Compétence juridictionnelle et responsabilité bancaire face à la fraude transfrontalière

·

·

Compétence juridictionnelle et responsabilité bancaire face à la fraude transfrontalière

L’Essentiel : Monsieur [F], client de la Caisse d’épargne Midi-Pyrénées, a été contacté en avril 2022 par un prétendu conseiller de Nickel, lui proposant un livret d’épargne à 3,76%. Le 26 avril, il a transféré 40.000 € vers un compte BBVA en Espagne. Après avoir perdu son investissement, il a déposé plainte le 3 mai. En septembre, son avocat a mis en demeure les deux banques de rembourser la somme. La BBVA a contesté l’assignation, mais le tribunal de Toulouse a confirmé sa compétence, rejetant l’exception d’incompétence et condamnant la BBVA à indemniser Monsieur [F].

Contexte de l’affaire

Monsieur [I] [F] est un client de la Caisse d’épargne Midi-Pyrénées. En avril 2022, il a été contacté par une personne se présentant comme conseiller de la société Nickel, qui lui a proposé d’investir dans un livret d’épargne avec un taux d’intérêt annuel de 3,76%.

Virement et plainte

Le 26 avril 2022, Monsieur [F] a effectué un virement de 40.000 € depuis son compte à la Caisse d’épargne vers un compte bancaire de la banque BBVA en Espagne. Après avoir constaté la perte intégrale de son investissement, il a déposé plainte le 3 mai 2022.

Demande de remboursement

Le 8 septembre 2022, le conseil de Monsieur [F] a mis en demeure la Caisse d’épargne et la BBVA de rembourser la somme de 40.000 €. Par la suite, le 4 août 2023, Monsieur [F] a assigné les deux banques devant le tribunal judiciaire de Toulouse pour obtenir le remboursement de cette somme ainsi qu’une indemnisation pour préjudice moral.

Réactions de la BBVA

La banque BBVA a contesté l’assignation en soulevant la nullité de celle-ci pour défaut d’exposé des moyens en droit et a déclaré l’incompétence territoriale des juridictions françaises. Le juge de la mise en état a confirmé la validité de l’assignation et la compétence du tribunal de Toulouse.

Appel de la BBVA

La BBVA a interjeté appel de l’ordonnance du 12 mars 2024, demandant l’infirmation de la décision et la nullité de l’assignation. Elle a également soutenu que la juridiction compétente était celle de Bilbao, en Espagne, en raison de son siège social.

Arguments des parties

La BBVA a fait valoir que l’assignation ne permettait pas d’identifier les lois violées et qu’elle ne pouvait pas organiser sa défense. Monsieur [F] a, quant à lui, soutenu que le tribunal de Toulouse était compétent en raison de la pluralité de défendeurs et de la connexité des actions.

Décision du tribunal

Le tribunal a confirmé que l’assignation était valable et que le tribunal judiciaire de Toulouse était compétent. Il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la BBVA, considérant que les actions contre les deux banques étaient connexes et devaient être jugées ensemble.

Conséquences de la décision

La BBVA a été condamnée aux dépens d’appel et à indemniser Monsieur [F] pour les frais de défense. L’ordonnance a été confirmée dans son intégralité, et la BBVA a été condamnée à verser une somme à Monsieur [F].

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la validité de l’assignation de M. [F] à l’encontre de la banque BBVA ?

L’assignation de M. [F] à l’encontre de la banque BBVA a été contestée par cette dernière pour vice de forme, en vertu des articles 56 et 114 du Code de procédure civile.

L’article 56 dispose que :

* »L’assignation doit contenir l’exposé des moyens en fait et en droit. »*

La banque BBVA soutient que l’assignation ne permet pas d’identifier les lois et règlements supposément violés, ce qui l’empêche d’organiser sa défense.

Cependant, le juge de première instance a relevé que l’assignation mentionnait des dispositifs européens de lutte contre le blanchiment de capitaux, ainsi que des articles du Code monétaire et financier.

Ainsi, la banque était en mesure de contester l’applicabilité de ces textes, ce qui a conduit à la confirmation de la validité de l’assignation.

Quelle est la compétence territoriale du tribunal judiciaire de Toulouse ?

