Créance et cautionnement : enjeux de preuve en procédure collective

·

·

Créance et cautionnement : enjeux de preuve en procédure collective

L’Essentiel : La BTP Banque a pris des engagements de caution pour Blanchard TP, qui a été placée en redressement judiciaire le 2 février 2022. Le 16 mars 2022, la banque a déclaré une créance de 503.758,15 euros. Après la liquidation judiciaire de Blanchard TP le 25 mai 2022, le liquidateur a proposé de rejeter cette créance le 5 septembre 2023. La BTP Banque a contesté ce rejet, mais le juge commissaire a confirmé le rejet le 31 janvier 2024. En appel, la cour a finalement admis la créance de la BTP Banque, la considérant comme chirographaire pour le montant initial.

Engagements de la BTP Banque

La société Banque du Bâtiment et des Travaux Public (BTP Banque) a pris des engagements de caution pour la société Blanchard TP. Ces engagements ont été mis en lumière lorsque Blanchard TP a été placée en redressement judiciaire le 2 février 2022, avec M. [K] désigné comme mandataire judiciaire.

Déclaration de créances et liquidation judiciaire

Le 16 mars 2022, la BTP Banque a déclaré ses créances, incluant une créance de 503.758,15 euros liée aux cautionnements. Par la suite, le 25 mai 2022, Blanchard TP a été placée en liquidation judiciaire, avec M. [K] comme liquidateur judiciaire.

Rejet de la créance par le liquidateur

Le 5 septembre 2023, le liquidateur a proposé de rejeter la créance de 503.758,15 euros. En réponse, la BTP Banque a contesté ce rejet par une lettre datée du 15 septembre 2023.

Ordonnance du juge commissaire

Le 31 janvier 2024, le juge commissaire a rejeté la créance de la BTP Banque, stipulant que cette décision serait notifiée aux parties concernées et que les frais seraient considérés comme des frais privilégiés de justice.

Appel de la BTP Banque

La BTP Banque a interjeté appel le 19 février 2024, avec des conclusions finales soumises le 13 juin 2024. Les dernières conclusions de Blanchard TP et de M. [K] ont été déposées le 28 mai 2024, et l’ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2024.

Prétentions des parties

La BTP Banque a demandé à la cour de rejeter les prétentions contraires, d’infirmer l’ordonnance et d’admettre sa créance au passif de Blanchard TP. En revanche, Blanchard TP et M. [K] ont demandé la confirmation de l’ordonnance et le déboutement de la BTP Banque.

Discussion sur l’admission de la créance

La cour a examiné l’admission de la créance, notant que la BTP Banque avait justifié ses cautionnements pour un total de 503.758,15 euros. La pérennité des cautionnements a été contestée, mais la cour a souligné que la charge de la preuve incombait à Blanchard TP et à M. [K].

Décision de la cour

La cour a infirmé l’ordonnance concernant le rejet de la créance de la BTP Banque, l’admettant à titre chirographaire pour la somme de 503.758,15 euros. Les autres demandes des parties ont été rejetées, et les dépens d’appel ont été pris en frais privilégiés de la procédure collective.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la créance de la société BTP Banque dans le cadre de la procédure collective ?

La créance de la société BTP Banque est qualifiée de créance privilégiée gagiste. Selon l’article L. 611-1 du Code de commerce, les créances privilégiées sont celles qui bénéficient d’un rang supérieur dans le paiement lors de la liquidation judiciaire.

Cet article stipule que :

« Les créances sont classées en différentes catégories selon leur nature et leur rang. Les créances privilégiées sont celles qui, par la loi, sont payées en priorité par rapport aux créances chirographaires. »

Dans le cas présent, la société BTP Banque a déclaré une créance de 503.758,15 euros, qui est liée à des engagements de cautionnement.

Il est important de noter que la nature de la créance doit être établie au jour de l’ouverture de la procédure collective, conformément à l’article L. 622-24 du même code, qui précise que :

« La créance à admettre est celle existant au jour de l’ouverture de la procédure collective. »

Ainsi, la société BTP Banque doit prouver l’existence et le montant de sa créance au moment de l’ouverture de la procédure, ce qui a été fait dans ce cas.

