Conditions de validité et de rupture des pourparlers dans le cadre d’un financement immobilier

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Conditions de validité et de rupture des pourparlers dans le cadre d’un financement immobilier

L’Essentiel : Le 23 août 2018, M. [S] [M], représentant de la SCI Kerkoz, a demandé un prêt de 600 000 euros à la Banque Tarneaud. Bien que la banque ait accepté la demande sous certaines conditions, elle a finalement refusé le financement le 23 novembre 2018, après l’acquisition d’un immeuble par la SCI. En mars 2019, la SCI a assigné la banque en justice, mais le tribunal a débouté ses demandes. En appel, la cour a confirmé le jugement initial, considérant que le refus de la banque était justifié par un changement significatif de la situation financière de M. [S] [M].

Demande de prêt par la SCI Kerkoz

Le 23 août 2018, M. [S] [M], représentant de la SCI Kerkoz, a sollicité un prêt de 600 000 euros auprès de la Banque Tarneaud, remboursable sur 240 mois à un taux de 1,60 % par an.

Conditions de la banque

Le 26 septembre 2018, la banque a accepté de donner suite à la demande de prêt sous certaines conditions, incluant un privilège de prêteur de deniers, la souscription d’une assurance décès, une caution solidaire des associés, et l’absence de modification substantielle des ressources et charges de M. [S] [M].

Achat immobilier et refus de financement

Le 14 novembre 2018, la SCI Kerkoz a acquis un immeuble pour 580 000 euros, sous condition suspensive d’obtention d’un prêt. Cependant, le 23 novembre 2018, la banque a refusé d’accorder le financement demandé.

Assignation en justice

Le 8 mars 2019, la SCI Kerkoz a assigné la banque devant le tribunal de grande instance de Saint Nazaire. Le jugement du 27 janvier 2022 a débouté la SCI Kerkoz de ses demandes et l’a condamnée à payer 2 000 euros à la banque.

Appel de la SCI Kerkoz

Le 2 mai 2022, la SCI Kerkoz a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et des dommages-intérêts pour rupture abusive des pourparlers.

Réponse de la banque

La Société générale, ayant repris les droits de la Banque Tarneaud, a demandé la confirmation du jugement initial et a également réclamé des frais de justice.

Arguments des parties

La SCI Kerkoz a soutenu que la banque ne pouvait se rétracter sans motifs légitimes, tandis que la banque a fait valoir que la situation financière de M. [S] [M] avait changé de manière significative, justifiant son refus de financement.

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement du tribunal de Saint Nazaire, considérant que la banque avait respecté ses conditions de prêt et que son refus n’était pas abusif. La SCI Kerkoz a été condamnée à payer 3 000 euros à la banque et aux dépens de la procédure d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de formation d’un contrat de prêt selon le Code civil ?

La formation d’un contrat de prêt est régie par les dispositions des articles 1104 et suivants du Code civil.

L’article 1104 stipule que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ». Cela implique que les parties doivent agir avec loyauté et transparence lors des négociations.

En ce qui concerne le prêt, l’article 1134 précise que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Cela signifie que les parties sont tenues de respecter les engagements pris.

Il est également important de noter que l’article 1112 du Code civil, qui traite de la rupture des pourparlers, indique que « chacune des parties peut librement mettre fin aux pourparlers, sauf à engager sa responsabilité en cas de rupture abusive ».

Ainsi, pour qu’un contrat de prêt soit valide, il doit y avoir un accord sur les éléments essentiels, tels que le montant, le taux d’intérêt et les conditions de remboursement, et les parties doivent agir de bonne foi tout au long du processus de négociation.

La banque peut-elle se rétracter d’un accord de principe sans motif légitime ?

Selon la jurisprudence, une banque a la liberté de se rétracter d’un accord de principe tant qu’aucun contrat n’est formé.

L’article 1112 du Code civil précise que « chacune des parties peut librement mettre fin aux pourparlers, sauf à engager sa responsabilité en cas de rupture abusive ».