La question de la compétence territoriale du tribunal judiciaire de Toulouse a été soulevée par la banque BBVA, qui a fait valoir que son siège est situé à Bilbao, en Espagne, et que le préjudice a été subi en Espagne.

L’article 4 du Règlement (UE) n° 1215/2012 stipule que :

* »Les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites devant les juridictions de cet État membre. »*

M. [F] a invoqué l’article 7.2 du même Règlement, qui précise que :

* »En matière délictuelle ou quasi délictuelle, elles peuvent être attraites devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit. »*

Le tribunal a considéré que le manquement à l’obligation de vigilance reproché à la banque BBVA a été commis en Espagne, et que les sommes ont également été perçues en Espagne.

Ainsi, les conditions de l’article 7.2 n’étaient pas réunies pour justifier la compétence du tribunal judiciaire de Toulouse.

Quelles sont les implications de l’article 8.1 du Règlement Bruxelles 1 Bis concernant la pluralité de défendeurs ?

M. [F] a également invoqué l’article 8.1 du Règlement (UE) n° 1215/2012, qui permet d’attrait une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre devant la juridiction du domicile de l’un des défendeurs, à condition que les demandes soient liées par un rapport étroit.

Cet article stipule que :

* »S’il y a plusieurs défendeurs, une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut, par dérogation au principe énoncé à l’article 4, paragraphe 1, être attraite devant la juridiction du domicile de l’un d’eux. »*

Le tribunal a constaté que les actions intentées contre la Caisse d’Épargne et la banque BBVA étaient connexes, car elles visaient les mêmes faits et la même fin, à savoir l’indemnisation du préjudice.

Ainsi, le tribunal a jugé qu’il était pertinent de les juger ensemble pour éviter des solutions inconciliables.

Quelles sont les conséquences de la décision sur les dépens et les frais irrépétibles ?

La décision a également des implications sur les dépens et les frais irrépétibles. Selon l’article 700 du Code de procédure civile :

* »La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »*

La banque BBVA, en tant que partie perdante, a été condamnée à supporter les dépens d’appel et à indemniser M. [F] pour les frais qu’il a engagés pour sa défense.

Cela souligne l’importance de la responsabilité des parties dans le cadre des procédures judiciaires et des conséquences financières qui en découlent.

26/11/2024

ARRÊT N°

N° RG 24/01799 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QHYG

IMM / CD

Décision déférée du 12 Mars 2024 – Juge de la mise en état de TOULOUSE – 23/03596

M. GUICHARD

S.A. BANCO [Localité 6] VIZCAYA ARGENTARIA

C/

[I] [F]

S.A. CAISSE D’EPARGNE DE MIDI PYRENEES (CEMP)

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

Me Ophélie BENOIT-DAIEF

Me Roxane BILLIAUD

Me Christophe MORETTO

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

S.A. BANCO [Localité 6] VIZCAYA ARGENTARIA

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 6] (Espagne)

Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Benjamin BALENSI de la SELAS DELOITTE SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocat plaidant au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMES

Monsieur [I] [F]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Roxane BILLIAUD de la SELARL LAGORCE & BILLIAUD AVOCATS, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Arnaud DELOMEL, avocat plaidant au barreau de RENNES

S.A. CAISSE D’EPARGNE DE MIDI PYRENEES (CEMP),

Banque coopérative régie par les articles L 512-85 et suivants du Code monétaire et financier, société anonyme à directoire et conseil d’orientation et de surveillance, au capital de 640 000 000 euros, dont le siège social est situé [Adresse 2], Immatriculée au RCS de Toulouse sous le numéro 383 354 594, Intermédiaire d’assurance, Immatriculé à l’ORIAS sous le n°07019431, carte professionnelle transactions sur immeubles et fonds de commerce n°CPI 3101 2018 000 037 168, Garantie Financière 110 000 euros, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe MORETTO de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, Conseillère, chargée du rapport et M. NORGUET, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

M. NORGUET, conseillère

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

Monsieur [I] [F] est client de la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées.

Il indique avoir été contacté au mois d’avril 2022, par une personne se présentant comme conseiller au sein de la société Nickel qui lui a proposé d’investir dans un livret d’épargne présentant un taux d’intérêt annuel de 3,76%.

