La société CREATIS a accordé un crédit à la consommation de 36 500 euros à M. [J] [G] et Mme [R] [Y] le 23 janvier 2019, remboursable en 144 mensualités. Suite à des impayés, CREATIS a mis en demeure les débiteurs le 21 décembre 2021. Le 13 janvier 2022, elle a assigné M. [J] [G] et Mme [R] [Y] devant le juge des contentieux de la protection pour obtenir le paiement des sommes dues. Lors de l’audience du 4 avril 2022, les débiteurs n’étaient pas présents. Le juge a ordonné la réouverture des débats pour examiner des questions procédurales. Les audiences suivantes ont vu CREATIS maintenir ses demandes, tandis que les débiteurs continuaient de ne pas se présenter. Le 27 mai 2024, le juge a soulevé des questions de forclusion et de déchéance des intérêts contractuels. Les débiteurs, cités en février 2024, n’ont pas comparu. Le jugement a été rendu par mise à disposition au greffe.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Lille
RG n°
22/10344
de LILLE
[Localité 3]
☎ :[XXXXXXXX01]
N° RG 22/10344 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WVWA
joint avec RG 24/1953
N° de Minute : 24/00461
JUGEMENT
DU : 26 Août 2024
S.A. CREATIS
C/
[J] [G]
[R] [Y]
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU 26 Août 2024
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEUR(S)
S.A. CREATIS, dont le siège social est sis [Adresse 5] – [Localité 4]
représentée par Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE
ET :
DÉFENDEUR(S)
M. [J] [G], demeurant [Adresse 6]-[Localité 2] (PORTUGAL)
Mme [R] [Y], demeurant [Adresse 6] – [Localité 2] (POTUGAL)
non comparants
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 27 Mai 2024
Eléonora ONGARO, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 26 Août 2024, date indiquée à l’issue des débats par Eléonora ONGARO, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier
RG 22/10344 – Page – SD
Suivant offre de contrat acceptée le 23 janvier 2019, la société CREATIS a consenti à M. [J] [G] et Mme [R] [Y] un crédit à la consommation d’un montant de 36500 euros, remboursable en 144 mensualités de 326,17 euros, moyennant un taux d’intérêt annuel nominal de 4,37 % et un taux annuel effectif global de 5,95 %.
Des mensualités étant restées impayées à leur échéance, la société CREATIS a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 décembre 2021, mis en demeure M. [J] [G] et Mme [R] [Y] de s’acquitter des mensualités échues impayées, dans un délai de 15 jours, sous peine de déchéance du terme.
Par actes de commissaire de justice du 13 janvier 2022, la société CREATIS a ensuite fait assigner M. [J] [G] et Mme [R] [Y] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille, afin d’obtenir leur condamnation solidaire à lui payer les sommes suivantes :
– 38 556,63 euros au titre de l’intégralité des sommes restant dues en exécution du contrat du 23 janvier 2019, outre intérêts au taux contractuel de 4,37% à compter de la mise en demeure,
– 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens.
L’affaire a été appelée à l’audience du 4 avril 2022. La société CREATIS, représentée par son conseil, s’en est rapportée aux demandes contenues dans l’assignation.
M. [J] [G] et Mme [R] [Y] n’ont pas comparu et ne se sont pas fait représenter.
Par jugement du 30 mai 2022, le juge des contentieux de la protection a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de produire leurs observations sur la violation des dispositions de l’article 688 code de procédure civile et notamment le respect du délai de six mois depuis l’envoi de l’acte.
Lors de l’audience de réouverture le 3 octobre 2022, la société CREATIS a maintenu ses demandes initiales et remis un procès-verbal de démarches. Les défendeurs n’étaient ni présents ni représentés. Par jugement du 5 décembre 2022, le juge des contentieux de la protection a de nouveau réouvert les débats, pour permettre à la société CREATIS de produire ses observations sur la violation des dispositions de l’article 8 du règlement CE 1393/2007 du 13 novembre 2007 qui prévoit que le destinataire de l’acte peut refuser de recevoir l’acte au moment de la signification ou si celui-ci n’est pas rédigé ou accompagné d’une traduction dans une langue comprise du destinataire ou une langue officielle de l’Etat membre requis.
L’affaire a été appelée en réouverture des débats le 13 février 2023, et a fait l’objet de nombreux renvois à la demande de la société CREATIS, pour lui permettre de régulariser l’assignation.
L’affaire a été retenue à l’audience du 27 mai 2024, lors de laquelle le juge des contentieux de la protection a relevé d’office les moyens pris de la forclusion et de la déchéance du droit aux intérêts contractuels.
M. [J] [G] et Mme [R] [Y], cités respectivement à domicile le 1er février 2024 et à personne le 28 février 2024, conformément aux « Ceridao de citaçao » produites, n’ont pas comparu et ne se sont pas fait représenter.
L’affaire a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où le présent jugement a été rendu par mise à disposition au greffe.
L’acte de transmission de la demande de signification communiqué au tribunal ayant été enrôlé sous le numéro de répertoire général 24-1953, il convient de joindre les deux affaires sous le numéro 22-344.
Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait alors droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Selon l’article R.632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions de ce code.
II. Sur la demande en paiement du solde du prêt
– Sur la recevabilité de l’action
Il résulte des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile que le délai de forclusion est une fin de non-recevoir. Par application de l’article 125 du même code, les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public.
En application des dispositions de l’article R.312-35, les actions engagées au titre d’un crédit à la consommation doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.
Les dispositions de l’article R.312-35 du code de la consommation étant d’ordre public, la forclusion doit être soulevée d’office.
En l’espèce, il ressort de l’historique de compte produit par l’établissement de crédit concernant le contrat conclu le 23 janvier 2019 que le premier incident de paiement non régularisés date du 17 juillet 2022.
Par conséquent, l’action en paiement du solde des deux crédits, introduite par assignation du 13 janvier 2022, soit moins de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé, est recevable.
– Sur la déchéance du terme
Aux termes de l’article L.312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés.
La société CREATIS justifie avoir adressé le 21 décembre 2021 à M. [J] [G] et Mme [R] [Y] un courrier recommandé avec accusé de réception les mettant en demeure de s’acquitter des mensualités échues impayées, dans un délai de 15 jours.
Il résulte des pièces produites au débat et notamment de l’historique des règlements et du détail de la créance qu’aucun règlement n’est intervenu dans le délai imparti, de sorte que la déchéance du terme du contrat est valablement intervenue le 6 août 2021.
– Sur le montant de la créance
L’article L.312-12 du code de la consommation exige du prêteur ou de l’intermédiaire de crédit qu’il donne à l’emprunteur, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, par écrit ou sur un autre support durable dont le contenu et la présentation sont définis par les articles R.312-2 et suivants, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.
L’article L.341-1 du code de la consommation dispose que le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l’article L.312-12 est déchu du droit aux intérêts.
Il appartient à la banque d’apporter la preuve de ce qu’elle a satisfait aux obligations qui lui incombent par application des dispositions du code de la consommation. La production par la banque de la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisée, sans la signature ou les initiales de l’emprunteur, ne permet pas de venir corroborer la signature par l’emprunteur de l’offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle l’emprunteur reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche précontractuelle d’information normalisée européenne.
En l’espèce, le crédit souscrit le 23 janvier 2019 contient une clause intitulée « acceptation de l’offre du contrat » par laquelle les emprunteurs attestent avoir reçu et conservé la fiche d’information précontractuelle. Cette clause constitue seulement un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires. Toutefois, la société CREATIS produit seulement une copie de la fiche d’informations pré-contractuelles européenne normalisée, fiche qui ne comporte ni la signature ni le paraphe des emprunteurs. Ce document, qui émane de la seule banque et ne peut utilement corroborer la clause type de l’offre de prêt, ne permet pas d’établir que la banque a respecté les exigences de l’article L.312-12 du code de la consommation.
En l’absence de production par la demanderesse d’autre élément susceptible d’apporter cette preuve, il convient donc de prononcer la déchéance de son droit aux intérêts depuis l’origine sur ce fondement.
Conformément à l’article L 341-8 du code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital. Cette déchéance s’étend donc aux intérêts et à tous leurs accessoires.
Par ailleurs, ces dispositions doivent être interprétées conformément à la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs, dont les dispositions nationales ne sont que la transposition, et qui prévoit en son article 23 que les sanctions définies par les États membres en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.
En l’espèce, le taux d’intérêt prévu par les contrats est de 5,68% et de 5,66%, alors que le taux d’intérêt légal est fixé à 5,07% au premier semestre 2024.
Au regard de la nécessité que les sanctions soient dissuasives, la déchéance du droit aux intérêts prononcée à l’encontre du prêteur doit donc également comprendre les intérêts au taux légal.
Il convient, en conséquence, d’écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier et de dire que les sommes dues au prêteur ne produiront aucun intérêt, même au taux légal.
Les sommes dues se limiteront par conséquent à la somme de 30 382,86 euros, correspondant à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de M. [J] [G] et Mme [R] [Y] (36 500 euros) et celui, justifié et non contesté, des règlements effectués par ces derniers (6 117,14 euros).
II. Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [J] [G] et Mme [R] [Y], qui succombent à l’instance, seront in solidum condamnés aux dépens.
En revanche, l’équité et la situation économique respective des parties commandent d’écarter toute condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,
ORDONNE la jonction des affaires 24-1953 et 22-344 au répertoire général sous le numéro 22-344 ;
DECLARE recevable l’action introduite par la société anonyme COFIDIS ;
PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts de la société CREATIS au titre du crédit souscrit le 23 janvier 2019 par M. [J] [G] et Mme [R] [Y],
ÉCARTE l’application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier,
CONDAMNE solidairement M. [J] [G] et Mme [R] [Y] à payer à la société CREATIS la somme de 30382,86 euros, au titre des sommes versées en application du contrat précité,
DIT que cette somme ne produira pas d’intérêt, même au taux légal,
DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum M. [J] [G] et Mme [R] [Y] aux dépens,
RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.
Ainsi signé par la juge et la greffière susnommées et mis à disposition des parties le 26 août 2024.
La Greffière La Juge
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