L’Essentiel : La société AMV, courtier en assurances, a déposé la marque AMV LÉGENDE en 2011, l’utilisant pour des services liés aux véhicules de collection. Elle accuse LEGEND EXPERTISE, active dans l’expertise automobile, de créer une confusion en raison de l’utilisation d’un terme similaire. AMV a saisi le tribunal pour contrefaçon, demandant le retrait de la classe 36 de LEGEND EXPERTISE. Le tribunal a reconnu l’usage sérieux de la marque AMV, mais a jugé que la confusion entre les deux marques était improbable, rejetant ainsi les demandes d’AMV tout en ordonnant à LEGEND EXPERTISE de verser des frais à AMV.
|
Exposé du litigeLa société AMV, spécialisée dans le courtage d’assurances, a enregistré en 2011 la marque française AMV LÉGENDE pour des activités d’assurances, de publicité et de transmission d’informations. Elle utilise cette dénomination comme nom commercial sur divers supports et son site internet. AMV accuse la société LEGEND EXPERTISE, active dans l’expertise de véhicules de collection, de créer une confusion dans l’esprit du public. En conséquence, AMV a saisi le tribunal pour contrefaçon de sa marque et a demandé le retrait de la classe 36 de la marque LEGEND EXPERTISE, ainsi que des dommages-intérêts. Arguments de la société AMVAMV soutient qu’elle propose depuis longtemps des services liés aux véhicules de collection sous le nom AMV LÉGENDE. Elle affirme que la marque LEGEND EXPERTISE, déposée en 2018, utilise un terme identique pour des services similaires, créant ainsi un risque de confusion. AMV insiste sur l’antériorité de sa marque et sur le fait que le terme « LEGENDE » est prédominant dans les deux marques. Elle dénonce également le parasitisme économique, arguant que LEGEND EXPERTISE imite sa marque pour capter sa clientèle. Arguments de la société LEGEND EXPERTISEEn défense, LEGEND EXPERTISE conteste l’usage sérieux de la marque AMV LÉGENDE, affirmant qu’AMV n’a pas prouvé l’exploitation de sa marque depuis 2011. Elle demande la déchéance de la marque AMV pour défaut d’usage et soutient que le terme « LEGENDE » est usuel dans le secteur des véhicules anciens, ce qui réduit sa distinctivité. LEGEND EXPERTISE argue également que les services d’assurance et d’expertise automobile sont incompatibles, et que la confusion entre les deux marques est improbable. Décisions du tribunalLe tribunal a débouté LEGEND EXPERTISE de sa demande de déchéance de la marque AMV LÉGENDE, reconnaissant l’usage sérieux de cette marque par AMV. En revanche, il a jugé que la marque LEGEND EXPERTISE était nulle uniquement pour la classe 36, en raison de l’incompatibilité entre les professions d’assureur et d’expert automobile. Les demandes d’AMV concernant la contrefaçon et le parasitisme ont été rejetées, le tribunal n’ayant pas constaté de risque de confusion ou de préjudice direct. Conséquences financièresLe tribunal a ordonné à LEGEND EXPERTISE de verser 3 000 euros à AMV au titre des frais irrépétibles et a condamné LEGEND EXPERTISE aux dépens. La publication du jugement a été ordonnée au registre national des marques, mais la demande de publication dans des journaux a été rejetée. L’exécution provisoire a été maintenue, permettant ainsi à la décision d’être appliquée immédiatement. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions d’usage sérieux d’une marque selon le Code de la propriété intellectuelle ?L’article L 714-5 du Code de la propriété intellectuelle stipule que le titulaire d’une marque encourt la déchéance de ses droits s’il n’en a pas fait un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé à la date d’enregistrement de la marque. L’usage sérieux est défini comme suit : 1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ; 2° L’usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ; 3° L’usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif ; 4° L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l’exportation. Dans le cas présent, la société AMV a démontré un usage continu de sa marque AMV LEGENDE à travers divers supports, tels que des publicités et des événements, ce qui contredit la demande de déchéance formulée par la société LEGEND EXPERTISE. Quelles sont les conditions de nullité d’une marque selon le Code de la propriété intellectuelle ?L’article L 713-2 du Code de la propriété intellectuelle interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à une marque enregistrée pour des produits ou services identiques ou similaires, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. En l’espèce, la société AMV a demandé la nullité de la marque LEGEND EXPERTISE, arguant que l’utilisation du terme « LEGEND » pourrait créer une confusion avec sa propre marque « AMV LEGENDE ». Cependant, le tribunal a constaté que le terme « LEGEND » est couramment utilisé dans le secteur des véhicules anciens, ce qui réduit la distinctivité de ce terme et diminue le risque de confusion. Quelles sont les implications de la contrefaçon de marque selon le Code de la propriété intellectuelle ?L’article L 713-2 du Code de la propriété intellectuelle précise que l’usage d’un signe identique à une marque pour des produits ou services identiques est interdit, sauf autorisation. Dans cette affaire, bien que les marques AMV LEGENDE et LEGEND EXPERTISE partagent le terme « LEGEND », le tribunal a jugé que les marques ne sont pas identiques et que le risque de confusion n’est pas établi. Le tribunal a également noté que la société AMV n’a pas prouvé qu’elle avait subi un préjudice direct en raison de l’utilisation de la marque par la société LEGEND EXPERTISE. Quelles sont les conséquences d’une procédure abusive selon le Code de procédure civile ?L’article 700 du Code de procédure civile stipule que le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour couvrir les frais exposés et non compris dans les dépens. Pour qu’une procédure soit considérée comme abusive, il faut que les moyens invoqués soient d’une évidence telle qu’un plaideur, même profane, ne puisse ignorer le caractère abusif de sa démarche. Dans cette affaire, la société LEGEND EXPERTISE n’a pas réussi à prouver que la société AMV avait agi de manière malveillante ou avec une mauvaise foi manifeste, ce qui a conduit à un rejet de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive. Quelles sont les règles concernant les dépens dans une procédure judiciaire ?L’article 696 du Code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge. Dans cette affaire, la société LEGEND EXPERTISE, ayant succombé à l’instance, a été condamnée à payer l’intégralité des dépens. Cela signifie que tous les frais liés à la procédure, y compris les frais d’avocat et autres coûts, seront à sa charge, conformément aux dispositions légales en vigueur. |
DE MARSEILLE
PREMIERE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT N°25/ DU 09 Janvier 2025
Enrôlement : N° RG 23/01830 – N° Portalis DBW3-W-B7H-3AR2
AFFAIRE : S.A.S. AMV( la SARL CABINET FOURRIER-MOALLIC)
C/ S.A.S. LEGEND EXPERTISE (Me Charlotte BALDASSARI)
DÉBATS : A l’audience Publique du 07 Novembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente
Assesseur : BERTHELOT Stéphanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette
Vu le rapport fait à l’audience
A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 09 Janvier 2025
Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDERESSE
S.A.S. AMV
immatriculée au RCS de Bordeaux sous le numéro 330 540 907, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Elsa FOURRIER-MOALLIC de la SARL CABINET FOURRIER-MOALLIC, avocats postulant au barreau de MARSEILLE et par Maître Caroll GOSSIN – BURIN des ROZIERS, avocat plaidant au barreau de PARIS
C O N T R E
DEFENDERESSE
S.A.S. LEGEND EXPERTISE,
immatriculée au RCS d’Antibes sous le n° 833 825 680, prise en la personne de son représentant légal en exercie dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Charlotte BALDASSARI, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué à l’audience par Maître Julie GAUTIER, avocat au barreau de MARSEILLE
La société AMV exerce l’activité de courtage d’assurances.
En 2011, elle a enregistré auprès de l’INPI une marque française AMV LÉGENDE pour les activités d’assurances (classe 36), les activités connexes de publicité (classe 35) et les transmissions d’informations (classe 38).
Elle expose exploiter la dénomination « AMV LÉGENDE » comme nom commercial sur divers supports de communications ainsi que sur son site internet.
Reprochant à la société LEGEND EXPERTISE, exerçant l’activité d’expertise de véhicules de collection, de créer une confusion dans l’esprit du public, la société AMV l’a fait citer par acte de commissaire de justice du 14 février 2023, sollicitant du tribunal, à titre principal, de juger que la société LEGEND EXPERTISE contrefait sa marque en classe 36, et en conséquence d’ordonner le retrait de la classe 36 de la marque LEGEND EXPERTISE et d’enjoindre à l’INPI d’exécuter le jugement.
A titre subsidiaire, elle demande au tribunal de juger que la société LEGEND EXPERTISE a commis des actes de parasitisme.
