L’Essentiel : La société [5] a contesté le rejet de sa demande par la CRA concernant la prise en charge du décès de son salarié, [Z] [C]. Le tribunal judiciaire d’Arras a jugé la société recevable pour l’inscription au compte spécial, mais a rejeté d’autres demandes. La CPAM a interjeté appel, arguant de son incompétence et de l’irrecevabilité de la demande. En réponse, la société a soutenu la compétence du pôle social. La cour a finalement infirmé le jugement d’Arras, se déclarant incompétente et renvoyant l’affaire à la cour d’appel d’Amiens, condamnant la société aux dépens.
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Contexte de l’affaireLa société [5] a contesté le rejet de sa demande par la commission de recours amiable (CRA) concernant la prise en charge du décès de son salarié, [Z] [C], par la caisse primaire d’assurance maladie de l’Artois (CPAM). Le tribunal judiciaire d’Arras a rendu un jugement le 9 mars 2023, déclarant la société recevable dans sa demande d’inscription au compte spécial des conséquences financières du décès, tout en rejetant d’autres demandes et en condamnant la CPAM aux dépens. Appel de la CPAMLa CPAM a interjeté appel de cette décision le 22 mars 2023, arguant de son incompétence pour statuer sur la demande d’inscription au compte spécial, qui devrait relever de la cour d’appel d’Amiens. Elle a également soutenu que la société [5] n’avait pas contesté la prise en charge de la maladie professionnelle, ce qui aurait dû rendre sa demande irrecevable. Arguments de la société [5]En réponse, la société [5] a demandé la confirmation du jugement initial, affirmant que le pôle social était compétent pour statuer sur sa demande d’inscription au compte spécial, car aucune décision de la CARSAT n’avait été rendue sur l’imputabilité du décès. Elle a également contesté l’irrecevabilité soulevée par la CPAM, précisant que les caisses primaires étaient compétentes pour discuter du bien-fondé de l’inscription au compte spécial. Décisions antérieures et contexte juridiqueLa CPAM avait reconnu le caractère professionnel du décès de [Z] [C] en lien avec sa maladie, et la CARSAT avait informé la société [5] que les coûts de la maladie seraient imputés sur son compte employeur. La société a contesté cette décision, mais la CRA a déclaré qu’elle était forclose à contester la prise en charge de la pathologie. Compétence juridictionnelleLa cour a examiné la compétence du pôle social pour statuer sur la demande d’inscription au compte spécial. Elle a conclu que, bien qu’il ait été compétent avant la notification du premier taux de cotisation, la présence d’une décision de la CARSAT sur l’imputabilité du décès conférait la compétence à la cour d’appel d’Amiens. Conclusion de la courLa cour a infirmé le jugement du tribunal judiciaire d’Arras, se déclarant incompétente pour connaître de la demande d’inscription au compte spécial et renvoyant l’affaire devant la cour d’appel d’Amiens. La société [5] a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence juridictionnelle en matière d’inscription au compte spécial des dépenses afférentes à un décès lié à une maladie professionnelle ?La compétence juridictionnelle en matière d’inscription au compte spécial des dépenses afférentes à un décès lié à une maladie professionnelle est régie par plusieurs articles du Code de l’organisation judiciaire et du Code de la sécurité sociale. Selon l’article L. 142-1, 7° du Code de l’organisation judiciaire, la cour d’appel d’Amiens, spécialement désignée, est compétente pour connaître des litiges relatifs aux décisions des CARSAT concernant la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. De plus, l’article L. 242-5 du Code de la sécurité sociale stipule que les CARSAT sont chargées de déterminer annuellement le taux de cotisation dû au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il est également précisé dans l’article D. 242-6-4 que les dépenses constituant la valeur du risque sont prises en compte par les CARSAT dès qu’elles ont été communiquées par les caisses primaires. Ainsi, lorsque la CARSAT a statué sur l’imputation du coût d’une maladie au compte employeur, seul le juge de la tarification est compétent pour connaître d’une demande d’inscription au compte spécial. En l’espèce, la société [5] a contesté la décision de la CARSAT concernant l’imputabilité du décès, ce qui a conduit à la question de compétence du pôle social. La cour a conclu que le pôle social n’était pas compétent pour statuer sur cette demande, car une décision de la CARSAT existait déjà. Quelles sont les conséquences de la décision de la CARSAT sur l’imputabilité du décès au compte employeur ?La décision de la CARSAT sur l’imputabilité du décès au compte employeur a des conséquences significatives sur la compétence juridictionnelle et sur le droit de l’employeur à contester cette décision. L’article D. 242-6-6 du Code de la sécurité sociale précise que les coûts moyens d’incapacité permanente sont classés en fonction du taux d’incapacité attribué à la victime ou de son décès. Dans le cas présent, la CARSAT a reconnu le caractère professionnel du décès d'[Z] [C] et a informé la société [5] que le coût de la maladie professionnelle serait imputé sur son compte employeur. Cette décision de la CARSAT, notifiée le 27 juillet 2020, a pour effet de rendre la question de l’imputabilité du décès contestable uniquement devant la cour d’appel d’Amiens, comme le stipule l’article L. 142-1, 7° du Code de l’organisation judiciaire. Ainsi, la société [5] ne pouvait pas contester la prise en charge de la maladie professionnelle et, par conséquent, le caractère professionnel du décès, car elle n’a pas respecté les délais de contestation prévus par la loi. En conséquence, la cour a jugé que le pôle social n’avait pas compétence pour statuer sur la demande d’inscription au compte spécial, car la CARSAT avait déjà statué sur l’imputabilité du décès. Quels sont les effets de la forclusion sur la contestation de la prise en charge d’une maladie professionnelle ?La forclusion a des effets juridiques importants sur la possibilité de contester une décision de prise en charge d’une maladie professionnelle. L’article 30 du Code de procédure civile stipule que les délais de recours doivent être respectés, et le non-respect de ces délais entraîne la forclusion, rendant la demande irrecevable. Dans le cas présent, la société [5] a été déclarée forclose à contester la prise en charge de la pathologie, ce qui signifie qu’elle ne pouvait plus remettre en cause la décision de la CPAM concernant le caractère professionnel de la maladie. La décision de la CARSAT du 27 juillet 2020 a précisé que la société [5] avait des voies de contestation, soit par voie gracieuse auprès de la CARSAT, soit par voie contentieuse devant la cour d’appel d’Amiens. En ne contestant pas la décision dans les délais impartis, la société a perdu son droit de contester l’imputabilité du décès à la maladie professionnelle. Ainsi, la forclusion a eu pour effet de rendre définitive la décision de la CARSAT, empêchant la société [5] de contester le caractère professionnel du décès d'[Z] [C] et de soulever des arguments relatifs à l’inscription au compte spécial. Comment la jurisprudence influence-t-elle la compétence des juridictions en matière de tarification des AT/MP ?La jurisprudence joue un rôle crucial dans la détermination de la compétence des juridictions en matière de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP). La décision de la Cour de cassation du 28 septembre 2023 a précisé que le pôle social était compétent pour statuer sur une demande d’inscription au compte spécial formulée avant la notification du premier taux de cotisation impacté par un sinistre. Cependant, cette compétence est limitée par l’existence d’une décision de la CARSAT sur l’imputation du coût d’une maladie au compte employeur. Dans le cas présent, la société [5] a formulé une demande d’inscription au compte spécial après avoir reçu une décision de la CARSAT, ce qui a conduit à la conclusion que seul le juge de la tarification était compétent pour connaître de cette demande. La jurisprudence a donc établi que, lorsque la CARSAT a statué sur l’imputation d’un coût au compte employeur, la compétence pour contester cette décision appartient exclusivement à la cour d’appel d’Amiens, spécialement désignée pour traiter des litiges en matière de tarification des AT/MP. Ainsi, la jurisprudence influence directement la répartition des compétences entre les différentes juridictions, en précisant les conditions dans lesquelles chaque juridiction peut statuer sur les demandes relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. |
N°
CPAM DE L’ARTOIS
C/
S.A.S. [5]
Copie certifiée conforme délivrée à :
– CPAM DE L’ARTOIS
– SAS [5]
– Me Marylène ALOYAU
– tribunal judiciaire
– chambre de la tarification CA AMIENS
Copie exécutoire :
– CPAM DE L’ARTOIS
COUR D’APPEL D’AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 06 JANVIER 2025
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N° RG 23/01609 – N° Portalis DBV4-V-B7H-IXJG – N° registre 1ère instance : 20/00882
Jugement du tribunal judiciaire d’Arras (pôle social) en date du 09 mars 2023
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
CPAM DE L’ARTOIS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée et plaidant par M. [X] [J], muni d’un pouvoir régulier
ET :
INTIMEE
S.A.S. [5]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Me Marylène ALOYAU de la SELARL CAPSTAN NORD EUROPE, avocat au barreau de LILLE
DEBATS :
A l’audience publique du 21 octobre 2024 devant Mme Jocelyne RUBANTEL, présidente, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 06 janvier 2025.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Diane VIDECOQ-TYRAN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Jocelyne RUBANTEL en a rendu compte à la cour composée en outre de :
Mme Jocelyne RUBANTEL, présidente,
M. Pascal HAMON, président,
et Mme Véronique CORNILLE, conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 06 janvier 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, présidente a signé la minute avec Mme Nathalie LEPEINGLE, greffier.
