Déchéance des intérêts en raison d’un formalisme contractuel non respecté

·

·

Déchéance des intérêts en raison d’un formalisme contractuel non respecté

L’Essentiel : La société FRANFINANCE a accordé un crédit renouvelable à Mme [I] [N] en février 2022. Suite à des impayés, elle a demandé la déchéance du terme. Le 12 octobre 2023, FRANFINANCE a assigné Mme [I] [N] devant le juge à Rennes pour un montant de 3 768,65 €. Lors de l’audience du 7 novembre 2024, la défenderesse était absente. Le juge a constaté que le contrat de crédit ne respectait pas les exigences du code de la consommation, entraînant la déchéance des intérêts. Finalement, Mme [I] [N] a été condamnée à rembourser 3 071 €, sans intérêts, avec exécution provisoire.

Contexte du litige

La société FRANFINANCE a accordé un crédit renouvelable à Mme [I] [N] d’un montant maximal de 3 500 € par une offre signée électroniquement le 7 février 2022. Suite à des échéances non réglées, FRANFINANCE a décidé de se prévaloir de la déchéance du terme.

Procédure judiciaire

Le 12 octobre 2023, FRANFINANCE a assigné Mme [I] [N] devant le juge des contentieux de la protection à Rennes, demandant le paiement de 3 768,65 € avec intérêts et 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’audience s’est tenue le 7 novembre 2024, où le juge a soulevé des questions relatives à la conformité du contrat de crédit avec le code de la consommation.

Absence de la défenderesse

Bien que Mme [I] [N] ait été régulièrement assignée, elle n’a pas comparu à l’audience. L’affaire a été mise en délibéré, et la décision a été rendue le 16 janvier 2025.

Analyse juridique

Le juge a rappelé que, selon le code de la consommation, il peut relever d’office des dispositions relatives à la régularité des contrats de crédit. En l’espèce, le contrat de crédit ne comportait pas l’encadré requis par l’article L312-28, entraînant la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur.

Montant dû par la défenderesse

Le montant total dû par Mme [I] [N] a été calculé à 3 071 €, correspondant à la différence entre le montant débloqué (4 877 €) et les paiements effectués (1 806 €). Cette somme ne produira aucun intérêt, conformément aux dispositions du droit de l’Union européenne.

Décision du juge

Le juge a statué que l’exécution provisoire du jugement était de droit et a condamné Mme [I] [N] à payer 3 071 € à FRANFINANCE, sans intérêts. Il a également décidé de maintenir l’exécution provisoire et de condamner Mme [I] [N] aux dépens de la procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences de la déchéance du droit aux intérêts en matière de crédit à la consommation ?

La déchéance du droit aux intérêts en matière de crédit à la consommation est régie par plusieurs articles du Code de la consommation.

En vertu de l’article L.312-28, il est stipulé que :

“Le contrat de crédit est établi sur support papier ou sur un autre support durable. Il constitue un document distinct de tout support ou document publicitaire, ainsi que de la fiche mentionnée à l’article L. 312-12. Un encadré, inséré au début du contrat, informe l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.”

Dans le cas où cet encadré n’est pas présent, comme c’est le cas ici, l’article L.311-48 al. 3, devenu L.341-8, précise que :

“En cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital restant dû.”

Ainsi, en l’absence de l’encadré requis, le prêteur perd le droit de réclamer des intérêts, et le débiteur ne doit rembourser que le capital.

Cela signifie que Mme [I] [N] n’est tenue qu’au remboursement du capital restant dû, soit 3 071 €, sans intérêts ni accessoires.

Quelles sont les conditions de l’exécution provisoire dans le cadre d’un jugement ?

L’exécution provisoire est régie par les articles 514 et 514-1 du Code de procédure civile.

L’article 514 dispose que :

“Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.”

Cela signifie que, par défaut, les décisions rendues en première instance peuvent être exécutées immédiatement, même si elles sont susceptibles d’appel.

L’article 514-1 précise que :

“Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.”

Dans le cas présent, le juge a maintenu l’exécution provisoire, ce qui signifie que la décision de condamner Mme [I] [N] à payer la somme de 3 071 € est immédiatement exécutoire.

Il n’y a pas eu de motif justifiant l’écartement de cette exécution, ce qui est conforme à la règle générale.

Quels sont les effets de l’absence de comparution de la partie défenderesse ?

L’absence de comparution de la partie défenderesse est régie par l’article 472 du Code de procédure civile, qui stipule que :

“Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.”

Cela signifie que même si Mme [I] [N] n’a pas comparu, le juge peut statuer sur le fond de l’affaire.

Il doit cependant s’assurer que la demande de la partie demanderesse est régulière et fondée.

Dans ce cas, le juge a examiné les éléments du dossier et a constaté que la demande de la société FRANFINANCE était fondée, notamment en raison de la déchéance du droit aux intérêts.

Ainsi, l’absence de comparution n’a pas empêché le juge de rendre une décision sur le fond, conduisant à la condamnation de Mme [I] [N].

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

“Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles.”

Cependant, dans le jugement rendu, il a été décidé qu’il n’y avait pas lieu à l’application de cet article.

Cela signifie que la société FRANFINANCE n’a pas obtenu de remboursement de ses frais d’avocat ou autres frais liés à la procédure.

Le juge a estimé que les circonstances de l’affaire ne justifiaient pas une telle condamnation.

Il est important de noter que cette décision est à la discrétion du juge, qui peut choisir de ne pas accorder de frais irrépétibles même si la partie demanderesse a gagné le procès.

Dans ce cas, la société FRANFINANCE devra supporter ses propres frais, ce qui peut être considéré comme une limitation de ses droits en tant que gagnante du litige.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES
Service des contentieux de la protection
[Adresse 4]
[Localité 2]
JUGEMENT DU 16 Janvier 2025

N° RG 23/07627 – N° Portalis DBYC-W-B7H-KTXD

Jugement du 16 Janvier 2025

Société FRANFINANCE

C/

[I] [N]

EXÉCUTOIRE DÉLIVRÉ
LE
à
COPIE CERTIFIEE CONFORME
à
Au nom du Peuple Français ;

Rendu par mise à disposition le 16 Janvier 2025 ;

Par Caroline ABIVEN, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de RENNES statuant en qualité de juge des contentieux de la protection, assistée de Emmanuelle BADUFLE, Greffier ;

Audience des débats : 07 Novembre 2024.

Le juge à l’issue des débats a avisé les parties présentes ou représentées, que la décision serait rendue le 16 Janvier 2025, conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

ENTRE :

DEMANDEUR

Société FRANFINANCE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par maître Emilie FLOCH, avocate au barreau de RENNES substituée par maitre GARET, avocat au barreau de RENNES
ET :

DEFENDEUR :

Mme [I] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]
non comparante, ni représentée

EXPOSE DU LITIGE :

Selon offre préalable signée électroniquement le 7 février 2022, la société FRANFINANCE a consenti à Mme [I] [N] un crédit renouvelable d’un montant maximal autorisé de 3 500 €.

Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, la société de crédit a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte de commissaire de justice du 12 octobre 2023, la société FRANFINANCEa fait assigner Mme [I] [N] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes, afin d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

– 3 768,65 € avec intérêts au taux conventionnel à compter du 27 avril 2023,
– 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu’à supporter les dépens.

A l’audience du 7 novembre 2024 à laquelle l’affaire a été retenue après un renvoi ordonné par la juridiction, le juge a soulevé d’office les moyens tirés de l’application du code de la consommation, et notamment la déchéance du droit aux intérêts pour non respect du formalisme du crédit qui ne contient pas d’encadré inséré au début du contrat, comme le requiert l’article L312-28 du code de la consommation.

La société FRANFINANCE, comparant par ministère d’avocat, a maintenu ses demandes.

Bien que régulièrement assigné par acte remis à domicile, Mme [I] [N] n’a pas comparu.

En cet état l’affaire a été mise en délibéré, la décision étant rendue par sa mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.

MOTIVATION :

Il résulte des dispositions des articles 472 du code de procédure civile que :
“Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond.
Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.”

Sur la demande principale en paiement :

L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application.
Le juge “ écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.”

Aux termes de l’article 1134 (devenu 1103) du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires. En application des dispositions de l’article 1184 (devenu 1217) du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés.

Il appartient toutefois au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier de la régularité de l’opération, en produisant spontanément les documents nécessaires.

En l’espèce, le contrat de crédit produit ne comporte pas d’encadré, alors même que l’article L.312-28 du code de la consommation dispose que “Le contrat de crédit est établi sur support papier ou sur un autre support durable. Il constitue un document distinct de tout support ou document publicitaire, ainsi que de la fiche mentionnée à l’article L. 312-12. Un encadré, inséré au début du contrat, informe l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.”

En l’absence d’encadré figurant sur le contrat de crédit, en application des dispositions combinées de l’article 6 du code civil et de l’article L.311-48 devenu L.341-1 et suivants du code de la consommation, le prêteur doit être déchu du droit aux intérêts.

Conformément à l’article L.311-48 al. 3 devenu L.341-8 du code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital restant dû. Cette déchéance s’étend donc aux intérêts et à tous leurs accessoires : frais de toute nature et primes d’assurances.

Au vu du décompte produit par le prêteur, les sommes dues se limiteront dès lors à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de Mme [I] [N] (4 877 €) et les règlements effectués par cette dernière (1 806 €), soit une somme totale due par Mme [I] [N] de 3 071 €.

Afin d’assurer l’effectivité du droit de l’Union européenne dont les dispositions nationales ne sont que la transposition, exigence réaffirmée par l’arrêt CJUE du 27/03/2014, C-565/12, il convient d’écarter toute application des articles 1153 (devenu 1231-6) du code civil et L 313-3 du code monétaire et financier et de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal.

Sur les demandes accessoires :

Il résulte des dispositions de l’article 514 du code de procédure civile que « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

L’article 514-1 précise que  » Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
Par exception, le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état. »

En l’espèce, il convient donc de constater que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit. Il n’y a pas lieu de l’écarter.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la demanderesse la charge des frais irrépétibles qu’elle a pu exposer.

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens. Il convient donc de condamner Mme [I] [N] aux dépens de la présente instance.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement rendu par défaut en dernier ressort,

CONDAMNE Mme [I] [N] à payer à la société FRANFINANCEla somme de 3 071€, sans intérêts ;

DIT n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

MAINTIENT l’exécution provisoire ;

CONDAMNE Mme [I] [N] aux dépens

LA GREFFIERE LE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon