bref épisode de reprise, jusqu’au mois de septembre 2015 ; que le salarié a été licencié le 2 novembre 2015 pour des faits de détournement de matériel et de comportement sur le lieu de travail, sans lien avec les faits de harcèlement dénoncés par le salarié. Il en ressort que la nullité du licenciement ne peut être prononcée, par confirmation du jugement déféré. Sur le licenciement pour faute grave, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée en ces termes : « Nous avons à déplorer de votre part des agissements qui sont de nature à constituer une faute grave. D’une part la non présentation du matériel de l’entreprise depuis votre reprise d’activité le 28 septembre 2015 après votre arrêt de travail. En effet, et malgré nos demandes répétées depuis cette date et notre attente patiente, nous n’avons pu avoir de réponse de votre part sur l’impossibilité qui est la vôtre de rapporter le matériel de l’entreprise qui vous était confié et que vous ne dites ne plus détenir, sans autre explication. Cette liste est ci après reproduite… Vous n’avez pas rapporté ce matériel lors de votre arrêt de travail, ce qui a été gênant, mais le plus grave est qu’à votre reprise vous nous avez dit ne pouvoir le présenter. Aucune explication ne nous est donnée quant à cette « disparition ».Or, vous avez contre signé la liste dudit matériel lorsqu’il vous a été remis le 2 avril 2014 ; votre impossibilité de le rapporter et votre absence d’explication nous amène à constater que vous l’avez détourné, soit cédé sans notre autorisation soit conservé par devers vous. Cela est inacceptable sur le principe : faute de loyauté, la confiance que nous avions en vous est rompue, le contrat de travail n’étant pas exécuté de bonne foi. Cela est inacceptable également quant à ce qui est demandé à l’ensemble des salariés. Nous nous réservons par ailleurs de donner toute suite pénale à ce comportement. D’autre part, votre comportement sur le lieu de travail A de nombreuses reprises depuis le 28 septembre dernier et notamment les 7, 8, 13 et 20 octobre 2015 votre supérieur sur le chantier vous a trouvé immobile, et a dû intervenir pour vous demander de travail en vous donnant des instructions détaillées et ce pour vous amener à remplir les tâches à accomplir de façon immédiate et en suivant ensuite leurs accomplissement, faute de quoi vous cessiez à nouveau de travailler. Cette attitude n’est pas acceptable alors que les interventions à effectuer sont communiquées par le supérieur sur le chantier en tout début de matinée et pour la journée. De plus, au-delà de cette passivité dans le travail, il est apparu de façon plus grave encore que vous cessiez également de travailler pour filmer ou prendre en photos vos collègues avec votre téléphone portable. Ces derniers vous ont demandé de ne pas être l’objet de vos « prise de vue », mais vous avez continué et vos collègues nous ont alertés le 13 et 15 octobre 2015 en contestant de pouvoir ainsi être photographiés ou filmés à leur insu pendant leur travail et en se demandant à quel titre vous y procédiez. Cela est inacceptable car le respect du droit à l’image d’autrui interdit d’agir ainsi sans l’autorisation de celui qui est pris en photo : de plus ce procédé répété s’est produit à chaque fois sur le lieu et pendant les heures de travail où un tel comportement n’a pas lieu d’être. Etant précisé en outre, comme indiqué précédemment, qu’en ce qui vous concerne, le plus souvent vous n’y exécutiez vos tâches qu’après intervention de votre supérieur alors que vous vous octroyiez le droit de filmer ceux qui remplissaient leurs fonctions. Cette conduite témoigne de l’absence de toute bonne foi dans l’exécution du contrat de travail et met en cause la bonne marche et le bon fonctionnement de l’entreprise. Vous en nous avez donné aucune explication, vous enfermant dans un mutisme total, lors de l’entretien du 2 novembre 2015 ; Nous avons tenu cependant après ledit entretien à entendre à nouveau votre supérieur de chantier et vos collègues ; ils ont non seulement maintenu leurs plaintes et déclarations respectives oralement, mais encore ont entendu de façon très claire les confirmer par écrit ; notamment, ils ont été formels quant à leur refus opposé à vos prises de photos et de films et ont affirmé de façon très claire que vous aviez poursuivi ces procédés nonobstant leur opposition. Ainsi, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave » La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis. Il appartient à l’employeur, qui s’est placé sur le terrain disciplinaire, de prouver les faits fautifs invoqués dans la lettre de licenciement et de démontrer en quoi ils rendaient immédiatement impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et exigeaient la rupture immédiate du contrat de travail ; les motifs invoqués doivent être établis, objectifs, réels, sérieux et vérifiables. La société Klymcar reproche au salarié de ne pas avoir restitué le matériel mis à sa disposition par l’entreprise lors de son arrêt de travail du 28 août 2014 et de ne pas l’avoir présenté lors de sa reprise, le 28 septembre 2015, sans explication. Elle produit au débat une liste du matériel, qui a été mis à la disposition du salarié, qui distingue le matériel propre à l’entreprise du matériel personnel du salarié, document contresigné par M. [N] le 16 juillet 2014, sans contestation utile de ce dernier. Elle justifie ainsi, contrairement à ce que soutient à tort le salarié, que ce dernier travaillait également avec du matériel de l’entreprise. Elle verse au débat le témoignage du chef d’équipe, M. [V], qui affirme que sur le chantier TPS, qui s’est déroulé du 7 au 20 octobre 2015, M. [N] empruntait l’outillage de ses collègues ; qu’il en a référé à son supérieur hiérarchique, M. [C], qui atteste avoir sommé M. [N] de rapporter le matériel lequel a répondu « qu’il ne l’avait pas ». Or, il appartenait au salarié de justifier du sort du matériel mis à sa disposition par l’employeur pour accomplir sa prestation de travail ; en s’abstenant de présenter le matériel pour sa restitution, lors de son arrêt de travail, et de fournir des explications sur les raisons pour lesquelles il utilisait le matériel des autres salariés et était dans l’incapacité de le présenter à son employeur, au moment de la reprise, alors qu’il y était sommé par sa hiérarchie, il a commis une faute; le premier grief est en conséquence retenu. (…) Enfin, M. [V], son chef d’équipe, atteste par un témoignage précis et circonstancié, que pendant ses interruptions de travail, sur le chantier qui s’est déroulé du 7 au 20 octobre 2015, M. [N] a pris de manière illicite des photographies de ses collègues et de lui-même ; qu’il lui a demandé en vain de cesser ce comportement ; que ces faits ont été portés à la connaissance de la hiérarchie, qui alertée par les réclamations des salariés, a demandé des explications à M. [N] qui ne s’est pas expliqué (attestation [C]). Il s’ensuit que si la cour considère, comme les premiers juges, que l’employeur n’établit pas que les faits reprochés au salarié étaient de nature suffisante pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail et qu’ils rendaient impossible l’exécution du préavis, le fait de n’ avoir fourni aucune explication sur la disparation du matériel mis à sa disposition par l’entreprise et d’avoir pris à leur insu ou contre leur gré des photographies de ses collègues sur leur lieu de travail, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. La cour infirme en conséquence le jugement déféré et dit que le licenciement de M. [N] repose sur une cause réelle et sérieuse. Sur les conséquences financières de la rupture, (…) Le licenciement étant prononcé pour cause réelle et sérieuse, M. [N] est débouté, par infirmation du jugement déféré, de sa demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse. (…) Sur les autres demandes, il n’apparaît pas inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce, de laisser à chacune des parties le montant de ses frais irrépétibles et à leurs dépens » (arrêt, p. 4-7) ;

1./ ALORS, D’UNE PART, QUE le comportement fautif doit résulter d’un fait personnellement imputable au salarié ; que, pour juger que le licenciement du salarié reposait sur une cause réelle et sérieuse, la Cour d’appel ne pouvait se borner à affirmer que le témoignage du chef d’équipe confirmait que M. [N] empruntait l’outillage de ses collègues et qu’il n’avait pas le matériel de l’entreprise et que, sans fournir d’explication, il avait été dans l’incapacité de le présenter pendant son arrêt de travail et à sa reprise du travail, sans vérifier ni constater que la disparition de ce matériel, constatée le 27 août 2015, était personnellement imputable à l’exposant, et s’il l’avait détourné comme le soutenait l’employeur dans sa lettre de licenciement, ce que le salarié contestait dans ses écritures en versant aux débats un courrier du 29 octobre 2014, antérieur d’un an à son licenciement, précisant que l’employeur avait un double des clés du véhicule, dans lequel le matériel était entreposé à l’origine, qu’un collègue de travail en avait récupéré les clés lors de son accident du travail du 3 avril 2014 et que le véhicule lui avait été définitivement retiré depuis le 27 août 2014, ce qu’il rappelait encore dans son courrier du 24 février 2016 ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1232-1 du code du travail ;

2./ ALORS, D’AUTRE PART, QUE la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse de licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou l’autre des parties ; qu’en retenant en l’espèce qu’il appartenait au salarié de justifier du sort du matériel qui avait été mis à sa disposition par l’employeur et en déduisant la cause réelle et sérieuse du licenciement du fait pour le salarié de n’avoir fourni aucune explication sur le matériel qui avait disparu, la Cour d’appel, qui a fait reposer la charge de la preuve plus particulièrement sur le salarié, a violé l’article L. 1235-1 du code du travail ;

3./ ALORS, DE PLUS, QUE l’employeur ne peut porter atteinte, y compris dans le règlement intérieur de l’entreprise, aux droits et aux libertés individuelles du salarié par des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché, et notamment interdire de manière absolue à un salarié de prendre des photographies sur son lieu de travail justifiées par l’exercice nécessaire et proportionné de ses droits de la défense ; que, pour juger que le licenciement du salarié reposait sur une cause réelle et sérieuse, la Cour d’appel ne pouvait se borner à dire que la prise de photographies par le salarié de ses collègues de travail était fautive car faite à leur insu ou contre leur gré, sans rechercher si celle-ci, qui avait concerné la période sur le chantier du 7 au 20 octobre 2015, pouvait s’expliquer par le souhait du salarié, précédemment victime d’un accident du travail, de prouver ses conditions de travail alors surtout qu’elle n’a constaté aucune diffusion, et que l’employeur n’avait justifié d’aucune interdiction de photographier dans le règlement intérieur ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 et L. 1321-1 et L. 1321-3 du code du travail, 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR condamné M. [N] à une somme de 1.977,07 € en réparation du préjudice matériel de la société KLYMCAR, D’AVOIR débouté M. [N] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ET D’AVOIR jugé que chacune des parties assumera la charge de ses propres dépens ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande reconventionnelle, La cour a relevé que l’employeur a justifié du matériel lui appartenant, mis à la disposition du salarié et qu’il n’a pas restitué. Au regard du document produit signé par le salarié le 16 juillet 2014, le coût du matériel mis à la disposition de M. [N] et non restitué, après déduction du matériel propre du salarié et du matériel dénommé « prêt Klymcar » qui a été remis, la société Klymcar est bien fondée à solliciter la somme de 1977,07 euros en réparation de son préjudice matériel. (…) Sur les autres demandes, il n’apparaît pas inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce, de laisser à chacune des parties le montant de ses frais irrépétibles et à leurs dépens » (arrêt, p. 7) ;

1./ ALORS QUE la cassation qui ne manquera pas d’intervenir sur les premières et deuxièmes branches du troisième moyen, relativement au grief de licenciement portant sur la disparition du matériel de l’entreprise, emportera, par voie de conséquence, et en application de l’article 624 du code de procédure civile, la censure sur le chef du dispositif ayant condamné le salarié à indemniser l’employeur de son préjudice matériel résultant du coût du matériel de l’entreprise mis à la disposition du salarié et non restitué ;

2./ ALORS QUE la responsabilité pécuniaire du salarié ne peut être engagée qu’en cas de faute lourde ; qu’en l’espèce, dès lors qu’elle relevait elle-même que l’employeur n’avait licencié le salarié au titre de la disparition du matériel de l’entreprise mis à sa disposition qu’au titre de la faute grave et qu’elle constatait que le fait reproché au salarié de n’avoir fourni aucune explication à ce titre ne constituait qu’une cause réelle et sérieuse de licenciement, la Cour d’appel ne pouvait engager la responsabilité pécuniaire du salarié et le condamner à verser à l’employeur une somme au titre de son préjudice matériel résultant du coût du matériel non restitué ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le principe susvisé et les articles L. 1221-1, L. 3251-2 du code du travail et 1147 ancien, devenu 1231-1 du code civil;

3./ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la faute lourde, qui conditionne l’engagement de la responsabilité pécuniaire du salarié, s’entend de l’intention de nuire à l’employeur ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel ne pouvait engager la responsabilité pécuniaire du salarié et le condamner à verser à l’employeur une somme au titre de son préjudice matériel, en se bornant à affirmer qu’il n’avait pas restitué le matériel appartenant à l’entreprise qu’il lui avait été mis à disposition, sans fournir d’explication, sans vérifier ni constater que le salarié avait eu l’intention de nuire à l’employeur ; qu’en se déterminant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel la responsabilité pécuniaire du salarié ne peut être engagée qu’en cas de faute lourde et des articles L. 1221-1, L. 3251-2 du code du travail et 1147 ancien, devenu 1231-1 du code civil.


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