Conflit sur l’exécution des obligations contractuelles et la validité des garanties de paiement

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Conflit sur l’exécution des obligations contractuelles et la validité des garanties de paiement

L’Essentiel : La SCCV [Localité 6] a confié à RIDORET MENUISERIE des travaux de menuiserie pour un bâtiment mixte, totalisant 135.000 euros H.T. Malgré plusieurs paiements, un solde demeurait impayé. Après des mises en demeure restées sans réponse, RIDORET MENUISERIE a assigné la SCCV en avril 2024, demandant une provision de 16.200 euros. Le tribunal a rejeté cette demande, soulignant des contestations sérieuses sur le montant réclamé et l’abandon du chantier. En conséquence, RIDORET MENUISERIE a été condamnée à payer les dépens, sans frais supplémentaires, confirmant ainsi la décision en faveur de la SCCV.

Contexte de l’affaire

La SCCV [Localité 6] – [Adresse 5] a confié à la société RIDORET MENUISERIE la réalisation de travaux de menuiserie pour un bâtiment à usage mixte. La maîtrise d’œuvre a été attribuée à la société BTBW. La société RIDORET MENUISERIE a émis plusieurs situations comptables entre septembre 2021 et septembre 2023, totalisant 135.000 euros H.T., dont 121.500 euros ont été réglés.

Mises en demeure et actions judiciaires

Face à des paiements partiels, la société RIDORET MENUISERIE a mis en demeure la SCCV à plusieurs reprises, notamment pour le solde du marché et la garantie de paiement. Après plusieurs relances restées sans réponse, elle a assigné la SCCV devant le tribunal judiciaire de Paris en avril 2024, demandant une provision et d’autres indemnités.

Arguments des parties

La société RIDORET MENUISERIE a demandé une indemnité provisionnelle de 16.200 euros, ainsi que la garantie de paiement. En revanche, la SCCV a contesté ces demandes, arguant de l’absence de régularisation du marché et de l’abandon du chantier par RIDORET MENUISERIE, ce qui, selon elle, engendrait des contestations sérieuses.

Décision du tribunal

Le tribunal a rejeté la demande de provision de la société RIDORET MENUISERIE, considérant qu’il existait des contestations sérieuses concernant le montant réclamé. La demande de garantie a également été rejetée. En conséquence, la société RIDORET MENUISERIE a été condamnée à payer les dépens, sans application des dispositions relatives aux frais irrépétibles.

Conclusion

Le tribunal a statué en faveur de la SCCV, rejetant les demandes de la société RIDORET MENUISERIE et confirmant l’absence de lieu à application des frais supplémentaires. L’exécution provisoire a été déclarée de droit.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article L 124-2 du Code de la construction et de l’habitation dans le cadre de la mise en demeure de la SCCV ?

L’article L 124-2 du Code de la construction et de l’habitation stipule que « le maître d’ouvrage doit, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la mise en demeure, procéder au paiement des sommes dues au titulaire du marché. À défaut, le titulaire peut suspendre l’exécution de ses obligations. »

Dans le cas présent, la société RIDORET MENUISERIE a mis en demeure la SCCV [Localité 6] – [Adresse 5] de lui payer le solde du marché de travaux par lettre recommandée du 18 janvier 2023.

Cette mise en demeure, si elle n’est pas suivie d’effet, permet à la société RIDORET MENUISERIE de suspendre l’exécution des travaux, conformément à l’article précité.

Il est donc essentiel pour le maître d’ouvrage de respecter ce délai pour éviter la suspension des travaux, ce qui pourrait entraîner des conséquences financières et juridiques.

Quelles sont les implications de l’article 1799-1 du Code civil concernant la garantie de paiement ?

L’article 1799-1 du Code civil dispose que « le maître d’ouvrage doit fournir, à la demande de l’entrepreneur, une garantie de paiement des sommes dues au titre du marché. Cette garantie peut prendre la forme d’une caution personnelle et solidaire ou d’une garantie bancaire. »

Dans cette affaire, la société RIDORET MENUISERIE a demandé à la SCCV de lui fournir la garantie de paiement prévue par cet article par courrier recommandé du 25 avril 2023.

L’absence de réponse de la SCCV à cette demande constitue une violation de ses obligations contractuelles.

La société RIDORET MENUISERIE peut donc légitimement exiger cette garantie pour sécuriser le paiement des sommes dues, et en cas de non-respect, elle pourrait envisager des actions en justice pour obtenir cette garantie.

Comment l’article 835 du Code de procédure civile s’applique-t-il à la demande de provision ?

L’article 835 du Code de procédure civile précise que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier. »

Dans le litige en question, la société RIDORET MENUISERIE a demandé une provision de 16.200 euros, affirmant être créancière de la SCCV pour le solde du marché de travaux.

Cependant, la SCCV a soulevé des contestations sérieuses concernant le montant réclamé, notamment en raison de l’absence de validation des décomptes par le maître d’œuvre.

Ainsi, le tribunal a jugé que la demande de provision se heurtait à une contestation sérieuse, ce qui a conduit au rejet de cette demande.

Quelles sont les conséquences de l’article 696 du Code de procédure civile sur les dépens ?

L’article 696 du Code de procédure civile stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

Dans cette affaire, la société RIDORET MENUISERIE, ayant succombé dans ses demandes, a été condamnée à payer les dépens.

Cela signifie qu’elle devra supporter les frais liés à la procédure, ce qui peut inclure les frais d’huissier, les frais d’avocat, et d’autres coûts associés à l’instance.

Cette disposition vise à garantir que la partie qui a perdu le procès ne puisse pas se soustraire à ses obligations financières résultant de la procédure judiciaire.

Comment l’article 700 du Code de procédure civile s’applique-t-il aux frais irrépétibles ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans le cas présent, bien que la société RIDORET MENUISERIE ait été condamnée aux dépens, le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700.

Cela signifie que, pour des raisons d’équité ou en raison de la situation économique de la partie condamnée, le tribunal a choisi de ne pas accorder de frais irrépétibles à la SCCV.

Cette décision souligne l’importance de l’équité dans le jugement des litiges, même lorsque la loi prévoit une compensation pour les frais engagés.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/52862

N° Portalis 352J-W-B7I-C4NYB

N° : 1

Assignation du :
16 avril 2024

[1]

[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 10 janvier 2025

par Malika KOURAR, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Arnaud FUZAT, Greffier.

DEMANDERESSE

La S.A. RIDORET MENUISERIE
[Adresse 3]
[Localité 1]

représentée par Maître Catherine CIBOT, avocat au barreau de LA ROCHELLE, plaidant, et par Maître Marie-Dominique GAUVRIT, avocat au barreau de PARIS – #D0642, postulant,

DEFENDERESSE

La S.C.C.V. [Localité 6] – [Adresse 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Cyril LAROCHE de la SELEURL CYRIL LAROCHE AVOCAT, avocats au barreau de PARIS – #D1605

DÉBATS

A l’audience du 18 octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Malika KOURAR, Juge, assistée de Arnaud FUZAT, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

EXPOSE DU LITIGE

Selon devis du 7 juillet 2021, la SCCV [Localité 6] – [Adresse 5], maître d’ouvrage, a confié à la société RIDORET MENUISERIE la réalisation de travaux de menuiserie dans le cadre d’une opération de construction d’un bâtiment à usage mixte situé [Adresse 5] à [Localité 6].

Elle a confié la maîtrise d’œuvre de l’opération à la société BTBW.

La société RIDORET MENUISERIE a émis quatre situations comptables mensuelles de septembre à décembre 2021, une cinquième en juillet 2022 pour un montant de 8.100 euros et une sixième en septembre 2023 et ce, pour un montant total de 135.000 euros H.T.

Des paiements sont intervenus en sa faveur à hauteur de 121.500 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 janvier 2023, la société RIDORET MENUISERIE a mis en demeure la SCCV [Localité 6] – [Adresse 5] de lui payer le solde du marché de travaux, sous peine de suspension de l’exécution des travaux par application de l’article L 124-2 du code de la construction et de l’habitation.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 25 avril 2023, sans réponse de la SCCV [Localité 6] – [Adresse 5], elle a mis en demeure cette dernière de lui fournir la garantie prévue à l’article 1799-1 du code civil.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 30 septembre 2023, la société RIDORET MENUISERIE a adressé à la SCCV [Localité 6] – [Adresse 5] le dossier des ouvrages exécutés (DOE) et a notifié un mémoire de travaux au maître d’ouvrage et au maître d’oeuvre.

Toujours sans réponse, elle a adressé à la SCCV [Localité 6] – [Adresse 5] une autre mise en demeure par courrier recommandé du 8 décembre 2023 réceptionné le 13 décembre 2023 de lui notifier le décompte général définitif.

Elle a adressé une dernière mise en demeure à la SCCV [Localité 6] – [Adresse 5] par courrier recommandé du 16 janvier 2024, sans plus de succès.

Par acte d’huissier délivré le 16 avril 2024, la SA RIDORET a assigné la SCCV [Localité 6] – [Adresse 5] devant le Président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé aux fins de versement d’une garantie de paiement sous astreinte et de versement d’une provision entre autres.

