Contrat d’assurance et fausse déclaration : enjeux de la transparence dans la relation assurantielle

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Contrat d’assurance et fausse déclaration : enjeux de la transparence dans la relation assurantielle

L’Essentiel : En janvier 2016, Madame [F] [R] a adhéré au contrat collectif C-PREVCOL-00335 de son employeur, le conseil général de la Meurthe-et-Moselle, auprès de Territoria Mutuelle. Son adhésion a été confirmée avec des garanties de maintien de salaire, mais excluant les conséquences liées à la fibromyalgie. En octobre 2018, elle a demandé de nouvelles garanties, mais a été placée en congé maladie de longue durée. Après un refus initial, Territoria Mutuelle a finalement pris en charge son arrêt de travail. Madame [R] a contesté la résiliation de son contrat en justice, obtenant gain de cause en mai 2023.

Adhésion au contrat de prévoyance

En janvier 2016, Madame [F] [R] a décidé de rejoindre le contrat collectif C-PREVCOL-00335 souscrit par son employeur, le conseil général de la Meurthe-et-Moselle, auprès de SMACL Santé, devenue Territoria Mutuelle. Pour cela, elle a rempli un questionnaire de santé le 12 janvier 2016, qui a conduit à l’émission de conditions particulières excluant les conséquences d’accidents ou de maladies liées à la fibromyalgie et à des pathologies rachidiennes. Son adhésion a été confirmée le 22 avril 2016, avec des garanties de maintien de salaire et de régime indemnitaire.

Demande de nouvelles garanties

Le 17 octobre 2018, Madame [R] a rempli un nouveau questionnaire de santé pour souscrire aux garanties d’invalidité et de perte de retraite. Ce questionnaire a également abouti à des conditions particulières excluant les conséquences de la fibromyalgie et d’autres troubles. Par la suite, elle a été placée en congé maladie de longue durée rétroactivement à partir du 7 janvier 2016 jusqu’au 8 octobre 2018.

Prise en charge de l’arrêt de travail

Le 4 décembre 2018, Madame [R] a demandé à Territoria Mutuelle de prendre en charge son arrêt de travail à partir du 9 octobre 2018. Après un refus initial, la mutuelle a accepté de prendre en charge cet arrêt à titre provisionnel, en attendant un rapport d’expertise pour déterminer la cause de son arrêt de travail.

Expertise médicale et décisions ultérieures

Un expert médical a été désigné et a rendu son rapport en novembre 2019. Par la suite, Madame [R] a été placée en congé maladie de longue durée et en disponibilité pour raison médicale jusqu’en octobre 2023. Elle a perçu un total de 13 172,63 euros d’indemnisation de la part de Territoria Mutuelle.

Résiliation du contrat et demande de remboursement

Le 14 août 2020, Territoria Mutuelle a refusé de prendre en charge un nouvel arrêt de travail et a résilié le contrat de Madame [R] en raison d’une prétendue fausse déclaration sur ses questionnaires de santé. La mutuelle a également demandé le remboursement des sommes versées jusqu’à cette date.

Assignation en justice

Madame [R] a assigné Territoria Mutuelle devant le tribunal judiciaire de Nancy pour contester la résiliation et demander le paiement de ses indemnités. Le tribunal a rendu un jugement en mai 2023, condamnant la mutuelle à payer les indemnités dues et à verser une indemnité de 3000 euros à Madame [R].

Appel de Territoria Mutuelle

Territoria Mutuelle a interjeté appel de ce jugement, contestant la décision du tribunal et demandant la nullité de la garantie en raison d’une fausse déclaration intentionnelle de Madame [R]. La mutuelle a également sollicité le remboursement des sommes versées.

Arguments des parties

Territoria Mutuelle a soutenu que Madame [R] avait omis de déclarer un syndrome dépressif dans son premier questionnaire, ce qui aurait modifié le risque assuré. En revanche, Madame [R] a affirmé qu’elle n’avait pas commis de fausse déclaration intentionnelle et a contesté la résiliation de son contrat.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a confirmé le jugement de première instance en ce qui concerne la prise en charge des indemnités pour la période du 26 septembre 2019 au 16 janvier 2021, tout en rejetant la demande de prise en charge pour la période de disponibilité. La cour a également statué qu’il n’y avait pas lieu d’annuler le contrat pour fausse déclaration intentionnelle et a rétabli Madame [R] dans ses droits au titre du contrat de prévoyance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences d’une fausse déclaration intentionnelle dans un contrat d’assurance ?

La fausse déclaration intentionnelle dans un contrat d’assurance entraîne des conséquences significatives, notamment la nullité des garanties. Selon l’article L. 221-14 du Code de la mutualité :

* »Toute fausse déclaration intentionnelle ou réticence faite par le membre participant à la mutuelle entraîne la nullité des garanties, et ce alors même que le risque omis ou dénaturé est sans influence sur la réalisation du risque. »*

Dans le cas de Madame [R], le tribunal a considéré qu’elle avait commis une fausse déclaration en ne mentionnant pas son état dépressif dans le premier questionnaire de santé. Cette omission a modifié l’objet du risque à assurer, justifiant ainsi la nullité de la garantie.

Il est important de noter que la preuve de la fausse déclaration doit être apportée par l’assureur. Dans cette affaire, Territoria Mutuelle a tenté de prouver que Madame [R] avait connaissance de son état dépressif avant de remplir le questionnaire, mais le tribunal a conclu qu’aucune preuve suffisante n’avait été fournie.

Quelles sont les conditions de résiliation d’un contrat d’assurance en cas d’aggravation du risque ?

L’article L. 221-10 du Code de la mutualité stipule que :

* »Pendant toute la durée du contrat d’assurance, la mutuelle ou l’union ne peut pas résilier ce contrat d’assurance pour cause d’aggravation du risque, sauf dans certaines conditions définies par décret en Conseil d’Etat résultant d’un changement de comportement volontaire de l’assuré. »*

Dans le cas présent, Territoria Mutuelle a résilié le contrat de Madame [R] en raison d’une prétendue aggravation du risque liée à sa santé mentale. Cependant, le tribunal a jugé que cette résiliation n’était pas justifiée, car aucune preuve d’une aggravation volontaire du risque n’avait été apportée.

Ainsi, la résiliation du contrat a été considérée comme non conforme aux dispositions légales, et Madame [R] a été rétablie dans ses droits contractuels.

Comment se prononce le tribunal sur la prise en charge des indemnités dues ?

Le tribunal a statué sur la prise en charge des indemnités dues en se fondant sur l’article 1103 du Code civil, qui dispose que :

* »Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »*

Cela signifie que les parties sont tenues de respecter les engagements pris dans le contrat. Dans cette affaire, Madame [R] a réclamé des indemnités pour la période de son congé maladie, et le tribunal a confirmé que Territoria Mutuelle devait honorer ses obligations contractuelles.

Le tribunal a également noté que Madame [R] n’avait pas perçu d’indemnités depuis le 16 septembre 2019, malgré son arrêt de travail. Par conséquent, il a condamné Territoria Mutuelle à verser les indemnités dues pour la période du 26 septembre 2019 au 16 janvier 2021, ainsi que des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

* »La partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »*

Dans cette affaire, le tribunal a condamné Territoria Mutuelle à verser à Madame [R] une indemnité de 3000 euros au titre de l’article 700, en raison de sa position perdante dans le litige.

De plus, Territoria Mutuelle a également été condamnée aux dépens, ce qui signifie qu’elle doit couvrir les frais de justice engagés par Madame [R]. Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses droits en justice.

En conclusion, les articles du Code de la mutualité et du Code civil jouent un rôle crucial dans la détermination des droits et obligations des parties dans le cadre d’un contrat d’assurance, ainsi que dans la résolution des litiges qui en découlent.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2024 DU 25 NOVEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/01698 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FG6M

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,

R.G.n° 22/00583, en date du 16 mai 2023

APPELANTE :

TERRITORIA MUTUELLE, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 4]

Représentée par Me Anne-Laure MARTIN-SERF, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Louise GATIER substituant Me Laurence CHREBOR, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [F] [R]

née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 5] (54)

domiciliée [Adresse 3]

Représentée par Me Caroline MARTIN, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 23 Septembre 2024, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2024, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 25 Novembre 2024, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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FAITS ET PROCÉDURE :

En janvier 2016, Madame [F] [R] a souhaité adhérer au contrat collectif C-PREVCOL-00335 souscrit par son employeur, le conseil général de la Meurthe-et-Moselle auprès de SMACL Santé, devenue Territoria Mutuelle.

Pour ce faire, le 12 janvier 2016, elle a rempli un premier questionnaire de santé aboutissant à l’émission des conditions particulières n°[Numéro identifiant 1] excluant les conséquences d’accident ou de maladie résultant de la fibromyalgie et de la pathologie rachidienne dégénérative et discale, qu’elle a acceptées ; son adhésion a été confirmée par Territoria Mutuelle le 22 avril 2016 à effet du 1er mai 2016 pour les garanties ‘Maintien du salaire pour une couverture à hauteur de 90%’ et ‘Régime indemnitaire pour une couverture à hauteur de 90% avec une franchise de sept jours’.

Par la suite, Madame [R] a souhaité souscrire également aux garanties invalidité et perte de retraite. Elle a donc rempli un nouveau questionnaire de santé le 17 octobre 2018 qui a abouti à l’émission de nouvelles conditions particulières le 24 octobre 2018, excluant les suites et conséquences de la fibromyalgie, les troubles de l’humeur, des rachialgies et de l’intestin irritable, également acceptées par Madame [R].

Par arrêté du conseil départemental du 13 juillet 2017, Madame [R] a été placée rétroactivement en congé maladie de longue durée à compter du 7 janvier 2016 et ce jusqu’au 8 octobre 2018. Le comité médical départemental supérieur a émis le 4 octobre 2018 un avis défavorable à la prolongation du congé maladie longue durée, à compter du 9 octobre 2018.

Le 4 décembre 2018 Madame [R] a sollicité la prise en charge par Territoria Mutuelle de son arrêt de travail à compter du 9 octobre 2018. Après avoir initialement refusé, Territoria Mutuelle a finalement accepté de prendre en charge à titre provisionnel cet arrêt de travail, dans l’attente d’un rapport d’expertise devant déterminer s’il était motivé par les pathologies préexistantes ou dû à un accident de la circulation survenu le 6 novembre 2017.

Le docteur [Z], désigné par ordonnance d’expertise du président du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc en date du 3 juillet 2019, a rendu son rapport le 20 novembre 2019.

Par arrêté du 11 janvier 2021, Madame [R] a à nouveau été placée rétroactivement en congé maladie de longue durée du 9 octobre 2018 jusqu’au 16 septembre 2019 puis du 26 septembre 2019 au 16 janvier 2021 puis en disponibilité pour raison médicale du 17 janvier 2021, prolongée jusqu’au 16 octobre 2023.

Au total, elle a perçu de Territoria Mutuelle la somme de 13172,63 euros correspondant à une indemnisation entre le 13 janvier 2016 et le 16 septembre 2019.

Par courrier en date du 14 août 2020, Territoria Mutuelle a refusé de prendre en charge l’arrêt de travail du 26 septembre 2019 de Madame [R] et lui a notifié la résiliation de son contrat à compter du 1er septembre 2020, en raison d’une fausse déclaration sur les questionnaires de santé qu’elle avait complétés au vu du rapport d’expertise du docteur [Z]. En outre, Territoria Mutuelle a sollicité le remboursement des sommes versées jusqu’au 16 septembre 2019.

Par courrier en date du 18 février 2021, Madame [R] a vainement, mis en demeure Territoria Mutuelle de lui verser les indemnités dues à compter du 9 octobre 2018.

Par acte signifié le 25 février 2022, Madame [R] a fait assigner Territoria Mutuelle devant le tribunal judiciaire de Nancy aux fins de contester la résiliation intervenue et solliciter le paiement de ses indemnités.

Par jugement contradictoire du 16 mai 2023, le tribunal judiciaire de Nancy a :

– condamné Territoria Mutuelle à payer à Madame [R] les indemnités dues au titre du contrat C-PREVCOL-00335 et de ses conditions particulières n°[Numéro identifiant 1] afférentes à son congé maladie de longue durée du 26 septembre 2019 au 16 janvier 2021 et à son placement en disponibilité pour raison médicale du 17 janvier 2021 au 16 octobre 2023, ces indemnités portant intérêt au taux légal à compter du 25 février 2022, date de l’assignation,

– rejeté la demande en paiement de la somme de 13172,63 euros formée par Territoria Mutuelle,

– condamné Territoria Mutuelle à payer à Madame [R] une indemnité de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté la demande de Territoria Mutuelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Territoria Mutuelle aux dépens,

– rejeté la demande de Territoria Mutuelle tendant à écarter l’exécution provisoire,

– constaté que le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que Madame [R] avait commis une fausse déclaration intentionnelle dans le questionnaire de santé du 12 janvier 2016, en ne mentionnant pas son état dépressif, celui-ci étant clair et explicite ; cette réticence a eu pour effet de diminuer le risque pris en charge.