Le 26 avril 2022, il a effectué un virement de 40.000 € à partir de son compte de dépôt n° 13135 00080 04346177855 Caisse d’épargne Midi-Pyrenées vers un compte bancaire ayant pour IBAN le numéro [XXXXXXXXXX07] domicilié en dans les livres de l’établissement bancaire Banco [Localité 6] Vizcaya Argentaria S.A (la banque BBVA).

Estimant avoir été victime d’une escroquerie, la somme investie étant intégralement perdue, il a déposé plainte le 3 mai 2022.

Par courrier du 8 septembre 2022, le conseil de Monsieur [F] a mis en demeure la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées et la société BBVA d’avoir à lui rembourser la somme de 40.000 € correspondant au montant du virement effectué le 26 avril 2022.

Par exploit du 4 août 2023, M.[F] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Toulouse la CEMP en qualité de banque émettrice des virements litigieux et BBVA en qualité de banque destinataire des virements litigieux aux fins d’obtenir leur condamnation in solidum à lui rembourser

– 40.000 €, correspondant à la totalité des sommes versées par le Demandeur, au titre du préjudice matériel prétendument subi par ce dernier ;

– 8.000 €, correspondant à une partie des sommes versées, au titre du préjudice moral et de jouissance prétendument subi ce dernier

Par conclusions d’incident, BBVA a sollicité in limine litis devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse :

– la nullité de l’assignation du demandeur pour défaut d’exposé des moyens en droit ;

– l’incompétence territoriale des juridictions françaises pour avoir à statuer sur le litige l’opposant à M.[F]

Par ordonnance en date du 12 mars 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse a

– dit que l’assignation est valable,

– débouté la société Banco [Localité 6] de son exception d’incompétence,

– dit que le tribunal judiciaire de Toulouse est compétent,

– condamné la société Banco [Localité 6] aux dépens de l’incident,

– dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

La banque BBVA a relevé appel de cette ordonnance par déclaration en date du 27 mai 2024 et, régulièrement autorisée par ordonnance du 28 mai 2024, a fait assigner M.[F] et la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées pour l’audience du 3 septembre 2024.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 5 août 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la société Banco [Localité 6] Vizcaya Argentaria sociedad anonima demandant, au visa du Règlement Bruxelles 1 Bis n°1215/2012 du 12 décembre 2012 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale et des articles 42, 56, 74, 75, 114, 700, 789 et 791 du Code de procédure civile, 1902 du Code civil espagnol, de

– la déclarer recevable et bien fondé en son appel de l’ordonnance rendue le 12 mars 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse.

Y faisant droit,

– Infirmer l’ordonnance susvisée et datée en ce qu’elle a :

Rejeté la demande de nullité de l’assignation ;

Rejeté l’exception d’incompétence au profit du tribunal matériellement compétent du ressort de Bilbao (Espagne) ;

Condamné la société BBVA aux dépens de l’incident ;

Et statuant à nouveau

A titre principal,

– Constater l’absence de mention de moyens en droit dans l’assignation délivrée à BBVA et le grief causé à BBVA du fait de son impossibilité d’organiser sa défense ;

– Déclarer nulle pour vice de forme l’assignation délivrée par le demandeur à BBVA ;

A titre subsidiaire,

– Constater qu’au regard des textes de droit français et européen et en particulie du Règlement Bruxelles 1 Bis, la juridiction territorialement compétente en l’espèce pour statuer sur les demandes formulées par le Demandeur à l’encontre de BBVA n’est pas le Tribunal judiciaire de Toulouse mais le tribunal matériellement compétent en première instance du ressort de Bilbao (Espagne) ;

En conséquence :

– Recevoir l’exception d’incompétence territoriale soulevée par BBVA en application de l’article 74 du Code de procédure civile ;

– Renvoyer M.[F] à mieux se pourvoir devant le tribunal matériellement compétent en première instance du ressort de Bilbao (Espagne).

En tout état de cause :

– Condamner M.[F] à lui payer la somme de 1 000 € en application de l’article

700 du Code de procédure civile ainsi qu’au remboursement intégral des frais de traduction ;

– Condamner le Demandeur aux entiers dépens de la présente instance.

Vu les conclusions notifiées le 11 juillet 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées demandant au visa des articles L133-1 et suivants du Code Monétaire et Financier, 84 et suivants du code de procédure civile, de

– Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel

– Prendre acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice ;

– Statuer ce que de droit sur l’exception de nullité de l’assignation

– Statuer ce que de droit sur l’incompétence territoriale soulevée par l’appelant,

– Condamner tout succombant aux dépens d’appel.

Vu les conclusions notifiées le 4 juillet 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de M [I] [F] demandant au visa du Règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 dit  » Bruxelles I BIS  » et des articles 42 et 46 du Code de procédure civile, de :

– Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 12 mars 2024 (N° RG 23/03596) par le juge de la mise en état,

– Débouter la banque BBVA l’ensemble de ses demandes,

– Condamner la banque BBVA à lui verser la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procedure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les conclusions notifiées le 11 juillet 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées demandant à la cour de :

– Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel

– Prendre acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice ;

– Statuer ce que de droit sur l’exception de nullité de l’assignation

– Statuer ce que de droit sur l’incompétence territoriale soulevée par l’appelant,

– Condamner tout succombant aux dépens d’appel.

Motifs 

– Sur la demande d’annulation de l’assignation pour vice de forme

La banque BBVA sollicite au visa des articles 56 et 114 du code de procédure civile, l’annulation de l’assignation par laquelle M.[F] l’a attraite devant le tribunal judiciaire de Toulouse en faisant valoir qu’elle ne permet pas d’identifier les lois et règlement supposément violés. Elle ajoute que le seul visa des dispositions de droit français, inapplicables à son activité puisqu’elle est régie par le droit espagnol, ne lui permettait pas d’organiser sa défense, ce qui constitue pour elle un grief.

Le premier juge a néanmoins relevé à juste titre par des motifs pertinents que la cour fait siens que l’assignation visait le dispositif européen de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ainsi que les dispositions de l’article L 561-2 1° et L 561-4-1 et suivants du code monétaire et financier, que la banque espagnole était dès lors en mesure se défendre en contestant l’applicabilité de ces textes, ce qu’elle a fait en faisant valoir que seul le droit espagnol lui est applicable, et qu’en conséquence elle ne justifiait d’aucun grief.

L’ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté le moyen tiré de la nullité de l’assignation.

– Sur la compétence du tribunal judiciaire de Toulouse

La banque BBVA soutient que, son siège étant fixé dans le ressort de la juridiction de Bilbao, cette juridiction est seule compétente en application de l’article 4 §1 du Règlement Bruxelles 1 bis.

Elle ajoute que le préjudice invoqué a bien été subi en Espagne, lieu du fait dommageable.

M.[F] fait valoir qu’en application de l’article 7.2 du Règlement Bruxelles 1 bis, la juridiction du domicile du demandeur est compétente lorsque le dommage invoqué s’est réalisé sur le compte bancaire de ce dernier.

Il ajoute qu’en application de l’article 8.1 du même Règlement, la juridiction française est également compétente en raison de la pluralité de défendeurs et de la connexité des actions en responsabilités engagées en ce qu’elles s’inscrivent dans une même situation de fait et de droits et soutient dès lors que pour éviter tout risque d’inconciabilité des solutions, il y a lieu de les juger ensemble.

L’article 4 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et duConseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale dispose que ‘les personnes domiciliées sur le territoire d’un état membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet état membre’.

Selon, l’article 5.1 de ce Règlement, ‘les personnes domiciliées sur le territoire d’un Etat membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre’ et selon l’article 7.2, ‘ en matière délictuelle ou quasi délictuelle, elles peuvent être attraites devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire’.

En l’espèce, la banque BBVA a son siège social à [Localité 6] (Espagne).

La notion de ‘ lieu où le fait dommageable s’est produit’, de l’art. 7.2 du Règlement vise à la fois le lieu de la matérialisation du dommage et celui de l’événement causal qui est à l’origine de ce dommage.

Certes, M.[F] justifie que les virements réalisés au profit d’un compte ouvert dans les livres de la banque BBVA ont été effectués à partir de son compte bancaire ouvert dans les livres de la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées. Néanmoins, le critère du lieu de réalisation du préjudice purement financier ne permet de déterminer la compétence de la juridiction du pays dans lequel il s’est réalisé qu’en l’absence de toute circonstance concourant à attribuer compétence à une autre juridiction que celle du lieu de matérialisation de ce préjudice (Cf CJUE 16 juin 2016, Universal Music International Holding et 1ere Civ, 15 juin 2022, pourvoi n°21-10.742).

Or, il résulte des éléments débattus que, d’une part, le manquement à l’obligation de vigilance reproché à la banque espagnole, qui constitue selon M.[F] l’événement causal à l’origine de son préjudice, a été commis en Espagne et que, d’autre part, les sommes dont l’appropriation frauduleuse par la société Nickel est invoquée ont également été perçues en Espagne.

M.[F] ne démontre donc pas que les conditions posées à l’article 7.2 du Règlement sont réunies en l’espèce.

Pour revendiquer la compétence du tribunal judiciaire de Toulouse, M.[F] invoque également les dispositions de l’article 8.1 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, selon lequel ‘ s’il y a plusieurs défendeurs, une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut, par dérogation au principe énoncé à l’article 4, paragraphe 1 de ce règlement, être attraite devant la juridiction du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.

Il soutient que les manquements reprochés aux deux banques sont identiques et résultent de violations des directives européennes anti-blanchiment transposées par les états européens dont la France et l’Espagne et qu’une solution unique doit être donnée au litige dans son ensemble.

La société BBVA fait valoir au contraire qu’il n’existe aucun risque d’inconciliabilité des décisions puisque d’une part, les banques défenderesses ne sont pas dans la même situation de fait ni de droit, qu’elles ne supportaient pas les mêmes diligences puisque la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées est soumise aux règles françaises et que pour sa part, elle est soumise aux obligations prudentielles espagnoles. Elle ajoute que les deux banques n’ont pas agi de façon concertée.

Certes, le fondement juridique de l’action engagée contre chacune des deux banques est distinct puisque M.[F] est lié à la Caisse d’épargne Midi-Pyrenées par un contrat, alors qu’il ne peut revendiquer aucun lien contractuel avec la banque BBVA. Néanmoins, l’identité des fondements juridiques des actions introduites contre les différents défendeurs ne fait pas partie des conditions prévues pour l’application de l’article 8 susvisé (CJUE, 11 octobre 2007 Freeport C98-06 et 1 Civ 17 fév. 2021, n°19-17.345).

D’autre part, les demandes formées se rapportent à une opération unique dont le caractère frauduleux est invoqué et il est reproché à chacune des deux banques une violation du dispositif européen anti-blanchiment et un manquement à leur devoir de vigilance ayant concouru à la réalisation du dommage.

Ainsi, les demandes formées à l’encontre de la Caisse d’Epargne et de la banque BBVA visent les même faits et tendent à la même fin, à savoir, l’indemnisation du préjudice résultant pour M.[F] de la perte de fonds.

Elles appellent par conséquent des réponses conformes sur la matérialité et l’étendue du préjudice, l’analyse des causes du dommage, la portée de l’obligation de vigilance de chacune des deux banques et la part de responsabilité éventuelle de chacune d’elles.

S’inscrivant dans une même situation de fait et de droit, les actions intentées contre chacune des banques défenderesses sont connexes au sens du texte susvisé. Pour éviter tout risque d’inconciliabilité des solutions, il y a lieu de les juger ensemble.

Il n’y a donc pas lieu d’accueillir l’exception d’incompétence formée par la société BBVA.

L’ordonnance déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.

Partie perdante, la société BBVA supportera les dépens d’appel.

Elle devra en outre indemniser M.[F] des frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer pour les besoins de sa défense en cause d’appel.

Par ces motifs

Confirme l’ordonnance déférée,

Condamne la société Banco [Localité 6] Vizcaya Argentaria sociedad anonima – BBVA aux dépens d’appel,

Condamne la société Banco [Localité 6] Vizcaya Argentaria sociedad anonima – BBVA à payer à M.[F] la somme de 2000 euros,

Le greffier La présidente

.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon