Déchéance du terme et la déchéance du droit aux intérêts dans un contrat de prêt à la consommation

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Déchéance du terme et la déchéance du droit aux intérêts dans un contrat de prêt à la consommation

Résumé de l’affaire

La SAS SOGEFINANCEMENT a consenti à Madame [I] [X] un prêt personnel de 20000 euros, mais suite à des impayés, elle a prononcé la résiliation du contrat et demandé le paiement de 21682,68 euros. La SAS SOGEFINANCEMENT a assigné Madame [I] [X] en justice pour obtenir le paiement de la dette. Madame [I] [X] conteste la déchéance du terme du contrat, invoquant un accident et des demandes de paiement contradictoires. Elle demande la reprise du contrat et le retrait de son inscription au FICP. L’affaire est en attente de décision du juge des contentieux de la protection.

L’essentiel

Irregularité de la procédure

En application de l’article R632-1 du code de la consommation, le juge peut soulever d’office toutes les dispositions de ce code dans les litiges nés de son application. L’article L314-26 du code de la consommation précise que les dispositions des chapitres II et III et des sections II à VII du chapitre IV du code de la consommation sont d’ordre public. En l’espèce, la SAS SOGEFINANCEMENT a évoqué la régularité de l’offre de prêt et a pu formuler ses observations quant au respect des dispositions d’ordre public des articles L312-1 et suivants du code de la consommation.

Recevabilité de la demande

Compte tenu de la date de conclusion du contrat le 20 juillet 2022, et de la date de l’assignation, le 7 mars 2024, la demande de la SAS SOGEFINANCEMENT a été formée avant l’expiration du délai biennal de forclusion de l’article R 312-35 du code de la consommation. Elle est donc recevable.

Exigibilité de la créance

Aux termes de l’article L312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés. En application des articles 1224 et 1225 du code civil, la résolution peut résulter de l’application d’une clause résolutoire. Ainsi, si le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut être déclarée acquise au créancier sans délivrance d’une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle. Selon la jurisprudence de la CJUE, une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur. En l’espèce, la déchéance du terme a été prononcée irrégulièrement, et les conditions de prononcé de la déchéance du terme ne sont pas réunies.

En conclusion, il convient de rejeter la demande de résolution judiciaire du contrat de prêt, de condamner l’emprunteuse au paiement des échéances échues impayées, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts, de rejeter la demande de capitalisation des intérêts, de ne pas ordonner la radiation de l’emprunteuse du FICP, de condamner l’emprunteuse aux dépens de l’instance, et de rejeter les demandes accessoires formulées par les parties.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 juillet 2024
Tribunal judiciaire de Bobigny
RG n°
24/02347
TRIBUNAL DE PROXIMITÉ DU RAINCY
[Adresse 4]
[Localité 7]

Téléphone : [XXXXXXXX01]

@ : [Courriel 8]

REFERENCES : N° RG 24/02347 – N° Portalis DB3S-W-B7I-Y7SB

Minute : 24/713

S.A.S. SOGEFINANCEMENT
Représentant : Me Sébastien MENDES GIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0173

C/

Madame [I] [X]
Représentant : Me Sadia CHELBI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire :

Exécutoire délivrée le :
à :

Copie certifiée conforme délivrée le :
à :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT

Jugement rendu et mis à disposition au greffe du tribunal de proximité du Raincy en date du 26 juillet 2024 ;

Par Madame Céline MARION, en qualité de juge des contentieux de la protection assistée de Madame Sandra GAGNOUX, greffier ;

Après débats à l’audience publique du 16 mai 2024 tenue sous la présidence de Madame Céline MARION, juge des contentieux de la protection, assistée de Madame Claudine ADUFASHE, greffier audiencier ;

ENTRE DEMANDEUR :

S.A.S. SOGEFINANCEMENT,
demeurant [Adresse 3] – [Localité 5]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL, avocat au barreau de PARIS

D’UNE PART

ET DÉFENDEUR :

Madame [I] [X],
demeurant [Adresse 2] – [Localité 6]

comparante en personne et assistée de Me Sadia CHELBI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

D’AUTRE PART

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 20 juillet 2022, la SAS SOGEFINANCEMENT a consenti à Madame [I] [X] un prêt personnel d’un montant en capital de 20000 euros, avec intérêts au taux débiteur de 1,89%, remboursable en 36 mensualités s’élevant à 31,50 euros, puis 80 mensualités de 266,28 euros, hors assurance.

La SAS SOGEFINANCEMENT a adressé à Madame [I] [X] une mise en demeure d’avoir à régulariser les échéances impayées 43,52 euros par lettre du 26 juin 2023.

Elle a prononcé la résiliation du contrat, et a demandé le paiement de la somme de 21682,68 euros par lettre recommandée en date du 21 juillet 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 7 mars 2024, la SAS SOGEFINANCEMENT a fait assigner Madame [I] [X] devant le juge des contentieux de la protection afin de :
 » à titre principal, constater la déchéance du terme du contrat de crédit suivant mise en demeure du 21 juillet 2023,
 » à titre subsidiaire, prononcer la résolution judiciaire du contrat de crédit,
 » condamner Madame [I] [X] au paiement de la somme de 21590,60 euros, avec intérêts au taux de 1,89% l’an à compter du 21 juillet 2023, date de la mise en demeure,
 » ordonner la capitalisation des intérêts,
 » n’accorder aucun délai de paiement,
 » la condamner au paiement de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance,
 » dire n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

A l’audience la SAS SOGEFINANCEMENT, représentée, maintient ses demandes. Elle s’en rapporte à la décision du tribunal quant à la demande de délais de paiement.

Elle précise que la forclusion biennale n’est pas encourue, le premier incident de paiement non régularisé se situant au 30 avril 2023 et qu’elle est dès lors bien fondée à obtenir la condamnation de l’emprunteuse au paiement du solde des sommes dues augmentées des intérêts au taux contractuel, au visa des articles L311-1 et suivants du code de la consommation. Elle indique que les mensualités de l’emprunt n’ont pas été régulièrement payées, ce qui l’a contraint à prononcer la déchéance du terme, rendant la totalité de la dette exigible. Subsidiairement, elle expose, sur le fondement des articles 1224 et suivant du code civil que Madame [I] [X] a manqué à ses obligations contractuelles en ne payant pas les échéances, ce qui justifie la résolution judiciaire du contrat.
Elle a également pu émettre ses observations sur le respect des règles d’ordre public fixées par le code de la consommation et notamment, précise que les fonds ont été mis à disposition de l’emprunteuse après l’expiration du délai de sept jours.
Elle indique que le contrat est complet et conforme au code de la consommation, sans cause de déchéance du droit aux intérêts et qu’elle dispose notamment de la fiche d’information préalable, de la notice de l’assurance, de la fiche de dialogue, et de la justification de vérification de la solvabilité et de consultation du FICP.

En réponse aux demandes reconventionnelles, elle indique qu’il n’est pas possible de revenir à l’exécution du contrat compte tenu de la déchéance du terme, régulière. Elle précise que le défichage au FICP résulte d’une déclaration à la Banque de France.

Madame [I] [X], assistée demande au juge des contentieux de la protection de :
 » dire que la déchéance du terme du contrat est irrégulière et ordonner la reprise du contrat,
 » ordonner à la SAS SOGEFINANCEMENT d’enlever l’inscription au FICP,
 » condamner la SAS SOGEFINANCEMENT au paiement de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle explique avoir eu un accident le 30 mai 2023 ayant entrainé un arrêt de travail avant lequel elle avait reçu un dernier avis avant contentieux de payer 174,08 euros le 15 mai, somme réglée. Elle explique avoir ensuite reçue une inscription au FICP mentionnant 87,04 euros d’arriéré et la déchéance du terme, mentionnant 80,60 euros, avec des demandes portant sur des sommes différentes à chaque fois, indéterminées. Elle ajoute que la déchéance du terme était déjà prononcée lorsqu’elle a repris son emploi en juillet. Elle estime que la déchéance du terme a été mise en œuvre de mauvaise foi par la SAS SOGEFINANCEMENT et que la déchéance du terme doit être annulée, pour la reprise du contrat. Elle souligne que la clause créé un déséquilibre significatif entre les parties, ainsi que cela ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation (arrêt du 22 mars 2023). Elle précise avoir tenté une conciliation, impossible, auprès du commissaire de justice. Elle estime que l’inscription au FICP doit également être retirée.

L’affaire a été mise en délibéré au 26 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande principale :

Sur l’office du juge

En application de l’article R632-1 du code de la consommation, le juge peut soulever d’office toutes les dispositions de ce code dans les litiges nés de son application.

L’article L314-26 du code de la consommation précise que les dispositions des chapitres II et III et des sections II à VII du chapitre IV du code de la consommation sont d’ordre public.

En l’espèce, la SAS SOGEFINANCEMENT a évoqué la régularité de l’offre de prêt et a pu formuler ses observations quant au respect des dispositions d’ordre public des articles L312-1 et suivants du code de la consommation.

Sur la recevabilité de la demande

Compte tenu de la date de conclusion du contrat le 20 juillet 2022, et de la date de l’assignation, le 7 mars 2024, la demande de la SAS SOGEFINANCEMENT a été formée avant l’expiration du délai biennal de forclusion de l’article R 312-35 du code de la consommation. Elle est donc recevable.

Sur l’exigibilité de la créance :

Aux termes de l’article L312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés.

En application des articles 1224 et 1225 du code civil, la résolution peut résulter de l’application d’une clause résolutoire, qui précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat. En ce cas, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution, qui ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.

Ainsi, si le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque être déclarée acquise au créancier sans délivrance d’une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Selon l’article L212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Par arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) juge que l’article 3, § 1 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs devait être interprété en ce sens que s’agissant de l’appréciation par une juridiction nationale de l’éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombait à cette juridiction d’examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l’inexécution par le consommateur d’une obligation qui présentait un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté était prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêtait un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté dérogeait aux règles de droit commun applicables en la matière en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l’application d’une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.

Selon un arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), la CJUE a indiqué que l’arrêt du 26 janvier 2017 devait être interprété en ce sens que les critères dégagés pour l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat que cette clause créait au détriment du consommateur devaient être compris comme faisant partie de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national devait examiner afin d’apprécier le caractère abusif d’une clause contractuelle.

Il résulte de ces textes et de la jurisprudence de la CJUE que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (Civ. 1ère, 22 mars 2023, n°21-16.044).

En l’espèce, le prêt stipule à l’article 5-6,  » qu’en cas de défaillance de l’emprunteur dans les remboursements, SOGEFINANCEMENT pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts primes et surprimes d’assurances échus mais non payés « .

Il n’est fait mention dans la clause ni de l’envoi préalable d’une mise en demeure, ni d’un délai laissé à l’emprunteur pour régulariser la situation.

Il convient dès lors d’apprécier les conditions dans lesquelles la SAS SOGEFINANCEMENT a mis concrètement en œuvre la clause relative à la déchéance du terme incluse dans le contrat, pour déterminer si la déchéance du terme a été prononcée régulièrement.

Le contrat porte sur le montant de 20000 euros en capital et prévoit le paiement des échéances mensuelles le 30 de chaque mois, par 36 mensualités de 31,50 euros, hors assurance, puis 80 mensualités de 266,28 euros hors assurance.

Il apparait que par lettre recommandée du 15 mai 2023, portant en encadré la mention  » dernier avis avant remise au contentieux « , la SAS SOGEFINANCEMENT a demandé à Madame [I] [X] le paiement de la somme de 174,08 euros, sous 15 jours.

Il ressort des observations de Madame [I] [X], confirmées par l’examen de l’historique de compte communiqué par la banque que, par virement du 31 mai 2023, elle a payé la somme de 174,08 euros.

A la lecture de ce même document, aucun prélèvement n’a été fait pour l’échéance du 30 mai 2023, mais uniquement un prélèvement d’un montant de 43,52 euros, le 12 juin 2023, correspondant à l’échéance de 40,30 euros, assurance incluse, et aux indemnités légales de 3,22 euros, prélèvement revenu impayé.

La SAS SOGEFINANCEMENT a adressé une nouvelle mise en demeure à Madame [I] [X] de payer la somme de 43,52 euros, par lettre recommandée du 26 juin 2023, présentée le 29 juin 2023, revenue non réclamée. Cette mise en demeure mentionnait là encore  » dernier avis avant remise au contentieux « , avec mention d’un règlement sous 15 jours à peine de prononcé de la déchéance du terme du contrat.

Par lettre du 21 juillet 2023, intitulée  » mise en demeure préalable à la déchéance du terme « , la SAS SOGEFINANCEMENT a demandé à Madame [I] [X] le paiement de la somme de 21682,68 euros sous huitaine. Il convient de relever que cette lettre n’est en aucun cas une mise en demeure préalable à la déchéance du terme, puisqu’elle vise précisément à obtenir le paiement des sommes qui sont dues après le prononcé de la déchéance du terme.

La mise en demeure du 26 juin 2023 a laissé un délai de quinze jours à Madame [I] [X] pour payer la somme de 43,52 euros.

Si l’obligation inexécutée par l’emprunteuse est une obligation essentielle du contrat de prêt, la gravité de cette inexécution doit être mesurée en l’espèce au regard de son étendue, notamment en lien avec le montant et le nombre d’échéances impayées, leur ancienneté et le montant de l’emprunt. La mise en demeure portait sur une seule échéance de 40,30 euros, exigible moins d’un mois avant l’envoi de la lettre du 26 juin pour un crédit de 20000 euros en capital.

Le délai de quinze jours pour régulariser court à compter de l’envoi de la lettre de mise en demeure, laquelle peut être réceptionnée bien après, voire après l’expiration du délai ainsi octroyé. Madame [I] [X] n’a en l’occurrence pas réceptionné la lettre du 26 juin 2023.

Compte tenu de l’enjeu et des conséquences considérables d’une telle clause pour l’emprunteuse qui se voit contrainte de rembourser immédiatement la totalité des sommes restant dues au titre du prêt, avec une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la clause, qui ne prévoit aucun délai, été mise en œuvre par la banque, avec un délai de quinze jours pour la régularisation des impayés, qui ne constitue pas un préavis d’une durée raisonnable, ce qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l’emprunteur consommateur.

Par conséquent, la déchéance du terme a été prononcée irrégulièrement.

Dès lors les conditions de prononcé de la déchéance du terme ne sont pas réunies.

Il s’ensuit que Madame [I] [X] n’est tenue que du paiement des échéances échues impayées au jour de la déchéance du terme prononcée à tort par la SAS SOGEFINANCEMENT.

Sur la demande de résolution judiciaire

Selon les articles 1224 et 1227 du code civil, la résolution, qui résulte en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice peut en toute hypothèse être demandée en justice.

Il ressort de l’historique de compte produit que la mise en demeure du 26 juin 2023 portait sur une échéance impayée de 40,30 euros, exigible moins d’un mois avant l’envoi de la lettre du 26 juin pour un crédit de 20000 euros en capital et que la déchéance du terme du contrat a été prononcée, à tort, après l’absence de paiement de deux échéances pour un total de 80,60 euros.

Si le paiement des mensualités de remboursement figure comme première obligation essentielle de l’emprunteur, il apparait que le manquement de Madame [I] [X], qui porte sur 80,60 euros, n’apparait pas suffisamment grave pour justifier la sanction que constitue la résolution du contrat de crédit portant sur 20000 euros aux torts de l’emprunteur.

En conséquence, il convient de rejeter la demande de résolution judiciaire du contrat de prêt conclu le 20 juillet 2022.

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Sur la fiche d’informations précontractuelle :

L’article L312-12 du code de la consommation dispose que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit donne à l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.

L’article L341-1 du même code prévoit qu’en cas de non-respect de cette formalité, le prêteur est déchu du droit aux intérêts.

Aux termes d’un arrêt du 18 décembre 2014 (CA CONSUMER FINANCE, C-449/13), la Cour de justice de l’Union européenne a indiqué que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive .

Il appartient au prêteur, conformément à l’article 1353 du code civil, de rapporter la preuve qu’il a accompli ses obligations contractuelles, et notamment, de la remise à l’emprunteur de la fiche d’information, si bien que la signature par l’emprunteur de l’offre de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche précontractuelle d’information normalisée européenne, constitue seulement un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Il résulte de ces textes qu’un document émanant de la seule banque ne peut utilement corroborer la clause type de l’offre de prêt.

En l’espèce, la SAS SOGEFINANCEMENT communique l’offre datée et signée, comportant une clause selon laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d’information.

Elle ne peut se prévaloir des mentions contenues dans l’offre de prêt précédant la signature de l’emprunteur, selon laquelle il reconnaît avoir reçu un exemplaire de la fiche d’informations pré contractuelles, sans justifier toutefois de la remise matérielle du document.

En effet, les seules mentions pré-imprimées contenues dans l’offre de prêt précédant la signature de l’emprunteur, si elles peuvent constituer des indices de la remise de documents, ne sont en l’espèce pas corroborées par d’autres éléments, et sont dès lors seules insuffisantes à démontrer l’exécution par la SAS SOGEFINANCEMENT de son obligation d’information, ni la délivrance de l’ensemble des documents exigés à ce titre et du contenu de l’information délivrée.

Elle verse aux débats un exemplaire non daté ni signé d’une fiche d’information, sur deux pages.

Toutefois, la fiche d’information, bien que renseignée des éléments d’identité du prêteur, de la description des principales caractéristiques du crédit, du cout du crédit, et comportant en référence de première page la référence du contrat de prêt, est un document émanant de la banque. Ce document, dépourvu de signature ou de paraphes de l’emprunteur ne peut donc corroborer la clause type du contrat.

Ainsi, à défaut de preuve de l’accomplissement de son obligation d’information par le prêteur, l’emprunteur a ainsi été privé de la possibilité de comparer les offres de crédit et d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.

En conséquence, il convient de prononcer la déchéance du droit aux intérêts à compter de la date de conclusion du contrat.

Sur la remise de la notice d’assurance :

L’article L312-29 du code de la consommation dispose que lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, une notice doit être remise à l’emprunteur qui comporte les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus.

L’article L341-4 du même code sanctionne le non-respect de ces dispositions par la déchéance du droit aux intérêts.

Aux termes d’un arrêt du 18 décembre 2014 (CA CONSUMER FINANCE, C-449/13), la Cour de justice de l’Union européenne a indiqué que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive .

Il appartient au prêteur, conformément à l’article 1353 du code civil, de rapporter la preuve qu’il a accompli ses obligations contractuelles, et notamment, de la remise à l’emprunteur de la notice de l’assurance, si bien que la signature par l’emprunteur de l’offre de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis la notice de l’assurance constitue seulement un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Il résulte de ces textes qu’un document émanant de la seule banque ne peut utilement corroborer la clause type de l’offre de prêt.

En l’espèce, l’offre de prêt comporte une proposition d’assurance, et l’emprunteur a reçu un conseil quant à l’assurance, au regard de la synthèse des garanties.

Aucune notice comportant les extraits des conditions générales de l’assurance n’est jointe.

La SAS SOGEFINANCEMENT verse aux débats son exemplaire du contrat de crédit consenti à Madame [X] aux termes duquel l’emprunteur reconnaît reçu et conservé la notice d’information sur l’assurance.

Les seules mentions pré-imprimées contenues dans l’offre de prêt précédant la signature de l’emprunteur, si elles peuvent constituer des indices de la remise de documents, ne sont en l’espèce pas corroborées par d’autres éléments, et sont dès lors seules insuffisantes à démontrer l’exécution par la SAS SOGEFINANCEMENT de son obligation.

En outre, si cette mention peut constituer un indice de la détention par l’emprunteur d’un exemplaire de la notice d’information sur l’assurance, elle ne prouve pas pour autant que cette dernière est conforme aux dispositions du code de la consommation précitées.

La banque verse aux débats un exemplaire non daté ni signé d’une notice d’assurance établie sur un support distinct des autres documents contractuels.

Toutefois, ce document, qui émane de la seule banque, dépourvu de signature ou de paraphes de l’emprunteur ne peut donc corroborer la clause type du contrat.

En conséquence, il convient de prononcer la déchéance du droit aux intérêts à compter de la date de conclusion du contrat.

Sur les sommes dues :

En application de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être exécutés de bonne foi, conformément à l’article 1104 du même code.

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

En l’espèce, il ressort des pièces produites par la demanderesse, que les échéances du prêt n’ont pas été payées pour les 30 mai et 30 juin 2023.

La SAS SOGEFINANCEMENT rapporte la preuve de l’existence de la dette, en application des stipulations contractuelles. Elle est fondée à obtenir la condamnation de l’emprunteuse au remboursement des échéances échues impayées dues en exécution du contrat.

A défaut de déchéance du terme, le contrat se poursuit, et l’emprunteuse doit être condamnée au paiement de seules échéances impayées, lesquelles s’élèvent à 80,60 euros au 19 juillet 2023.

En conséquence, il convient de condamner Madame [I] [X] au paiement de 80,60 euros, arrêtée au 19 juillet 2023, augmentée des intérêts au taux légal non majoré, à compter du 21 juillet 2023, date de la mise en demeure.

En revanche, il n’y a pas lieu de prononcer de condamnation au titre des échéances non échues du contrat de prêt, qui se pousuivra entre les parties.

Sur la demande de capitalisation des intérêts :

Aux termes de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.

Selon l’article L312-38 du code de la consommation, aucune indemnité ni aucun frais autres que ceux mentionnés aux articles L312-39 et L312-40 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur en cas de défaillance. Cette règle fait obstacle à l’application de la capitalisation des intérêts selon le code civil.

En l’espèce, s’agissant d’un crédit à la consommation, si les intérêts au taux légal peuvent en revanche être capitalisés, le contexte du litige, et la nécessité d’assurer l’effectivité de la sanction impliquent de rejeter la demande de capitalisation des intérêts.

Sur la demande de levée d’inscription au FICP

Aux termes de l’article L751-1 du code de la consommation, un fichier national recense les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels.

Selon de l’article L752-1 du code de la consommation, les établissements de crédit sont tenus de déclarer à la Banque de France, dans des conditions précisées par arrêté, les incidents de paiement caractérisés.

L’arrêté du 26 octobre 2010 prévoit à l’article 4 que constituent des incidents de paiement caractérisés, pour un crédit à échéances, les défauts de paiement atteignant un montant cumulé au moins égal à la somme du montant des deux dernières échéances dues et les défauts de paiement pour lesquels l’établissement ou l’organisme mentionné à l’article 1er engage une procédure judiciaire ou prononce la déchéance du terme après mise en demeure du débiteur restée sans effet.

En l’espèce, la SAS SOGEFINANCEMENT a procédé le 13 juillet 2023 à une inscription d’incident de paiement caractérisé au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) de la Banque de France, au titre d’un incident de paiement caractérisé dans le remboursement du découvert du compte bancaire.

Il ressort des développements qui précèdent que Madame [I] [X] était redevable des sommes au titre des échéances impayées déclarées par la banque. Elle est toujours redevable de ces sommes.

En conséquence, il n’y a pas lieu d’ordonner à la SAS SOGEFINANEMENT de solliciter la radiation de Madame [I] [X] du FICP.

Sur les demandes accessoires :

En application des dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile, il convient de condamner Madame [I] [X] aux dépens de l’instance.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SAS SOGEFINANCEMENT les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés dans le cadre de la présente instance. Il convient donc de rejeter la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient également de rejeter la demande de Madame [I] [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire, de droit.

PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant en audience publique, par jugement contradictoire en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe le jour de son délibéré,

DECLARE recevable la demande en paiement,

DIT que la déchéance du terme prononcée par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 juillet 2023 est irrégulière,

REJETTE la demande de résolution judiciaire du contrat conclu le 20 juillet 2022 entre la SAS SOGEFINANCEMENT et Madame [I] [X],

CONDAMNE Madame [I] [X] à payer à la SAS SOGEFINANCEMENT la somme de 80,60 euros arrêtée au 19 juillet 2023, avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 21 juillet 2023,

REJETTE la demande de condamnation au paiement des sommes non échues,

RAPPELLE que le contrat conclu le conclu le 20 juillet 2022 entre la SAS SOGEFINANCEMENT et Madame [I] [X] se poursuit selon les clauses convenues entre les parties,

REJETTE la demande de capitalisation des intérêts,

REJETTE la demande de levée d’inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP),

REJETTE les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [I] [X] aux dépens,

DEBOUTE la SAS SOGEFINANCEMENT de ses autres demandes et prétentions,

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit.

LE GREFFIER LE JUGE

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