A l’audience du 18 octobre 2024 à laquelle a été appelée l’affaire pour être plaidée, la société RIDORET MENUISERIE, représentée par son conseil, qui s’en remet au bénéfice de ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 octobre 2024, demande au président du tribunal judiciaire de PARIS statuant en référé de :

« – Condamner la sccv [Localité 6] [Adresse 5] à payer à la ste Ridoret menuiserie une indemnité provisionnelle d’un montant de 16200 € avec intérêts au taux légal majoré de 7 points à compter du 15 septembre 2022 sur 8100 €, et à compter du 8 décembre 2023 sur 16200€ outre une indemnité de recouvrement de 40€.
– Condamner la sccv [Localité 6] [Adresse 5] à fournir à la ste Ridoret menuiserie la garantie de paiement conforme à l’article 1799-1 du code civil sous astreinte de 500€ par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir.
– Condamner la sccv [Localité 6] [Adresse 5] à payer à la ste Ridoret menuiserie la somme de 4000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamner la sccv [Localité 6] [Adresse 5] aux entiers dépens de la procédure. »

La SCCV [Localité 6] – [Adresse 5], représentée par son conseil, sollicite quant à elle le débouté des demandes de la société RIDORET MENUISERIE et le paiement par cette dernière de la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles prévus à l’article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens de l’instance.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé à l’acte introductif d’instance et aux notes d’audience.

MOTIFS

I – Sur la demande de provision

Au titre des dispositions du second alinéa de l’article 835 du code de procédure civile, « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, [le président du tribunal judiciaire] peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

Le montant de la provision n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

La société RIDORET MENUISERIE indique être créancière de la SCCV [Localité 6] – [Adresse 5] pour la somme de 16.200 euros correspondant au solde du marché de travaux qu’elle a exécuté et pour lequel elle n’a reçu qu’un paiement partiel.

La SCCV [Localité 6] – [Adresse 5] tire de l’absence de régularisation du marché, de l’abandon du chantier par la société RIDORET MENUISERIE ainsi que du caractère non-définitif du décompte général transmis l’existence de contestations sérieuses.

En l’espèce, il ressort des pièces du dossier et notamment du CCAP du 7 juillet 2021 non signé, de quatre situations de travaux non signées pour les mois de septembre à décembre 2021 et de certificats de paiement correspondants signés par la demanderesse et le maître d’œuvre mentionnant un prix du marché de 135.000 euros HT que la société RIDORET MENUISERIE et la SCCV [Localité 6] – [Adresse 5] avaient convenu d’un marché de travaux à hauteur de ce montant.

Il ressort également des pièces versées aux débats que seules ont été validées par le maître d’œuvre et ont fait l’objet de certificats de paiement les situations de travaux n°1 à 4 présentées par la société demanderesse pour un montant total de 121.500 euros HT, la société défenderesse ayant procédé au paiement de cette somme, ce qui n’est pas contesté.

Contrairement à ce qu’affirme la société RIDORET MENUISERIE, il ne peut être déduit du courriel du 23 septembre 2024 émis par le maître d’œuvre, la société BTBWMO, qui confirme un montant total du marché de 135.000 euros HT et un paiement de 121.500 euros HT, un restant dû de 16.200 euros TTC dès lors que celui-ci mentionne au contraire un restant dû de 6.750 euros HT soit 8.100 euros TTC après déduction de pénalités de retard pour le même montant et qu’il présente cet écrit comme une proposition de décompte faite directement à l’entrepreneur, et à laquelle la société RIDORET a refusé de donner suite par un courriel du 24 septembre 2024 également versé aux débats.

Dès lors, à défaut de validation par le maître d’œuvre du décompte établi par la société RIDORET MENUISERIE et à défaut de prouver que la norme AFNOR NF P 03.001, dont se prévaut la société RIDORET MENUISERIE pour conférer un caractère définitif au décompte qu’elle produit avec solde de 16.200 euros, est applicable au marché litigieux en l’absence de signature du CCAP par le maître d’ouvrage ou d’un document contractuel signé visant les stipulations du CCAP, la demande de provision de la société RIDORET MENUISERIE qui se heurte ainsi à une contestation sérieuse sera rejetée.

La demande de garantie qui devient ainsi sans objet sera rejetée.

II – Sur les dépens et frais irrépétibles :

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile : « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

La société RIDORET MENUISERIE, qui succombe, supportera les dépens.

Aux termes de l’article 700 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. »

En équité, il n’y a pas lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort ;

Rejetons les demandes de la SA RIDORET MENUISERIE dont la demande de provision ;

Condamnons la SA RIDORET MENUISERIE au paiement des dépens ;

Disons n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons toute autre demande ;

Rappelons que l’exécution provisoire est de droit.

Fait à Paris le 10 janvier 2025

Le Greffier, Le Président,

Arnaud FUZAT Malika KOURAR


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