Contradictions dans l’évaluation des obligations d’information et de conseil en matière d’investissement

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Contradictions dans l’évaluation des obligations d’information et de conseil en matière d’investissement

L’Essentiel : La société Ardel a investi un million d’euros sur les conseils de Capelis, mais suite à la liquidation de la société Capi, elle a assigné Capelis en justice pour manquement aux obligations d’information. La cour d’appel a condamné Capelis et MMA à verser 50 000 euros, mais Ardel conteste cette décision, la jugeant contradictoire et insuffisamment motivée. La cour a reconnu que Capelis n’avait pas obtenu les documents financiers nécessaires pour un conseil adéquat, tout en affirmant que les risques avaient été présentés. Cette incohérence remet en question la validité de la décision.

Contexte de l’affaire

La société Ardel a souscrit, le 2 novembre 2015, un placement à court terme d’un million d’euros sur les conseils de la société Capelis, conseillère en investissements financiers, assurée par la société MMA Iard assurances mutuelles. Ce montant était destiné à l’achat d’actions de la société Hôtelière Capis et à une avance en compte courant d’associé.

Liquidation judiciaire et action en justice

Suite à la mise en liquidation judiciaire de la société Capi le 19 juin 2019, la société Ardel a assigné la société Capelis en paiement de dommages et intérêts, arguant d’un manquement aux obligations d’information et de conseil de la part de cette dernière.

Arguments de la société Ardel

La société Ardel conteste la décision de la cour d’appel qui a condamné solidairement la société Capelis et la société MMA à lui verser 50 000 euros, avec une solidarité limitée à 47 000 euros pour la société MMA. Elle soutient que le jugement est entaché de contradictions, ce qui constitue un défaut de motifs.

Réponse de la Cour d’appel

La cour d’appel a reconnu que tout jugement doit être motivé conformément à l’article 455 du code de procédure civile. Elle a noté que la société Capelis n’avait pas obtenu les documents financiers nécessaires pour conseiller correctement la société Ardel, tout en affirmant que les risques avaient été suffisamment présentés dans les documents contractuels.

Contradiction dans les motifs

En statuant de cette manière, la cour d’appel a été jugée contradictoire dans ses motifs, ne respectant pas les exigences de motivation imposées par la loi. Cette contradiction a conduit à une remise en question de la validité de la décision rendue.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 455 du code de procédure civile concernant la motivation des jugements ?

L’article 455 du code de procédure civile stipule que :

« Tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs. »

Cet article impose aux juges l’obligation de justifier leurs décisions par des motifs clairs et cohérents.

En effet, la motivation est essentielle pour garantir la transparence et la compréhension des décisions judiciaires.

Si un jugement présente des motifs contradictoires, cela peut entraîner une nullité de la décision, car cela empêche les parties de comprendre les raisons qui ont conduit à la décision rendue.

Dans le cas présent, la cour d’appel a été critiquée pour avoir énoncé des motifs qui se contredisent, ce qui constitue une violation de cet article.

Quelles sont les conséquences d’une motivation contradictoire dans un jugement ?

Les conséquences d’une motivation contradictoire dans un jugement sont significatives.

En vertu de l’article 455 du code de procédure civile, une telle contradiction peut entraîner la nullité de la décision.

Cela signifie que les parties peuvent demander l’annulation du jugement et, potentiellement, un nouveau procès.

Dans l’affaire examinée, la cour d’appel a été accusée d’avoir statué de manière contradictoire en affirmant, d’une part, que la société Capelis n’avait pas fourni les documents nécessaires à la société Ardel pour prendre une décision éclairée,

et, d’autre part, que les documents contractuels fournis étaient suffisants pour aider la société Ardel à prendre sa décision.

Cette incohérence a conduit à une remise en question de la validité de la décision rendue.

Comment la cour d’appel a-t-elle justifié sa décision concernant la responsabilité de la société Capelis et de la société MMA ?

La cour d’appel a justifié sa décision en retenant que la société Capelis avait manqué à son obligation d’information en ne se faisant pas communiquer les documents financiers nécessaires.

Elle a également noté que, en l’absence de ces documents, la société Capelis aurait dû informer la société Ardel de cette situation.

Cependant, la cour a également affirmé que l’analyse des risques avait été suffisamment présentée dans les documents contractuels soumis à la société Ardel.

Cette double affirmation a conduit à une contradiction dans les motifs, car il est difficile de concilier l’idée que les documents étaient insuffisants pour informer la société Ardel tout en affirmant qu’ils étaient suffisants pour l’aider à prendre sa décision.

Ainsi, la cour d’appel n’a pas respecté les exigences de l’article 455 du code de procédure civile, ce qui a conduit à une remise en question de la solidité de sa décision.

COMM.

HM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 janvier 2025

Cassation

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 18 F-D

Pourvoi n° K 23-19.835

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 JANVIER 2025

La société Ardel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 23-19.835 contre l’arrêt rendu le 13 juin 2023 par la cour d’appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Capelis, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société MMA Iard assurances mutuelles, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Ardel, de la SARL Le Prado – Gilbert, avocat de la société Capelis, de la société MMA Iard assurances mutuelles, après débats en l’audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué ( Rennes,13 juin 2023), le 2 novembre 2015, sur les conseils de la société Capelis, conseiller en investissements financiers, assurée pour cette activité par la société MMA Iard assurances mutuelles (la société MMA), la société Ardel a souscrit une offre de placement à court terme proposé par le groupe Maranatha 3, pour un montant d’un million d’euros destiné, d’une part, à l’achat d’actions de l’une des sociétés du groupe, la société Hôtelière Capis [Localité 4] PtR (la société Capi Paris), d’autre part, à une avance en compte courant d’associé.

2. La société Capi [Localité 4] ayant été mise en liquidation judiciaire le 19 juin 2019, la société Ardel a assigné la société Capelis en paiement de dommages et intérêts en soutenant qu’elle avait manqué à ses obligations d’information et de conseil.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Ardel fait grief à l’arrêt de condamner solidairement la société Capelis et la société MMA IARD à lui payer la seule somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, la solidarité de cette dernière étant limitée à la somme de 47 000 euros, alors « que tout jugement ou arrêt doit être motivé, à peine de nullité ; que la contradiction entre les motifs de la décision équivaut à un défaut de motifs ; qu’en affirmant, d’une part, qu’il n’était pas justifié quels supports juridiques et commerciaux avaient pu être remis à la société Ardel afin de lui permettre de choisir son investissement en toute connaissance de cause, et d’autre part, que l’investissement auquel elle avait décidé de souscrire était suffisamment présenté dans les documents contractuels qui lui avaient été soumis pour l’aider à prendre sa décision, la cour d’appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a privé sa décision de motifs, en violation de l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 455 du code de procédure civile

4. Aux termes de ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.

5. Pour condamner solidairement la société Capelis et la société MMA au paiement d’une certaine somme, l’arrêt retient, d’un côté, que la société Capelis a omis de se faire communiquer les documents financiers des sociétés dans lesquelles elle proposait à son client d’investir et qu’à défaut elle devait l’informer de ce qu’elle ne disposait pas de ces documents, de l’autre, que l’analyse des risques a été suffisamment présentée dans les documents contractuels soumis à la société Ardel pour l’aider à prendre sa décision.

6. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui s’est contredite, n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.


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