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DECISION
Saisi par la société [5] du rejet de sa contestation, par la commission de recours amiable (CRA), de la décision de prise en charge de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Artois (la CPAM ou la caisse) du décès d'[Z] [C] au titre de la législation professionnelle, le pôle social du tribunal judiciaire d’Arras, par un jugement du 9 mars 2023 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des motifs et des faits, :
– s’est déclaré compétent pour statuer sur la demande de la société [5] tendant à l’inscription au compte spécial des conséquences financières du décès d'[Z] [C],
– a déclaré la société [5] recevable en cette demande,
– a dit que les conséquences financières du décès d'[Z] [C] devront être imputées sur le compte spécial conformément à l’article 2 de l’arrêté du 16 octobre 1995,
– a rejeté le surplus des demandes présentées et non satisfaites,
– condamné la CPAM de l’Artois aux entiers dépens.
La caisse a interjeté appel le 22 mars 2023 de cette décision qui lui a été notifiée le 14 mars précédent et les parties ont été convoquées à l’audience du 10 juin 2024, lors de laquelle l’affaire a fait l’objet d’un renvoi à celle du 21 octobre 2024 afin de permettre aux parties d’échanger pièces et conclusions.
Par conclusions communiquées au greffe le 10 juin 2024, soutenues oralement à l’audience, la CPAM de l’Artois, appelante, demande à la cour de :
– infirmer le jugement,
– se déclarer incompétente, au profit de la cour d’appel d’Amiens spécialement désignée en matière de tarification, pour statuer sur la demande d’inscription au compte spécial de la société [5],
– à défaut, dire la demande irrecevable,
– en tout état de cause, dire la société [5] mal fondée,
– la débouter de l’ensemble de ses prétentions.
La caisse expose que la société tend à remettre en cause, sous couvert du prétendu défaut d’imputabilité du décès à la maladie d'[Z] [C], le caractère professionnel de cette affection. Or la société n’a pas contesté gracieusement la décision de prise en charge de la pathologie notifiée le 4 décembre 2019, laquelle est devenue définitive à son égard.
Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve que la maladie professionnelle n’a joué aucun rôle dans la survenance du décès.
Sur l’inscription au compte spécial, la caisse soulève l’incompétence du juge du contentieux général au profit de la cour d’appel d’Amiens spécialement désignée en matière de tarification.
Subsidiairement, la caisse soulève l’irrecevabilité de la demande d’inscription au compte spécial en application des articles 30 et 32 du code de procédure civile, dans la mesure où elle n’a pas le droit de discuter du bien-fondé d’une telle demande qui relève de la compétence exclusive des caisses d’assurance retraite et de santé au travail (CARSAT) et du juge de la tarification.
Contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, la recevabilité de cette demande ne s’appréciait pas au regard de la seule condition d’introduction d’un recours préalable et la question de l’inscription au compte spécial du décès n’est pas l’accessoire de celle de l’opposabilité de sa prise en charge.
En outre, la société n’a pas contesté l’imputabilité du décès à la maladie, ni l’imputation de la maladie sur son compte employeur.
Par conclusions communiquées au greffe le 18 octobre 2024 et soutenues oralement à l’audience, la société [5], intimée, demande à la cour de :
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– à titre principal, se déclarer compétente,
– ordonner l’inscription au compte spécial des conséquences financières du décès d'[Z] [C] en application de l’article 2, paragraphe 3 ou, à défaut, paragraphe 4, de l’arrêté du 16 octobre 1995,
– à titre subsidiaire, se déclarer incompétente au profit de la section tarification de la cour d’appel d’Amiens,
– en tout état de cause, condamner la CPAM aux entiers frais et dépens.
La société [5] considère, d’abord, que la présente cour est bien compétente pour se prononcer sur sa demande d’inscription au compte spécial du coût du décès d'[Z] [C] dès lors qu’il n’existe aucune décision de la CARSAT sur l’imputabilité du décès, cette dernière n’a statué que sur la maladie dans son courrier du 27 juillet 2020, lequel ne constituait pas une notification de son taux de cotisation.
En application des règles de tarification, le coût du décès d'[Z] [C] n’a commencé à impacter ses taux de cotisation qu’à compter de l’année 2022. Ce taux n’était donc ni établi, ni notifié lorsqu’elle a saisi le pôle social au mois d’octobre 2020, de sorte que ce dernier était bien compétent pour statuer sur sa demande. Toutefois, si la cour devait se déclarer incompétente, elle devra renvoyer l’affaire devant sa section tarification.
Ensuite, la société [5] conteste le moyen d’irrecevabilité soulevé par la CPAM et explique que, contrairement aux dires de celle-ci, si les CARSAT sont compétentes en matière de risque professionnel, ce sont bien les caisses primaires qui sont compétentes pour discuter du bien-fondé de l’inscription ou non au compte spécial d’une maladie, dès lors que ce sont elles qui transmettent aux CARSAT les informations recueillies lors des instructions et nécessaires au calcul des taux de cotisation des entreprises.
Enfin, la société [5] soutient qu’elle est bien fondée à solliciter l’inscription sur le compte spécial du coût du décès d'[Z] [C], peu important qu’elle n’ait pas sollicité l’inscription au compte spécial du coût de la maladie. Il s’agit de deux sinistres distincts, et la non-contestation du premier n’entraîne pas l’irrecevabilité de la contestation du second.
Elle a bien contesté l’imputabilité du décès à la maladie, en soutenant qu'[Z] [C] n’avait pas été exposé à l’amiante par les travaux visés au tableau n°30 bis des maladies professionnelles. Ce risque en son sein n’est pas démontré par les pièces du dossier d’instruction de la maladie mais existait bien chez de précédents employeurs du salarié. Ainsi il ne peut être retenu que le décès serait imputable à la maladie, de sorte que son coût doit être imputé au compte spécial, en application des articles 2, paragraphe 3 ou 4 de l’arrêté du 16 octobre 1995.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s’agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS
Par décision du 4 décembre 2019 notifiée à la société [5], la CPAM de l’Artois a pris en charge au titre du tableau n°30 bis des maladies professionnelles le carcinome bronchique dont souffrait son salarié, [Z] [C], sur la base d’un certificat médical initial du 22 mars 2019.
[Z] [C], selon certificat médical établi le 4 décembre 2019, est décédé le 27 mars 2019 des suites de l’évolution de son « cancer bronchique compliqué d’hémoptysie ».
Par avis du 16 janvier 2020, le docteur [U], médecin-conseil de la caisse, a dit que le décès d'[Z] [C] était imputable à sa maladie professionnelle.
Par décision du 7 février 2020 notifiée à l’employeur, la caisse a reconnu le caractère professionnel du décès d'[Z] [C], en lien avec la pathologie prise en charge au titre du tableau n°30 bis.
Par courrier du 10 avril 2020, la société [5], pour solliciter auprès de la CRA de la caisse primaire l’inscription au compte spécial du coût de décès d'[Z] [C], a contesté l’exposition de la victime chez elle à l’un des travaux visés par le tableau n°30 bis des maladies professionnelles.
Par décision du 27 juillet 2020, la CARSAT Hauts-de-France a informé la société [5] que le coût de la maladie professionnelle d'[Z] [C] était inscrit sur son compte employeur, ainsi que les coûts moyens incapacité temporaire et/ou incapacité permanente correspondants. Ce courrier précisait les voies et délais de contestation, soit par la voie gracieuse, auprès de la CARSAT, soit par la voie contentieuse, par acte d’huissier de justice devant la cour d’appel d’Amiens spécialement désignée.
Par décision du 29 décembre 2020, la CRA a dit que la société [5] était forclose à contester la prise en charge de la pathologie et qu’elle ne pouvait donc, en conséquence, contester le caractère professionnel du décès, en précisant qu’elle n’apportait aucun élément qui justifierait que le décès ait une cause totalement étrangère.
Par recours du 26 octobre 2020, la société [5] a contesté cette décision devant le pôle social, lequel a statué comme exposé précédemment.
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Il résulte de la combinaison des articles L. 142-1, 7° et L. 311-16 du code de l’organisation judiciaire que la juridiction du contentieux de la tarification de l’assurance des AT/MP, soit la cour d’appel d’Amiens spécialement désignée, connaît des litiges relatifs aux décisions des CARSAT et des caisses de mutualité sociale agricole concernant, en matière d’accidents du travail agricoles et non agricoles, la fixation du taux de cotisation, l’octroi de ristournes, l’imposition de cotisations supplémentaires, et pour les accidents régis par le livre IV du code de la sécurité sociale, la détermination de la contribution prévue à l’article L. 437-1.
En application de l’article L. 242-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, les CARSAT sont chargées de déterminer annuellement pour chaque catégorie de risques le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles d’après les règles fixées par décret.
Selon l’article D. 242-6-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, l’ensemble des dépenses constituant la valeur du risque est pris en compte par les CARSAT dès que ces dépenses leur ont été communiquées par les caisses primaires, conformément à l’article R. 241-1 du code de la sécurité sociale, sans préjudice de l’application des décisions de justice ultérieures.
Il résulte des textes précités que les demandes de l’employeur de retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle ou d’inscription de ces dépenses au compte spécial, même formulées avant notification de son taux de cotisation, relèvent de la seule compétence de la juridiction du contentieux de la tarification de l’assurance des AT/MP.
Interrogée à l’audience sur la compétence du juge du contentieux général en matière d’inscription au compte spécial, la société [5] a expliqué qu’à la date de saisine du pôle social, son premier taux de cotisation impacté par le coût du décès imputé sur son compte employeur, soit le taux AT/MP 2022, n’était pas encore notifié et qu’à cette date, il était admis que le pôle social avait compétence, avant notification du taux de cotisation, pour statuer sur une demande d’inscription au compte spécial.
S’il est vrai qu’avant le 28 septembre 2023 (2e Civ., 28 septembre 2023, pourvoi n° 21-25.719), le pôle social était compétent pour statuer sur une demande d’inscription au compte spécial formulée avant la notification du premier taux de cotisation impacté par un sinistre, le juge de la tarification demeurait compétent en présence d’une décision de la CARSAT sur l’imputation du coût d’une maladie au compte employeur.
Dans le cas où il existe une telle décision, dont la date est antérieure à celle de la notification du premier taux impacté par ledit sinistre, seul le juge de la tarification est compétent pour connaitre d’une demande d’inscription au compte spécial dudit sinistre.
En l’espèce, la société [5], après qu’elle ait formulé une demande d’inscription au compte spécial du coût du décès d'[Z] [C] auprès de la CRA de la caisse primaire, a été destinataire d’une décision de la CARSAT Hauts-de-France, l’informant que le coût de la maladie professionnelle de ce salarié, ainsi que les coûts moyens d’incapacité permanente et/ou temporaires correspondants, seraient imputés sur son compte employeur.
En application de l’article D. 242-6-6 du code de la sécurité sociale, les coûts moyens d’incapacité permanente (CMIP) sont classés dans quatre catégories définies en fonction du taux d’incapacité attribué à la victime ou de son décès.
Aucun taux d’incapacité n’a été attribué à [Z] [C], de sorte que le CMIP4 imputé sur le compte employeur de la société [5] ne peut correspondre qu’au coût de son décès, dont le caractère professionnel a été reconnu par la caisse primaire.
En mentionnant, en sus du coût de la maladie professionnelle, les coûts moyens d’incapacité permanente y afférents, la CARSAT, dans sa décision du 27 juillet 2020, a également statué sur l’imputabilité du décès au compte employeur de la société [5].
Il importe donc peu qu’à la date de la saisine du pôle social (26 octobre 2020), le premier taux impacté par le coût du décès (2022) n’était pas encore notifié dès lors qu’il existait une décision de la CARSAT sur l’imputabilité du décès et que celle-ci n’était contestable que devant la cour d’appel d’Amiens spécialement désignée.
Le pôle social n’était donc pas compétent pour statuer sur la demande d’inscription au compte spécial du coût de décès d'[Z] [C], et c’est à tort qu’il a considéré que cette question rapportait à titre accessoire à celle de l’opposabilité de la prise en charge du décès, en l’absence de décision de la CARSAT sur le taux de cotisation.
Le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.
La cour d’appel d’Amiens, statuant en matière de contentieux général de droit commun de la sécurité sociale, étant incompétente pour connaître de la demande d’inscription au compte spécial formulée par la société [5], il convient de renvoyer l’affaire devant la cour d’appel d’Amiens, spécialement désignée par l’article D. 311-12 du code de l’organisation judiciaire, statuant en matière de tarification des AT/MP.
Succombant totalement, la société [5] sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Se déclare incompétente pour connaître de la demande d’inscription au compte spécial des dépenses afférentes au décès d'[Z] [C],
Renvoie l’affaire et les parties devant la cour d’appel d’Amiens, spécialement désignée par l’article D. 311-12 du code de l’organisation judiciaire,
Condamne la société [5] aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier, Le président,
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