Dans le cas présent, la banque a conditionné l’octroi du prêt à l’absence de modification substantielle des ressources et charges de M. [S] [M].

Le refus de la banque de poursuivre les pourparlers a été justifié par une évolution significative de la situation financière de M. [S] [M], qui avait contracté une dette importante envers le RSI.

Ainsi, la banque n’était pas tenue de justifier sa décision, car elle a agi dans le cadre de ses prérogatives contractuelles, et la rupture des pourparlers n’était pas considérée comme abusive.

Quels sont les recours possibles en cas de rupture abusive des pourparlers ?

En cas de rupture abusive des pourparlers, la partie lésée peut demander des dommages-intérêts pour le préjudice subi.

L’article 1240 du Code civil stipule que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Pour obtenir réparation, la partie doit prouver que la rupture des pourparlers a été effectuée de mauvaise foi ou sans motif légitime.

Dans le cas de la SCI Kerkoz, la cour a jugé que la banque n’avait pas agi de mauvaise foi, car elle avait respecté les conditions préalablement établies pour l’octroi du prêt.

Ainsi, la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive des pourparlers a été rejetée, car la banque avait des raisons légitimes de ne pas poursuivre les négociations.

Quelles sont les conséquences financières d’un jugement en matière de procédure civile ?

Les conséquences financières d’un jugement en matière de procédure civile sont régies par les articles 700 et 699 du Code de procédure civile.

L’article 700 stipule que « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle pour les besoins de la cause ».

Dans le cas présent, la SCI Kerkoz a été condamnée à payer à la banque une somme de 3 000 euros en application de cet article.

De plus, l’article 699 précise que « les dépens sont à la charge de la partie qui succombe ». Cela signifie que la SCI Kerkoz devra également supporter les frais de la procédure d’appel, au profit de l’avocat de la partie adverse.

Ces articles visent à garantir que la partie qui a gagné le procès puisse récupérer une partie des frais engagés pour défendre ses droits.

2ème Chambre

ARRÊT N°402

N° RG 22/02822

N° Portalis DBVL-V-B7G-SWVE

(Réf 1ère instance : 19/00604)

(1)

S.C.I. KERKOZ

C/

BANQUE TARNEAUD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me ENGLISH

– Me LHERMITTE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Ludivine BABIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 Septembre 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Novembre 2024, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.C.I. KERKOZ

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Benjamin ENGLISH de la SELARL SELARL SHANNON AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

INTIMÉE :

BANQUE TARNEAUD

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Emmanuelle BRET, plaidant, avocat au barreau de LYON

EXPOSE DU LITIGE :

Le 23 août 2018, M. [S] [M], en qualité de représentant de la SCI Kerkoz, a sollicité de la société Banque Tarneaud (la banque) un prêt de 600 000 euros remboursable en 240 mois au taux de 1,60 % l’an.

 

Le 26 septembre 2018, la banque a indiqué qu’elle était disposée à donner une suite favorable à la demande de prêt aux conditions suivantes :

 

– Privilège de prêteur de deniers.

– Souscription d’une assurance décès sur la tête de M. [S] [M] auprès de la société Sogecap et justification de l’accord sans réserve de cette dernière.

– Caution solidaire à 100 % des associés.

– Absence de modification substantielle des conditions de ressources et de charges.

 

Suivant acte sous seing privé du 14 novembre 2018, la SCI Kerkoz a fait l’acquisition d’un immeuble situé [Adresse 1] et [Adresse 4] à [Localité 7] au prix de 580 000 euros hors frais d’agence et de notaire. La vente a été conclue sous la condition suspensive d’obtention d’un prêt de 580 000 euros remboursable en 240 mensualités au taux de 1,80 % l’an.

 

Le 23 novembre 2018, la banque a refusé d’accorder le financement sollicité.

 

Suivant acte d’huissier du 8 mars 2019, la SCI Kerkoz a assigné la banque devant le tribunal de grande instance de Saint Nazaire.

 

Suivant  jugement du 27 janvier 2022, le tribunal de grande instance de Saint Nazaire devenu tribunal judiciaire de Saint Nazaire a :

 

– Débouté la SCI Kerkoz de ses demandes.

– Condamné la SCI Kerkoz à payer à la banque la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamné la SCI Kerkoz aux dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la société Ouest avocats conseils représentée par Me Peggy Moran.

 

Suivant déclaration du 2 mai 2022, la SCI Kerkoz a interjeté appel.

 

En ses dernières conclusions du 2 janvier 2023, la SCI Kerkoz demande à la cour de :

 

Vu les articles 1104 et 1240 et suivants du code civil,

 

– Infirmer le jugement déféré.

Statuant à nouveau,

– Débouter la banque de ses demandes.

– La condamner à lui payer la somme de 80 000 euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive des pourparlers et en réparation de son préjudice moral.

– La condamner à lui payer la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– La condamner aux dépens.

 

En ses dernières conclusions du 6 mars 2023, la Société générale venue aux droits de la société Banque Tarneaud demande à la cour de :

 

Vu l’article 1112 du code civil,

– Confirmer le jugement déféré.

– Débouter la SCI Kerkoz de ses demandes.

– La condamner à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– La condamner aux dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Éric Demidoff.

 

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions des parties.

 

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

 

Au soutien de son appel, la SCI Kerkoz fait valoir que la banque, qui avait donné un accord de principe à sa demande de prêt, ne pouvait se rétracter que pour des motifs légitimes. Il lui reproche d’avoir brutalement rompu les négociations sans motif légitime.

 

La banque rappelle que l’octroi du prêt sollicité par la SCI Kerkoz était subordonné à des conditions dont celle de l’absence de modification substantielle dans les ressources et charges de M. [S] [M]. Elle fait valoir notamment que la situation de ce dernier avait évolué significativement au moment de la demande de financement puisqu’il a reconnu être débiteur de la somme de 42 000 euros envers le RSI.

 

Il est de principe qu’une banque est libre, sans avoir à justifier de sa décision, qui est discrétionnaire, de proposer ou de consentir un crédit, qu’elle qu’en soit la forme, de s’abstenir ou de refuser de le faire. Tant qu’un contrat n’est pas formé, chaque partie peut mettre fin librement à sa négociation. La rupture unilatérale de pourparlers n’est pas fautive si elle n’intervient pas de mauvaise foi.

 

Il est établi que la banque avait émis un accord de principe à la demande de financement formulée par la SCI Kerkoz sous réserve notamment d’une absence de modification substantielle des conditions de ressources et de charges.

 

Il résulte des explications des parties que la situation patrimoniale de M. [S] [M] avait évolué de manière significative au moment de la demande de financement en raison d’une dette importante contractée auprès du RSI. Cet élément n’est pas anodin alors qu’il devait garantir la dette de la SCI Kerkoz en qualité de caution.

 

Le refus de la banque de poursuivre les pourparlers n’est pas abusif en considération des éléments nouveaux concernant la solvabilité de M. [S] [M] et de la réponse rapide apportée à la demande de financement, rapidité qui devait permettre à la SCI Kerkoz de rechercher un autre opérateur pour financer son achat immobilier.

 

La banque a soumis son accord de prêt à des conditions précises qui n’étaient pas remplies au moment de la demande de financement. Il n’est produit aucun élément visant à établir sa mauvaise foi au sens de l’article 1112 du code civil.

 

Le jugement déféré sera confirmé.

 

Il n’est pas inéquitable de condamner la SCI Kerkoz à payer à la banque la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

 

Elle sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel et il sera fait application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Éric Demidoff.

PAR CES MOTIFS :

 

La cour,

 

Confirme le jugement rendu le 27 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Saint Nazaire.

 

Y ajoutant,

 

Condamne la SCI Kerkoz à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

 

Condamne la SCI Kerkoz aux dépens de la procédure d’appel et dit qu’il sera fait application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Éric Demidoff.

 

Rejette les autres demandes.

 

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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