S’agissant du moyen tiré de la renonciation par la compagnie d’assurance à se prévaloir de la nullité de la garantie, la preuve de son caractère non explicite devant être rapportée par l’assureur :

En l’espèce il a été relevé que la connaissance par la mutuelle, de la réticence était établie en 2018, du fait des mentions du second questionnaire du 17 octobre 2018 ainsi que de sa tentative à lui faire souscrire de nouvelles garanties ; Territoria Mutuelle a en outre, continué à percevoir les primes jusqu’en 2019 et a accepté le versement d’une provision dans l’attente de la réalisation d’une expertise, ce qui permet de considérer qu’elle a ainsi renoncé de manière non équivoque à se prévaloir de la nullité de sa garantie. Dès lors la demande de versement des indemnités prévues au contrat pour la période du 17 janvier 2021 au 16 octobre 2023 a été accueillie.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 31 juillet 2023, Territoria Mutuelle a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 29 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Territoria Mutuelle demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu le 16 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Nancy en ce qu’il :

* l’a condamnée à payer à Madame [R] les indemnités dues au titre du contrat C-PREVCOL-00335 et de ses conditions particulières n°[Numéro identifiant 1] afférentes à son congé maladie de longue durée, du 26 septembre 2019 au 16 janvier 2021 et à son placement en disponibilité pour raison médicale du 17 janvier 2021 au 16 octobre 2023, ces indemnités portant intérêt au taux légal à compter du 25 février 2022, date de l’assignation,

* rejeté la demande en paiement de la somme de 13172,63 euros formée par Territoria Mutuelle,

* l’a condamnée à payer à Madame [R] une indemnité de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* rejeté sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* l’a condamnée aux dépens,

* rejeté sa demande tendant à écarter l’exécution provisoire,

* constaté que le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.

Et statuant de nouveau,

À titre principal,

– déclarer nulle la garantie de Madame [R], en application de l’article L. 221-14 du code de la mutualité après avoir constaté que Madame [R] a commis une fausse déclaration intentionnelle qui a modifié l’objet du risque ou à tout le moins, en a diminué l’opinion pour elle et qu’elle n’a pas renoncé à se prévaloir de la nullité du contrat d’assurance,

– condamner Madame [R] au remboursement des sommes qui lui ont été versées injustement par elle en exécution du jugement de première instance,

– condamner Madame [R] au remboursement de la somme de 13172,63 euros au titre des précédents arrêts indûment indemnisés,

À titre subsidiaire, si par extraordinaire, elle était tenue d’indemniser Madame [R],

– limiter sa garantie à la seule prise en charge du congé maladie de longue durée conformément à ses stipulations contractuelles,

En tout état de cause,

– débouter Madame [R] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Madame [R] au paiement de la somme de 2000 euros majorée du taux légal, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 25 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [R] demande à la cour, sur le fondement des articles L. 221-10 et L. 221-13 à L. 221-15 du code de la mutualité, ainsi que des articles 1103 et suivants du code civil, de :

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 16 mai 2023 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

– ordonner son rétablissement dans ses droits contractuels nés du contrat de prévoyance C-REVCOL-00335 et de ses conditions particulières,

– débouter Territoria Mutuelle de l’intégralité de ses demandes,

– condamner Territoria Mutuelle à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Territoria Mutuelle aux entiers frais et dépens d’appel.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 21 mai 2024.

Par ordonnance du 30 mai 2024, l’affaire a été défixée de l’audience du 3 juin 2024 pour être fixée à l’audience de plaidoirie du 23 septembre 2024.

Elle a été mise en délibéré au 25 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Madame [R] le 25 janvier 2024 et par Territoria Mutuelle le 29 mars 2024, et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;

Sur la mise en jeu des garanties contractuelles

A l’appui de son recours, Territoria Mutuelle entend se prévaloir d’une fausse déclaration intentionnelle de la part de Madame [F] [R] pour justifier qu’elle a refusé sa demande de prise en charge de son arrêt de travail du 26 septembre 2019 ;

En effet, elle lui reproche de ne pas avoir fait état d’un syndrome dépressif qui la touche depuis 2015 ; qu’elle ne pouvait ignorer ses affections psychiques, alors qu’elle en a fait état dans un second questionnaire renseigné le 9 octobre 2018 ; elle lui a notifié sa décision de refus de garantie le 14 août 2020 et a réclamé l’indu versé qui s’élève à la somme de 13172,63 euros le 17 décembre 2020 ;

Cette réticence a nécessairement changé l’objet du risque à assurer ce qui justifie la nullité de la garantie et justifie son refus de prise en charge de son arrêt de travail ainsi que la résiliation de son contrat d’assurance ;

De plus, Territoria Mutuelle conteste avoir renoncé de manière claire et non équivoque à se prévaloir de la nullité de garantie, étant constant que la perception des primes d’assurances est inopérante à cet égard ;

Au contraire, elle rappelle qu’elle a maintenu provisoirement la situation, en attendant le retour de l’expertise médicale diligentée – le 11 mai 2020- ce qui justifie d’infirmer l’analyse des premiers juges ; subsidiairement, elle entend se prévaloir de limites de garanties pour la période du 17 janvier 2021 au 16 octobre 2023 qui correspond à une mise en disponibilité consécutive à un congé longue durée ;

En réponse Madame [F] [R] fait valoir qu’elle n’a commis aucune fausse déclaration intentionnelle comme allégué mais non prouvé ; elle a mentionné son suivi ‘psy’ dans le second questionnaire de santé, car il n’était pas engagé à l’époque du premier questionnaire, mais uniquement à compter du 24 mars 2016 comme en atteste sa psychiatre et non 2015 comme indiqué par erreur dans le rapport du docteur [Z] ; en tout état de cause, elle conteste toute réticence faite intentionnellement ;

S’agissant du deuxième questionnaire elle indique avoir mentionné son suivi ‘psy’, même si elle n’a pas coché le terme ‘dépression’ ce qui n’a pas d’effet sur la compréhension de son état psychique, dès lors qu’elle a fourni ses ordonnances médicales non équivoques sur l’objet de son traitement;

Elle rappelle que Territoria Mutuelle a tenté de lui faire signer un avenant excluant ses pathologies qui, dès lors étaient connues de son assureur ;

A titre subsidiaire, elle fait état de la renonciation de Territoria Mutuelle à se prévaloir de la nullité de la garantie, au vu de son attitude ; en effet elle a exécuté le contrat en lui versant une provision et a effectué un acte positif en tentant d’obtenir la souscription de nouvelles exclusions de garanties ;

Enfin, elle s’oppose à toute résiliation du contrat par l’assureur ainsi qu’à la demande de paiement de sommes réclamées par l’intimée et sollicite le rétablissement de ses droits, outre la confirmation de la décision déférée, en ce qu’elle a condamné la mutuelle à prendre en charge la période de congé maladie longue durée du 26 septembre 2019 au 16 janvier 2021 ainsi que son placement en disponibilité pour raison médicale du 17 janvier 2021 au 16 octobre 2023 outre les intérêts au taux légal ;

* Sur la fausse déclaration intentionnelle

Aux termes de l’article 9 de la notice d’information du contrat dont Madame [R] était l’assurée, ‘toute fausse déclaration intentionnelle ou réticence faite par le membre participant à la mutuelle entraîne la nullité des garanties, et ce alors même que le risque omis ou dénaturé est sans influence sur la réalisation du risque’;

Ces dispositions ont été visées par Territoria Mutuelle dans sa mise en demeure adressée à Madame [R] aux fins d’obtenir le remboursement de la somme de 13172,63 euros qu’elle considère comme indue (pièce 17 intimée) ;

Elles sont la reprise de l’article L.221-14 du code de la mutualité qui sanctionne la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré quant au risque à prendre en compte ;

En l’espèce Madame [R], assurée selon un contrat groupe prévoyance de son employeur, le conseil général a, dans un premier temps renseigné, un questionnaire de santé le 12 janvier 2016 (pièce 2 [R]) ;

En effet, elle souhaitait adhérer à un contrat de prévoyance ‘Maintien de traitement’ (courrier SMACL du 22 avril 2016- pièce 1 Madame [R]) ;

Tel que relevé par le premier juge, le document mentionne le suivi médical pour des affections physiques (hernie discale opérée) ainsi qu’une fibromyalgie diagnostiquée en août 2015 à l’exclusion de toute affection ‘neurologique, psychiatrique, dépression’ (question 14) ;

Le 24 octobre 2018, Territoria Mutuelle écrit à Madame [R] au sujet de sa demande d’ajout de garantie au contrat de prévoyance ‘invalidité et perte de retraite’ (pièces 5 et 24 [R]) ;

un second questionnaire de santé est renseigné par Madame [R] à cette occasion le 17 octobre 2018 (pièce 4 intimée) ;

Elle y mentionne l’existence d’un suivi psychiatrique toutes les deux semaines (question 6) ainsi que la prise d’un traitement ‘psy’ (question 7) ;

Elle reconnaît avoir ‘outre les affections de discite lombaire et fibromyalgie, une affection ‘psy’ consécutives à cette dernière (question 13) ; elle produit en annexe ses prescriptions et examens médicaux ainsi qu’un certificat de son psychiatre le docteur [L] qui atteste ‘recevoir Madame [R] en consultation depuis le 24 mars 2016 pour un épisode dépressif majeur caractérisé d’intensité sévère réactionnel à une fibromyalgie invalidante, diagnostiquée en 2015’ ;

Elle ajoute que ‘l’humeur s’est fortement dégradée à la suite d’un accident de voiture survenu le 6 novembre 2017, au cours duquel Madame [F] [R] a eu un sentiment de mort imminente (…)’ ;

Pour opposer à Madame [F] [R], une déchéance de garantie fondée sur l’existence d’une fausse déclaration intentionnelle, l’appelante se réfère au rapport d’expertise déposé le 30 novembre 2018, par le docteur [Z] qui a examiné l’intéressée le 3 octobre 2018 consécutivement à un accident de la voie publique le 6 novembre 2017 ;

Madame [R] n’est pas consolidée à cette date et poursuivait des soins psychiatriques et physiques ;

Une deuxième partie du rapport, intitulée ‘évolution depuis l’expertise du 3 octobre 2018’, mentionne que Madame [R] bénéficie d’un suivi psychothérapique tous les 15 jours, ainsi que d’un traitement médicamenteux ce qui est conforme à ses déclarations sus énoncées ;

Les mentions de la fiche d’informations médicales renseignée par Madame [R], concernant la prise en charge des conséquences de son accident de la voie publique du 6 novembre 2017, sont conformes (pièce 11 intimée) ;

L’expert retient ainsi que ‘Madame [R] bénéficie d’un arrêt de travail depuis le 7 janvier 2016’ en raison de son état de santé marqué par ‘un syndrome fibromyalgie qui n’a pas été réévalué depuis 2015 et également pour un syndrome dépressif majeur, en suivi depuis 2015′ ;

L’arrêt de travail pour fibromyalgie et dépression intervenu en octobre 2018, résulte d’une rechute de l’état de santé de Madame [R] consécutivement à son accident de voiture lequel lui a causé des troubles psychologiques aigus (angoisses, insomnies, troubles cognitifs invalidants etc…) – attestation du docteur [L] du 14 novembre 2018 ;

L’expert considère qu’il existait un état antérieur à l’accident, et mentionne des antécédents psychiatriques’depuis l’enfance’ ;

Il n’en résulte cependant pas la preuve de l’existence d’un syndrome dépressif, diagnostiqué et traité et bénéficiant d’un suivi psychiatrique, à une période antérieure au 24 mars 2016, tel qu’en atteste le docteur [L], médecin psychiatre de l’intéressée ;

En effet, le docteur [Z] ne s’appuie sur aucun élément objectif pour établir que la maladie psychique de Madame [R] ainsi que sa prise en charge thérapeutique et chimique, était antérieure au mois de mars 2016 tel qu’attesté par le docteur [L] ; il n’est pas justifié, ni allégué l’existence de soins psychiques en 2015, ne serait ce que par le médecin traitant de l’intimée ; seule la fibromyalgie a été diagnostiquée à cette période ;

Dès lors la preuve de l’existence d’un syndrome dépressif effectif et connu ‘de longue date’ comme avancé par le conseil de l’appelante dans son courrier du 7 mai 2021 (pièce 19) n’est aucunement démontrée ;

En effet, la causalité des troubles ressentis, les blessures quand bien même elles existeraient depuis l’enfance, n’ont pas été mises au jour au cas d’espèce, avant une prise en charge psychothérapique ;

Ainsi, aucune réticence dolosive n’est imputable à Madame [R], au titre du premier questionnaire de santé qu’elle a renseigné sans y mentionner un suivi psychiatrique ou une dépression, dès lors qu’aucun diagnostic n’était posé, ni suivi psycho-thérapique effectif ;