En tout état de cause, elle réclame qu’il soit interdit à la société LEGEND EXPERTISE d’utiliser ce terme, sous quelque support que ce soit, et sous astreinte, et de la condamner à lui payer la somme de 150 000 euros, à parfaire, en réparation du préjudice subi, avec intérêts et anatocisme.
Elle demande la publication de la décision à intervenir dans quatre journaux, aux frais de la défenderesse, et sur les pages d’accueil de leurs sites internet.
Elle demande enfin l’allocation de la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens, le tout au bénéfice de l’exécution provisoire.
Par conclusions signifiées le 8 mars 2024, la société AMV maintient ses demandes initiales, réclamant en outre que soit ordonnée la nullité de la marque LEGEND Expertise, marque française semi-figurative n°4465967 enregistrée le 26/10/2018 auprès de l’INPI dans les classes 36, 39 et 42, et le rejet des demandes adverses.
Elle soutient que :
elle propose de longue date une offre dédiée aux voitures, motos anciennes et véhicules de collection qu’elle a dénommée AMV LEGENDE.
la marque française « AMV LEGENDE » a été enregistrée à l’INPI en 2011, dans les classes liées à son activité, savoir les activités d’assurances (classe 36) et les activités connexes de publicité (classe 35) et transmissions d’informations (classe 38).
la défenderesse est titulaire de la marque portant cette même dénomination « LEGEND Expertise », déposée dans des classes de services liées à son activité d’expertise de véhicules (classes 39 et 42) mais également dans la classe des activités d’assurances (classe 36).
« LEGEND Expertise » utilise le même terme distinctif « légende » que sa marque AMV LEGENDE, pour des services similaires décrits en classe 36 des activités d’assurances et ce depuis 2018, soit bien après l’exploitation de la marque d’AMV.
lorsque le client d’AMV recherche un expert, son attention est immédiatement attirée lorsqu’il lit le terme « LEGENDE » associé dans son esprit à celui d’AMV.
dans la marque semi-figurative déposée par la défenderesse, le terme « legend » est mis en exergue dans le logo de sorte qu’il prime visuellement sur le terme « expertise ». C’est également le terme « legend » qui produit toute la distinctivité de la marque puisque le terme « expertise » est purement descriptif des activités visées.
la marque « AMV LEGENDE » bénéficie d’une antériorité indiscutable sur la marque « LEGEND Expertise » enregistrée bien après en juillet 2018.
visuellement, le fait d’écrire « LEGEND » ou « LEGENDE » ne modifie pas l’impression d’ensemble d’un terme identique.
le terme « LEGENDE » est prédominant dans les deux marques en présence.
il n’y a aucune justification à ce que la marque « LEGEND Expertise » soit enregistrée dans la classe 36 en ayant pris soin de viser précisément les services d’assurances.
le public d’attention moyenne, client d’AMV LEGENDE se dirigera naturellement vers un expert qui porte une dénomination similaire qui contribuera à le rassurer sur la qualité du service proposé.
subsidiairement, la société LEGEND Expertise a imité la marque et la dénomination AMV LEGENDE afin de capter la clientèle de cette dernière.
elle procède à un usage sérieux de sa marque AMV LEGENDE depuis de nombreuses années.
sa notoriété et son image de marque est exploitée à son insu en confondant son nom avec une société d’expertise.
la clientèle de la défenderesse est ainsi dû en grande partie à la notoriété d’AMV et aux investissements qu’elle y a consacrés.
à son insu, AMV est associée à des opérations d’expertise de façon complémentaire à son activité d’assurance alors même qu’il est déontologiquement déconseillé qu’AMV en qualité de courtier d’assurances procède elle-même à une expertise préalable du véhicule qu’elle assure par la suite. AMV voit ainsi son image de marque discréditée sur un plan déontologique.
En défense et par conclusions signifiées le 23 avril 2024, la société LEGEND EXPERTISE demande au tribunal à titre principal de prononcer la déchéance de la marque française « AMV LEGENDE » n°3827215 pour l’ensemble des services visés dans les classes 35, 36 et 38 pour défaut d’usage sérieux de la marque ; et en conséquence de rejeter les demandes adverses.
A titre subsidiaire, elle demande le rejet des prétentions de la demanderesse, et, reconventionnellement, de condamner la société AMV à lui payer la somme de 20 000 euros pour procédure abusive, d’écarter l’exécution provisoire de droit, et de lui allouer la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle avance que :
il est difficile voire impossible d’établir le lien de l’exploitation du terme « LEGENDE » dès 1996 par la société AMV. Aucune preuve n’est fournie pour prouver l’usage du terme « LEGENDE » au cours de la période 1996 à 2011.
à titre principal, la société AMV ne démontre pas l’usage sérieux de sa marque et ne prouve pas cet usage pour chacun des services visés dans son dépôt. Elle n’apporte aucune justification sur le lieu, la durée, l’importance ou la nature d’une exploitation sérieuse pour chacun des services listés en classe 35, 36 et 38. La société AMV encourt donc la déchéance de ses droits sur la totalité de sa marque pour non-usage sérieux de celle-ci.
si certains des documents adverses mentionnent le terme « AMV LEGENDE », cet usage n’est toutefois pas fait à titre de marque mais en tant que dénomination sociale, laquelle est par ailleurs erronée puisqu’aucune société « AMV LEGENDE » n’existe.
l’exploitation de sa marque sous la forme de logo met en tout état de cause en exergue le sigle « AMV » au détriment du terme « légende ». Le choix des couleurs, la police choisie et l’ajout du mot « Assurance » sont autant d’éléments qui altèrent le caractère distinctif de la marque verbale « AMV LEGENDE ».
on ne peut que constater l’absence de similarité entre les produits et services, dont les classes diffèrent très nettement. Seule la classe 36 est commune pour ne désigner que les seuls services communs d’assurance.
dans le domaine des voitures et motos anciennes, le terme « LEGENDE » est un terme usuel et fréquemment employé. Dans le domaine automobile ou des motos, le terme « Legende » perd tout caractère distinctif.
le fait que la société AMV soit titulaire de nombreuses marques « AMV » permet ainsi de conforter l’analyse selon laquelle c’est bien le terme « AMV » qui est distinctif et que la société « AMV » souhaite protéger.
l’intégralité de la marque figurative postérieure possède ainsi une identité propre qui s’éloigne en tout point de la marque verbale antérieure.
aucune similitude phonétique ne peut être relevée entre la marque antérieure et la marque postérieure.
le public pertinent est composé de consommateurs amateurs et/ou collectionneurs de voitures anciennes et de voiture d’exceptions. Le degré d’attention de ce consommateur va donc être nettement supérieur à la moyenne.
le public concerné ne confondra pas un expert automobile et un assureur puisqu’il connaît pertinemment le professionnel qu’il souhaite contacter.
la demanderesse ne parvient pas démontrer la notoriété de la marque « AMV LEGENCE ».
les activités d’assureurs d’une part et d’autre part d’expert automobile sont parfaitement incompatibles.
le montant réclamé au titre du préjudice par la société AMV n’est pas justifié.
la société AMV développe ainsi uniquement sa clientèle autour de ces 3 lettres.
sur le site internet de la défenderesse, mais également sur ses réseaux sociaux, aucune couleur verte n’est présente, la typographie n’est pas la même, l’agencement de son site internet est également différent, aucune mention aux 2 roues n’est faite.
La clôture a été prononcée le 24 septembre 2024.
Lors de l’audience du 7 novembre 2024, les conseils des parties entendus en leurs observations, l’affaire a été mise en délibéré au 9 janvier 2025.
Sur la demande de déchéance de la marque AMV LEGEND
L’article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose qu’encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’Etat.
Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :
1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ;
2° L’usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ;
3° L’usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ;
4° L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l’exportation.
En l’espèce, la société AMV est titulaire de la marque verbale française AMV LEGENDE, pour l’avoir déposée le 29 avril 2011, pour les classes 35, 36 et 38.
La société LEGEND EXPERTISE conteste que la société AMV ait fait un usage sérieux de cette marque.
Pourtant, la société AMV verse au débat des clichés photographiques montrant l’apposition en caractères très apparents de la marque AMV LEGENDE, sous-titrée du mot « assurance » sur les stands dans les salons dédiés aux véhicules de collection, notamment en avril 2016, novembre 2017, janvier 2019, avril 2022
Cette marque apparaît également sur les carrosseries de véhicules anciens, en circulation, ainsi que sur les publicités en pleine page dans des magazines dédiés aux véhicules de collection, de l’année 2016 à l’année 2022.
La marque est également utilisée sur le compte INSTAGRAM de la société AMV, en avril 2023, suite à une course de véhicules anciens, en février 2021, en juillet et octobre 2019, en avril et septembre 2018, en juin 2017, en juin et octobre 2016.
Elle justifie également d’encarts publicitaires sur les sites internet LE BON COIN et CLASSIC RACING.
La société AMV démontre ainsi exploiter sans discontinuer sa marque AMV LEGENDE, pour les produits et services visés dans l’enregistrement.
L’ensemble des documents produits montre que la société AMV est active commercialement, au travers de la marque litigieuse, dans le secteur des deux et quatre roues anciens et de collection.
En revanche, les documents relatifs à « LEGENDE ASSURANCE » sont étrangers à la marque AMV LEGENDE déposée en 2011.
L’usage d’un logo, identique depuis 2016, n’est pas susceptible de dénaturer ou d’altérer le caractère distinctif de la marque verbale.
En conséquence, la société LEGEND EXPERTISE sera déboutée de sa demande de déchéance de la marque n°3827215.
Sur la demande tendant à prononcer la nullité de la marque LEGEND EXPERTISE
L’article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose qu’est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.
En l’espèce, la société LEGEND EXPERTISE a déposé, le 2 juillet 2018, la marque semi-figurative LEGEND EXPERTISE LE, sous le numéro 4465967, pour les classes 36 (assurances et services bancaires), 39 (transport) et 42 (évaluations techniques).
Le logo fait ressortir le terme « LEGEND », alors que dans celui utilisé par la société AMV pour sa marque verbale AMV LEGEND, le terme « AMV » est davantage visible que celui de « LEGENDE ».
Les couleurs, les polices de caractères et la présentation, pour l’une horizontale, et pour l’autre en arc, diffèrent et concourent à produire une impression visuelle d’ensemble différenciée.
Mais, la classe 36 (assurances) est commune aux deux marques litigieuses.
La société AMV soutient que l’utilisation du terme LEGEND entraînerait un risque de confusion dans l’esprit du public.
Toutefois, la société LEGEND EXPERTISE verse au débat des éléments démontrant que dans le secteur des véhicules anciens et/ou de collection, le terme LEGENDE est communément usité.
La société LEGEND EXPERTISE démontre que le terme « LEGEND » ou « LEGENDE » est utilisé par la marque PEUGEOT sur des articles de merchandising, des vendeurs de voitures anciennes, un carrossier spécialisé, des ateliers de restauration, des clubs d’amateurs, un festival, un salon auto, un livre, un magazine, une chaîne YOUTUBE.
Toutes ces activités sont relatives aux voitures anciennes ou de collection.
Selon le site WIKIPEDIA, le concept « LEGENDS CARS » a vu le jour aux ETATS-UNIS en 1992, pour des voitures de course à l’aspect rétro.
La défenderesse établit ainsi que le terme LEGENDE n’est pas doté d’une forte distinctivité dans le domaine des services dédiés aux voitures anciennes.
Dès lors, un consommateur issu du public pertinent, placé face aux deux marques objets de la présente instance, s’attachera plutôt au terme « assurance » ou « expertise » qu’à celui de LEGEND, couramment utilisé dans ce domaine.
D’ailleurs, la présentation visuelle de la marque AMV LEGENDE met l’accent sur les trois lettres AMV, qui reprennent le code couleur vert de l’entreprise.
En revanche, la marque semi-figurative de la société LEGEND EXPERTISE est dans les tonalités grises.
En considération de ces éléments, la société AMV n’établit pas l’existence d’un risque de confusion entre ses activités d’assurance, et celle d’expertise exercée par la défenderesse.
La demande tendant à ce que soit ordonnée la nullité de l’entière marque LEGEND EXPERTISE sera donc rejetée, ainsi que la demande tendant à ce qu’il soit fait interdiction à la défenderesse d’exploiter sa marque.
Corrélativement, la société AMV sera déboutée de ses demandes fondées sur le parasitisme économique, à défaut de démonstration d’immixtion de la société LEGEND EXPERTISE dans le sillage de la demanderesse, et de démonstration d’une imitation de sa marque.
La société AMV n’établit pas que sa clientèle aurait été détournée par la société LEGEND EXPERTISE, ou qu’elle aurait subi un manque à gagner.
Ni l’existence ni l’ampleur d’un préjudice subi par la société AMV n’est rapportée.
Mais, la marque LEGEND EXPERTISE a été déposée notamment pour la classe 36, c’est-à-dire les assurances.
Or, en vertu de l’article L 326-6 du code de la route, la profession d’expert en automobile est incompatible avec l’exercice de la profession d’assureur.
Dès lors, en application de l’article L 711-12 7° du code de la propriété intellectuelle, il convient de juger nulle la marque LEGEND EXPERTISE n°4465967, uniquement pour la classe 36.
En considération de la solution adoptée, la publication du présent jugement dans des journaux et magazines n’est pas nécessaire à l’information du public.
En revanche, il convient d’ordonner la publication du jugement au registre national des marques.
Sur la contrefaçon de la marque AMV LEGEND
L’article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose qu’est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.
En l’espèce, les marques AMV LEGENDE et LEGEND EXPERTISE ont en commun le terme « LEGENDE », dont la lettre E finale est muette.
Les deux marques ne sont pas identiques, puisque composées d’un second mot qui est tout à fait différent (AMV pour l’une et EXPERTISE pour l’autre).
Les deux marques ont été déposées notamment en classe 36 pour les produits d’assurance.
Cependant, le terme « LEGEND » n’est pas doté d’une forte distinctivité dans le domaine des services dédiés aux voitures anciennes.
Par ailleurs, l’impression d’ensemble produite par la représentation graphique de chacune des marques, ainsi que la prononciation de leurs noms, est différente.
La société AMV ne démontre pas que, pour le public pertinent visé, existerait un risque de confusion entre les deux marques.
En considération de l’usage courant du terme « LEGEND » dans le domaine des voitures de collection, il n’est pas établi que le consommateur se dirigerait vers la société LEGEND EXPERTISE, pensant qu’elle serait affiliée à la société AMV.
En outre, la société AMV ne démontre pas avoir subi de préjudice présentant un lien de causalité direct avec l’exploitation de sa marque par la défenderesse.
En conséquence, les demandes fondées sur la contrefaçon de marque seront rejetées.
A titre subsidiaire, la société AMV invoque la concurrence déloyale, au soutien de sa demande indemnitaire.
Mais, l’imitation de sa marque AMV LEGENDE n’est pas établie, pas plus que la captation de clientèle, la demanderesse reconnaissant que les services proposés ne sont pas identiques.
Il n’est pas démontré par la société AMV que la défenderesse aurait tiré un profit concurrentiel en s’inscrivant dans son sillage. Ses demandes seront donc également rejetées sur ce fondement.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Le droit d’agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s’estime lésé dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu’autant que les moyens qui ont été invoqués à l’appui de la demande sont d’une évidence telle qu’un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu’il n’a exercé son action qu’à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui.
En l’espèce et en considération de la solution adoptée, la société LEGEND EXPERTISE ne démontre pas que la société AMV ait fait preuve de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière de sorte que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.
Sur les frais irrépétibles
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 %.
La société LEGEND EXPERTISE, succombant à l’instance, ne pourra pas voir accueillie sa demande formée à ce titre.
En revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société AMV l’intégralité des frais exposés et non compris dans les dépens.
Une somme de 3 000 euros lui sera allouée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, la société LEGEND EXPERTISE, succombant à l’instance, sera condamnée au paiement des entiers dépens.
Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
En l’espèce, il n’y a pas lieu de ne pas ordonner l’exécution provisoire.
Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
Déboute la société LEGEND EXPERTISE de sa demande de déchéance de la marque AMV LEGEND n°3827215 enregistrée pour les classes 35, 36 et 38.
Déboute la société AMV de sa demande tendant à ce que soit déclarée nulle la marque LEGEND EXPERTISE n°4465967.
Déboute la société AMV de sa demande tendant à ce que soit interdit à la société LEGEND EXPERTISE l’exploitation de la marque n°4465967.
Juge nulle la marque LEGEND EXPERTISE n°4465967, uniquement en ce qu’elle a été enregistrée pour la classe 36.
Rejette la demande de publication par extraits du jugement dans quatre journaux ou magazines spécialisés dans les véhicules de collection.
Ordonne la publication du jugement au registre national des marques.
Rejette la demande d’indemnisation formée par la société AMV.
Rejette la demande d’allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société LEGEND EXPERTISE.
Condamne la société LEGEND EXPERTISE à payer à la société AMV la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Condamne la société LEGEND EXPERTISE aux dépens.
Juge ne pas avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit.
AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 09 Janvier 2025
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Laisser un commentaire