Conflit autour de la réalisation de travaux de menuiserie et de la créance associée

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Conflit autour de la réalisation de travaux de menuiserie et de la créance associée

L’Essentiel : Les époux [K] ont engagé la société AIC pour des travaux de menuiserie, mais n’ont pas réglé le solde de 27.741,23 euros TTC. Après une mise en demeure, la société a assigné les époux devant le tribunal. En parallèle, AIC a été placée en liquidation judiciaire. Le liquidateur, la société [U], réclame 12.448,60 euros, mais les époux contestent, évoquant des malfaçons et demandant une créance de 14.300,00 euros pour travaux de reprise. Le tribunal, constatant l’absence de preuve de réception des travaux, rejette les demandes de paiement et ordonne la réouverture des débats pour la déclaration de créance.

Exposé du litige

Les époux [K] ont confié à la société AIC la réalisation de travaux de menuiserie dans leur maison, avec un devis daté du 20 avril 2017. Une facture définitive de 27.741,23 euros TTC a été émise le 20 mars 2018. Face à l’absence de paiement du solde, la société AIC a mis en demeure les époux [K] le 3 février 2020, puis les a assignés devant le Tribunal judiciaire de Lyon le 31 juillet 2020. En parallèle, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’encontre de la société AIC le 23 février 2023.

Les prétentions et les moyens

La société [U], en tant que liquidateur de la société AIC, demande au tribunal de condamner les époux [K] à lui verser 12.448,60 euros TTC, ainsi que d’autres sommes et pénalités. Elle soutient que les travaux ont été réalisés et que la créance est fondée. En réponse, les époux [K] contestent la demande, affirmant que la société AIC ne justifie pas de sa créance et qu’ils ont constaté des malfaçons. Ils demandent également la reconnaissance d’une créance de 14.300,00 euros TTC pour travaux de reprise.

Motivation de la décision

Le tribunal rappelle que la preuve de l’exécution d’une obligation incombe à celui qui la réclame. Il constate que la société AIC n’a pas prouvé l’existence d’une pré-réception ou d’une réception des travaux, ce qui rend le paiement du solde non exigible. Les demandes de paiement de la société AIC sont donc rejetées. Concernant la demande reconventionnelle des époux [K], le tribunal note qu’ils n’ont pas déclaré leur créance au passif de la liquidation judiciaire, ce qui entraîne l’interruption de l’instance.

Mesures de fin de procès

Le tribunal réserve les dépens et rejette les demandes des parties sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Il révoque l’ordonnance de clôture et ordonne la réouverture des débats, renvoyant l’affaire à une audience de mise en état pour la production de la déclaration de créance par les époux [K].

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature du contrat entre les époux [K] et la société AIC ?

Le contrat entre les époux [K] et la société AIC est un contrat de louage d’ouvrage, tel que défini par l’article 1710 du Code civil. Cet article stipule que :

« Le louage d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles. »

Dans ce cas, les époux [K] ont confié à la société AIC la réalisation de travaux de menuiserie dans leur maison, en contrepartie d’un prix convenu, ce qui caractérise bien la nature de ce contrat.

En vertu de l’article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Cela signifie que les parties sont tenues de respecter les engagements pris dans le cadre de ce contrat.

Quelles sont les obligations de paiement des époux [K] envers la société AIC ?

Conformément à l’article 1342 du Code civil, le paiement doit être effectué dès que la dette devient exigible. En l’espèce, la société AIC a émis une facture définitive le 20 mars 2018, ce qui rendait le paiement exigible à cette date.

L’article 1353 du Code civil précise que :

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

Ainsi, la société AIC devait prouver que les travaux avaient été réalisés conformément au contrat pour justifier sa demande de paiement. Les époux [K], de leur côté, devaient prouver qu’ils avaient effectivement réglé leur dette ou qu’ils avaient des raisons légitimes de ne pas le faire.

Les époux [K] peuvent-ils opposer l’exception d’inexécution ?

Oui, les époux [K] peuvent opposer l’exception d’inexécution en vertu de l’article 1217 du Code civil, qui stipule que :

« Le créancier peut refuser d’exécuter son obligation tant que le débiteur n’a pas exécuté la sienne. »

Les époux [K] soutiennent que la société AIC n’a pas correctement exécuté les travaux, ce qui leur permet de refuser le paiement. Ils se fondent sur des malfaçons et des non-conformités constatées, ce qui pourrait justifier leur refus de paiement.

Quelles sont les conséquences de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire pour la société AIC ?

L’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire a des conséquences importantes sur les créances. Selon l’article L. 622-21 I° du Code de commerce :

« Le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement de somme d’argent. »

Cela signifie que les époux [K] ne peuvent pas poursuivre leur demande de paiement tant qu’ils n’ont pas déclaré leur créance au passif de la liquidation judiciaire. L’article L. 622-22 alinéa 1 précise que les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier ait procédé à la déclaration de sa créance.

Quelles sont les implications de la décision du tribunal concernant les demandes de paiement ?

Le tribunal a rejeté les demandes de paiement de la société AIC, considérant que la preuve de l’exigibilité des créances n’était pas suffisamment démontrée. En effet, la société AIC n’a pas prouvé qu’une pré-réception ou une réception des travaux avait eu lieu, ce qui est nécessaire pour exiger le paiement du solde.

De plus, le tribunal a réservé la demande reconventionnelle des époux [K] concernant la fixation d’une créance au passif de la société AIC, ce qui signifie qu’ils doivent déclarer leur créance pour qu’elle soit examinée dans le cadre de la liquidation judiciaire.

Quelles sont les conséquences des dépens et des frais de justice dans cette affaire ?

Selon l’article 696 du Code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. » Dans ce cas, le tribunal a réservé les dépens, ce qui signifie qu’ils seront déterminés ultérieurement.

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que le juge peut condamner la partie perdante à payer une somme à l’autre partie pour couvrir les frais exposés et non compris dans les dépens. Cependant, le tribunal a décidé de ne pas faire droit aux demandes sur ce fondement, tenant compte de l’équité et de la situation économique des parties.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 H

N° RG 20/05124 – N° Portalis DB2H-W-B7E-VC5T

Jugement du 16 janvier 2025

Notifié le :

Expédition à :

Maître Patrick PROTIERE de la SELARL CABINET JURIDIQUE ET FISCAL MOULINIER – 733
Maître Ludivine DANCHAUD de la SELARL GRILLAT ET DANCHAUD – 329

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 16 janvier 2025 devant la Chambre 10 cab 10 H le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 04 mars 2024, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 07 novembre 2024 devant :

Marlène DOUIBI, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assistée de Jessica BOSCO BUFFART, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSES

S.E.L.A.R.L. [U], intervenante volontaire, prise en la personne de Maître [T] [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la société AGENCEMENT INGENIERIE ET CREATION
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Patrick PROTIERE de la SELARL CABINET JURIDIQUE ET FISCAL MOULINIER, avocats au barreau de LYON

S.A.S. AGENCEMENT INGENIERIE ET CREATION
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Maître Patrick PROTIERE de la SELARL CABINET JURIDIQUE ET FISCAL MOULINIER, avocats au barreau de LYON

DEFENDEURS

Monsieur [O] [K]
demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Ludivine DANCHAUD de la SELARL GRILLAT ET DANCHAUD, avocats au barreau de LYON

Madame [Y] [G] épouse [K]
demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître Ludivine DANCHAUD de la SELARL GRILLAT ET DANCHAUD, avocats au barreau de LYON

EXPOSE DU LITIGE

Les faits et la procédure

Par devis daté du 20 avril 2017, madame [Y] [G] épouse [K] et monsieur [O] [K] (ci-après dénommés “les époux [K]”) ont confié à la société par actions simplifiée AGENCEMENT INGÉNIERIE CRÉATION (ci-après dénommée “société AIC”) la réalisation de travaux de menuiserie dans leur maison d’habitation située au numéro [Adresse 1], à [Localité 3].

Une facture définitive d’un montant total de 27.741,23 euros toutes taxes comprises (ci-après “TTC”) a été établie par la société AIC à destination des époux [K] le 20 mars 2018.

Déplorant l’absence de règlement du solde de travaux, la société AIC a mis en demeure les époux [K] de lui payer la somme de 12.488,60 euros TTC par lettre recommandée avec demande d’avis de réception émise le 3 février 2020.

A défaut de paiement, la société AIC a finalement fait assigner les époux [K] devant le Tribunal judiciaire de LYON par acte d’huissier de justice signifié le 31 juillet 2020.

En cours de procédure, par jugement en date du 23 février 2023, le Tribunal de commerce de LYON a prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation à l’encontre de la société AIC.

En conséquence, la société d’exercice libéral à responsabilité limitée [U], représentée par Maître [T] [U] pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société AIC, est intervenue volontairement à l’instance par conclusions notifiées le 17 mars 2023.

La clôture définitive de l’instruction a été ordonnée le 4 mars 2024. L’affaire a été renvoyée à l’audience de plaidoirie en formation à juge unique du 4 novembre 2024, à l’issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 16 janvier 2025.

Les prétentions et les moyens

Aux termes de conclusions récapitulatives notifiées le 17 mars 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions émises et des moyens invoqués, la société [U], liquidateur de la société AIC, demande au Tribunal de :
dire et juger la société AGENCEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION recevable et bien fondée en ses demandes,condamner les époux [K] à lui verser, ès qualité de liquidateur de la société AGENCEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION, la somme de 12.448,60 euros outre pénalités de retard de 10 % à compter du 20 mars 2018, a minima, les condamner à lui verser, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société AGENCEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION, la somme principale de 8.322,36 euros TTC non contestée par les défendeurs, outre pénalités de retard de 10 % à compter du 20 mars 2018, débouter les époux [K] de l’exception d’exécution invoquée, débouter les époux [K] de leur demande reconventionnelle, les débouter de l’ensemble de leurs demandes, moyens, fins et conclusions plus amples ou contraires, condamner les époux [K] à lui verser, ès qualité de liquidateur de la société AGENCEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION, la somme de 2.500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,condamner les époux [K] aux entiers dépens de l’instance, lesquels comprendront le coût de l’assignation délivrée.
Se fondant sur les dispositions des articles 1103, 1342 et 1710 du Code civil, la société AIC soutient que les travaux visés dans la facture définitive ont été réalisés et que la créance est conséquemment établie dans son principe et dans son quantum. En réponse aux moyens adverses, elle assure que les époux [K] ont été destinataires de ladite facture en amont de leur assignation au fond. Elle précise que le contenu du devis M3 non signé est identique au devis M2 amendé et signé par les parties défenderesses. Elle note que les portes prétendument manquantes au niveau des sanitaires et de l’espace commun en R+1 n’ont pas été constatées par l’huissier de justice venu sur les lieux en février 2021. Elle observe, à cet égard, que lesdits équipements ont pu être retirés volontairement par les époux [K]. Elle souligne que les factures d’acomptes sont insuffisantes pour prouver qu’un règlement est effectivement intervenu. Elle estime que le retard de paiement justifie l’application d’une pénalité de 10% à compter du 20 mars 2018, date de facturation définitive.
Dans un second temps, elle dément toute mauvaise exécution des travaux réalisés plus de trois années avant l’établissement du procès-verbal de constat par un huissier de justice. Elle indique, en outre, que les désordres relevés à cette occasion constituent des vices apparents et sont étrangers aux prestations qui lui ont été confiées.
Elle fait ensuite valoir qu’il n’est pas prouvé par les époux [K] l’existence des malfaçons décriées et qu’ils n’ont, au reste, pas déclaré la créance afférente auprès du mandataire judiciaire.

Aux termes de conclusions récapitulatives notifiées le 29 novembre 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions émises et des moyens invoqués, les époux [K] demandent au Tribunal de :
constater que la société AGENCEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION ne justifie nullement de sa demande en paiement tant dans son principe que dans son quantum,dire et juger que la société AGENCEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION est irrecevable et infondée en ses demandes,rejeter purement et simplement la demande de paiement de la société [U], ès qualité de liquidateur de la société AGENCEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION,constater que le procès-verbal de constat d’huissier apporte la preuve de malfaçons, non-conformités, ainsi que la non-réalisation de certains travaux imputables à la société AGENCEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION,constater que la société AGENCEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION a manqué à ses obligations contractuelles,dire et juger que les époux [K] sont bien fondés à invoquer l’exception d’inexécution,rejeter la demande de paiement de la société [U] ès qualité de liquidateur de la société AGENCEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION,à tout le moins, faire droit a la demande reconventionnelle des époux [K],fixer le montant de la créance au passif de la société AGENCEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION à la somme de 13.000,00 euros HT, soit 14.300,00 euros TTC, correspondant au montant des travaux de reprises,condamner la société [U] ès qualité de liquidateur de la société AGENCEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION au paiement de la somme de 3.500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Pour justifier le rejet de la demande de paiement formée par la société AIC, les époux [K] soutiennent, en vertu des dispositions des articles 1103 et 1353 alinéa 1 du Code civil, outre de l’article L. 113-3 du Code de la consommation, que la facture définitive ne leur a pas été adressée avant leur assignation devant le Tribunal judiciaire de LYON et font valoir, en sus, que la preuve d’un envoi effectif n’est pas apportée. Ils exposent également que la société demanderesse ne justifie pas du montant de la créance, à défaut de production des factures d’acomptes. A cet égard, ils précisent que le devis M2 sur lequel la société AIC fonde sa demande de paiement est distinct du document sur la base duquel les travaux ont été réalisés, soit le devis M3 en date du 6 juin 2017. Ils indiquent que ce second devis reprend le contenu du devis M3. Ils confirment, en outre, l’exécution de travaux et le versement, en retour, de trois acomptes d’un montant total de 19.418,00 euros TTC. Ils considèrent que la production des factures d’acomptes démontre suffisamment la réalité des versements. Ils contestent la force probante du document comptable communiqué par la société AIC. Ils affirment, en dernier lieu, que certaines prestations n’ont pas été réalisées et qu’aucune pré-réception ou réception n’a été organisée.
Dans un second temps, se fondant sur les articles 1103 et 1217 du Code civil, ils font valoir que les prestations confiées à la société AIC n’ont pas été convenablement exécutées et qu’ils sont conséquemment fondés à opposer à la société AIC l’exception d’inexécution. En réponse aux moyens adverses, ils exposent que le procès-verbal de constat versé au débat montre l’importance des malfaçons et non-conformités affectant les travaux.
En dernier lieu et à titre reconventionnel, ils exposent que lesdits vices justifient l’indemnisation des travaux de reprise à hauteur de 14.300,00 euros TTC.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Il est rappelé qu’en application des dispositions de l’article 4 du Code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. De plus, en vertu de l’article 768 dudit code, le tribunal statue sur les seules prétentions énoncées au dispositif et examine uniquement les moyens invoqués dans la discussion. Les demandes de « déclarer », « dire et juger », « constater », « prendre acte » ou de « préserver des droits » ne constituant pas, sauf exceptions liées à une rédaction erronée de la demande, des revendications au sens du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

I. Sur la demande de paiement du solde de travaux formée par la société AMÉNAGEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION

En vertu de l’article 1710 du Code civil, “le louage d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles.”

L’article 1103 dudit code énonce, à cet égard, que “les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.”

De plus, conformément aux dispositions de l’article 1342 du même code, le paiement doit être effectué dès que la dette devient exigible.

En parallèle, l’article 1353 du Code civil prévoit que :

“Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.”

Ainsi, la preuve du paiement pèse sur le débiteur, dès lors que le créancier a préalablement rapporté la preuve de l’obligation dont il se prévaut.

En l’occurrence, il résulte du devis n°[K] M2 établi le 20 avril 2017 et signé par les parties défenderesses qu’il a été confié à la société AIC la réalisation de prestations de menuiseries au sein d’une maison sur trois niveaux située au numéro [Adresse 1], sur la commune de [Localité 3] (pièce n°1 du demandeur).

Il ressort ensuite des débats et de la pièce susvisée que seules les prestations dont le montant apparaît surligné dans la colonne intitulée “Montant HT” ont finalement été retenues par les époux [K] pour une somme totale de 27.741,23 euros TTC (en lieu et place des 42.926,99 euros TTC initialement chiffrés par la société AIC). C’est d’ailleurs ce qui s’ensuit de l’étude croisée du devis n°[K] M3 produit par les époux [K] (pièce n°3 des défendeurs).

Par suite, il importe peu de déterminer si les travaux litigieux ont été exécutés sur la base du devis n°[K] M2 ou n°[K] M3, dès lors que cela demeure sans incidence sur la nature des prestations convenues.

Les conditions suivantes ont été fixées dans le devis précité :
“acompte de 30% à la commande ;situations de 20% suivant avancement ;acompte de 10% à la pré-réception ; solde à la réception des travaux”.
Or, la société AIC n’apporte pas d’éléments montrant qu’une pré-réception et une réception expresse sont intervenues. Elle ne se prévaut pas davantage d’une réception tacite ni ne sollicite qu’il soit prononcé la réception judiciaire du chantier confié.

De ce fait, la société AIC ne peut présentement solliciter le paiement de l’acompte correspondant à la pré-réception et du solde du marché exigible à l’achèvement des travaux.

En outre, il est observé qu’à défaut de précision du nombre de “situations” susceptibles de donner lieu au règlement d’acomptes supplémentaires correspondant à 20% du marché, il ne peut être déterminé avec certitude les sommes dues au fil de l’avancement des travaux.

Toutefois, il s’avère, à la lecture des factures n°FA02576, FA02591 et FA FA02608 versées au débat par les époux [K] que la société AIC a requis le règlement des sommes suivantes en cours de chantier (pièces n°4 à 6 des défendeurs) :
7.565,79 euros HT (soit 8.322,37 euros TTC) d’acompte “sur facture suivant devis n°[K] M3 30%”, soit l’acompte dû à la commande des travaux ;5.043,86 euros HT (soit 5.548,25 euros TTC) d’acompte “sur facture suivant devis n°[K] M3 20%”, soit un premier paiement intermédiaire suivant l’avancement du chantier ;5.043,86 euros HT (soit 5.548,25 euros TTC) d’acompte “sur facture suivant devis n°[K] M3 20%”, soit un second paiement intermédiaire suivant l’avancement du chantier.
Les factures n°FA02576, FA02591 et FA FA02608 éditées respectivement les 8 juin, 24 juillet et 3 octobre 2017 mentionnent un “net à payer” nul, de sorte que la société AIC ne peut désormais remettre en cause le règlement effectif.

En outre, si la pièce n°4 produite par la société AIC fait état d’un “solde” de 12.448,60 euros, celle-ci demeure trop imprécise pour établir avec certitude le montant de la créance exigible. En effet, en colonne “débit”, il est inscrit une somme totale de 23.541,51 euros qui ne correspond pas au montant total des travaux fixé par devis (que l’on raisonne hors taxes ou toutes taxes comprises). En outre, les lignes d’écritures sont toutes datées du 1er octobre 2018 ou du 1er janvier 2019, soit plus d’une année après l’émission du devis n°[K] M2, ce alors que la facture n°FA02666 définitive date du 20 mars 2018 (soit antérieurement). Ces incohérences et imprécisions amenuisent nécessairement la valeur probante du document précité. Il est relevé, au surplus, que l’apposition d’un tampon et d’une signature ne peuvent être assimilés à une certification par expert comptable.

Ainsi, il s’avère que l’exigibilité de la créance de 12.448,60 euros TTC est insuffisamment démontrée.

En conséquence, la demande de paiement de la somme de 12.448,60 euros TTC avec pénalités de retard sera rejetée.

En parallèle, si les époux [K] indiquent en page n°8 de leurs dernières conclusions récapitulatives “qu’il resterait donc dû une somme de 8.322,36 euros TTC”, l’emploi du conditionnel démontrent qu’ils en contestent le bien-fondé. Au demeurant, il a été jugé précédemment qu’à défaut de pré-réception et de réception expresse des travaux, le solde des travaux n’est pas exigible.

Par suite, la demande de paiement d’une somme de 8.322,36 euros TTC formée par la société AIC sera pareillement rejetée.

Il n’y a dès lors plus lieu de se prononcer sur le bien-fondé de l’exception d’inexécution opposée par les époux [K].

II. Sur la demande reconventionnelle de fixation au passif d’une créance formée par les époux [K]

En application des dispositions de l’article 369 du Code de procédure civile, l’instance est interrompue par l’effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.

Aux termes de l’article L. 622-21 I° du Code de commerce, le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement de somme d’argent.

L’article L. 622-22 alinéa 1 du même code prévoit que “Sous réserve des dispositions de l’article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan nommé en application de l’article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.”

Si l’interruption d’instance n’est pas demandée par le débiteur, le juge qui serait informé par une autre voie de l’ouverture d’une procédure collective doit d’office constater l’interruption de l’instance (Civ. 3ème, 18 sept. 2012, n°11.19-571).

Les créances concernées par l’effet interruptif de l’ouverture de la procédure collective sont celles qui trouvent leur origine antérieurement au jugement d’ouverture.

Le domaine de l’arrêt des poursuites individuelles concerne les actions fondées sur le paiement d’une somme d’argent et celles en résolution des contrats pour non-paiement d’une somme d’argent.

L’instance reprend de plein droit lorsque le créancier procède à la déclaration de sa créance et une fois les organes de la procédure dûment appelés.

En parallèle, l’article 803 du Code de procédure civile prévoit que :

“L’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l’instruction, l’ordonnance de clôture n’est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.

L’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision du tribunal.”

En l’occurrence et sans qu’il ne soit préalablement nécessaire de se prononcer sur les moyens soulevés par les époux [K], le fait générateur sur lequel ils appuient leur demande d’indemnisation, soit l’inexécution partielle et imparfaite des travaux par la société AIC, est antérieur à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société susdite, en ce que celle-ci a été prononcée le 23 février 2023 par le Tribunal de commerce de LYON.

Or, les époux [K] ne rapportent pas la preuve d’une déclaration de leur créance au passif de la liquidation judiciaire, si bien que l’instance demeure interrompue jusqu’à la réalisation de cette diligence, ce quand bien même la société [U] a pu intervenir volontairement à la procédure.

En conséquence, la demande de fixation d’une créance formée par les époux [K] sera réservée. Il sera en outre prononcé la révocation de l’ordonnance de clôture et ordonné la réouverture des débats. L’affaire sera renvoyée à l’audience de mise en état virtuelle du 7 avril 2025 pour production par madame [Y] [G] épouse [K] et monsieur [O] [K] de la déclaration de leur créance au passif de la société AIC, à peine de radiation de l’affaire

III. Sur les mesure de fin de procès

Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

L’article 695 du Code de procédure civile dispose que « les dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution comprennent […] :

1° Les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les greffes des juridictions ou l’administration des impôts à l’exception des droits, taxes et pénalités éventuellement dus sur les actes et titres produits à l’appui des prétentions des parties ;
(…)
5° Les débours tarifés ;

6° Les émoluments des officiers publics ou ministériels ;
(…).”

Le présent jugement ne mettant pas définitivement fin à l’instance, les dépens seront réservés.

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 .

Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.

La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat majorée de 50 %. »

En l’occurrence, l’équité requiert de ne pas faire droit aux demandes formées par les parties sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, statuant publiquement après débats publics en formation à juge unique par jugement rendu contradictoirement en premier ressort par mise à disposition au Greffe,

Rejette la demande de la société [U], ès qualité de liquidateur de judiciaire de la société par actions simplifiée AGENCEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION, tendant à la condamnation de madame [Y] [G] épouse [K] et monsieur [O] [K] à lui payer la somme de 12.448,60 euros toutes taxes comprises outre pénalités de retard de 10 % à compter du 20 mars 2018 ;

Rejette la demande de la société [U], ès qualité de liquidateur de judiciaire de la société par actions simplifiée AGENCEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION, tendant à la condamnation de madame [Y] [G] épouse [K] et monsieur [O] [K] à lui payer la somme de 8.322,36 euros toutes taxes comprises outre pénalités de retard de 10 % à compter du 20 mars 2018 ;

Réserve la demande de madame [Y] [G] épouse [K] et monsieur [O] [K] tendant à la fixation d’une créance de 14.300,00 euros toutes taxes comprises au passif de la société par actions simplifiée AGENCEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION ;

Réserve les dépens dans l’attente d’une décision mettant définitivement fin à l’instance ;

Rejette les demandes formées par madame [Y] [G] épouse [K] et monsieur [O] [K] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette les demandes formées par la société [U], ès qualité de liquidateur de judiciaire de la société par actions simplifiée AGENCEMENT INGÉNIERIE ET CRÉATION, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Révoque l’ordonnance de clôture ;

Ordonne la réouverture des débats ;

Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état du 7 avril 2025 pour la production par madame [Y] [G] épouse [K] et monsieur [O] [K] de leur déclaration de créance ;

Dit que les messages devront être notifiées au greffe avant le 2 avril 2025 à minuit, à peine de rejet ;

Rejette toutes les demandes plus amples ou contraires ;

En foi de quoi la Présidente et la Greffière ont signé la présente décision.

La Greffière La Présidente

Jessica BOSCO BUFFART Marlène DOUIBI


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