C’est le sens du courrier adressé le 27 août 2020 par la compagnie Pacifica, assureur de Madame [R] à la société Territoria Mutuelle, qui relève qu’aucune preuve d’une inexécution contractuelle imputable à l’assurée n’est établie (pièce 15 intimée) ;

Aussi, en l’absence de fausse déclaration intentionnelle imputable à Madame [R], il n’y a plus lieu de se prononcer sur une éventuelle renonciation par l’assureur, à se prévaloir de la nullité de sa garantie ;

En conséquence, le recours de Territoria Mutuelle visant à obtenir le prononcé de la nullité des garanties prévues au contrat, sera rejeté ;

* Sur les autres demandes

– La résiliation du contrat et le rétablissement des droits de Madame [R]

Aux termes de l’article L. 221-10 du code de la mutualité ‘pendant toute la durée du contrat d’assurance, la mutuelle ou l’union ne peut pas résilier ce contrat d’assurance pour cause d’aggravation du risque, sauf dans certaines conditions définies par décret en Conseil d’Etat résultant d’un changement de comportement volontaire de l’assuré’ ;

Au vu des développements précédents, aucun motif ne fonde la résiliation du contrat de prévoyance au profit de Madame [R] prononcée par la mutuelle ; de la même manière la demande en paiement de sommes prétendument indues, sera écartée ;

le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté Territoria Mutuelle de sa demande de paiement ;

En conséquence la demande de Madame [R] portant sur le rétablissement de ses droits au contrat de prévoyance (C-PREVCOL-000335) est justifiée et sera accueillie ;

– Les demandes indemnitaires

Aux termes de l’article 1103 du code civil ‘ les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits’ ; ‘ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public’ ajoute l’article 1104 du même code ;

Il est établi que Madame [R] n’a plus perçu d’indemnités depuis le 16 septembre 2019, nonobstant son arrêt de travail le 26 septembre 2019 (pièce 14 intimée) ;

Or par arrêtés des 11 janvier 2021, 10 octobre 2021 puis 17 octobre 2022, le conseil départemental, employeur de Madame [R], l’a placée en congé longue durée pour raison de santé du 1er janvier 2021 au 16 octobre 2021, après avoir été placée en congé maladie longue durée, du 9 octobre 2018 au 16 janvier 2021 (pièces 9 et 10) et du 10 octobre 2022 au 16 octobre 2023 (pièce 22 intimée) ;

L’intimée a vainement réclamé la prise en charge de sa situation le 18 février 2021 (pièce 18 intimée) ;

Aussi le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la Territoria Mutuelle à prendre en charge l’indemnisation conventionnelle de l’intimée, au titre de la période du 26 septembre 2019 au 16 janvier 2021, (congé pour longue maladie) outre les intérêts au taux légal à compter de la demande en justice ;

En revanche s’agissant de celle du 17 janvier 2021 au 16 octobre 2023 (congé longue durée pour raison de santé), il est constant qu’elle n’est pas contractuellement prise en charge comme n’étant pas consécutive à un congé de maladie ordinaire, ce en application de l’article 18 de la notice d’information ; cette demande sera par conséquent rejetée et le jugement déféré infirmé sur ce point ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Territoria Mutuelle succombant dans ses prétentions au principal, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Territoria Mutuelle, partie perdante au principal, devra supporter les dépens d’appel ; en outre elle sera condamnée à payer à Madame [F] [R] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance ; en revanche Territoria Mutuelle sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré uniquement s’agissant de la condamnation de Territoria Mutuelle au titre de la période de disponibilité pour cause médicale du 17 janvier 2021 au 16 octobre 2023,

Statuant à nouveau sur les chefs de décision infirmés et y ajoutant,

Rejette la demande de prise en charge de Madame [F] [R] pour la période du 17 janvier 2021 au 16 octobre 2023 ;

Dit n’y avoir lieu à annulation du contrat de prévoyance de Madame [F] [R] pour fausse déclaration intentionnelle ;

Rétablit Madame [R] dans ses droits au titre du contrat de prévoyance (C-PREVCOL-000335) et de ses conditions particulières ;

Déboute Territoria Mutuelle de ses demandes ;

Condamne Territoria Mutuelle à payer à Madame [F] [R] la somme de 2000 euros (DEUX MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Territoria Mutuelle de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Territoria Mutuelle aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en dix pages.


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