Compétence juridictionnelle et responsabilité bancaire dans un contexte transnational

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Compétence juridictionnelle et responsabilité bancaire dans un contexte transnational

L’Essentiel : Monsieur [F], client de la Caisse d’épargne Midi-Pyrénées, a été contacté en avril 2022 par un prétendu conseiller de Nickel, lui proposant un livret d’épargne à 3,76%. Le 26 avril, il a transféré 40.000 € vers un compte BBVA, mais a perdu l’intégralité de son investissement. Après avoir déposé plainte, il a assigné les deux banques pour obtenir un remboursement et une indemnisation. La BBVA a contesté l’assignation, invoquant des vices de forme et l’incompétence territoriale. Cependant, le tribunal a confirmé la compétence de Toulouse, rejetant les arguments de la BBVA et lui ordonnant d’indemniser Monsieur [F].

Contexte de l’affaire

Monsieur [I] [F] est un client de la Caisse d’épargne Midi-Pyrénées. En avril 2022, il a été contacté par une personne se présentant comme conseiller de la société Nickel, qui lui a proposé d’investir dans un livret d’épargne avec un taux d’intérêt annuel de 3,76%.

Virement et plainte

Le 26 avril 2022, Monsieur [F] a effectué un virement de 40.000 € depuis son compte à la Caisse d’épargne vers un compte bancaire de la banque BBVA. Après avoir constaté la perte intégrale de son investissement, il a déposé plainte le 3 mai 2022.

Mise en demeure et assignation

Le 8 septembre 2022, le conseil de Monsieur [F] a mis en demeure la Caisse d’épargne et la BBVA de lui rembourser la somme de 40.000 €. Le 4 août 2023, Monsieur [F] a assigné les deux banques devant le tribunal judiciaire de Toulouse pour obtenir le remboursement de cette somme ainsi qu’une indemnisation pour préjudice moral.

Arguments de la banque BBVA

La banque BBVA a contesté l’assignation en invoquant un défaut d’exposé des moyens en droit et l’incompétence territoriale des juridictions françaises. Elle a demandé l’annulation de l’assignation pour vice de forme, arguant qu’elle ne lui permettait pas d’organiser sa défense.

Décision du juge de la mise en état

Le 12 mars 2024, le juge a déclaré l’assignation valable, a rejeté l’exception d’incompétence de la BBVA et a confirmé la compétence du tribunal judiciaire de Toulouse. La BBVA a été condamnée aux dépens de l’incident.

Appel de la banque BBVA

La banque BBVA a interjeté appel de cette ordonnance le 27 mai 2024, et a assigné Monsieur [F] et la Caisse d’épargne pour une audience prévue le 3 septembre 2024.

Prétentions des parties

La BBVA a demandé la nullité de l’assignation et a soutenu que la juridiction compétente était celle de Bilbao, en Espagne. De son côté, Monsieur [F] a demandé la confirmation de l’ordonnance du 12 mars 2024 et a sollicité des indemnités.

Analyse de la compétence

La BBVA a soutenu que le préjudice avait été subi en Espagne, tandis que Monsieur [F] a fait valoir que la juridiction de son domicile était compétente. Il a également invoqué la connexité des actions contre les deux banques, qui auraient dû être jugées ensemble.

Conclusion du tribunal

Le tribunal a confirmé que les actions intentées contre les deux banques étaient connexes et a rejeté l’exception d’incompétence de la BBVA. La BBVA a été condamnée aux dépens d’appel et à indemniser Monsieur [F] pour ses frais de défense.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la validité de l’assignation de M. [F] à l’encontre de la banque BBVA ?

L’assignation de M. [F] à l’encontre de la banque BBVA a été contestée par cette dernière pour vice de forme, en raison de l’absence de mention des moyens en droit.

Selon l’article 56 du Code de procédure civile, l’assignation doit contenir l’exposé des moyens en droit sur lesquels le demandeur fonde sa demande.

La banque BBVA a soutenu que l’assignation ne lui permettait pas d’identifier les lois et règlements supposément violés, ce qui l’empêchait d’organiser sa défense.

Cependant, le juge de première instance a relevé que l’assignation faisait référence à des dispositifs européens de lutte contre le blanchiment de capitaux, ainsi qu’à des articles du Code monétaire et financier.

Ainsi, la banque était en mesure de contester l’applicabilité de ces textes, ce qui a conduit à la confirmation de la validité de l’assignation.

En conséquence, l’ordonnance déférée a rejeté la demande de nullité de l’assignation, considérant que les éléments fournis étaient suffisants pour permettre à la banque de se défendre.

La compétence territoriale du tribunal judiciaire de Toulouse est-elle justifiée ?

La question de la compétence territoriale du tribunal judiciaire de Toulouse a été soulevée par la banque BBVA, qui a fait valoir que son siège social étant situé à Bilbao, seule cette juridiction était compétente.

L’article 4 du Règlement (UE) n° 1215/2012 stipule que les personnes domiciliées dans un État membre peuvent être attraites devant les juridictions de cet État.

En matière délictuelle, l’article 7.2 précise que la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit est compétente.

M. [F] a soutenu que le dommage s’était réalisé sur son compte bancaire à la Caisse d’épargne, ce qui justifiait la compétence du tribunal de Toulouse.

Cependant, le tribunal a constaté que le manquement reproché à la banque BBVA, qui a causé le préjudice, a eu lieu en Espagne, tout comme l’appropriation frauduleuse des fonds.

Ainsi, le tribunal a conclu que les conditions de l’article 7.2 n’étaient pas réunies, et que la compétence du tribunal judiciaire de Toulouse n’était pas justifiée.

En conséquence, l’exception d’incompétence soulevée par la banque BBVA a été rejetée.

Quels sont les effets de la décision sur les dépens et les frais de justice ?

La décision rendue par le tribunal a des implications sur les dépens et les frais de justice.

Conformément à l’article 700 du Code de procédure civile, la partie perdante peut être condamnée à payer une somme à l’autre partie pour couvrir ses frais irrépétibles.

Dans cette affaire, la banque BBVA, ayant été déboutée de ses demandes, a été condamnée aux dépens d’appel.

De plus, elle a été condamnée à indemniser M. [F] pour les frais qu’il a engagés pour sa défense en cause d’appel, à hauteur de 2.000 euros.

Cette décision vise à garantir que la partie qui a subi un préjudice en raison d’une procédure judiciaire puisse récupérer une partie de ses frais, renforçant ainsi l’accès à la justice.

Ainsi, la banque BBVA devra non seulement supporter les dépens, mais également indemniser M. [F] pour les frais de justice qu’il a dû engager.

26/11/2024

ARRÊT N°

N° RG 24/01799 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QHYG

IMM / CD

Décision déférée du 12 Mars 2024 – Juge de la mise en état de TOULOUSE – 23/03596

M. GUICHARD

S.A. BANCO [Localité 6] VIZCAYA ARGENTARIA

C/

[I] [F]

S.A. CAISSE D’EPARGNE DE MIDI PYRENEES (CEMP)

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

Me Ophélie BENOIT-DAIEF

Me Roxane BILLIAUD

Me Christophe MORETTO

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

S.A. BANCO [Localité 6] VIZCAYA ARGENTARIA

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 6] (Espagne)

Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Benjamin BALENSI de la SELAS DELOITTE SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocat plaidant au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMES

Monsieur [I] [F]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Roxane BILLIAUD de la SELARL LAGORCE & BILLIAUD AVOCATS, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Arnaud DELOMEL, avocat plaidant au barreau de RENNES

S.A. CAISSE D’EPARGNE DE MIDI PYRENEES (CEMP),

Banque coopérative régie par les articles L 512-85 et suivants du Code monétaire et financier, société anonyme à directoire et conseil d’orientation et de surveillance, au capital de 640 000 000 euros, dont le siège social est situé [Adresse 2], Immatriculée au RCS de Toulouse sous le numéro 383 354 594, Intermédiaire d’assurance, Immatriculé à l’ORIAS sous le n°07019431, carte professionnelle transactions sur immeubles et fonds de commerce n°CPI 3101 2018 000 037 168, Garantie Financière 110 000 euros, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe MORETTO de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, Conseillère, chargée du rapport et M. NORGUET, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

M. NORGUET, conseillère

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

Monsieur [I] [F] est client de la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées.

Il indique avoir été contacté au mois d’avril 2022, par une personne se présentant comme conseiller au sein de la société Nickel qui lui a proposé d’investir dans un livret d’épargne présentant un taux d’intérêt annuel de 3,76%.

Le 26 avril 2022, il a effectué un virement de 40.000 € à partir de son compte de dépôt n° 13135 00080 04346177855 Caisse d’épargne Midi-Pyrenées vers un compte bancaire ayant pour IBAN le numéro [XXXXXXXXXX07] domicilié en dans les livres de l’établissement bancaire Banco [Localité 6] Vizcaya Argentaria S.A (la banque BBVA).

Estimant avoir été victime d’une escroquerie, la somme investie étant intégralement perdue, il a déposé plainte le 3 mai 2022.

Par courrier du 8 septembre 2022, le conseil de Monsieur [F] a mis en demeure la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées et la société BBVA d’avoir à lui rembourser la somme de 40.000 € correspondant au montant du virement effectué le 26 avril 2022.

Par exploit du 4 août 2023, M.[F] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Toulouse la CEMP en qualité de banque émettrice des virements litigieux et BBVA en qualité de banque destinataire des virements litigieux aux fins d’obtenir leur condamnation in solidum à lui rembourser

– 40.000 €, correspondant à la totalité des sommes versées par le Demandeur, au titre du préjudice matériel prétendument subi par ce dernier ;

– 8.000 €, correspondant à une partie des sommes versées, au titre du préjudice moral et de jouissance prétendument subi ce dernier

Par conclusions d’incident, BBVA a sollicité in limine litis devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse :

– la nullité de l’assignation du demandeur pour défaut d’exposé des moyens en droit ;

– l’incompétence territoriale des juridictions françaises pour avoir à statuer sur le litige l’opposant à M.[F]

Par ordonnance en date du 12 mars 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse a

– dit que l’assignation est valable,

– débouté la société Banco [Localité 6] de son exception d’incompétence,

– dit que le tribunal judiciaire de Toulouse est compétent,

– condamné la société Banco [Localité 6] aux dépens de l’incident,

– dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

La banque BBVA a relevé appel de cette ordonnance par déclaration en date du 27 mai 2024 et, régulièrement autorisée par ordonnance du 28 mai 2024, a fait assigner M.[F] et la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées pour l’audience du 3 septembre 2024.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 5 août 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la société Banco [Localité 6] Vizcaya Argentaria sociedad anonima demandant, au visa du Règlement Bruxelles 1 Bis n°1215/2012 du 12 décembre 2012 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale et des articles 42, 56, 74, 75, 114, 700, 789 et 791 du Code de procédure civile, 1902 du Code civil espagnol, de

– la déclarer recevable et bien fondé en son appel de l’ordonnance rendue le 12 mars 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse.

Y faisant droit,

– Infirmer l’ordonnance susvisée et datée en ce qu’elle a :

Rejeté la demande de nullité de l’assignation ;

Rejeté l’exception d’incompétence au profit du tribunal matériellement compétent du ressort de Bilbao (Espagne) ;

Condamné la société BBVA aux dépens de l’incident ;

Et statuant à nouveau

A titre principal,

– Constater l’absence de mention de moyens en droit dans l’assignation délivrée à BBVA et le grief causé à BBVA du fait de son impossibilité d’organiser sa défense ;

– Déclarer nulle pour vice de forme l’assignation délivrée par le demandeur à BBVA ;

A titre subsidiaire,

– Constater qu’au regard des textes de droit français et européen et en particulie du Règlement Bruxelles 1 Bis, la juridiction territorialement compétente en l’espèce pour statuer sur les demandes formulées par le Demandeur à l’encontre de BBVA n’est pas le Tribunal judiciaire de Toulouse mais le tribunal matériellement compétent en première instance du ressort de Bilbao (Espagne) ;

En conséquence :

– Recevoir l’exception d’incompétence territoriale soulevée par BBVA en application de l’article 74 du Code de procédure civile ;

– Renvoyer M.[F] à mieux se pourvoir devant le tribunal matériellement compétent en première instance du ressort de Bilbao (Espagne).

En tout état de cause :

– Condamner M.[F] à lui payer la somme de 1 000 € en application de l’article

700 du Code de procédure civile ainsi qu’au remboursement intégral des frais de traduction ;

– Condamner le Demandeur aux entiers dépens de la présente instance.

Vu les conclusions notifiées le 11 juillet 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées demandant au visa des articles L133-1 et suivants du Code Monétaire et Financier, 84 et suivants du code de procédure civile, de

– Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel

– Prendre acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice ;

– Statuer ce que de droit sur l’exception de nullité de l’assignation

– Statuer ce que de droit sur l’incompétence territoriale soulevée par l’appelant,

– Condamner tout succombant aux dépens d’appel.

Vu les conclusions notifiées le 4 juillet 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de M [I] [F] demandant au visa du Règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 dit « Bruxelles I BIS » et des articles 42 et 46 du Code de procédure civile, de :

– Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 12 mars 2024 (N° RG 23/03596) par le juge de la mise en état,

– Débouter la banque BBVA l’ensemble de ses demandes,

– Condamner la banque BBVA à lui verser la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procedure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les conclusions notifiées le 11 juillet 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées demandant à la cour de :

– Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel

– Prendre acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice ;

– Statuer ce que de droit sur l’exception de nullité de l’assignation

– Statuer ce que de droit sur l’incompétence territoriale soulevée par l’appelant,

– Condamner tout succombant aux dépens d’appel.

Motifs 

– Sur la demande d’annulation de l’assignation pour vice de forme

La banque BBVA sollicite au visa des articles 56 et 114 du code de procédure civile, l’annulation de l’assignation par laquelle M.[F] l’a attraite devant le tribunal judiciaire de Toulouse en faisant valoir qu’elle ne permet pas d’identifier les lois et règlement supposément violés. Elle ajoute que le seul visa des dispositions de droit français, inapplicables à son activité puisqu’elle est régie par le droit espagnol, ne lui permettait pas d’organiser sa défense, ce qui constitue pour elle un grief.

Le premier juge a néanmoins relevé à juste titre par des motifs pertinents que la cour fait siens que l’assignation visait le dispositif européen de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ainsi que les dispositions de l’article L 561-2 1° et L 561-4-1 et suivants du code monétaire et financier, que la banque espagnole était dès lors en mesure se défendre en contestant l’applicabilité de ces textes, ce qu’elle a fait en faisant valoir que seul le droit espagnol lui est applicable, et qu’en conséquence elle ne justifiait d’aucun grief.

L’ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté le moyen tiré de la nullité de l’assignation.

– Sur la compétence du tribunal judiciaire de Toulouse

La banque BBVA soutient que, son siège étant fixé dans le ressort de la juridiction de Bilbao, cette juridiction est seule compétente en application de l’article 4 §1 du Règlement Bruxelles 1 bis.

Elle ajoute que le préjudice invoqué a bien été subi en Espagne, lieu du fait dommageable.

M.[F] fait valoir qu’en application de l’article 7.2 du Règlement Bruxelles 1 bis, la juridiction du domicile du demandeur est compétente lorsque le dommage invoqué s’est réalisé sur le compte bancaire de ce dernier.

Il ajoute qu’en application de l’article 8.1 du même Règlement, la juridiction française est également compétente en raison de la pluralité de défendeurs et de la connexité des actions en responsabilités engagées en ce qu’elles s’inscrivent dans une même situation de fait et de droits et soutient dès lors que pour éviter tout risque d’inconciabilité des solutions, il y a lieu de les juger ensemble.

L’article 4 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et duConseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale dispose que ‘les personnes domiciliées sur le territoire d’un état membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet état membre’.

Selon, l’article 5.1 de ce Règlement, ‘les personnes domiciliées sur le territoire d’un Etat membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre’ et selon l’article 7.2, ‘ en matière délictuelle ou quasi délictuelle, elles peuvent être attraites devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire’.

En l’espèce, la banque BBVA a son siège social à [Localité 6] (Espagne).

La notion de ‘ lieu où le fait dommageable s’est produit’, de l’art. 7.2 du Règlement vise à la fois le lieu de la matérialisation du dommage et celui de l’événement causal qui est à l’origine de ce dommage.

Certes, M.[F] justifie que les virements réalisés au profit d’un compte ouvert dans les livres de la banque BBVA ont été effectués à partir de son compte bancaire ouvert dans les livres de la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées. Néanmoins, le critère du lieu de réalisation du préjudice purement financier ne permet de déterminer la compétence de la juridiction du pays dans lequel il s’est réalisé qu’en l’absence de toute circonstance concourant à attribuer compétence à une autre juridiction que celle du lieu de matérialisation de ce préjudice (Cf CJUE 16 juin 2016, Universal Music International Holding et 1ere Civ, 15 juin 2022, pourvoi n°21-10.742).

Or, il résulte des éléments débattus que, d’une part, le manquement à l’obligation de vigilance reproché à la banque espagnole, qui constitue selon M.[F] l’événement causal à l’origine de son préjudice, a été commis en Espagne et que, d’autre part, les sommes dont l’appropriation frauduleuse par la société Nickel est invoquée ont également été perçues en Espagne.

M.[F] ne démontre donc pas que les conditions posées à l’article 7.2 du Règlement sont réunies en l’espèce.

Pour revendiquer la compétence du tribunal judiciaire de Toulouse, M.[F] invoque également les dispositions de l’article 8.1 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, selon lequel ‘ s’il y a plusieurs défendeurs, une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut, par dérogation au principe énoncé à l’article 4, paragraphe 1 de ce règlement, être attraite devant la juridiction du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.

Il soutient que les manquements reprochés aux deux banques sont identiques et résultent de violations des directives européennes anti-blanchiment transposées par les états européens dont la France et l’Espagne et qu’une solution unique doit être donnée au litige dans son ensemble.

La société BBVA fait valoir au contraire qu’il n’existe aucun risque d’inconciliabilité des décisions puisque d’une part, les banques défenderesses ne sont pas dans la même situation de fait ni de droit, qu’elles ne supportaient pas les mêmes diligences puisque la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées est soumise aux règles françaises et que pour sa part, elle est soumise aux obligations prudentielles espagnoles. Elle ajoute que les deux banques n’ont pas agi de façon concertée.

Certes, le fondement juridique de l’action engagée contre chacune des deux banques est distinct puisque M.[F] est lié à la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées par un contrat, alors qu’il ne peut revendiquer aucun lien contractuel avec la banque BBVA. Néanmoins, l’identité des fondements juridiques des actions introduites contre les différents défendeurs ne fait pas partie des conditions prévues pour l’application de l’article 8 susvisé (CJUE, 11 octobre 2007 Freeport C98-06 et 1 Civ 17 fév. 2021, n°19-17.345).

D’autre part, les demandes formées se rapportent à une opération unique dont le caractère frauduleux est invoqué et il est reproché à chacune des deux banques une violation du dispositif européen anti-blanchiment et un manquement à leur devoir de vigilance ayant concouru à la réalisation du dommage.

Ainsi, les demandes formées à l’encontre de la Caisse d’Epargne et de la banque BBVA visent les même faits et tendent à la même fin, à savoir, l’indemnisation du préjudice résultant pour M.[F] de la perte de fonds.

Elles appellent par conséquent des réponses conformes sur la matérialité et l’étendue du préjudice, l’analyse des causes du dommage, la portée de l’obligation de vigilance de chacune des deux banques et la part de responsabilité éventuelle de chacune d’elles.

S’inscrivant dans une même situation de fait et de droit, les actions intentées contre chacune des banques défenderesses sont connexes au sens du texte susvisé. Pour éviter tout risque d’inconciliabilité des solutions, il y a lieu de les juger ensemble.

Il n’y a donc pas lieu d’accueillir l’exception d’incompétence formée par la société BBVA.

L’ordonnance déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.

Partie perdante, la société BBVA supportera les dépens d’appel.

Elle devra en outre indemniser M.[F] des frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer pour les besoins de sa défense en cause d’appel.

Par ces motifs

Confirme l’ordonnance déférée,

Condamne la société Banco [Localité 6] Vizcaya Argentaria sociedad anonima – BBVA aux dépens d’appel,

Condamne la société Banco [Localité 6] Vizcaya Argentaria sociedad anonima – BBVA à payer à M.[F] la somme de 2000 euros,

Le greffier La présidente

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