Déséquilibre significatif : 27 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/04919

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Déséquilibre significatif : 27 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/04919

27 juin 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
21/04919

1ère Chambre

ARRÊT N°188/2023

N° RG 21/04919 – N° Portalis DBVL-V-B7F-R4NZ

M. [H] [I] [M] [C]

Mme [O] [P] [D] épouse [C]

C/

Me [G] [R]

Me [E] [T]

S.A.S. PROMOTION [Z] VENANT AUX DROITS DE LA SARL IG2P ANCIENNEMENT DENOMMÉE CAPITALYS CONSEIL

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT

S.C.P. PERRAUD DAUDE PERRAUD

SCI DES LICES

SAS PROMOTION [Z]

S.C.P. [T] – [H]

S.A. CNP ASSURANCES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 28 février 2023

ARRÊT :

réputé contradictoire, prononcé publiquement le 27 juin 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 20 juin 2023 à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [H] [I] [M] [C]

né le 26 Janvier 1958 à [Localité 15] (56)

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 9]

Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Valérie PLOUTON, Plaidant, avocat au barreau de LYON

Madame [O] [P] [D] épouse [C]

née le 08 Janvier 1962 à [Localité 11] (63)

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 9]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Valérie PLOUTON, Plaidant, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

Maître [G] [R], notaire

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, avocat au barreau de RENNES

La S.C.P. PERRAUD [R] PERRAUD Notaires associés, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, avocat au barreau de RENNES

Maître [E] [T]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représenté par Me Frédérique SALLIOU de la SELARL ANDRÉ SALLIOU, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me LAYDEKER de la SCP LAYDEKER-SAMMARCELLI, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

La S.C.P. [T] – [H], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bordeaux sous le n°342.182.433, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Frédérique SALLIOU de la SELARL ANDRÉ SALLIOU, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me LAYDEKER de la SCP LAYDEKER-SAMMARCELLI, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

Le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), SA immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le n°379.502.644 dont le siège social est sis [Adresse 3], représentée par son dirigeant social en exercice demeurant en cette qualité audit siège, venant aux droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE (CIFRAA), suite à une fusion par absorption selon déclaration de régularité et de conformité constatant la réalisation définitive de la fusion en date du 1er juin 2015

Représenté par Me Benjamin MAYZAUD de la SELARL SELARL PLURIEL-AVOCAT, MAYZAUD GUILLOTIN & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Philippe BOISSIER de la SCP BILLY-BOISSIER, Plaidant, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

La SCI DES LICES, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Pessac sous le n°481.318.160, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Philippe LIEF, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

La société PROMOTION [Z], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sylvie PÉLOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER – SAMMARCELLI – MOUSSEAU, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

La S.A. CNP ASSURANCES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représentée par Me Lara BAKHOS de la SELEURL PAGES – BAKHOS, avocat au barreau de RENNES

La S.A.S. PROMOTION [Z] VENANT AUX DROITS DE LA SARL IG2P ANCIENNEMENT DENOMMEE CAPITALYS CONSEIL dissoute à la suite de la réunion de toutes ses parts sociales entre les mains de la SAS PROMOTION [Z] selon décision de l’associé unique, la SAS PROMOTION [Z] en date du 31.05.2019 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

régulièrement assignée par acge d’huissier délivré le 25 novembre 2021 à personne habilitée, n’a pas constitué

FAITS ET PROCÉDURE

Courant de l’année 2000, la sci des Lices a fait construire au lieudit [Adresse 13]) un programme immobilier dénommé ‘[Adresse 17]’ éligible au dispositif fiscal de Robien dit ‘renforcé’, composé de 72 logements à usage d’habitation, dont elle a confié la commercialisation à la sarl Capitalys Conseil (devenue sarl IG2P, absorbée en cours de procédure par la sas Promotion [Z]) suivant un mandat de commercialisation du 30 mars 2007.

En mains une simulation fiscale du 22 février 2008 mentionnant :

– un gain fiscal de 6.671,18 € au bout de 9 années,

– un gain de 32.828,39 € en cas de revente du bien après le délai de 9 ans,

M. et Mme [C] ont signé un contrat de réservation le 25 février 2008 acte en mains puis, le 27 mai 2008, ont fait l’acquisition au prix de 90.000 €, intégralement financé par un crédit d’une durée de 25 ans octroyé par le Crédit Immobilier de France, d’un appartement de type T1 en état futur d’achèvement d’une superficie de 26 m² qui leur était livré le 3 décembre 2008 et dont ils confiaient la gestion locative avec assurance à la société Gestia (ultérieurement dénommée [Z] Immobilier Services).

Reprochant des carences locatives, des loyers impayés et une surévaluation de la valeur de l’appartement, M. et Mme [C] ont, par assignations des 18, 19, 21, 26 mai, 2 juin et 17 juillet 2015, fait convoquer devant le tribunal de grande instance de Rennes (devenu tribunal judiciaire le 1er janvier 2020) :

– la sci des Lices, venderesse,

– la société IGP2 anciennement sarl Capitalys Conseil, commercialisatrice (aux droits de laquelle viendra la sas Promotion [Z] en cours de procédure),

– la sas Promotion [Z], promoteur,

– maître [T] et la scp [E] [T] et [B] [H], notaire instrumentaire,

– maître [R] et la sarl Notaires Foch précédemment scp [R] Boutin Fournier, notaire procurateur,

– l’établissement financier, le Crédit Immobilier de France,

– et la Cnp Assurances, assureur du prêt,

aux fins de :

– à titre principal, nullité de la vente pour non-respect des dispositions du code de la consommation et, subsidiairement, pour dol,

– à titre subsidiaire, reconnaissance de la responsabilité des intervenants à la vente et indemnisation des différents préjudices,

– outre une indemnité au titre des frais de justice et la charge des dépens.

Par jugement du 15 juin 2021, le tribunal judicaire de Rennes :

– a constaté l’intervention volontaire du Crédit immobilier de France Développement venant aux droits du Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne,

– a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’absence de publication de l’assignation au service de la publicité foncière,

– a déclaré irrecevables car prescrites les demandes de nullité de la vente fondées sur l’inobservation des dispositions issues du droit de la consommation et sur le dol,

– a déclaré irrecevables les actions en responsabilité dirigées contre la sci des Lices, la société Promotion [Z], Me [T] et la scp [E] [T] et [B] [H], notaires associés et le Crédit immobilier de France Développement,

– a déclaré irrecevable l’action en déchéance du droit aux intérêts intentée contre le Crédit immobilier de France Développement,

– a rejeté au fond l’action en responsabilité dirigées contre maître [G] [R] et la scp Perraud [R] Perraud, notaires associés,

– a condamné M. et Mme [C] aux dépens de l’instance,

– a autorisé maître [J] et maître [W] à recouvrer directement les dépens dont ils ont a fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile,

– a condamné M. et Mme [C] à payer en application de l’article 700 du code de procédure civile les sommes de :

– 1.000 € à la sci des Lices,

– 1.000 € à la société Promotion [Z],

– 1.000 € à Me [T] et la scp [T] [H],

– 1.000 € à la scp Perraud Daudé Perraud et maître Daudé,

– 1.000 € au Crédit immobilier de France Développement,

– 1.000 € à la Cnp Assurances.

M. et Mme [C] ont interjeté appel le 28 juillet 2021 de tous les chefs de jugement, sauf le rejet de la fin de non-recevoir tirée de l’absence de publication de l’assignation au service de la publicité foncière.

Pour mémoire, par ordonnance du 12 août 2022, le conseiller de la mise en état :

– a constaté les désistements d’instance et d’action de M. et Mme [C] à l’égard de la Cnp Assurances,

– a constaté que ces désistements ont été acceptés par la Cnp Assurances,

– a constaté l’extinction de l’instance entre M. et Mme [C] et la Cnp Assurances et le dessaisissement de la cour d’appel de celle-ci,

– a dit que la Cnp Assurances conservera la charge des frais et dépens exposés par elle en première instance et en appel,

– s’est déclaré matériellement incompétent pour statuer sur la recevabilité formelle des conclusions de M. et Mme [C], chef de jugement déféré à la cour,

– a rejeté la demande d’irrecevabilité présentée par la sci des Lices fondée sur le caractère nouveau de la demande liée au surcoût du crédit,

– s’est déclaré incompétent pour connaître de la prescription de la demande de M. et Mme [C] au titre du surcoût du crédit,

– a condamné la sci des Lices aux dépens de l’incident,

– a condamné la sci des Lices à payer à M. et Mme [C] la somme de 1.800 € au titre des frais irrépétibles,

– a rejeté le surplus des demandes.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. et Mme [C] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 6 février 2023 auxquelles il est renvoyé.

Ils demandent à la cour d’appel de Rennes de :

I ‘ In limine litis, sur les fins de non-recevoir opposées principalement par la sas [Z] Promotion,

1/ Sur la fin de non-recevoir tirée de la soi-disant non-publication de l’assignation,

– confirmant le jugement dont appel,

– rejeter la fin de non-recevoir opposée à ce titre par différents défendeurs,

2/ Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de 5 ans s’agissant de la reconnaissance de la responsabilité des différents intervenants pour dol,

– réformant le jugement dont appel,

– déclarer recevable l’action en responsabilité contre les différents intervenants, comme n’étant pas prescrite, dès lors que le point de départ de ladite prescription ne pouvait se situer, ni à la date de l’acte d’acquisition, ni même à celle de la livraison effective du bien, mais à la date de la découverte des différents éléments de dol et de leur ampleur, lesquels sont successifs dans le temps, et plus précisément à la date de la découverte de la véritable valeur de leur bien à la fin de la période de défiscalisation et de possibilité de revente après les 9 années obligatoires, véritable fondement de leur démarche judiciaire,

– rejeter la fin de non-recevoir pour cause de prescription opposée par les différents défendeurs,

– plus spécifiquement, sur la demande de prononcé de prescription sollicitée par la sci des Lices s’agissant de la demande de réparation du préjudice lié au surcout du crédit,

– dire et juger que la demande d’indemnisation du préjudice lié au surcout du crédit fait partie intégrante de la demande de réparation du préjudice de perte de chance dont elle est un élément intrinsèque, et, ou accessoire, de sorte que, ayant été formulée dans le cadre du débat contradictoire de première instance, elle ne peut être considérée comme une demande nouvelle, ni en première instance, ni en cause d’appel,

– en conséquence, rejeter la demande d’irrecevabilité de la demande formulée par la sci des Lices sur ce point précis,

– à titre très infiniment subsidiaire,

– dire et juger que la prescription de l’action n’est pas acquise en général, et également sur la demande d’indemnisation du surcoût du crédit, et que l’action engagée par les concluants est donc de ce chef parfaitement recevable.

– rejeter toutes les demandes fins et conclusions des parties adverses sur la question de la prescription,

II ‘ Sur la responsabilité des différents intervenants,

– rejeter les demandes des intimées et leurs appels incidents,

– réformant le jugement dont appel,

1/ Sur la responsabilité du vendeur la sci des Lices,

– infirmant le jugement dont appel,

– condamner la sci des Lices à les indemniser de leurs différents préjudices, dont le préjudice de perte de chance de ne pas s’être engagés dans l’opération, comme ayant manqué à son devoir de conseil, en particulier au titre de l’obligation précontractuelle, en établissant un programme de construction d’une résidence trompeur en particulier au regard des plaquettes et descriptifs réalisés et remis à leur domicile, en surévaluant le prix de l’appartement cédé artificiellement gonflé par les commissions versées aux différents intervenants, en construisant le projet dans une zone géographique déjà pourvue de nombreuses résidences locatives et faisant une présentation mensongère du projet dans le cadre de la simulation précontractuelle effectuée par son préposé,

2/ Sur la responsabilité du promoteur la sas Promotion [Z],

– infirmant le jugement dont appel,

– condamner la sas Promotion [Z] à les indemniser de leurs différents préjudices, dont le préjudice de perte de chance de ne pas s’être engagés dans l’opération, comme ayant manqué à son devoir de conseil, en particulier au titre de l’obligation précontractuelle, en établissant un programme de construction d’une résidence trompeur en particulier au regard des plaquettes et descriptifs réalisés et remis au domicile, en surévaluant le prix de l’appartement cédé artificiellement gonflé par les commissions versées aux différents intervenants, en construisant le projet dans une zone géographique déjà pourvue de nombreuses résidences locatives, et faisant une présentation mensongère du projet dans le cadre de la simulation précontractuelle effectuée par son préposé,

3/ Sur la responsabilité du commercial, la sas Promotion [Z] venant aux droits de la société IG2P,

– infirmant le jugement dont appel,

– condamner la sas Promotion [Z] venant aux droits de la société iG2P à les indemniser de leurs différents préjudices, dont le préjudice de perte de chance de ne pas s’être engagés dans l’opération, en ce qu’elle a clairement manqué à son devoir de conseil notamment en présentant le choix de la résidence comme opportune, dans un secteur en pleine expansion selon elle, avec un fort potentiel locatif, et une plus-value à la revente, alors que le bien acquis est dans un secteur à faible potentiel locatif, avec une rotation rapide et importante des locataires, et en outre un prix de marché de revente des biens très inférieur au prix d’acquisition, rendant mensongère et inexacte l’information donnée quant au prix de revente,

– condamner de plus fort la sas Promotion [Z] en ce que les simulations remises par le commercial de la sas Promotion [Z] venant aux droits de la société IG2P, lors des rendez-vous à leur domicile comportent des informations fixes déjà acquises avant même la signature du contrat préliminaire de réservation, dans laquelle seule l’économie d’impôt est mise en exergue, comme s’il s’agissait d’une trésorerie effective, avec une possibilité de sortie à moyen terme et un gain final sur la revente du bien,

4/ Sur la responsabilité du notaire instrumentaire maître [T] et de la scp [E] [T] et [B] [H],

– infirmant le jugement dont appel,

– condamner maître [T] et la scp [E] [T] et [B] [H] à les indemniser de leurs différents préjudices dès lors qu’ils ont manqué à leur obligation de conseil, de loyauté et d’information générale, en ne renseignant pas leurs clients sur les caractéristiques de l’opération en loi de Robien, sur la pertinence du prix d’acquisition au regard du prix moyen de vente sur le secteur géographique concerné et sur les modalités exactes de leur acquisition au regard par ailleurs d’une acquisition dans le cadre d’une loi de défiscalisation,

– condamner de plus fort maître [T] et la scp [E] [T] et [B] [H] en tant que notaire unique de l’ensemble de l’opération de promotion de la [Adresse 17] qui détenaient l’ensemble des éléments d’information sur la résidence, son lieu d’implantation, la valeur d’acquisition dans ce secteur géographique, en tant que notaire unique pour tous les acquéreurs qui auraient dû solliciter plus d’informations de la part du promoteur notamment quant à l’évaluation du prix de vente, puis du prix locatif afin de pouvoir se faire leur propre avis sur l’opportunité économique de l’opération et auraient surtout dû dans le cadre d’un devoir d’information et de conseil minimum adresser à l’ensemble des acquéreurs une note sur l’acquisition en loi de défiscalisation de Robien, ainsi que sur les risques éventuels qu’elle peut faire peser sur l’équilibre de l’opération en cas de carence locative et d’une valeur d’acquisition surdimensionnée par rapport au prix du marché local,

5/ Sur la responsabilité du notaire procurateur la scp Perraud [R] [R] Perraud, notaires associés et maître [G] [R],

– infirmant le jugement dont appel,

– condamner la scp Perraud [R] [R] Perraud, notaires associés et maître [G] [R], notaire procurateur, à les indemniser de leurs différents préjudices, en raison de leur obligation de conseil, de loyauté, et d’information générale, en ne renseignant pas leurs clients sur les caractéristiques de l’opération, sur l’opportunité d’un investissement dans ce secteur, et sur les conséquences exactes de leur acquisition, en particulier en présence d’une demande de procuration laquelle rendait encore plus fragile leurs clients, pour connaître les données exactes de l’opération, en particulier lorsque le contact initial était pris par le commercial du promoteur, et non par les clients eux-mêmes,

6/ Sur les demandes résultant de ces responsabilités,

– réformant le jugement dont appel,

– condamner la sci des Lices, la sas Promotion [Z], à nouveau la sas Promotion [Z] venant aux droits de la société IG2P, maître [T] et la scp [E] [T] et [B] [H], et la scp Perraud [R] [R] Perraud, notaires associés et maître [G] [R], notaire procurateur, au paiement de la somme de 48.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de perte de chance de M. et Mme [C] de ne pas s’être engagés dans cette opération,

– condamner solidairement la sci des Lices, la sas Promotion [Z], à nouveau la sas Promotion [Z] venant aux droits de la société IG2P, maître [T] et la scp [E] [T] et [B] [H], notaire instrumentaire et la scp Perraud [R] [R] Perraud, notaires associés et maître [G] [R], notaire procurateur, au paiement de la somme de 35.336 € à titre de dommages et intérêts complémentaires, au titre du surcoût du crédit payé à tort par M. et Mme [C], seconde composante de leur préjudice de perte de chance,

– condamner solidairement la sci des Lices, la sas Promotion [Z], à nouveau la sas Promotion [Z] venant aux droits de la société IG2P, maître [T] et la scp [E] [T] et [B] [H], et la scp Perraud [R] [R] Perraud, notaires associés et maître [G] [R], notaire procurateur, au paiement de la somme de 12.690 € au titre du préjudice subi du fait de la carence locative, à titre de dommages et intérêts complémentaires au profit de M. et Mme [C],

III ‘ à titre complémentaire, sur la responsabilité spécifique de la banque,

– infirmant le jugement dont appel,

1/ Sur la responsabilité de la banque au regard de cette opération et du prêt proposé à M. et Mme [C],

– condamner la banque Bnp Paribas au paiement de la somme de 20.000 € à titre d’indemnisation du préjudice spécifique des concluants à ce titre, à savoir la perte de chance de ne pas s’être engagés dans cette opération d’acquisition, et plus précisément dans ce type d’emprunt, qui s’avère inapproprié à leur situation en particulier au regard de sa durée, et ce au regard du devoir d’information et de conseil de la banque,

– condamner le Crédit Immobilier de France, pour sa responsabilité spécifique pour leur avoir consenti un prêt particulièrement onéreux, totalement inaccessible en termes de compréhension, aléatoire quant à l’évolution de son coût pour l’avenir, et beaucoup trop long par rapport à leur âge au moment de la souscription, à la prise en charge des sommes suivantes à titre de dommages et intérêts complémentaires :

* remboursement des frais de dossier du prêt,

* remboursement de l’assurance de prêt souscrite pour les échéances payées à ce jour,

* remboursement de l’assurance de prêt souscrite pour l’avenir qui prendra la forme de la diminution de la mensualité,

* remboursement de tous les frais annexes perçus sur le relevé de compte afférent à ce prêt,

2/ Sur le caractère erroné du TEG,

– prononcer la nullité du taux d’intérêt contractuel tel que mentionné dans l’offre de prêt du 25 février 2008 souscrite par eux auprès du Crédit Immobilier de France et la déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur, en raison de ce que l’offre de prêt ne précise pas la durée de période,

– en conséquence,

– et à titre de sanction, dire et juger que le Crédit Immobilier de France devra appliquer le taux d’intérêt légal au lieu et place du taux d’intérêt conventionnel, et ce pour toute la période de l’emprunt y compris de manière rétroactive,

– condamner le Crédit Immobilier de France à leur rembourser le montant du trop-perçu sur l’antériorité, outre intérêts légaux sur cette somme, avec capitalisation des intérêts à compter de l’assignation introductive d’instance,

– en conséquence,

– enjoindre au Crédit Immobilier de France de leur communiquer un nouvel échéancier,

– enjoindre au Crédit Immobilier de France pour les années suivantes à leur communiquer un nouvel échéancier chaque année civile dans un délai de huit jours à compter de la publication du nouveau taux d’intérêt légal de l’année concernée, faisant application de celui-ci, sous astreinte de 150 € par jour de retard en cas de non-respect de ce délai de communication,

IV ‘ à titre complémentaire sur les autres demandes formulées dans tous les cas de condamnation,

1/ Sur le préjudice moral,

– infirmant le jugement dont appel,

– condamner solidairement la sci des Lices, la sas Promotion [Z], à nouveau sas Promotion [Z] venant aux droits de la société IG2P, maître [T] et la scp [E] [T] et [B] [H], et la scp Perraud [R] [R] Perraud, notaires associés et maître [G] [R], notaire procurateur, à leur payer la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice spécifique moral, psychologique et administratif,

2/ Sur l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmant le jugement dont appel,

– réformer la décision en ce qu’elle a accordé aux différents défendeurs une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– y ajoutant en cause d’appel,

– condamner solidairement la sci des Lices, la sas Promotion [Z], à nouveau la sas Promotion [Z] venant aux droits de la société IG2P, maître [T] et la scp [E] [T] et [B] [H], notaire instrumentaire, et la scp Perraud [R] [R] Perraud, notaires associés et maître [G] [R], notaire procurateur, et la banque Bnp Paribas à leur verser la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles,

– condamner spécifiquement le Crédit Immobilier de France au paiement d’une somme distincte de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles, compte tenu du travail spécifique engagé dans le cadre de cette procédure sur le prêt et son TEG, – rejeter en cause d’appel toute demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile par les parties défenderesses, qui n’ont eu de surcroit à conclure qu’à l’encontre d’une seule partie,

3/ Sur les dépens,

– infirmant le jugement dont appel,

– condamner en outre, sous la même solidarité, la sci des Lices, la sas Promotion [Z], à nouveau la sas Promotion [Z] venant aux droits de la société IG2P, maître [T] et la scp [E] [T] et [B] [H], et la scp Perraud [R] [R] Perraud, notaires associés et maître [G] [R], notaire procurateur, aux entiers dépens, et ce incluant le coût :

* des frais de signification des assignations dans le cadre de la présente instance,

* de leurs publications à la conservation des hypothèques,

* de la publication de l’arrêt à intervenir à la conservation des hypothèques,

* de la signification de l’arrêt à intervenir aux différentes parties.

La sci des Lices expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 19 février 2023 auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour de :

– à titre principal, confirmer en son entier le jugement entrepris,

– à titre subsidiaire, dans l’éventualité dans laquelle la cour, par réformation du jugement, écarterait la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en responsabilité contre elle,

– déclarer irrecevable pour cause de prescription la demande des appelants au titre de la quote-part de crédit correspondant à la surévaluation prétendue du bien acquis,

– débouter en tout état de cause les appelants de leurs demandes indemnitaires à son égard,

– à titre également subsidiaire, en cas de condamnation de la sas Promotion [Z] venant aux droits et obligations de la sarl IG2P, débouter cette dernière de sa demande de garantie formée à son encontre,

– en tout état de cause, condamner les appelants et toute partie qui serait déboutée de ses demandes à son égard, à lui payer une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance et frais éventuels d’exécution, avec application au profit de maître Le Couls Bouvet, avocat au barreau de Rennes, des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La sas Promotion [Z] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 21 février 2023 auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

– en conséquence,

– juger irrecevables car prescrites les demandes formulées par M. et Mme [V] à l’encontre de la société IG2P aux droits de laquelle vient la sas Promotion [Z],

– à titre subsidiaire et si par extraordinaire, la cour devait réformer le jugement entrepris et déclarer les demandes de M. et Mme [C] recevables,

– dire et juger que la sas Promotion [Z] n’est ni le vendeur, ni le promoteur de la [Adresse 17],

– dire et juger que la société IG2P aux droits de laquelle vient la sas Promotion [Z] n’a commis aucune faute,

– en conséquence,

– débouter M. et Mme [V] de leurs demandes,

– à titre infiniment subsidiaire, dans l’éventualité où la cour prononcerait une condamnation à l’encontre de la sas Promotion [Z],

– condamner la sci des Lices à la garantir et relever indemne des éventuelles condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre,

– en tout état de cause,

– débouter M. et Mme [V] et toute partie qui viendrait à conclure à l’encontre de la sas Promotion [Z] de l’ensemble de ses demandes,

– débouter le Crédit Immobilier de France Développement de ses demandes,

– condamner M. et Mme [V] ou toute autre partie succombante au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. et Mme [V], ou toute autre partie succombante, aux entiers dépens de l’instance.

La sarl IG2P (anciennement sarl Capitalys Conseil), aux droits de laquelle est venue la sas Promotion [Z], n’a pas conclu en tant que telle.

Maître [T] et la scp [E] [T] et [B] [H] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 20 février 2023 auxquelles il est renvoyé.

Ils demandent à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

– à titre subsidiaire et si par extraordinaire la cour devait réformer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré les demandes de M. et Mme [C] irrecevables,

– débouter M. et Mme [C] de leurs demandes,

– en tout état de cause,

– les condamner au paiement des dépens dont distraction au profit de maître [J], avocat, sous ses affirmations de droit,

– les condamner à leur payer une indemnité de 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner au paiement des dépens dont distraction au profit de maître [J], avocat, sous ses affirmations de droit.

Maître [R] et la scp Perraud et associés exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 29 avril 2022 auxquelles il est renvoyé.

Ils demandent à la cour de :

– déclarer mal fondés M. et Mme [C] en leur appel dirigé à leur encontre,

– en conséquence,

– dire et juger prescrite l’action initiée par M. et Mme [C] à leur égard,

– en tout état de cause,

– dire et juger que M. et Mme [C] n’établissent aucun manquement à leur égard,

– les débouter de leurs demandes,

– les condamner à leur payer une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux entiers dépens de l’appel, lesquels en aucun cas ne sauraient être laissés à leur charge.

Le Crédit Immobilier de France expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 3 février 2023 auxquelles il est renvoyé.

Il demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré,

– et statuant à nouveau,

– à titre principal,

– juger que la demande de mise en ‘uvre de sa responsabilité pour manquement à son obligation d’information, de mise en garde et de conseil est prescrite,

– juger irrecevable toute demande formée ou relevée d’office tendant à voir réputée non écrite la clause de monnaie de compte,

– en conséquence,

– déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme [C] à son encontre,

– à titre subsidiaire,

– juger que le Crédit Immobilier de France n’a pas failli à ses obligations à l’égard de M. et Mme [C],

– juger que M. et Mme [C] ne démontrent pas l’existence d’un préjudice causé par la prétendue faute du Crédit Immobilier de France,

– en conséquence,

– débouter M. et Mme [C] de leur demande de condamnation du Crédit Immobilier de France à réparer le préjudice qu’ils prétendent subir pour manquement à son obligation d’information et de conseil,

– en tout état de cause,

– juger que la clause de monnaie de compte stipulée en francs suisses dans le prêt Helvet Immo n’entre pas dans le champ des clauses abusives en ce qu’elle définit l’objet principal du contrat et qu’elle est rédigée de manière claire et compréhensible,

– à titre subsidiaire, juger que la clause de monnaie de compte stipulée en francs suisses dans le prêt Helvet Immo n’est pas abusive en ce qu’elle ne créé aucun déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties,

– dire et juger que le prêt Helvet Immo ne comporte pas de clauses abusives et que l’ensemble des clauses sont opposables à M. et Mme [C] qui doivent les exécuter,

– débouter M. et Mme [C] de leurs demandes,

– condamner la partie qui succombera au paiement d’une somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

MOTIFS DE L’ARRÊT

À titre liminaire, il convient de rappeler que l’office de la cour d’appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de ‘constater’, ‘dire’ ou ‘dire et juger’ qui, hors les cas prévus par la loi, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile lorsqu’elles sont seulement la reprise des moyens censés les fonder.

1) Sur la nullité de la vente immobilière et ses conséquences

M. et Mme [C] précisent qu’ils renoncent à leurs demandes de nullité de la vente immobilière, de restitution du prix et d’annulation du prêt fondées sur le non-respect du code de la consommation et du code de la construction et de l’habitation et, subsidiairement, sur le dol, expliquant que le temps s’est écoulé et que leur situation juridique au regard du dispositif dit de Robien renforcé leur permet désormais d’envisager une revente du bien. Ils indiquent qu’ils cantonnent leurs demandes et argumentations à la réparation de leurs différents préjudices, notamment de perte de chance, en lien avec l’acquisition litigieuse.

Le jugement, qui a rejeté les demandes de nullité, sera confirmé sur ce point.

2) Sur les manquements à l’obligation d’information et au devoir de conseil

M. et Mme [C] soutiennent que le promoteur, la sas Promotion [Z], la venderesse, la sci des Lices, et la société commercialisatrice, la sarl Capitalys Conseil, ont manqué à leur devoir de conseil, en particulier au titre de l’obligation précontractuelle, en promouvant un programme immobilier défiscalisé trompeur au regard des plaquettes et descriptifs réalisés et remis à leur domicile, en surévaluant le prix de l’appartement artificiellement gonflé par les commissions versées aux différents intervenants, en construisant le projet dans une zone géographique déjà pourvue de nombreuses résidences locatives et en faisant une présentation mensongère du projet dans le cadre de la simulation précontractuelle alors que le bien acquis est situé dans un secteur à faible potentiel locatif, avec une rotation rapide et importante des locataires et qu’en outre, le prix de marché de revente des biens est très inférieur au prix d’acquisition, rendant mensongère et inexacte l’information donnée quant au prix de revente.

Ils reprochent au notaire instrumentaire de ne pas les avoir renseignés sur les caractéristiques de l’opération en loi de Robien, sur la pertinence du prix d’acquisition au regard du prix moyen de vente sur le secteur géographique concerné et sur les modalités exactes de leur acquisition au regard par ailleurs d’une acquisition dans le cadre d’une loi de défiscalisation alors qu’il détenait l’ensemble des éléments d’information sur la résidence, son lieu d’implantation, la valeur d’acquisition dans ce secteur géographique et, en tant que notaire unique pour tous les acquéreurs, aurait dû solliciter plus d’informations de la part du promoteur notamment quant à l’évaluation du prix de vente, puis du prix locatif afin de pouvoir se faire son propre avis sur l’opportunité économique de l’opération, et aurait surtout dû dans le cadre d’un devoir d’information et de conseil minimum adresser à l’ensemble des acquéreurs une note sur l’acquisition en loi de défiscalisation de Robien, ainsi que sur les risques éventuels qu’elle peut faire peser sur l’équilibre de l’opération en cas de carence locative, et, ou d’une valeur d’acquisition surdimensionné par rapport au prix du marché local.

Ils font le même reproche au notaire procurateur, relevant qu’en présence d’un mécanisme de procuration, leur situation était rendue encore plus fragile pour connaître les données exactes de l’opération, en particulier lorsque le contact initial était pris par le commercial du promoteur, et non par les clients eux-mêmes.

Enfin, ils reprochent à l’établissement bancaire un manquement à son obligation d’information et à son devoir de conseil tant au titre de l’absence de renseignement sur la globalité de l’opération que sur l’absence d’information sur le prêt proposé qui s’est selon eux avéré particulièrement onéreux, totalement inaccessible en termes de compréhension, aléatoire quant à l’évolution de son coût pour l’avenir, et inapproprié à leur situation en particulier au regard de sa durée, à savoir une durée maximale de 25 ans, outre que l’offre de prêt ne précise pas la durée de période.

S’agissant de la prescription de leur action, ils estiment que le point de départ ne peut être la date de l’acquisition, ni celle de la livraison de l’appartement, mais doit se situer, en présence d’une opération d’investissement portée par un promoteur puissant, peu scrupuleux et âpre au gain, oeuvrant dans un système intégré et en apparence sécurisé, au jour où ils ont été en possession de l’ensemble des informations permettant de caractériser le défaut de rentabilité tant dans sa consistance que dans son ampleur, à savoir la connaissance de valeur du bien à la fin de la période de défiscalisation et de possibilité de revente après les 9 années obligatoires, véritable fondement de leur démarche judiciaire.

Ils demandent réparation de leurs différents préjudices, notamment de perte de chance de ne pas s’être engagés dans l’opération.

Les intimés répliquent que le point de départ du délai de prescription ne saurait être fixé au jour de l’estimation sollicitée en 2020 par les acquéreurs ou encore au dénouement de l’opération fiscale en 2017 dès lors qu’en présence d’un potentiel locatif insuffisant, ceux-ci étaient en mesure d’agir dès le mois de mai 2009, outre qu’ils pouvaient faire évaluer leur bien dès la signature du contrat de réservation le 25 février 2008, ou au jour de la signature de l’acte authentique le 27 mai 2008 ou encore au jour de de la livraison de l’appartement le 3 décembre 2008. Ils ajoutent que le point de départ de la prescription ne peut être retardé jusqu’au jour où le titulaire d’un droit a connu le dernier des faits lui permettant de l’exercer et qu’il doit au contraire être fixé au jour où le titulaire du droit a connu le premier des faits lui permettant de l’exercer. Ils soulignent par ailleurs que M. et Mme [C] ont bénéficié des déductions fiscales attendues.

En droit, l’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 a réduit à cinq ans la prescription des actions personnelles ou mobilières. L’article 26 de la loi prévoit que ‘les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure’.

Pour les prescriptions en cours au 19 juin 2008, date d’entrée en vigueur de la loi, le régime du point de départ du délai est celui de ‘la manifestation du dommage ou de son aggravation’ conformément à la rédaction antérieure de l’article 2270-1 du code civil.

Il est de jurisprudence désormais établie qu’en matière d’investissement immobilier locatif avec défiscalisation, la manifestation du dommage pour l’acquéreur ne peut résulter que de faits susceptibles de lui révéler l’impossibilité d’obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion du contrat (Cass. civ. 3ème, 26 octobre 2022, n° 21-19.898, Cass. civ. 3ème, 26 oct. 2022, n° 21-19.900).

L’obligation précontractuelle d’information a des limites en ce sens que le créancier de l’obligation n’est pas dispensé d’un devoir de prudence et de diligence. Si ce dernier est renforcé pour l’acheteur professionnel, l’acquéreur non professionnel n’est quant à lui pas entièrement dispensé de cette obligation de s’informer. (Cass. civ. 3ème, 12 octobre 1994, n° 92-16.341).

Il convient donc de s’interroger sur les faits susceptibles de révéler l’impossibilité d’obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion du contrat.

3.1) Au cas particulier, s’agissant du promoteur, du vendeur et du commercialisateur, ainsi que l’ont retenu les premiers juges, la vente de l’appartement s’inscrivait dans un dispositif complexe faisant intervenir plusieurs sociétés du groupe [A] [Z], promoteur, commercialisateur et gestionnaire, dans la perspective d’une mise en location permettant aux acquéreurs de bénéficier du dispositif de Robien, ce qui constituait bien le motif principal, si ce n’est l’unique mobile, de l’engagement contractuel de M. et Mme [C], ce que n’ignorait pas la sci des Lices.

Respectivement technicien environnement et aide-soignante au moment de l’opération immobilière, M. et Mme [C] disposent à cette époque d’un revenu de 54.592 € avant déduction forfaitaire de 10 % et déduction du déficit de leurs revenus fonciers (avis d’imposition 2007), 33.083 € + 21.509 € = 54.592 €, soit 4.549 € par mois. Ils sont donc légitimement intéressés à réduire leur imposition et à se constituer un capital afin, notamment, de financer les études des enfants, ainsi que cela résulte de la fiche de renseignements recueillis par Capitalys Conseil (pièce [C] n° 2).

En ce sens, la simulation fiscale remise le 22 février 2008 par la société Capitalys Conseil à M. et Mme [C] leur a annoncé un gain fiscal de 6.671,18 € au bout de 9 années et un gain de 32.828,39 € en cas de revente du bien après le délai de 9 ans, le tout sous la condition d’une location durable et permanente de l’appartement moyennant un loyer de départ d’un montant de 270 € par mois ayant vocation à augmenter chaque année pour atteindre le montant de 316 € par mois au bout des 9 années d’investissement.

Le descriptif de l’opération a ainsi vanté les atouts de la commune de [Localité 12] et contenait une étude locative favorable motivée par la situation du programme, décrit comme étant de qualité, implanté dans une capitale universitaire, s’intégrant parfaitement dans l’architecture locale, situé dans un espace paysager également qualitatif à proximité du centre-ville et présentant l’avantage de répondre à une demande réelle d’appartement de type Tl au T4 en déficit sur la commune.

Etait également vanté l’adossement de l’investissement à une assurance locative fournie par une filiale du groupe [Z], la société [Z] Gestion, garantissant l’indemnisation des carences locatives et des non-paiements des loyers, le tout permettant d’assurer le remboursement de l’emprunt.

Or, l’appartement ayant été livré le 3 décembre 2008, ce n’est que le 13 mai 2009 que le 1er locataire est entré dans les lieux, soit au début du 6ème mois suivant cette livraison.

Privé dès le départ de locataire et ce jusqu’en mai 2009, soit pendant plus de 5 mois, l’investissement immobilier a présenté dès son origine des difficultés locatives que le temps écoulé permet de qualifier de structurelles.

Cette vacance locative de plus de 5 mois se reproduira puisqu’après le départ du premier locataire le 1er novembre 2011, l’appartement ne sera pas reloué pendant 24 mois consécutifs et connaîtra ensuite de nouvelles périodes de vacance locative, au point d’atteindre 47 mois d’inoccupation jusqu’en janvier 2017.

Pour autant, M. et Mme [C] ne justifient pas de démarches de réclamation à cette époque sur les raisons de l’absence de candidats à la location.

Au contraire, ils ont accepté une baisse du loyer.

En effet, alors que le loyer était censé être d’un montant de 270 € par mois (cf. mandat de gestion du 12 août 2008 donné à Gestia), il a été réduit dès le début de l’exploitation locative à 225 € + 30 € de charges, soit 255 € par mois (cf. location Edet à compter du 13 mai 2009, pièce [C] n° 23 à 32), puis, pour les périodes de location suivantes, n’a cessé de baisser de manière continue jusqu’à atteindre 175,55 € par mois en fin de période d’investissement.

Cette vacance locative d’origine d’une durée de près de 5 mois, couplée à une diminution d’emblée du loyer, est significative et anormale pour un investissement immobilier dont la rentabilité est précisément fondée sur la mise en location immédiate et permanente au prix initialement annoncé.

Pour M. et Mme [C], les indicateurs de rentabilité font donc défaut, à tout le moins dès le mois de mai 2009.

Du reste, arguant d’une aggravation du nombre de sinistres ‘vacances locatives’, la société [Z] Gestion leur fera connaître en 2011 que la police d’assurance était résiliée avec effet au 1er janvier 2012.

Surtout, il est soutenu par M. et Mme [C] que la [Adresse 17] est implantée dans une zone présentant de nombreux terrains à la vente à bas prix, est dépourvue de tout attrait particulier, spécialement du point de vue locatif, que le programme présenté au vu de la plaquette commerciale ne reflète absolument pas la réalité, tant du point de vue de la qualité de la construction que des environnements immédiats, et de ses visuels d’environnement paysagé.

De fait, l’implantation immobilière est réalisée en campagne dans un endroit isolé, éloigné de la métropole rennaise de près de 30 km, éloigné des côtes maritimes, n’étant accessible que par le seul réseau routier secondaire, sans réel bassin d’emploi, le village de [Localité 12] ne comptant que 1161 habitants en 2008, ce qui conduit à devoir s’interroger sur le caractère disproportionné de l’offre de logements par rapport aux besoins, outre que le prix du studio de 26 m² et de son parking extérieur, soit 90.000 € TTC (la décomposition du prix n’étant toutefois pas communiquée), correspondait plutôt aux prix pratiqués sur la place rennaise.

La plaquette commerciale a du reste vanté les atouts de la Bretagne et de la ville de [Localité 16], avant de conclure qu’aucune des infrastructures d’importance ne se trouvait à moins de 30 minutes ou 30 kilomètres de la commune de [Localité 12], lieu d’implantation du programme.

Enfin, il faut évoquer le retournement de la conjoncture économique à la fin de l’année 2008 qui a déjoué les prévisions qui avaient été celles des parties au contrat quelques mois plus tôt lorsqu’elles se sont engagées.

Pour autant, en possession dès les premiers mois d’exploitation locative de ces éléments déterminants de la rentabilité de l’investissement fiscal et de ces indicateurs négatifs, M. et Mme [C] ne se sont pas informés de la réalisation effective de l’immeuble, de ses finitions, de son environnement, de son accessibilité. Ils ne se sont pas déplacés sur les lieux de leur acquisition ‘ du moins n’en justifient-ils pas ‘, n’ont pas visité le bien, n’ont pas cherché à se renseigner sur sa valeur, ce qui s’analyse, quoi qu’ils en disent, en un manquement à la prudence et à la diligence requise, alors que leur investissement ne peut en effet être totalement décorrélé de son support, à savoir un bien immobilier.

C’est donc dès la période de décembre 2008 à mai 2009 que l’investissement immobilier s’est trouvé amputé de ses leviers déterminants de rentabilité fiscale, ce que n’ignoraient pas M. et Mme [C], amputation qui démontrait que l’objectif contractuel de rentabilité tel qu’initialement annoncé ne serait en toute hypothèse jamais atteint et ce, indépendamment du prix de revente à la fin de la période de défiscalisation, revente dont il n’est du reste rien dit par les acquéreurs, pas plus que des déductions fiscales dont M. et Mme [C] ont bénéficié.

Ayant assigné le 21 mai 2015, soit à une date postérieure à l’expiration du délai de 5 ans prévu à l’article 2224 du code civil ci-dessus rappelé, l’action de M. et Mme [C] à l’encontre du promoteur, du vendeur et du commercialisateur est prescrite.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

3.2) S’agissant des notaires, ceux-ci sont tenus de veiller à l’efficacité des actes qu’ils établissent et d’éclairer les parties sur les conséquences qui s’y attachent.

Plus particulièrement, le notaire instrumentaire est tenu d’informer et d’éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques, notamment juridiques et fiscaux, de l’acte par lequel elles s’engagent, dans la limite des possibilités de contrôle et de vérification qui lui sont offertes, des informations connues des parties et sans avoir à porter d’appréciation sur l’opportunité économique de l’opération (Cass. civ. 3ème, 20 avril 2022, n° 21-12.300). Ainsi, en l’absence d’éléments de nature à alerter le notaire sur des difficultés à venir, celui-ci n’a pas l’obligation de vérifier la faisabilité et les risques de l’opération (Cass. civ. 1ère, 2 févr. 2022, n° 20-14.296).

Ces devoirs s’apprécient au regard des seules nature et portée de l’acte, de sorte que pour le notaire procurateur ‘ une procuration ayant pour objet de consentir à un tiers un pouvoir déterminé en vue de réaliser une opération définie ‘, le devoir de conseil et d’efficacité a trait à ce seul objet et non à l’acte en vue duquel la procuration est consentie.

De même, l’action en responsabilité pour faute est soumise au délai de prescription de l’article 2224 ci-dessus rappelé.

Au cas particulier, maître [R] a reçu la procuration le 19 mai 2008, qui a été donnée à un clerc de notaire de l’étude de maître [T], tandis que maître [T], notaire du programme, a régularisé l’acte authentique de vente le 27 mai 2008, M. et Mme [C] n’ayant formulé aucun grief à l’égard de l’un ou de l’autre de ces actes.

La simulation fiscale, dont il n’est pas soutenu que maître [T] en ait été destinataire, n’était pas un document nécessaire à l’efficacité de l’acte authentique.

Par ailleurs, M. et Mme [C] savaient qu’en raison de la longueur de l’emprunt, soit 25 ans, le déficit mensuel devait perdurer au-delà de la fin des avantages fiscaux le 27 mai 2017.

Enfin, M. et Mme [C] ne démontrent pas avoir été empêchés de se déplacer personnellement à l’étude de maître [T] pour y signer l’acte authentique de leur acquisition. Ils ont au contraire acquiescé au système intégré qui leur était proposé pour acquérir un bien en défiscalisation dans lequel chaque intervenant participait en sa compétence propre à la promotion, à la réalisation et à l’exploitation.

Ayant assigné les notaires seulement les 2 juin 2015 et le 26 mai 2015, soit plus de 5 ans après la réception desdits actes, leur action en responsabilité desdits notaires est prescrite.

Le jugement sera confirmé s’agissant de la prescription de l’action dirigée contre maître [T] et la scp [E] [T] et [B] [H], notaire instrumentaire.

Le jugement, qui a débouté au fond s’agissant de l’action dirigée contre maître [R] et la scp Perraud et associés, notaire procurateur, sera infirmé sur ce point. Statuant à nouveau, la cour déclarera l’action prescrite.

3.3) Enfin, s’agissant du Crédit Immobilier de France, à laquelle le délai de la prescription de l’article 2224 est pareillement applicable, la jurisprudence retient que la prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance, que le dommage résultant d’un manquement à l’obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter se manifeste dès l’octroi des crédits (Cass. com., 26 janvier 2010, n° 08-18.354, Cass. com., 27 mars 2012, n° 11-13.719, Cass, com., 3 décembre 2013, n° 12-26.934), sauf si la preuve est rapportée par l’emprunteur pouvait légitimement ignorer ce dommage. (Cass. civ. 1ère, 12 décembre 2018, pourvoi n° 17-18.434).

En l’espèce, il ressort des mentions manuscrites de l’offre de crédit que M. et Mme [C] ont déclaré avoir reçu leur offre de prêt le 9 avril 2008 et l’avoir acceptée le 20 avril 2008. Le contrat de prêt a donc été formé le 20 avril 2008, date de l’acceptation par les emprunteurs de l’offre de prêt précédemment émise le 7 février 2008. Il contenait la durée d’emprunt soit 25 ans et les mentions relatives au TEG, auxquelles M. et Mme [C] ont donné leur accord.

C’est à cette date qu’ils se sont trouvés en possession des éléments leur permettant d’agir s’ils devaient ultérieurement estimer que la durée de ce crédit était inappropriée notamment eu égard à leur âge ou que le taux d’intérêt contractuel était selon eux entaché de nullité faute de précision de la durée de période. C’est donc à cette date que le point de départ de la prescription doit être fixé.

Il résulte de ce qui précède que les demandes formées par M. et Mme [C] par assignation délivrée le 18 juillet 2015 au titre d’un manquement du Crédit Immobilier de France à ses obligations contractuelles sont également prescrites.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

4) Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, M. et Mme [C] supporteront les dépens d’appel.

Le jugement sera confirmé s’agissant des dépens de première instance.

Enfin, eu égard aux circonstances de l’affaire, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles dans la présente instance et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Le jugement sera confirmé s’agissant des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Nantes du 15 juin 2021 SAUF en ce qu’il a :

– rejeté au fond les actions en responsabilité dirigées contre maître [R] et la scp [R] Boutin Tournier Bertrand, notaire procurateur,

Statuant à nouveau,

Déclare prescrites les actions en responsabilité dirigées contre maître [R] et la scp [R] Boutin Tournier Bertrand devenue scp Perraud et associés, notaire procurateur,

Condamne M. et Mme [H] et [O] [C] aux dépens d’appel,

Rejette le surplus des demandes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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