Délai de contestation et application des règles de prescription dans le cadre des titres exécutoires.

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Délai de contestation et application des règles de prescription dans le cadre des titres exécutoires.

L’Essentiel : Le 11 février 2019, l’ONIAM a indemnisé Mme [Z] pour une contamination par le virus de l’hépatite C. Par la suite, l’ONIAM a émis un titre exécutoire à l’encontre de la société Allianz IARD pour le remboursement des sommes versées. Allianz a contesté ce titre en assignant l’ONIAM en annulation, mais la cour d’appel a retenu un délai de recours de deux mois, conformément à l’article R. 421-1 du code de justice administrative. Allianz a soutenu que le délai de prescription de cinq ans du code civil s’appliquait, mais la cour a jugé son argument non fondé.

Contexte de l’affaire

Le 11 février 2019, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) a indemnisé Mme [Z] pour une contamination par le virus de l’hépatite C suite à la réception de produits sanguins. Par la suite, l’ONIAM a émis un titre exécutoire à l’encontre de la société Allianz IARD, assureur du centre de transfusion sanguine de Caen, pour le remboursement des sommes versées à Mme [Z]. Ce titre a été notifié à Allianz le 31 décembre 2019.

Action en annulation

Le 5 août 2021, Allianz a assigné l’ONIAM en annulation du titre exécutoire, mais l’ONIAM a opposé la forclusion de cette action. La cour d’appel a examiné le moyen soulevé par Allianz concernant la recevabilité de son action.

Arguments de l’assureur

Allianz a soutenu que les dispositions de l’article R. 421-1 du code de justice administrative ne s’appliquaient pas à son action, qui devrait être soumise au délai de prescription de cinq ans prévu par l’article 2224 du code civil. L’assureur a contesté la décision de la cour d’appel qui avait retenu un délai de recours de deux mois.

Réponse de la Cour

La Cour a confirmé que le titre exécutoire émis par l’ONIAM est une décision administrative, et que le débiteur souhaitant contester ce titre doit le faire dans le délai de deux mois prévu par l’article R. 421-1. La cour d’appel a donc correctement appliqué ce délai, et le moyen soulevé par Allianz a été jugé non fondé.

Prescription des demandes d’indemnisation

Selon l’article L. 1142-28 du code de la santé publique, les demandes d’indemnisation devant l’ONIAM se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage. L’action de l’ONIAM contre les assureurs est également soumise à ce délai de prescription.

Notification des voies de recours

Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables que si les voies de recours ont été mentionnées dans la notification de la décision. En l’absence de notification régulière, le débiteur n’est pas tenu de respecter le délai d’un an pour contester le titre.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a rejeté la demande d’annulation du titre exécutoire, considérant qu’un an s’était écoulé entre la connaissance du titre par Allianz et l’action en annulation. Cependant, cette décision a été jugée en violation des textes applicables, car la notification du titre n’avait pas fait courir le délai de recours.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature du titre exécutoire émis par l’ONIAM ?

Le titre exécutoire émis par l’ONIAM constitue une décision administrative au sens de l’article R. 421-1 du code de justice administrative.

Cet article stipule que :

« Les décisions administratives peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge administratif dans un délai de deux mois à compter de leur notification. »

Ainsi, le débiteur qui souhaite contester un titre exécutoire émis par l’ONIAM doit le faire dans ce délai de deux mois.

Il est important de noter que ce délai est spécifique aux décisions administratives et ne doit pas être confondu avec d’autres délais de prescription, comme celui de l’article 2224 du code civil, qui prévoit un délai de prescription de cinq ans pour les actions en responsabilité civile.

Quels sont les délais de recours applicables à l’ONIAM ?

Selon l’article L. 1142-28 du code de la santé publique, les demandes d’indemnisation formées devant l’ONIAM se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage.

Cet article précise que :

« Les actions en indemnisation se prescrivent par dix ans à compter de la date à laquelle la victime a eu connaissance du dommage et de la personne responsable. »

En ce qui concerne l’action exercée par l’ONIAM, subrogé dans les droits des victimes qu’il a indemnisées, elle est également soumise à ce délai de prescription de dix ans.

Cependant, pour contester un titre exécutoire émis par l’ONIAM, le débiteur doit agir dans un délai de deux mois, conformément à l’article R. 421-1 du code de justice administrative.

Il est donc crucial de distinguer ces deux délais, car ils s’appliquent à des situations différentes.

Quelles sont les conséquences d’une notification irrégulière des voies et délais de recours ?

L’article R. 421-5 du code de justice administrative stipule que les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables que si les voies et délais de recours ont été mentionnés dans la notification de la décision.

Cet article indique que :

« Les délais de recours ne peuvent être opposés que si les voies de recours ont été clairement indiquées dans la notification. »

En l’absence de notification régulière, le débiteur n’est pas tenu de respecter le délai d’un an défini par la décision du Conseil d’État du 13 juillet 2016.

Cela signifie que si l’ONIAM n’a pas correctement informé l’assureur des voies et délais de recours, ce dernier peut contester le titre exécutoire sans être soumis à ce délai d’un an.

Les règles de la prescription extinctive suffisent alors à garantir la sécurité juridique.

Comment la cour d’appel a-t-elle statué sur la demande d’annulation du titre exécutoire ?

La cour d’appel a retenu que plus d’un an s’était écoulé entre le moment où l’assureur a eu connaissance du titre exécutoire et le moment où il a agi en annulation de ce titre.

Cependant, elle a également constaté que la juridiction désignée n’était pas compétente et que la notification du titre n’avait pas fait courir le délai de recours de deux mois.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles L. 1142-28, R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative, car elle n’a pas pris en compte l’irrégularité de la notification.