Quelles sont les obligations de preuve en matière de contestation de créance dans une procédure collective ?

Dans le cadre d’une procédure collective, la charge de la preuve incombe à la partie qui conteste la créance. Selon l’article 1353 du Code civil, il est établi que :

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. »

Dans cette affaire, la société Blanchard TP et la société [K] ont contesté la créance de la société BTP Banque en affirmant que les cautionnements avaient été levés.

Cependant, il leur appartient de démontrer que ces cautionnements ont été levés avant l’ouverture de la procédure collective.

L’article L. 622-24 du Code de commerce précise également que :

« La débitrice n’a pas et ne pouvait pas assumer la charge de la preuve d’une contestation même partielle de la créance revendiquée. »

Ainsi, en l’absence de preuve de la levée des cautionnements, la créance de la société BTP Banque doit être admise pour le montant déclaré.

Quels sont les effets de l’ordonnance du juge-commissaire sur l’admission des créances ?

L’ordonnance du juge-commissaire a un effet d’autorité de la chose jugée sur l’admission des créances. Selon l’article L. 622-24 du Code de commerce, il est stipulé que :

« L’ordonnance du juge-commissaire admettant la créance ne fait pas obstacle à la déduction du montant de la créance admise des levées de cautionnement qui auraient pu intervenir en cours de procédure collective. »

Cela signifie que même si la créance est admise, des ajustements peuvent être faits si des levées de cautionnement sont prouvées ultérieurement.

Dans le cas présent, la cour a infirmé l’ordonnance initiale qui rejetait la créance de la société BTP Banque, confirmant ainsi l’admission de sa créance à titre chirographaire pour le montant de 503.758,15 euros.

Comment sont traités les frais et dépens dans le cadre d’une procédure collective ?

Les frais et dépens dans une procédure collective sont généralement pris en charge par la masse des créanciers. L’article 699 du Code de procédure civile précise que :

« Les dépens sont à la charge de la partie perdante, sauf disposition contraire. »

Dans le cadre de la procédure collective, les dépens d’appel sont considérés comme des frais privilégiés.

La cour a décidé que les dépens d’appel seraient pris en frais privilégiés de la procédure collective, ce qui signifie qu’ils seront réglés avant les créances chirographaires.

Ainsi, la société BTP Banque a été condamnée à payer les dépens, mais ceux-ci seront couverts par la masse des créanciers, conformément aux règles de la procédure collective.

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°426

N° RG 24/00970 – N° Portalis DBVL-V-B7I-UQX5

(Réf 1ère instance : 2023008181)

BTP BANQUE

C/

S.E.L.A.R.L. [B] [K] ET ASSOCIES

S.A.R.L. BLANCHARD TP

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me LHERMITTE

Me BOISSONNET

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à : TC de NANTES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLÉMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,

GREFFIERS :

Madame Julie ROUET, lors des débats, et Madame Frédérique HABARE , lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 23 Septembre 2024

devant Monsieur Alexis CONTAMINE, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

La société BTP BANQUE

immatriculée au RCS de Paris sous le N° 339 182 784 Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Bertrand MAHL de l’ASSOCIATION OLTRAMARE GANTELME MAHL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

S.E.L.A.R.L. [B] [K] ET ASSOCIES

[Adresse 1]

[Localité 2] / FRANCE

Représentée par Me Jérôme BOISSONNET de la SARL BAPC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

S.A.R.L. BLANCHARD TP

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Jérôme BOISSONNET de la SARL BAPC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Banque du Bâtiment et des Travaux Public (la société BTP Banque) s’est portée caution au travers de différents engagements, pour la société Blanchard TP.

Le 2 février 2022, la société Blanchard TP a été placée en redressement judiciaire, la société [B] [K] et associés, prise en la personne de M. [K], étant désignée mandataire judiciaire.

Le 16 mars 2022, la société BTP Banque a déclaré ses créances entre les mains du mandataire judiciaire, dont une créance de 503.758,15 euros au titre de l’encours de cautionnements.

Le 25 mai 2022, la société Blanchard TP a été placée en liquidation judiciaire, la société [B] [K] et associés, prise en la personne de M. [K], étant désignée liquidateur judiciaire.

Par lettre du 5 septembre 2023, le liquidateur a indiqué qu’il proposait le rejet de la créance de 503.758,15 euros.

Par lettre du 15 septembre 2023, la société BTP Banque à indiqué au liquidateur qu’elle s’opposait au rejet de sa créance.

Par ordonnance du 31 janvier 2024, le juge commissaire du tribunal de commerce de Nantes a :

– Rejeté la créance de la société BTP Banque pour la somme de 503.758,15 euros à titre privilégié gagiste,

– Dit que mention de cette ordonnance sera portée sur l’état des créances par les soins du greffier du tribunal,

– Dit que la présente ordonnance sera notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au débiteur, au créancier et communiquée au mandataire judiciaire,

– Dit que les frais de la présente ordonnance seront employés en frais privilégiés de justice de la procédure collective.

La société BTP Banque a interjeté appel le 19 février 2024.

Les dernières conclusions de la société BTP Banque sont en date du 13 juin 2024. Les dernières conclusions de la société Blanchard TP et la société [K], ès qualités, sont en date du 28 mai 2024.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

La BTP Banque demande à la cour de :

– Rejeter toutes prétentions contraires,

– Déclarer la société BTP Banque recevable en son appel et fondée en ses moyens et prétentions

– Infirmer l’ordonnance,

– A cet effet, juger que :

– La créance à admettre est celle existant au jour de l’ouverture de la procédure collective,

– La société BTP Banque a justifié par des pièces probantes de la créance revendiquée, dans son principe, dans son quantum et dans sa nature privilégiée gagiste,

– La débitrice n’a pas et ne pouvait pas assumer la charge de la preuve d’une contestation même partielle de la créance revendiquée et encore moins de sa libération antérieure à l’ouverture de sa procédure collective des engagements objets de la déclaration de créance et de la demande d’admission,

En conséquence :

– Admettre la société BTP Banque au passif de la société Blanchard TP, à titre chirographaire pour le passif à échoir à concurrence de 503.758,15 euros,

– Lui donner acte de ce qu’elle se désistera du bénéfice de l’effet exécutoire de la décision d’admission prononcée à son profit à due concurrence des justifications de libérations enregistrées postérieurement à l’ouverture de la procédure collective au titre des engagements par signature en cause,

– Condamner la société [K] & Associés, in solidum avec la société Blanchard TP dûment représentée et assistée à payer à la société BTP Banque 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel.

La société Blanchard TP et la société [K] & Associés demandent à la cour de :

– Confirmer l’ordonnance en l’ensemble de ses dispositions,

– Débouter la société BTP Banque de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– Condamner la société BTP Banque à payer à la société [K], ès qualités, la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la société BTP Banque aux entiers frais et dépens de l’instance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur l’admission de la créance :

La société [K], ès qualités, et la société Blanchard font valoir que la créance déclarée serait afférente à des encours de caution qui auraient été pour la très grande majorité levés.

La société BTP Banque justifie des cautionnements qu’elle a accordés pour un total de 503.758,15 euros.

Il convient de souligner que l’existence et le montant des cautions litigieuses ne sont pas contestés, seule l’étant leur pérennité.

Le montant de la créance à admettre doit être celui existant au jour de l’ouverture de la procédure collective.

C’est à la société Blanchard et à la société [K], ès qualités, qu’il revient le cas échéant de démontrer que ces cautionnements ont, à la date d’ouverture de la procédure collective, été levés.

A défaut d’une telle preuve, la créance litigieuse doit être admise pour le montant déclaré.

Il convient de rappeler que l’autorité de la chose jugée attachée à l’ordonnance du juge-commissaire admettant la créance ne fait pas obstacle à la déduction du montant de la créance admise des levées de cautionnement qui auraient pu intervenir en cours de procédure collective et dont il serait justifié.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de dire que les dépens d’appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective et de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

– Infirme l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté la créance de la société BTP Banque pour la somme de 503.758,15 euros à titre privilégié gagiste,

– Confirme l’ordonnance pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

– Admet à titre chirographaire la créance de la société BTP Banque au passif de la liquidation judiciaire de la société Blanchard TP pour la somme de 503.758,15 euros,

– Rejette les autres demandes des parties,

– Dit que les dépens d’appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.

Le Greffier, Le Président,


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon