Confidentialité d’un protocole d’accord : l’atteinte au secret des affaires

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Confidentialité d’un protocole d’accord : l’atteinte au secret des affaires

La communication, devant les juridictions, d’un protocole d’accord protégé par la confidentialité, est illicite comme portant atteinte au secret des affaires.

En l’espèce, l’accord prévoit expréssement que la société et ses conseils doivent maintenir une stricte confidentialité sur les termes et l’existence de cet accord et les négociations y afférentes. En outre, la mention « strictly confidential » est imprimée en caractères gras et majuscules sur chacune des pages.

Les sociétés défenderesses ne sont pas signataires de cet accord, et n’avaient pas vocation à en être destinataires.

Le contenu et l’existence même de ces documents constituent un secret des affaires dans la mesure où ces informations, portant sur un accord entre deux commerçants protégé par une clause de confidentialité, répondent aux trois critères de la protection du secret des affaires tels que définis à l’article L.151-1 du Code de commerce.

L’obtention et divulgation de ces documents est illicite puisqu’au moment de leur production, les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM savaient que la personne qui leur avait transmis l’utilisait ou le divulguait de façon illicite au sens du premier alinéa de l’article L. 151-5 du Code de commerce.

La juridiction a donc ordonné le retrait des débats de l’ensemble des documents relatifs au protocole d’accord et le retrait dans leurs écritures de toute mention relative à son contenu.

L’injonction est suffisante pour préserver le secret des affaires de la société demanderesse et la confidentialité de cet accord, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner l’interdiction de toute reproduction, communication ou utilisation sous quelque forme et sur quelque support que ce soit, de l’existence et du contenu du protocole d’accord et ses annexes constituant leur pièce n°1 et en conséquence, la destruction de toute copie de ces documents, demande particulièrement étendue.

Pour rappel, est notamment considéré comme illicite, l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’une information protégée au titre du secret des affaires au sens de l’article L. 151-1 du Code de commerce lorsque, au moment de l’obtention, de l’utilisation ou de la divulgation du secret, une personne savait, ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que ce secret avait été obtenu, directement ou indirectement, d’une autre personne qui l’utilisait ou le divulguait de façon illicite, en application des articles L. 151-5 et L.151-6 du même code.

L’article L. 151-4 précise que l’obtention d’un secret des affaires est illicite lorsqu’elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime et qu’elle résulte d’’un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique qui contient le secret ou dont il peut être déduit, ou bien d’une appropriation ou d’une copie non autorisée de ces éléments ou de tout autre comportement considéré, compte tenu des circonstances, comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale.

Aux termes de l’article L.151-1 du Code de commerce, “Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants: 1o Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité; 2o Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; 3o Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.”

L’article L. 153-1 précise que “Lorsque, à l’occasion d’une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d’instruction sollicitée avant tout procès au fond ou à l’occasion d’une instance au fond, il est fait état ou est demandé la communication ou la production d’une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu’elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d’office ou à la demande d’une partie ou d’un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l’exercice des droits de la défense:

1o Prendre connaissance seul de cette pièce et, s’il l’estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l’avis, pour chacune des parties, d’une personne habilitée à l’assister ou la représenter, afin de décider s’il y a lieu d’appliquer des mesures de protection prévues au présent article;

2o Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l’accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l’assister ou la représenter;

3o Décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcée en chambre du conseil;

4o Adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection du secret des affaires.”

Résumé de l’affaire : La société CHAPTER 4 CORP., exploitant la marque « SUPREME », a engagé des poursuites contre les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM pour contrefaçon de ses marques et concurrence déloyale. CHAPTER 4 a découvert que MAISON CLOTHES commercialisait des produits portant la marque « SUPREME » sans autorisation. Après une saisie-contrefaçon, CHAPTER 4 a assigné les deux sociétés devant le Tribunal judiciaire de Marseille. Les défenderesses ont tenté de déclarer irrecevable l’action de CHAPTER 4, mais le tribunal a jugé leur demande irrecevable et a déclaré recevable l’action en contrefaçon.

Les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ont ensuite assigné la société SANDSOCK, leur fournisseur, pour obtenir une garantie contre d’éventuelles condamnations. Plusieurs incidents ont eu lieu, y compris des demandes de jonction d’affaires et des oppositions à ces demandes.

Le tribunal a finalement statué en faveur de CHAPTER 4, déclarant que les sociétés MAISON CLOTHES, BERLIN PREMIUM et SANDSOCK avaient commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale. Il a ordonné des réparations financières et des mesures de publication du jugement, tout en condamnant les défenderesses aux dépens. SANDSOCK a été tenue de garantir MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM pour les condamnations prononcées à leur encontre.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’accord transactionnel du 28 septembre 2020 sur le droit d’agir de la société CHAPTER 4 ?

L’accord transactionnel du 28 septembre 2020 a pour effet d’éteindre les droits d’agir des parties sur les litiges qu’il couvre, conformément aux principes du droit des obligations.

L’article 2044 du Code civil stipule que « la transaction a pour effet de mettre fin à l’instance et à l’obligation litigieuse ».

Dans le cas présent, la société SANDSOCK soutient que cet accord rend irrecevables les demandes de la société CHAPTER 4. Cependant, selon l’article 789 alinéa 6° du Code de procédure civile, le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir jusqu’à son dessaisissement.

Étant donné que l’assignation a été délivrée après la date de l’accord, la fin de non-recevoir soulevée par SANDSOCK est irrecevable.

Ainsi, l’accord transactionnel ne peut pas être opposé pour faire obstacle à la demande de CHAPTER 4, car il n’a pas été établi que les demandes actuelles relèvent de son champ d’application.

Quelles sont les conditions de protection d’un secret des affaires selon le Code de commerce ?

La protection d’un secret des affaires est régie par les articles L. 151-1 à L. 153-1 du Code de commerce.

L’article L. 151-1 définit un secret des affaires comme toute information qui répond aux critères suivants :

1. Elle n’est pas généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations.

2. Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret.

3. Elle fait l’objet de mesures de protection raisonnables de la part de son détenteur légitime.

L’article L. 151-4 précise que l’obtention d’un secret des affaires est illicite si elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime, notamment par un accès non autorisé à des documents ou par une appropriation non autorisée.

En l’espèce, la pièce n°1 produite par les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM contient des informations protégées par le secret des affaires de CHAPTER 4, car elle répond aux critères énoncés ci-dessus.

La divulgation de cette pièce est donc considérée comme illicite, et le tribunal a ordonné son retrait des débats.

Quels sont les éléments constitutifs de la contrefaçon de marque selon le Code de la propriété intellectuelle ?

La contrefaçon de marque est régie par les articles L. 713-1 et L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle.

L’article L. 713-1 stipule que l’enregistrement d’une marque confère à son titulaire un droit de propriété sur celle-ci pour les produits ou services désignés.

L’article L. 713-2 interdit, sauf autorisation du titulaire, l’usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou services identiques ou similaires, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.

Pour établir la contrefaçon, il faut prouver que :

1. Le signe utilisé est identique ou similaire à la marque enregistrée.

2. Les produits ou services concernés sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée.

3. Il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.

Dans le cas présent, les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ont reproduit les marques « SUPREME » sur des produits identiques, ce qui constitue une contrefaçon.

Le tribunal a donc reconnu la contrefaçon des marques de CHAPTER 4 par ces sociétés.

Quelles sont les conséquences juridiques de la concurrence déloyale et du parasitisme ?

La concurrence déloyale et le parasitisme sont régis par l’article 1240 du Code civil, qui impose la responsabilité civile en cas de faute causant un préjudice à autrui.

Pour établir la concurrence déloyale, il faut démontrer :

1. Une faute, qui peut résulter de pratiques commerciales déloyales.

2. Un préjudice en lien de causalité direct avec cette faute.

L’article L. 121-1 du Code de commerce précise que les pratiques commerciales déloyales sont interdites et qu’elles altèrent le comportement économique du consommateur.

Le parasitisme, quant à lui, consiste à exploiter le travail, les idées ou la notoriété d’autrui pour son propre profit sans compensation.

Dans cette affaire, les sociétés défenderesses ont été reconnues coupables de concurrence déloyale et de parasitisme en utilisant les marques et l’image de CHAPTER 4 pour attirer des clients, ce qui a entraîné un préjudice pour cette dernière.

Le tribunal a donc ordonné des réparations financières pour compenser ce préjudice.

Comment sont fixés les dommages et intérêts en cas de contrefaçon de marque ?

Les dommages et intérêts en cas de contrefaçon de marque sont fixés selon l’article L. 716-4-10 du Code de la propriété intellectuelle.

Cet article stipule que la juridiction doit prendre en compte distinctement :

1. Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, y compris le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée.

2. Le préjudice moral causé à la partie lésée.

3. Les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels.

La juridiction peut également allouer une somme forfaitaire à titre de dommages et intérêts, qui doit être supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit en question.

Dans cette affaire, le tribunal a condamné les sociétés défenderesses à verser des sommes provisionnelles à CHAPTER 4 pour réparer le préjudice moral et les bénéfices indus réalisés, en tenant compte des éléments précités.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Marseille
RG n°
20/01796
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 26 Septembre 2024

Enrôlement : N° RG 20/01796 – N° Portalis DBW3-W-B7E-XJBK

AFFAIRE : Société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME ( la SARL SPE ROMAN ANDRÉ)
C/ S.A.R.L. MAISON CLOTHES et S.A.S.U. BERLIN PREMIUM (la SELARL PIERRE ARNOUX AVOCAT) – CROWE INSOLVENCY SERVICES SLP représentant SANDSOCK (Me Daisy DAHAN)

DÉBATS : A l’audience Publique du 27 Juin 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, en application des articles 804 et 805 du code de procédure civile, avec l’accord des parties, les avocats avisés ne s’y étant pas opposés, et JOUBERT Stéfanie, en qualité de Juge Rapporteur, a présenté son rapport à l’audience avant les plaidoiries et en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré,

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 26 Septembre 2024

Après délibéré entre :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME, société de droit américain régie selon les lois de l’Etat de New-York, dont le siège social est sis [Adresse 1], Etats-Unis d’Amérique
agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège.

représentée par Maître Jean ANDRE de la SARL SPE ROMAN ANDRÉ, avocat postulant au barreau de MARSEILLE, et par Maître Loïc LEMERCIER de L’AARPI DENTONS EUROPE, avocat plaidant au barreau de PARIS

C O N T R E

DEFENDERESSES

S.A.R.L. MAISON CLOTHES, immatriculée au RCS de PERPIGNAN sous le numéro 821 453 974, dont le siège social est sis [Adresse 2]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

S.A.S.U. BERLIN PREMIUM, immatriculée au RCS de PERPIGNAN sous le numéro 838 716 736, dont le siège social est sis [Adresse 3]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

Toutes deux représentées par Maître Pierre ARNOUX de la SELARL PIERRE ARNOUX AVOCAT, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par La SCP TRIBILLAC – MAYNARD – BELLO, avocats plaidant au barreau des Pyrénées Orientales

Société CROWE INSOLVENCY SERVICES S.L.P., en sa qualité d’administrateur judiciaire prise en la personne de [W] [O], de la société SANDSOCK S.L. SARL de droit Espagnol immatriculée au registre du commerce de Barcelone soous le n° CIF B-65080632, dont le siège social est sis [Adresse 4] (ESPAGNE)

représentée par Maître Daisy DAHAN, avocat postulant au barreau de MARSEILLE, et par Maître catherine MATEU de L’AARPI ARMENGAUD GUERLAIN, avocat plaidant au barreau de PARIS

EXPOSE DU LITIGE

La société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME est titulaire de la marque «SUPREME » qui a fait l’objet de nombreux enregistrements dans le monde entier dont la France.

Elle est notamment titulaire des marques françaises suivantes :
– la marque verbale « SUPREME » n° 99 795 286 déposée le 26 mai 1999 pour désigner notamment des « vêtement (habillement) » en classe 25, marque qu’elle a acquise concernant cette classe en 2015;
– la marque verbale « SUPREME » n° 4 175 577 déposée le 22 avril 2015 pour désigner, entre autres, les classes 18 et 25 et notamment des sacs et vêtements;
– la marque semi-figurative n° 4 175 561

déposée le 22 avril 2015 pour désigner, entre autres, les classes 18 et 25 et notamment des sacs et vêtements.

Les marques SUPREME sont notamment connues pour leur produit iconique « box logo » qui est un t-shirt portant sur le devant et au centre la marque semi-figurative

qui a été d’ailleurs introduite dans la collection permanente du [7] ([7]) de [Localité 8] en 2017.

En France, les produits de la société CHAPTER 4 sont commercialisés exclusivement par le biais de son site internet « supremenewyork.com », accessible en France depuis 2006, et sur lequel sont vendus des produits directement aux consommateurs français depuis 2013, ainsi que via son application mobile «sup» et dans un magasin physique en propre à [Localité 9].

Ayant découvert que, fin août 2019, les gérants d’une société MAISON CLOTHES située à [Localité 10], envoyaient à différents distributeurs et magasins en France des courriels de prospection accompagnés de catalogues portant sur des vêtements, sacs, casquettes et chaussures reproduisant sans autorisation les marques verbale et semi-figurative « SUPREME », et que ces produits apparaissaient également sur les comptes Facebook et Instagram de plusieurs magasins situés à [Localité 10], y compris en particulier un magasin à l’enseigne « Grip Zone » exploité par la société BERLIN PREMIUM, la société CHAPTER 4 a mis en garde la société BERLIN PREMIUM par lettre du 24 octobre 2019 en informant de ses droits et en l’alertant sur le caractère illicite des actes en cause.
Par lettre du 19 novembre 2019, la société BERLIN PREMIUM a indiqué qu’elle étaitl’un des revendeurs des produits de la société ITALFIGO.
Par ordonnance présidentielle du 18 décembre 2019, CHAPTER 4 a été autorisée à faire procéder à une saisie-contrefaçon descriptive au siège de la société MAISON CLOTHES.
Les opérations de saisie-contrefaçon ont été réalisées le 8 janvier 2020.
Les huissiers instrumentaires ont prélevé à titre d’échantillons six modèles différents d’articles.
Un procès-verbal de constat d’achat d’un sweat-shirt au magasin à l’enseigne « GRIP ZONE » exploité par la société BERLIN PREMIUM à [Localité 10] a été dressé le 8 janvier 2020.

Par acte en date du 6 février 2020, la société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME a fait assigner la SARL MAISON CLOTHES et la SASU BERLIN PREMIUM devant le Tribunal judiciaire de Marseille pour contrefaçon de ses marques verbales françaises « SUPREME» n°99795286 et n°4175577 et de sa marque semi-figurative française n°4175561, et concurrence déloyale et parasitaire commis à son préjudice.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 mai 2021, la SARL MAISON CLOTHES et la SASU BERLIN PREMIUM ont saisi le juge de la mise en état afin de voir déclarer irrecevable l’action de la société CHAPTER 4.

Par ordonnance en date du 26 octobre 2021, le juge de la mise en état a :
– déclaré recevables les conclusions sur l’incident des sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ;
– déclaré recevables les conclusions sur l’incident de la société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME;
– rejeté l’intégralité des demandes formées par les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM;
– déclaré irrecevable la demande formée par la société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME devant le juge de la mise en état visant à voir ordonner le retrait de la pièce adverse n°1 des débats et le retrait dans les écritures des sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM de toute mention relative à son contenu ;
– écarté la fin de non-recevoir formée par les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM;
– déclaré recevable l’action en contrefaçon et concurrence déloyale formée par la société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME ;
– déclaré irrecevable la demande formée par la société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME devant le juge de la mise en état visant à voir interdire aux sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM de reproduire, communiquer ou utiliser l’existence et le contenu du protocole d’accord et ses annexes constituant leur pièce n°1;
– ordonné aux sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM de communiquer sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance, les documents relatifs au nombre de produits litigieux commandés et vendus ainsi que les prix desdits produits et les bénéfices réalisés par ces ventes, et en particulier les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues et commandées sur le territoire national, le cas échéant, par elles, le chiffre d’affaires résultant de la commercialisation des produits en cause, la durée de cette commercialisation ainsi que les documents comptables justifiant de ces éléments ;
– rejeté les demandes de dommages-intérêts et d’amende civile formées par la société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME 24 ;
– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état avec injonction de conclure au fond à la SARL MAISON CLOTHES et la SASU BERLIN PREMIUM ;
– condamné in solidum la SARL MAISON CLOTHES et la SASU BERLIN PREMIUM aux dépens de l’incident, recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;
– condamné la SARL MAISON CLOTHES et la SASU BERLIN PREMIUM à payer à la société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME 24 la somme de 2.500 euros chacune au titre des frais irrépétibles.

Par acte en date du 2 juin 2022, les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ont fait assigner la société SANDSOCK SL, société de droit espagnol, en sa qualité de fournisseur des produits litigieux, afin de la voir condamner à les relever et garantir indemnes des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre dans le cadre de l’instance principale.
Cette affaire a été enrôlée sous le numéro RG 22/5990.
Les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ont sollicité la jonction des deux affaires, à laquelle la société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME 24 a indiqué par message RPVA du 12 septembre 2022 ne pas s’opposer.
Par ordonnance en date du 25 octobre 2022, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les n° RG 22/5990 et 20/01796.

Par acte en date du 11 août 2023, les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ont fait assigner la société CROWE INSOLVENCY SERVICES S.L.P en sa qualité d’administrateur de la faillite de la société SANDSOCK S.L, afin de voir juger que l’instance n° RG 20/01796 sera poursuivie afin que soient fixées au passif de la société SANDSOCK les sommes revendiquées par les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM, et de déclarer opposable à la procédure de faillite de la société SANDSOCK le jugement à intervenir et opposant les sociétés MAISON CLOTHES, BERLIN PREMIUM et SANDSOCK à la société CHAPTER 4.
Cette affaire a été enrôlée sous le numéro de RG 23/08660.

Par message RPVA du 25 septembre 2023, les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ont sollicité un renvoi pour jonction avec l’appel en cause de l’admnistrateur de la société SANDSOCK.
La société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME 24 s’est opposé à cette jonction.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2023, la SARL MAISON CLOTHES et la SASU BERLIN PREMIUM ont saisi le juge de la mise en état d’une demande de jonction de l’affaire enrôlée sous le numéro RG 20/01796 avec celle enrôlée sous le numéro RG 23/08660.

La société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME 24 s’est opposée à la jonction en estimant que l’appel en garantie formé par MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM était dilatoire, et à titre subsidiaire, a demandé qu’il soit statué d’abord sur la cause principale du litige portant sur la demande de condamnation pour contrefaçon opposant CHAPTER 4, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM et fixé une date proche pour les plaidoiries au fond.

Par ordonnance en date du 23 janvier 2024, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros RG 23/08660 et 20/01796, l’affaire étant désormais appelée sous ce dernier numéro et renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état pour les conclusions de la société CHAPTER 4 en réponse aux conclusions de la société CROWE INSOLVENCY SERVICES S.L.P en sa qualité d’administrateur de la faillite de la société SANDSOCK S.L., dit que les dépens de l’incident suivront le sort de ceux de l’instance principale, et dit n’y a voir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2024 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, la société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME 24 demande au Tribunal de :
A titre préliminaire et en ce qui concerne la pièce n°1 de MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM reproduisant l’Accord Confidentiel ,
A titre principal,
– constater le caractère illicite de la production des documents confidentiels constituant la pièce n°1 des sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM,
En conséquence,
– ordonner le retrait de la pièce n°1 des sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM des débats et le retrait dans les écritures des sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM de toute mention relative à son contenu ;
– débouter les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM de leur demande reconventionnelle ;
A titre subsidiaire et dans l’hypothèse où cette pièce n’est pas écartée,
– constater que l’Accord Confidentiel n’a pas de force obligatoire à son égard;
En conséquence,
– juger que les demandes de MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ne sont pas fondées ;
– débouter les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM de leur demande reconventionnelle ;
A titre infiniment subsidiaire,
– constater que CHAPTER 4 n’a aucune obligation de signer un protocole d’accord avec les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ;
En conséquence,
– juger que les demandes de MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ne sont pas fondées;
– débouter les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM de leur demande reconventionnelle;
En tout état de cause,
– interdire aux sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM d’utiliser toutes informations relevant de l’existence et du contenu des documents confidentiels constituant la pièce n°1 de leurs dernières conclusions ;
– adapter la motivation du jugement à intervenir et les modalités de publicité de celui-ci aux nécessités de la protection du secret des affaires afin de ne pas rendre publiques les informations confidentielles relatives à l’Accord Confidentiel reproduit dans la pièce n°1 des sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM et notamment son existence ;
A titre principal et en ce qui concerne les demandes reconventionnelles de SANDSOCK :
S’agissant de la demande de fin de non-recevoir :
– constater que la fin de non-recevoir de la société SANDSOCK visant à déclarer ses demandes irrecevables relève de la compétence exclusive du juge de la mise en état ;
– juger que la fin de non-recevoir n’est pas recevable devant le Tribunal ;
A défaut,
– juger que le protocole d’accord invoqué par la société SANDSOCK ne lui est pas opposable ;
En tout état de cause,
– constater le caractère dilatoire de la demande de fin de non-recevoir ;
En conséquence,
– rejeter la demande de fin de non-recevoir ;
– condamner la société SANDSOCK à payer à CHAPTER 4 une somme de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure dilatoire ;
S’agissant de la demande de condamnation,
– constater que le protocole d’accord invoqué par la société SANDSOCK ne lui est pas opposable ;
– juger que la présente action en contrefaçon engagée par CHAPTER 4 à l’encontre de SANDSOCK ne constitue pas une faute contractuelle ou délictuelle ;
– juger qu’aucune preuve n’a été rapportée pour établir la réalité du préjudice allégué;
En conséquence,
– rejeter l’ensemble des demandes de la société SANDSOCK ;
En tout état de cause,
– juger que la société SANDSOCK doit être condamnée pour procédure abusive et violation du principe de la loyauté de la preuve ;
En conséquence,
– condamner la société SANDSOCK à lui payer la somme de 40.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
A titre principal et en ce qui concerne les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaires commis au préjudice de CHAPTER 4,
– constater que les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ont reconnu être licenciés et distributeurs de la société BRANDS ILLUSION SWISS SAGL (anciennement dénommée SUPREME ITALFIGO SAGL) et juger que cette reconnaissance constitue un aveu judiciaire au sens de l’article 1383-2 du Code
civil ;
– juger que le procès-verbal de constat d’achat du 8 janvier 2020 est parfaitement
valide ;
– juger qu’elle a bien rapporté la preuve des actes de contrefaçon commis par MAISON CLOTHES, BERLIN PREMIUM et SANDSOCK ;
En conséquence :
– juger que les sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ont commis des actes de contrefaçon de marque au préjudice de la société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME, en reproduisant, en imitant, en utilisant et en exploitant les marques verbales françaises « SUPREME » n°99 795 286 et n° 4 175 577 ainsi que la marque semi-figurative française

n° 4 175 561 pour commercialiser des vêtements et des sacs;
– juger que les sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM se sont également rendues coupables d’actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME ;
– constater que les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM n’ont pas communiqué l’ensemble des informations requises par l’ordonnance du 26 octobre 2021 ;
En conséquence,
– interdire aux sociétés MAISON CLOTHES, BERLIN PREMIUM et SANDSOCK, tout usage à quelque titre que ce soit, des signes « SUPREME » et

ou d’un signe s’en rapprochant, seuls ou en association avec d’autres termes, couleurs ou éléments graphiques, sous astreinte de 3.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir,
– condamner in solidum les sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM à lui payer une indemnité provisionnelle de 1.999.000 euros au regard des informations à disposition, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi résultant de la contrefaçon des marques françaises « SUPREME » n° 99 795 286 et n° 15 4 175 577 et semi-figurative n° 15 4 175 561 ;
– condamner in solidum les sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM à lui payer une indemnité à titre de provision de 500 000 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi du fait des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire ;
– ordonner aux sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM de publier, à titre de complément de réparation, de manière lisible, sur leurs comptes de réseaux sociaux (y compris notamment sur Facebook et Instagram), en français et en anglais, par extraits ou par résumés, le jugement à intervenir, à leurs frais, pendant une durée d’un mois sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– juger que le Tribunal se réservera la liquidation des astreintes prononcées par lui ;
A titre reconventionnel,
– ordonner à l’encontre des sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM l’interdiction de toute reproduction, communication ou utilisation sous quelque forme et sur quelque support que ce soit, de l’existence et du contenu du protocole d’accord et ses annexes constituant leur pièce n°1 et en conséquence, la destruction de toute copie de ces documents en leur possession et ce sous astreinte de 1 000 € par jour à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– ordonner aux sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM de communiquer sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours calendaires à compter de la signification du jugement à intervenir, l’intégralité des documents relatifs au nombre des produits litigieux commandés et vendus ainsi que les prix desdits produits et les bénéfices réalisés par ces ventes, et en particulier les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues et commandées sur le territoire national, le cas échéant, par elles, le chiffre d’affaires résultant de la commercialisation des produits en cause, la durée de cette commercialisation ainsi que les documents comptables justifiant de ces éléments;
En tout état de cause,
– ne pas faire mention dans le jugement à intervenir ni de l’existence ni du contenu des documents constituant la pièce n°1 des sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM qui ont été obtenus et communiqués illicitement par celles-ci dont toute publicité porte une atteinte grave au secret des affaires de la société CHAPTER 4 ;
– ne pas faire mention dans le Jugement à intervenir ni de l’existence ni du contenu des documents constituant la pièce n°2 de la société SANDSOCK, communiqués illicitement par celle-ci, dont toute publicité porte une atteinte grave au secret des affaires de la société CHAPTER 4 ;
– condamner les sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM, chacune, à lui payer la somme de 40.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner in solidum les sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM aux entiers dépens, y compris notamment les coûts relatifs aux saisies-contrefaçons et aux procès-verbaux de constat, qui seront recouvrés directement par le Conseil de la société CHAPTER 4, dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Elle soutient que les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ont reconnu dans leurs conclusions d’incident et au fond qu’elles étaient licenciés, distributeurs et détaillants d’ITALFIGO, or en France, les produits en provenance d’ITALFIGO reproduisant, sans autorisation de CHAPTER 4, les signes «SUPREME» et

ont été déjà jugés comme étant des contrefaçons des marques SUPREME, et ce, après avoir déjà fait l’objet d’une mesure d’interdiction provisoire prononcée par le Tribunal judiciaire de Paris en mai 2020, et la société SANDSOCK a été condamnée pour contrefaçon par le Tribunal judiciaire de Bordeaux le 13 juin 2023 dans une autre affaire concernant aussi les produits d’ITALFIGO.
Elle affirme que la production de la pièce n°1 par MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM est illicite et porte atteinte au secret des affaires de CHAPTER 4 et que si les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ne sont pas elles-mêmes soumises à l’obligation de confidentialité prévue par l’accord confidentiel, une telle utilisation est manifestement illicite en application des articles L. 151-5 et L. 151-6 du Code de commerce, dans la mesure où MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM savaient, ou auraient dû savoir au regard de la clause de confidentialité contenue dans l’accord confidentiel, que ces informations provenaient, directement ou indirectement, d’une autre personne qui les utilisaient ou les divulguait illicitement en violation d’une obligation de confidentialité; qu’en tout état de cause, cet accord n’a aucune force obligatoire à l’égard de CHAPTER 4, puisqu’ainsi que l’ont retenu le juge français et le juge italien, l’autre signataire n’a pas respecté ses engagements et CHAPTER 4 a été libérée de toute obligation de l’accord confidentiel qui ne peut produire aucune force obligatoire à son égard ; que de surcroît, quand bien même l’accord confidentiel serait pris en considération, la demande reconventionnelle de MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM n’est pas fondée car elle 4 n’a commis aucun manquement contractuel dans l’exécution de cet accord; qu’en effet, elle n’a jamais été contactée par les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM afin de trouver un éventuel accord et de plus, elle n’a aucune obligation contractuelle dans le cadre de l’accord confidentiel de conclure une transaction avec MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM pour mettre fin au présent litige ; qu’en tout état de cause, les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ne rapportent pas la preuve de la réalité du préjudice invoqué, ni du lien de causalité entre ce préjudice et l’absence de transaction entre les parties sur les actes de contrefaçon en cause, car c’est bien les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM qui ont choisi de ne pas approcher CHAPTER 4 pour trouver un accord amiable et ce en toute connaissance de cause puisqu’elles ont été informées par leur fournisseur du caractère contrefaisant des marchandises en question.
S’agissant de la fin de non-recevoir soulevée par la société SANDSOCK, elle indique qu’elle est irrecevable car relevant de la compétence exclusive du uge de la mise en état, et qu’en tout état de cause, elle est mal fondée, la société SANDSOCK faisant une interprétation sciemment tronquée de la décision définitive du Tribunal de Barcelone du 21 septembre 2023, rendue dans le cadre de l’appel pour confirmer le jugement de première instance du 18 février 2022 ayant déjà rejeté l’action initiée par la société SANDSOCK à l’encontre de la société CHAPTER 4 pour demander l’exécution forcée de l’accord en cause, qui par ailleurs ne concerne que les procédures en Espagne et en Italie, comme rappelé dans le préambule de l’accord; qu’en tout état de cause, l’accord SANDSOCK est lié à un autre accord, celui entre ITALFIGO et CHAPTER 4 qui a déjà été jugé comme inopposable à la société CHAPTER 4 de manière définitive par le Tribunal judiciaire de Paris; qu’enfin, contrairement à ce que prétend la société SANDSOCK, aucune preuve n’a été rapportée que les produits contrefaisants faisant l’objet de la présente procédure auraient été vendus par elle avant l’accord en cause; qu’en tout état de cause, la fin de non-recevoir a été formée de manière purement dilatoire et tardive.
Elle ajoute que la demande de dommages-intérêts formée par la société SANDSOCK, au motif que l’action engagée par la société CHAPTER 4 constituerait une violation de l’accord SANDSOCK, doit être rejetée, puisque cet accord ne lui est pas opposable et en tout état de cause ne concerne pas la présente procédure, et que de plus, la société SANDSOCK ne rapporte pas la preuve du préjudice réclamé puisque la seule pièce produite à cet égard est un rapport d’expertise en espagnol.
A titre reconventionnel, elle sollicite la condamnation de la société SANDSOCK à lui verser des dommages-intérêts pour abus du droit d’agir et violation du principe de loyauté de la preuve, celle-ci ayant sciemment dénaturé la portée et les conclusions de la décision judiciaire du Tribunal judiciaire de Barcelone sur l’absence d’effet contraignant de l’accord SANDSOCK et méconnu volontairement son caractère définitif pour faire juger à nouveau un litige déjà tranché.
Sur la contrefaçon, elle indique que les défenderesses ont commis des actes de
contrefaçon, à la fois par reproduction à l’identique des marques verbable et semi-figurative « SUPREME » et

pour désigner les produits identiques à ceux visés par celles-ci, et par l’usage illicite de ces marques dans la vie des affaires; qu’en effet, les opérations de saisie-contrefaçon et de constat d’achat effectuées le 8 janvier 2020 auprès de MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM démontrent qu’elles proposaient à la vente des produits d’habillement et accessoires reproduisant les marques SUPREME fournis par la société SANDSOCK; que l’ajout des éléments « grip » et/ou « italfigo » en très petits caractères sur certaines étiquettes ou sur certains produits litigieux est inopérant poir écarter la qualification de contrefaçon et en tout état de cause il s’agirait d’une contrefaçon par imitation de la marque créant nécessairement un risque de confusion dans l’esprit du consommateur; qu’en outre, la contrefaçon estégalement établie par usage illicite des marques SUPREME dans les papiers d’affaires de la société MAISON CLOTHES et le démarchage et la promotion des produits contrefaisants, et par l’offre la distribution, la mise sur le marché et la détention des produits contrefaisants, et s’agissant de la société BERLIN PREMIUM, par utilisation de ces marques dans des annonces publicitaires sur Internet, et par l’offre et la mise sur le marché des produits contrefaisants; que le procès-verbal de constat d’achat du 8 janvier 2020 est régulier car car le tiers acheteur est bien indiqué comme un tiers indépendant, et en tout état de cause, la commercialisation des produits contrefaisants par BERLIN PREMIUM n’est pas prouvée que par ce seul constat; que la société SANDSOCK a également commis des actes de contrefaçon par l’usage illicite de la marque dans sa carte de visite professionnelle et par l’offre et la mise sur le marché des produits contrefaisants.
Elle reproche également aux défenderesses d’avoir commis des actes concurrence déloyale par la création d’un risque de confusion avec la société CHAPTER 4 puisque les produits contrefaisants commercialisés par les sociétés défenderesses portent tous le logo « ® » après le signe « SUPREME » reproduit en couleur rouge dans une police identique à celle de la marque semi-figurative; qu’il est aussi établi une pratique commerciale déloyale et trompeuse, la société MAISON CLOTHES se présentant sur son compte Facebook comme un « Authorized Dealer » de la marque et la société BERLIN PREMIUM utilisant la dénomination « SUPREME » et la marque

pour désigner son magasin à l’enseigne « Grip Zone »; qu’ainsi, les défenderesses ont présenté des informations trompeuses sur l’origine des produits en cause et sur la nature de la relation commerciale avec CHAPTER 4, ce qui est de nature à induire des consommateurs en erreur ; que MAISON CLOTHES, BERLIN PREMIUM et SANDSOCK ont bénéficié de ces tromperies pour en tirer un avantage concurrentiel indu au détriment de CHAPTER 4; que de surcroît, la vente massive des produits en cause est de nature à porter atteinte à l’image d’exclusivité de CHAPTER 4; qu’elle désorganise ainsi son réseau de distribution et met en péril son business model ; qu’enfin, les sociétés défenderesses ont commis des actes de parasitisme en s’appropriant sans bourse délier une valeur économique créée par la société CHAPTER4, notamment en reprenant les caractéristiques du modèle Box Logo; que ces agissements sont d’autant plus fautifs que ces produits sont présentés par les défenderesses comme étant ceux de CHAPTER 4 sur les réseaux sociaux destinés au grand public, notamment par l’usage de l’élément verbal « supreme » comme hashtag, et par l’utilisation sur certains modèles reproduisant le signe « Sup» qui est non seulement la contraction de son logo mais également l’icône de son application mobile officielle ; que les agissements des sociétés MAISON CLOTHES, SANDSOCK et BERLIN PREMIUM ont nécessairement pour conséquence de banaliser et vulgariser l’image de la société CHAPTER 4 et d’engendrer un avilissement de la marque SUPREME, tout en leur permettant de s’assurer d’un gain commercial sans engager aucun frais de conception et de promotion.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 février 2024 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, la SARL MAISON CLOTHES et la SASU BERLIN PREMIUM demandent au tribunal de :
Sur la licéité de la production du protocole d’accord transactionnel
– dire et juger qu’elles ont licitement versé aux débats le protocole d’accord transactionnel signé entre les société CHAPTER 4 et SUPREME ITALFIGO ;
En conséquence,
– débouter la société CHAPTER 4 de ses demandes visant à voir écarter des débats ledit protocole et à voir interdire, sous astreinte, la reproduction, la communication et l’utilisation de toutes informations relatives à son existence et son contenu ;
Sur la contrefaçon de marques
– dire et juger que le procès-verbal de constat d’huissier établi le 8 janvier 2020 par Maître [I] est nul et, en tout état de cause, irrecevable ;
En conséquence,
– l’écarter des débats.
A titre principal,
– dire et juger qu’elles n’ont commis aucun acte illicite ;
– dire et juger que la société CHAPTER 4 échoue à démontrer la reproduction à l’identique, l’imitation des marques revendiquées ainsi que leur usage illicite par les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ;
En conséquence,
– la débouter de l’intégralité des demandes qu’elle présente sur le fondement de la contrefaçon de marques ;
A titre subsidiaire,
– dire et juger que la société CHAPTER 4 échoue à démontrer l’existence et le quantum des préjudices qu’elle invoque ;
En conséquence,
– la débouter de l’intégralité des demandes indemnitaires qu’elle présente sur le fondement de la contrefaçon de marques ;
Subsidiairement,
– réduire les dommages-intérêts sollicités à de plus justes proportions ;
Sur la concurrence déloyale et parasitaire,
– dire et juger que la société CHAPTER 4 échoue à démontrer l’existence de fautes distinctes de la contrefaçon commises par les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM, et plus généralement, l’existence de la moindre faute commise par ces dernières ;
Surabondamment,
– dire et juger que la société CHAPTER 4 échoue à démontrer l’existence et le quantum des préjudices qu’elle allègue au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;
En conséquence,
– débouter la société CHAPTER 4 de l’intégralité des demandes qu’elle présente sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire ;
A titre reconventionnel, sur la responsabilité de la société CHAPTER 4,
– dire et juger que, en refusant de régulariser avec les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM l’annexe 13 prévue au Protocole d’accord transactionnel, la société CHAPTER 4 a commis une faute contractuelle laquelle a dégénéré en faute délictuelle à l’égard des société MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ;
– dire et juger qu’elles ont subi et subissent toujours un important préjudice à ce titre;
En conséquence,
– condamner la société CHAPTER 4 à leur verser la somme provisionnelle de 2.539.000 euros, à parfaire ;
En tout état de cause,
– débouter la société CHAPTER 4 de ses plus amples demandes, fins et prétentions ;
– condamner la société SANDSOCK à les garantir et relever indemnes de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre dans le cadre de la présente instance ;
– ordonner la fixation au passif de la procédure de faillite de la société SANDSOCK des créances des sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM à son encontre résultant du jugement à intervenir ;
– écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
– condamner la société CHAPTER 4 au paiement de la somme de 20.000 euros au titre
de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elles font valoir qu’elles n’ont pas obtenu le protocole de manière illégale ou même déloyale, puisqu’elles en ont simplement été destinataires, en leur qualité d’intermédiaires et de distributeurs des produits de la société SUPREME ITALFIGO, devenue BRANDS ILLUSION, et qu’elles avaient vocation à bénéficier indirectement de la signature de ce protocole d’accord transactionnel.
Sur la contrefaçon de marque, elles exposent que le procès-verbal de constat d’chat réalisé à la demande de la société CHAPTER 4 par Maître [I] mentionne uniquement Monsieur [U] [R] qu’il présente comme « tiers indépendant» sans préciser davantage d’informations à son sujet, ni annexer copie de sa carte d’identité comme il est d’usage de le faire et que ce procès-verbal devra être déclaré nul et, en tout état de cause, irrecevable, et écarté des débats; que la société CHAPTER 4 ne prouve aucun acte de contrefaçon par reproduction imputable à la société BERLIN PREMIUM; que s’agissant des faits reprochés à la société MAISON CLOTHES, la société CHAPTER 4 ne rapporte pas plus la preuve de la reproduction à l’identique qu’elle revendique; qu’elle échoue également à démontrer l’usage illicite qui aurait été fait par les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM des marques revendiquées, puisque les produits litigieux ne sont pas contrefaisants et que les documents commerciaux en cause mentionnent tous le terme « GRIP » et, plus précisément, identifient tous la marque européenne SUPREME GRIP que la société MAISON CLOTHES était valablement autorisée à utiliser, marque qui était alors valablement enregistrée au bénéfice de la société ITALFIGO; qu’en tout état de cause, les préjudices allégués ne sont nullement démontrés.
Elles ajoutent que la création d’un risque de confusion par usage du signe «SUPREME» repose sur des fait indentiques à ceux invoqués au titre de la contrefaçon de marque; qu’en tout état de cause, les produits litigieux reproduisaient la marque SUPREME GRIP valablement enregistrée par la société SUPREME ITALFIGO, laquelle en était le premier fournisseur; qu’il en va de même des reproduction sur la façade du magasin BERLIN PREMIUM ou des publications reprochées, et des ventes massives de produits litigieux, qui d’ailleurs ne sont pas prouvées ; que les demandes présentées au titre du parasitisme doivent également être rejetées puisque la société CHAPTER 4 ne prend pas la peine d’évoquer le moindre investissement qu’elle aurait réalisé, se contentant de se retrancher derrière la notoriété qu’elle revendique, et qu’en tout état de cause, les faits reprochés sur le fondement du parasitisme ne sont en rien distincts de ceux présentés au titre de la contrefaçon; que de surcroît, la reprise des caractéristiques des produits qu’elle commercialise et notamment ceux du modèle «Red Box Logo » ainsi que le signe « SUP » ne peut lui être reprochée puisqu’elle s’est contentée de trouver des acheteurs professionnels pour des produits revêtus d’une marque européenne valablement enregistrée et dont l’authenticité lui avait été contractuellement garantie; qu’enfin, la société CHAPTER 4 ne justifie ni de l’existence ni du quantum des préjudices qu’elle allègue au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.
Elles reprochent à la société CHAPTER 4 d’avoir commis une faute contractuelle en refusant de leur faire signer l’annexe 13 du protocole d’accord, faute qui dégénère en faute délictuelle à leur encontre, dès lors qu’elles ont été privées de la possibilité de voir les poursuites, et donc la présente procédure, abandonnées à leur encontre, et la la société CHAPTER 4 n’a jamais fourni la moindre explication quant à cette discrimination ; qu’elles subissent depuis plusieurs années une procédure particulièrement agressive et les demandes indemnitaires formulées sont de nature à mettre gravement en péril leurs activités respectives, alors même qu’elles n’ont jamais commis la moindre faute ni bénéficié de la moindre opportunité de trouver une issue transactionnelle ; que la société BERLIN PREMIUM et son gérant ont vu tous leurs comptes sur les réseaux sociaux bloqués (Facebook et Instagram) et se sont ainsi vus privés de leur principal mode de communication, et la société BERLIN PREMIUM été contrainte de fermer son magasin à l’enseigne GRIP ZONE le 15 juillet 2020; qu’elles sont donc fondées à solliciter une indemnisation qui ne saurait être inférieure aux demandes formulées à leur encontre dans le cadre de la présente procédure.
Enfin, elles sollicitent la garantie de la société SANDSOCK et donc la fixation au passif de la procédure de faillite de leurs créances à son encontre résultant du jugement à intervenir.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 janvier 2024 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, la société à responsabilité Iimitée de droit espagnol SANDSOCK S.L., prise en la personne de son administrateur judiciaire CROWE INSOLVENCY SERVICES, SLP demande au Tribunal de :
– juger que, dorénavant, toute communication adressée à SANDSOCK devra étre envoyée uniquement et exclusivement a l’administrateur judiciaire et à son conseil : M. [W] [O], « Crowe Legal y Tributario », dont l’adresse est [Adresse 4], et l’adresse électronique aux fins de notification [Courriel 6] ;
– déclarer irrecevables les demandes formées par la société CHAPTER 4 à son encontre dans le cadre de la présente action pour défaut de droit d’agir, en raison de l’effet extinctif de l’accord transactionnel conclu le 28 septembre 2020 ;
– juger que les actions judiciaires entreprises par la société CHAPTER 4 nonobstant l’accord transactionnel conclu le 28 septembre 2020 constituent des fautes contractuelles et subsidiairement des fautes délictuelles générant directement un préjudice à SANDSOCK ;
– condamner la société CHAPTER 4 à lui verser la somme de 1.755.610 euros à titre de dommages et intérêts afin d’indemniser le préjudice qu’elle a subi résultant des fautes contractuelles et subsidiairement délictuelles commises par la société CHAPTER 4 ;
En conséquence,
– juger sans objet les demandes formées par la société CHAPTER 4 à son encontre ;
– condamner la société CHAPTER 4 à lui verser la somme de 4.000 euros, à parfaire, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner la société CHAPTER 4 aux entiers dépens.

Elle rappelle qu’elle a demandé l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité le 24 mai 2023, comme l’atteste l’ordonnance rendue par le tribunal de commerce n° 10 de Barcelone; que cette situation d’insolvabilité est largement due aux actions abusives menées par la société CHAPTER 4 CORP. DBA SUPREME (CHAPTER 4) devant différentes juridictions, affectant non seulement la société mais aussi sa réputation et ses clients, en violation des engagements pris à son égard concernant les actions en France et notamment l’acord visé en pièce n°2.
Elle soutient que les produits saisis en France correspondent aux produits de expressément visés dans l’accord : la vente de ces produits a été autorisée en vertu de cet accord, sans aucune contestation entre les parties, sans restriction territoriale ou de clientèle ; que la procédure en France, initiée par CHAPTER 4, affecte les clients de SANDSOCK, à qui elle a légitimement vendu ces produits avant la signature de l’accord, avec l’autorisation expresse de CHAPTER 4 et sans aucune limitation de leur vente à des tiers, ou à tout autre pays; qu’ainsi, elle avait fourni Ies produits faisant l’objet de l’accord transactionnel, avant sa signature, à BERLIN PREMIUM qui distribuait Ies produits notamment par l’intermédiaire de MAISON CLOTHES; que par conséquent, il y a eu une violation flagrante de l’Accord Transactionnel par le fait que CHAPTER 4 n’a pas mis fin aux litiges liés à ces produits SANDSOCK, comme il s’était engagé à le faire dans l’accord ; que cette situation a eu un impact direct sur la société SANDSOCK, qui n’a jamais été payé de tous ces produits saisis, lui causant un préjudice certain, quantifié dans le rapport d’expertise en date du 28 février 2022 qui conclut que le préjudice économique minimal s’éléve a 767.861 euros au total, évaluation trés prudente des lors que la perte de valeur de SANDSOCK en raison de l’impact négatif résultant des agissements de CHAPTER 4 ayant trait aux produits “SUPREME”, apparaît être de l.755.610 euros.
Elle précise qu’elle a a déposé, le 18 mai 2021, une action en exécution forcée contre CHAPTER 4 devant les tribunaux de commerce de Barcelone ; que par ordonnance du 18 février 2022, le tribunal de commerce n° 6 a rejeté sa demande au motif que la saisie des marchandises en France n’entrait pas dans le champ d’app|ication de l’Accord Transactionnel puisqu’elle était effectuée par un tiers et n’affectait pas SANDSOCK; que’lle a fait appel de cette décision devant la Audiencia Provincial de Barcelona, qui par décision du 21 septembre 2023 a rejeté sa demande, considérant que la juridiction espagnole n’était compétente pour ordonner que soit respectée l’obligation de ne pas agir de CHAPTER 4, puisque cette dernière n’aurait pas violé son obligation de ne pas agir sur le territoire espagnol.

La procédure a été clôturée à la date du 28 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non recevoir formulée par la société SANDSOCK

La société SANDSOCK conclut à l’irrecevabilité des demandes formées à son encontre par la société CHAPTER 4 pour défaut de droit d’agir, en raison de l’effet extinctif de l’accord transactionnel conclu le 28 septembre 2020.

Aux termes de l’article 789 alinéa 6° du Code de procédure civile dans sa rédaction résultant du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre
formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

L’article 55 du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 précise que ces dispositions sont applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, or l’assignation a été délivrée par la société CHAPTER 4 le 6 février 2020.

Cette fin de non recevoir est donc irrecevable devant le Tribunal, comme relevant de la seule compétence du juge de la mise en état.

Le caractère dilatoire de cette fin defin de non-recevoir n’est pas établi et la demande de dommages-intérêts formée à ce titre par la société CHAPTER 4 sera donc rejetée.

Sur la demande de retrait de la pièce n°1 produite par les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM

La société CHAPTER 4 soutient que la production de la pièce produite sous le n°1 par les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM est illicite et que cette pièce doit être écartée des débats.

Est notamment considéré comme illicite, l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’une information protégée au titre du secret des affaires au sens de l’article L. 151-1 du Code de commerce lorsque, au moment de l’obtention, de l’utilisation ou de la divulgation du secret, une personne savait, ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que ce secret avait été obtenu, directement ou indirectement, d’une autre personne qui l’utilisait ou le divulguait de façon illicite, en application des articles L. 151-5 et L.151-6 du même code.
L’article L. 151-4 précise que l’obtention d’un secret des affaires est illicite lorsqu’elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime et qu’elle résulte d’’un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique qui contient le secret ou dont il peut être déduit, ou bien d’une appropriation ou d’une copie non autorisée de ces éléments ou de tout autre comportement considéré, compte tenu des circonstances, comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale.

Aux termes de l’article L.151-1 du Code de commerce, “Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants: 1o Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité; 2o Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; 3o Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.”

L’article L. 153-1 précise que “Lorsque, à l’occasion d’une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d’instruction sollicitée avant tout procès au fond ou à l’occasion d’une instance au fond, il est fait état ou est demandé la communication ou la production d’une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu’elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d’office ou à la demande d’une partie ou d’un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l’exercice des droits de la défense:

1o Prendre connaissance seul de cette pièce et, s’il l’estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l’avis, pour chacune des parties, d’une personne habilitée à l’assister ou la représenter, afin de décider s’il y a lieu d’appliquer des mesures de protection prévues au présent article;

2o Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l’accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l’assister ou la représenter;

3o Décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcée en chambre du conseil;

4o Adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection du secret des affaires.”

En l’espèce, la pièce n°1 reproduit un protocole d’accord, rédigé en anglais et italien, conclu par CHAPTER 4 avec une société tierce à la présente procédure. Cet accord prévoit expréssement que cette société et ses conseils doivent maintenir une stricte confidentialité sur les termes et l’existence de cet accord et les négociations y afférentes. En outre, la mention « strictly confidential » est imprimée en caractères gras et majuscules sur chacune des pages.

Les sociétés défenderesses ne sont pas signataires de cet accord, et n’avaient pas vocation à en être destinataires.

Le contenu et l’existence même de ces documents constituent un secret des affaires de CHAPTER 4 dans la mesure où ces informations, portant sur un accord entre deux commerçants protégé par une clause de confidentialité, répondent aux trois critères de la protection du secret des affaires tels que définis à l’article L.151-1 du Code de commerce.
L’obtention et divulgation de ces documents est illicite puisqu’au moment de leur production, les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM savaient que la personne qui leur avait transmis l’utilisait ou le divulguait de façon illicite au sens du premier alinéa de l’article L. 151-5.

Il convient donc d’ordonner le retrait des débats de l’ensemble des documents constituant la pièce n°1 produite par les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM et le retrait dans leurs écritures de toute mention relative à son contenu.

Cette injonction est suffisante pour préserver le secret des affaires de la société demanderesse et la confidentialité de cet accord, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner l’interdiction de toute reproduction, communication ou utilisation sous quelque forme et sur quelque support que ce soit, de l’existence et du contenu du protocole d’accord et ses annexes constituant leur pièce n°1 et en conséquence, la destruction de toute copie de ces documents, demande particulièrement étendue.

Les demandes reconventionnelles formées au titre de la violation de cet accord confidentiel seront en conséquence rejetées.

Sur la contrefaçon

En application de l’article L.713-1 du Code de la propriété intellectuelle, l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu’il a désignés.

L’article L 713-2 dispose qu’“est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services:
1o D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée;
2o D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.”

L’article L. 713-3-1 précise que constituent des usages dans la vie des affaires, notamment, l’apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement, l’offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l’offre ou la fourniture des services sous le signe, et l’usage du signe dans les papiers d’affaires et la publicité.

La société CHAPTER 4 reproche aux défenderesses d’avoir commis des actes de contrefaçon, à la fois par reproduction à l’identique de ses marques verbales françaises “SUPREME”n°99795286 déposée le 26 mai 1999, et “SUPREME” n°15/4175577 déposée le 22 avril 2015, et de sa marque semi-figurative française n°15/4175561 déposée le 22 avril 2015, pour désigner les produits identiques à ceux visés par celles-ci, et notamment en classe 25 pour désigner les vêtements, les deux dernières marques désignant également les sacs.

Elle leur reproche également l’usage illicite de ces marques dans la vie des affaires.

Il résulte des opérations de saisie-contrefaçon et de constat d’achat effectuées le 8 janvier 2020 auprès des sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM qu’elles proposaient à la vente de produits d’habillement et d’accessoires reproduisant les marques SUPREME fournis par la société SANDSOCK.
Les photographies prises par l’huissier instrumentaire annexées aux procès-verbaux montrent que ces produits reproduisent tous à l’identique le signe « SUPREME », tant sur les étiquettes, que sur les produits mêmes, lesquels sont des produits explicitement visés par les marques verbales de la société SUPREME n° 99 795 286 et n° 4 175 577, à savoir des sacs et des vêtements.

Il en est de même pour la marque semi-figurative n° 4 175 561 qui est reproduite à l’identique sur des tee-shirts, shorts et sacs, produits identiques à ceux visés dans l’enregistrement de cette marque en classes 18 et 25.

Sur certains articles, le signe « SUPREME » est suivi des des éléments « grip » ou « italfigo », en très petits caractères.

Lorsqu’un signe seulement similaire à la marque est utilisé pour désigner des produits identiques ou similaires, la qualification de contrefaçon est subordonnée à la preuve de l’existence d’un risque de confusion. L’imitation consiste à emprunter des éléments de la marque d’autrui sans pour autant les reproduire exactement et à s’en rapprocher au point de créer un danger de confusion avec la marque imitée dans l’esprit du public.

Constitue un risque de confusion l’éventualité que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Ce risque doit être apprécié globalement, selon la perception que le public a des signes et des produits ou services en cause et en tenant compte de tous les facteurs pertinents.

L’appréciation globale du risque de confusion doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les deux signes, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants.

Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, de sorte qu’un faible degré de similitude entre les marques peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits ou services couverts et inversement.
La victime potentielle du risque d’erreur quant à l’origine des produits ou services est le client de la marque qui n’a pas en même temps les deux signes sous les yeux. Il y a donc lieu de se référer à l’impression d’ensemble laissée par la marque dans l’esprit d’un client moyen.

En l’espèce, sur le plan visuel, le signe litigieux est écrit dans la même dimension et dans la même police que celle des marques en litige, soit la première lettre en majuscule et les suivantes en minuscules d’imprimerie sans accent en lettres épaisses de couleur blanche.
Ce mot est le plus visible, le mot « grip » ou « italfigo » étant accolé en dessous du mot “SUPREME” dans une police beaucoup plus petite.
La similitude doit donc être considérée comme forte.

Sur le plan phonétique, les mots apposés sur les vêtements ne provenant pas de la société CHAPTER 4 CORP se prononcent de la même façon que les marques protégées objets de la présente instance, le mot « grip » ou « italfigo » accolé étant accessoire et formé d’une à quatre seule syllabes contre deux pour le mot “SUPREME”.
La similitude peut être considérée comme moyenne.

Sur le plan conceptuel, à savoir la signification que le public pertinent associe au signe, le signe est apposé sur des vêtements street wear destinés à la pratique de sport de glisse et identifie ainsi pour le consommateur le fournisseur du produit comme visant la société commercialisant les produits SUPREME.
La ressemblance sur ce plan doit donc être considérée comme forte.

S’agissant des produits, les marques SUPREME ont été déposées notamment en classe 25 pour désigner les vêtements, les deux dernières marques étant également déposées en classe 18 pour les sacs.

La marque litigieuse est reproduite sur des tee-shirts, shorts et sacs, produits identiques à ceux visés dans l’enregistrement des marques “SUPREME” en classes 18 et 25.

Il résulte de ces éléments que l’identité des produits concernés alliée à la forte similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble entraîne un risque de confusion, le consommateur d’attention moyenne étant amené à attribuer à ces produits une origine commune.
La contrefaçon par imitation est ainsi caractérisée.

Le fait que le signe « SUPREME GRIP » ait été enregistré à titre de marque dont le titulaire était la société ITALFIGO ne saurait permettre d’écarter la contrefaçon des marques SUPREME par les sociétés défenderesses, étant rappelé que la marque «SUPREME GRIP » a été acquise par la société ITALFIGO par mauvaise foi pour la classe 25 et a depuis fait l’objet d’un transfert total de titularité à la société CHAPTER4.

Par ailleurs, il ressort des courriels de prospection de la société MAISON CLOTHES que la marque semi-figurative est reproduite à l’identique dans les catalogues de produits contrefaisants édités par MAISON CLOTHES afin de démarcher des clients professionnels et de vendre des produits contrefaisants en France, ainsi que le signe «SUPREME GRIP ». Ce signe est également également utilisé dans la signature de la société MAISON CLOTHES figurant en bas de ces courriels.

La marque semi-figurative est également reproduite à l’identique sur des fiches relatives à l’état de stock adressés par la société MAISON CLOTHES à ses clients revendeurs aux fins notamment du réassortiment et le signe « SUPREME GRIP » est reproduit sur des bons de commande.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société MAISON CLOTHES a commis des actes de contrefaçon des marques verbales et semi-figurative n°99795286, n°15/4175577 et n°15/4175561.

S’agissant de la société BERLIN PREMIUM, il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 8 janvier 2020 qu’elle a passé au moins deux commandes pour l’achat d’une totalité de 531 articles de produits contrefaisants pour un montant total de 14.336,00 euros.

Le constat d’achat du 8 janvier 2020 au magasin « Grip Zone » exploité par la société BERLIN PREMIUM établit que ces produits ont été mis sur le marché.

La validité de ce procès-verbal est contestée par la société BERLIN PREMIUM, qui affirme que l’acheteur [U] [R] est mentionné comme « tiers indépendant» sans préciser davantage d’informations à son sujet, ni annexer copie de sa carte d’identité.

S’il résulte des articles 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme et 9 du Code de procédure civile, et du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, que le droit à un procès équitable, consacré par le premier de ces textes, commande que la personne qui assiste l’huissier instrumentaire lors de l’établissement d’un procès-verbal de constat soit indépendante de la partie requérante et que le tiers acquéreur ne doit avoir aucun lien, quel qu’il soit, ni avec l’huissier de justice constatant ni à l’égard du requérant, il ressort du procès-verbal en cause que c’est [U] [R] qui a réalisé les achats et il est indiqué expréssement qu’il est un tiers indépendant. Aucun élément ne vient contredire cette mention, ni établir que l’acquéreur aurait un lien avec la requérante. Par ailleurs, aucune disposition n’impose que la carte d’identité de l’acheteur soit annexée au procès-verbal.
En conséquence, la demande visant à voir prononcer la nullité du procès-verbal de constat sera rejetée.

L’offre et la mise sur le marché des produits contrefaisants par la société BERLIN PREMIUM est ainsi établie, d’autant plus que cette dernière avait également indiqué dans ses conclusions notifiées le 22 novembre 2021, qu’elle avait acquis auprès de la société SANDSOCK les produits en cause pour un montant de 33.015 € correspondant à 1.102 articles pour la commercialisation en France.

En outre, la société BERLIN PREMIUM a utilisé les signes « SUPREME » et «SUPREME GRIP » dans ses annonces publicitaires sur les comptes Facebook et Instagram de ses magasins OSLO, BERLIN PREMIUM CLOTHING et GRIP ZONE pour annoncer des offres de vente des produits contrefaisants.

Enfin, s’agissant de la société SANDSOCK, il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 8 janvier 2020 qu’elle avait à cette date vendu au moins 53.776 articles de produits contrefaisants à différents détaillants en France, et qu’elle utilisait les marques « SUPREME » en les reproduisant à l’identique sur la carte de visite de son président, se présentant ainsi comme un représentant autorisé de la marque semi-figurative.

Les actes de contrefaçon par usage illicite des marques SUPREME par les sociétés MAISON CLOTHES, BERLIN PREMIUM et SANDSOCK sont ainsi établis.

Aux termes de l’article L.716-4-10 du Code , pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement:
1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée;
2o Le préjudice moral causé à cette dernière;
3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

Le préjudice moral subi par la société CHAPTER 4 résulte de la dépréciation et de la banalisation de ses marques «SUPREME » qui jouissent d’une reconnaissance importante auprès du public. Compte tenu de l’ampleur de la contrefaçon, ce préjudice sera réparé par l’allocation de la somme de 100.000 euros. Cette condamnation sera ordonnée à titre provisionnel ainsi que demandé par la société CHAPTER 4.

S’agissant des bénéfices indus réalisés, compte tenu des pièces versées aux débats, la société BERLIN PREMIUM sera condamnée à verser une somme provisionnelle de 120.000 euros correspondant à la commercialisation de 1102 articles de produits contrefaisants dont le prix d’achat est 33.015,00 € et la société MAISON CLOTHES une somme provisionnelle de 234.134 euros correspondant au montant total des commissions perçues résultant de la vente contrefaisante entre le 1er janvier 2019 et le 31 octobre 2021.
Quant à la société SANDSOCK, elle sera condamnée à verser une somme provisionnelle de 1.799.000,00 € au titre du manque à gagner correspondant à la vente de 53.776 articles, considérant que le prix moyen d’un produit d’habillement de la marque SUPREME hors collection spéciale est de 123 euros et que le taux de marge pratiqué habituellement dans le secteur de fabrication de textiles et l’industrie de l’habillement est d’environ 27.2%.

Ces condamnations ne seront pas prononcées solidairement puisqu’elles concernent des faits commis distinctement par chacune des défenderesses.

Afin de permettre à la société CHAPTER 4 d’évaluer l’intégralité de son préjudice, et au vu de l’inexécution de l’ordonnance du juge de la mise en état ayant déjà ordonné la production de ces pièces, il y a lieu d’ordonner aux sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM de communiquer sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, l’intégralité des documents relatifs au nombre des produits litigieux commandés et vendus ainsi que les prix desdits produits et les bénéfices réalisés par ces ventes, et en particulier les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues et commandées sur le territoire national, le cas échéant, par elles, le chiffre d’affaires résultant de la commercialisation des produits en cause, la durée de cette commercialisation ainsi que les documents comptables justifiant de ces éléments.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

La concurrence déloyale et le parasitisme consacrent des fautes susceptibles, dans les conditions fixées par l’article 1240 du Code civil, d’engager la responsabilité civile de leur auteur.

Ils supposent cependant la démonstration d’une faute et d’un préjudice en lien de causalité direct avec celle-ci.

La faute en matière de concurrence déloyale s’apprécie au regard du principe général de libre concurrence qui est un principe fondamental des rapports commerciaux. Elle implique que tout commerçant a la possibilité d’attirer à lui la clientèle de ses concurrents sans que ceux-ci puissent le lui reprocher, de vendre des produits similaires à ceux d’un concurrent ou même identiques en l’absence de droit privatif dans la mesure où tout produit qui n’est pas l’objet d’un droit privatif est en principe dans le domaine public, et de vendre des produits similaires ou identiques de qualité moindre à un prix inférieur. Ainsi, même si la reprise procure à celui qui la pratique des économies, elle ne saurait à elle seule être tenue pour fautive sauf à vider de toute substance le principe de liberté ci-dessus rappelé.

Il appartient donc au commerçant qui se plaint d’une concurrence déloyale de démontrer le caractère déloyal des méthodes développées par son concurrent et notamment le risque de confusion sciemment entretenu dans l’esprit du consommateur sur l’origine des produits.

L’appréciation doit s’opérer par une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause, prenant notamment en considération le caractère plus ou moins servile de la reproduction ou de l’imitation, même en cas d’absence d’originalité des produits copiés.

Enfin et surtout, le demandeur doit démontrer l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle.

L’article L. 121-1 du Code de commerce énonce que les pratiques commerciales déloyales sont interdites, et qu’une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service.

En l’espèce, les produits contrefaisants commercialisés par les sociétés défenderesses portent le sigle ® , qui signifie« Registered » et que la marque de commerce a été déposée, après le signe « Supreme» reproduit en couleur rouge dans une police identique à celle de la marque semi-figurative n° 4 175 561.

Si effectivement ce symbole n’a aucune valeur juridique en France, il laisse entendre qu’il s’agit de la protection du signe à titre de marque et vient de ce fait identifier l’origine commerciale des produits sur lesquels il est apposé. Un consommateur d’attention moyenne peut le percevoir comme un identifiant de l’origine commerciale des produits en cause.
Par ailleurs, en se présentant comme « Authorized Dealer » de la marque « SUPREME Grip », la société MAISON CLOTHES fait croire au consommateur qu’elle est liée économiquement à la société CHAPTER 4 . Il en va de même de la société BERLIN PREMIUM qui utilise la dénomination «SUPREME » pour désigner son magasin à l’enseigne « Grip Zone » en l’apposant en grands caractères dans la devanture. Ces pratiques sont de nature à induire des consommateurs en erreur et à permettre à un client potentiel de la société CHAPTER 4 de prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement, à savoir acheter un vêtement portant le signe «SUPREME» chez les revendeurs clients de MAISON CLOTHES, dont le magasin exploité par BERLIN PREMIUM.

Par ailleurs, la société CHAPTER 4 se distingue par le caractère limité des produits qu’elle distribue,ce qui contribue au succès de la marque SUPREME, de par son caractère rare et exlusif.

De surcroît, la vente massive des produits litigieux par la société MAISON CLOTHES, et l’envoi de nombreux courriels de prospection à de nombreux distributeurs et magasins en France pour annoncer la commercialisation qui a développé un réseau de distribution constitué d’environ 100 détaillants partout en France, est de nature à porter atteinte à l’image d’exclusivité de la société CHAPTER 4 dont le modèle est basé sur un système de distribution soigneusement contrôlé dont un seul magasin physique en propre en France à [Localité 9].
Cette pratique a pour effet de banaliser l’image d’exclusivité de la marque.

La société CHAPTER 4 reproche en outre aux sociétés défenderesses d’avoir commis des actes de parasitisme en s’appropriant sans bourse délier une valeur économique créée par la société SUPREME.

Le parasitisme peut résulter du fait d’exploiter le travail, les idées, les investissements, la publicité, la notoriété d’autrui et plus généralement toute valeur économique d’autrui pour son propre profit et sans bourse délier afin de profiter du succès commercial d’un concurrent.

La société CHAPTER 4 soutient que la société MAISON CLOTHES a repris de manière servile et systématique les caractéristiques de produits authentiques de la société CHAPTER 4, et notamment ceux du modèle « Red Box Logo ». Si ces agissements ne constituent pas des actes distincts des actes de contrefaçon, l’utilisation sur les réseaux sociaux du terme « supreme » comme hashtag tels que « #supreme », « #sweatsupreme » et « #tshirtsupreme », et l’utilisation sur certains modèles du signe « Sup» qui est la contraction du logo «SUPREME » mais également l’icône de l’application mobile officielle de CHAPTER 4, et qui est utilisé par la société CHAPTER 4 sur divers produits, notamment des vêtements, des casquettes, des chaussures, des sous-vêtements et d’autres accessoires, participent à la banalisation de la marque et traduisent la volonté de se placer dans le sillage de la société CHAPTER4, et de profiter des efforts et investissements entrepris par celle-ci et de de bénéficier de sa notoriété sans bourse délier.

Il en est résulté un préjudice pour la société CHAPTER 4 qui sera réparé par l’allocation de la somme de 200.000 euros. Cette condamnation sera ordonnée à titre provisionnel comme sollicité par la société CHAPTER 4.

Sur la demande reconventionnelle de la société SANDSOCK

La société SANDSOCK sollicite la condamnation de la société CHAPTER 4 à lui payer une somme de 1.755.610 euros à titre de dommages-intérêts, au visa de l’article 1231-1 du Code civil, et subsidiairement de l’article 1241 du Code civil.
Elle soutient que la société CHAPTER 4 a violé l’accord transactionnel qu’elles ont conclu le 28 septembre 2020.

La société CHAPTER 4 demande au Tribunal de ne pas faire mention dans le jugement ni de l’existence ni du contenu des documents constituant la pièce n°2 de la société SANDSOCK, communiqués illicitement par celle-ci, dont toute publicité porte une atteinte grave au secret des affaires de la société CHAPTER 4.

La société SANDSOCK a un intérêt à faire état de cet accord poour faire échec aux demandes formulées à son encontre, alors que le contenu de cet accord présente un caractère confidentiel; dès lors, le Tribunal ne fera pas mention des termes de l’accord de nature à revêtir un caractère secret.

La société SANDSOCK affirme que les produits saisis en France correspondent aux produits expressément visés dans l’accord transactionnel et dont la vente a été autorisée, sans restriction territoriale ou de clientèle.
Elle indique qu’elle communique les factures de vente à la société BERLIN PREMIUM qui permettent de constater que tous les vêtements ont été vendus en 2019, avant la signature de l’accord transactionnel.

Cependant, cet accord transactionnel est rédigé en espagnol et en anglais et prévoit qu’il est « régi par la loi espagnole et en cas de conflit entre les Parties sur l’interprétation, la validité, l’exécution ou la violation du présent accord, les Parties conviennent de désigner les Mercantile Courts de [Localité 5] comme juridiction exclusivement compétente, avec exclusion expresse de toute autre autorité judiciaire.». Il a été conclu pour mettre fin aux procédures en Espagne et en Italie, comme rappelé dans le préambule de l’accord, à savoir les procédures devant les tribunaux de commerce de Barcelone (n° 17/2020 et n°732/2020) et les tribunaux de Milan (n° 60966/2019).

Par ailleurs, la société SANDSOCK ne démontre pas que les produits litigieux faisant l’objet de la présente procédure auraient été vendus par elle avant l’accord en cause, le rapport d’expertise produit étant établi en espagnol sans être accompagné d’une traduction en langue française. En outre, les factures versées aux débats, qui selon elle démontrent la vente antérieure à l’accord en cause, ne mentionnent que la vente d’un article à “Grip Zone Berlin Premium” en novembre 2019 et d’un article à Berlin Premium clothing en décembre 2019.

La société SANDSOCK ne peut valablement opposer un protocole transactionnel conclu pour mettre fin aux actions alors en cours devant les tribunaux de Barcelone et de Milan et dont il n’est pas démontré qu’il concernait des produits vendus sur le territoire français.

Les demandes de la société SANDSOCK seront donc rejetées.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société CHAPTER 4

La société CHAPTER 4 sollicite la condamnation de la société SANDSOCK à lui payer la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et violation du principe de la loyauté de la preuve, en dénaturant sciemment la portée et les conclusions de la décision judiciaire du Tribunal judiciaire de Barcelone sur l’absence d’effet contraignant de l’accord SANDSOCK et en méconnaissant volontairement son caractère définitif pour faire juger à nouveau un litige déjà tranché.

La particulière mauvaise foi de la société SANDSOCK n’est cependant pas établie, et la demande de dommages-intérêts sera donc rejetée.

Sur la demande de relevé et garantie formée par les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM

Les produits litigieux étaient fournis aux sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM par la société SANDSOCK ainsi que cela ressort des factures versées aux débats, dès lors, cette dernière doit être condamnée à les relever et garantir de toutes les condamnations prononcées à leur encontre.

Compte tenu de l’insolvabilité de cette dernière et de la procédure en cours, il y a lieu d’ordonner la fixation au passif de la procédure de faillite de la société SANDSOCK des créances des sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM à son encontre résultant du présent jugement.

Sur les autres demandes

Il sera fait interdiction aux sociétés MAISON CLOTHES, BERLIN PREMIUM et SANDSOCK, tout usage à quelque titre que ce soit, des signes « SUPREME » et

sous astreinte de 3.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent jugement.

Par ailleurs, il convient d’ordonner aux sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM de publier de manière lisible, sur leurs comptes de réseaux sociaux Facebook et Instagram, en français et en anglais, le dispositif du présent jugement, à leurs frais, pendant une durée d’un mois, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai d’un mois après la signification du présent jugement.

Succombant, les sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM seront condamnés in solidum aux entiers dépens de l’instance, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile et qui comprendront les coûts de la procédure de saisies-contrefaçons et des procès-verbaux de constat.

Elles seront par ailleurs condamnées à régler à la société CHAPTER 4 la somme de 6.000 euros chacune au titre des frais irrépétibles exposés en vue de la présente instance.

L’exécution provisoire est de droit et aucune circonstance ne justifie de l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

Ordonne le retrait de la pièce n°1 des sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM des débats et le retrait dans les écritures des sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM de toute mention relative à son contenu ;

Déboute les sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM de l’intégralité de leurs demandes ;

Déboute la société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME de ses demandes de dommages-intérêts ;

Déclare irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la société SANDSOCK ;

Dit que les sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM ont commis des actes de contrefaçon de marque au préjudice de la société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME, en reproduisant, en imitant, en utilisant et en exploitant les marques verbales françaises « SUPREME » n°99 795 286 et n° 4 175 577 ainsi que lamarque semi-figurative française

n° 4 175 561 pour commercialiser des vêtements et des sacs;

Dit que les sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM se sont également rendues coupables d’actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société CHAPTER 4 CORP. d/b/a SUPREME ;

Fait interdiction aux sociétés MAISON CLOTHES, BERLIN PREMIUM et SANDSOCK, de tout usage à quelque titre que ce soit, des signes « SUPREME » et

sous astreinte de 3.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir,

Condamne in solidum les sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM à payer à la société CHAPTER 4 CORP DBA la somme de 100.000 euros à titre de provision en réparation du préjudice moral né des actes de contrefacçon de marques;

Condamne la société BERLIN PREMIUM à payer à la société CHAPTER 4 CORP DBA la somme provisionnelle de 130.000 euros, en réparation des bénéfices indus réalisés ;

Condamne la société MAISON CLOTHES à payer à la société CHAPTER 4 CORP DBAla somme provisionnelle de 234.134 euros, en réparation des bénéfices indus réalisés ;

Condamne la société SANDSOCK CLOTHES à payer à la société CHAPTER 4 CORP DBA la somme provisionnelle de 1.799.000 euros en réparation des bénéfices indus réalisés ;

Condamne in solidum les sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM à payer à la société CHAPTER 4 CORP DBA SUPREME la somme de 200..000 euros à titre provisionnel, en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

Ordonne aux sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM de publier, à titre de complément de réparation, de manière lisible, sur leurs comptes de réseaux sociaux Facebook et Instagram, en français et en anglais, par extraits ou par résumés, le jugement à intervenir, à leurs frais, pendant une durée d’un mois sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

Ordonne aux sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM de communiquer sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours calendaires à compter de la signification du jugement à intervenir, l’intégralité des documents relatifs au nombre des produits litigieux commandés et vendus ainsi que les prix desdits produits et les bénéfices réalisés par ces ventes, et en particulier les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues et commandées sur le territoire national, le cas échéant, par elles, le chiffre d’affaires résultant de la commercialisation des produits en cause, la durée de cette commercialisation ainsi que les documents comptables justifiant de ces éléments;

Déboute la société CHAPTER 4 CORP DBA SUPREME du surplus de ses demandes;

Dit que la société SANDSOCK doit être tenue de relever et garantir les sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM de toutes les condamnations prononcées à leur encontre et ordonne en conséquence la fixation au passif de la procédure de faillite de la société SANDSOCK des créances des sociétés MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM à son encontre résultant du présent jugement ;

Condamne in solidum les sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM aux entiers dépens, en ce compris les coûts de la procédure de saisies-contrefaçons et des procès-verbaux de constat, dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile;

Condamne les sociétés SANDSOCK, MAISON CLOTHES et BERLIN PREMIUM à payer à la société CHAPTER 4 CORP DBA SUPREME la somme de 6.000 euros chacune au titre des frais irrépétibles.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 26 SEPTEMBRE 2024.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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