Cela a conduit à une application erronée des délais de recours, ce qui a eu pour conséquence de déclarer la demande d’annulation comme tardive, alors qu’elle aurait dû être accueillie.

CIV. 1 CL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 janvier 2025
Cassation

Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 10 F-D

Pourvoi n° C 23-20.771

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 JANVIER 2025

La société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 23-20.771 contre l’arrêt rendu le 15 juin 2023 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 10), dans le litige l’opposant à l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales, après débats en l’audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyenne et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

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la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 15 juin 2023), le 11 février 2019, après avoir indemnisé, lors de la procédure amiable prévue à l’article L. 1221-14 du code de la santé publique, Mme [Z] ayant reçu des produits sanguins et été contaminée par le virus de l’hépatite C, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l’ONIAM) a émis à l’encontre de la société Allianz IARD, assureur du centre de transfusion sanguine de Caen (l’assureur), un titre exécutoire n° 2019-123 en remboursement des sommes versées à Mme [Z]. Ce titre a été notifié à l’assureur le 31 décembre 2019.

2. Le 5 août 2021, l’assureur a assigné l’ONIAM en annulation de ce titre exécutoire. Ce dernier lui a opposé la forclusion de son action.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L’assureur fait grief à l’arrêt d’accueillir la fin de non-recevoir et de déclarer son action forclose à l’égard du titre n° 2019-123, alors « que les dispositions de l’article R. 421-1 du code de justice administrative s’appliquent exclusivement aux recours exercés devant la juridiction administrative et sont inapplicables à l’action dont dispose l’assureur d’une structure reprise par l’EFS pour contester, devant le juge judiciaire, le bien-fondé du titre exécutoire émis à son encontre par l’ONIAM afin de recouvrer les sommes versées aux victimes en application des dispositions des articles L. 1221-14 et L. 1142-15 du code de la santé publique ; qu’en l’absence de texte spécifique, cette action est soumise au seul délai de prescription de cinq ans prévu par l’article 2224 du code civil ; qu’en l’espèce, pour déclarer forclose l’action intentée par la société Allianz, la cour d’appel a retenu que l’ONIAM était fondée à se prévaloir du délai de recours de deux mois de l’article R. 421-1 du code de justice administrative et que si ce délai n’était pas opposable à la société Allianz compte tenu du caractère erroné des indications figurant sur la notification du titre quant aux conditions dans lesquelles elle pouvait former un recours contentieux, la société Allianz ne pouvait toutefois pas contester le titre au-delà d’un délai raisonnable d’un an courant à compter de cette notification ; qu’en statuant ainsi, quand cette action était soumise au seul délai de prescription de cinq ans, la cour d’appel a violé les articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de

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justice administrative par fausse application, ensemble l’article 2224 du code civil par refus d’application. »

Réponse de la Cour

4. Pour recouvrer les sommes versées aux victimes en application des articles L. 1142-15, L. 1142-24-7, L. 1142-24-17 ou L. 1221-14 du code de la santé publique, l’ ONIAM peut émettre un titre exécutoire à l’encontre des assureurs des structures reprises par l’Etablissement français du sang ou encore des assureurs des personnes considérées comme responsables de dommages, de celles-ci ou du Fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé, auxquels il s’est substitué (Avis de la Cour de cassation, 28 juin 2023, n° 23-70.003).

5. Ce titre exécutoire émis par l’ONIAM constitue une décision administrative au sens de l’article R. 421-1 du code de justice administrative.

6. Il s’en déduit que le débiteur, qui entend contester un titre exécutoire émis par l’ONIAM devant le juge judiciaire, doit saisir celui-ci dans le délai de deux mois prévu par ce texte et que le délai édicté par l’article 2224 du code civil n’est pas applicable (Avis de la Cour de cassation, 13 décembre 2023, n° 23-70.013).

7. C’est dès lors à bon droit que la cour d’appel a retenu que le délai applicable pour contester un titre exécutoire émis par l’ONIAM était celui de l’article R. 421-1 du code de justice administrative.

8. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le moyen relevé d’office

9. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 1142-28 du code de la santé publique, R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative :

10. Selon le premier de ces textes, les demandes d’indemnisation formées devant l’ONIAM en application de l’article L. 1221-14 du code de la santé publique se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage.

11. Est également soumise à ce délai de prescription l’action exercée par l’ONIAM, subrogé dans les droits des victimes qu’il a indemnisées, sur le

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fondement de l’article L. 1221-14, contre des assureurs des structures reprises par l’Etablissement français du sang.

12. Ainsi qu’énoncé au paragraphe 6, le débiteur qui entend contester un titre exécutoire émis par l’ONIAM devant le juge judiciaire doit saisir celui-ci dans le délai de deux mois prévu par le deuxième de ces textes.

13. Aux termes du troisième de ces textes, les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.

14. En l’absence de notification régulière des voies et délais de recours, le débiteur n’est pas tenu de saisir le juge civil dans le délai d’un an défini par la décision du Conseil d’État du 13 juillet 2016 (n° 387763, publié au Recueil Lebon), les règles de la prescription extinctive suffisant alors à répondre à l’exigence de sécurité juridique (Ass. plén., 8 mars 2024, pourvoi n° 21-12.560, publié).

15. Pour écarter la demande d’annulation du titre exécutoire comme tardive, après avoir constaté que la juridiction désignée n’était pas compétente et que la notification du titre n’avait pas fait courir le délai de recours de deux mois, l’arrêt retient que plus d’un an s’est écoulé entre le jour où l’assureur a eu connaissance du titre exécutoire et le jour où il a agi en annulation de ce titre.

16. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.


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