Communication de documents bancaires et secret professionnel : enjeux et limites.

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Communication de documents bancaires et secret professionnel : enjeux et limites.

L’Essentiel : Lors de l’audience du 12 novembre 2024, il a été annoncé que l’ordonnance serait rendue le 14 janvier 2025. Le juge a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la BANKPOLSKI le 19 mars 2024. Mme [O] a demandé la communication de documents bancaires, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard. La BANKPOLSKI a contesté cette demande, la jugeant irrecevable et a demandé des frais de 2 500 euros. Bien que la demande ait été jugée recevable, elle a été rejetée sur le fond en raison du secret bancaire, et Mme [O] a été condamnée à 1 000 euros.

Débats et Audience

A l’audience sur incident du 12 novembre 2024, il a été annoncé aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 14 janvier 2025.

Ordonnance

L’ordonnance a été rendue publiquement par mise à disposition au greffe, de manière contradictoire et en dernier ressort.

Rejet de l’Exception d’Incompétence

Par ordonnance du 19 mars 2024, le juge de la mise en état a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la BANKPOLSKI.

Demande de Communication de Pièces

Dans ses conclusions d’incident du 27 juin 2024, Mme [O] a demandé au juge d’ordonner à la BANKPOLSKI de lui communiquer divers documents relatifs à l’ouverture et au fonctionnement de comptes bancaires, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Réponse de la BANKPOLSKI

La BANKPOLSKI a demandé au juge de déclarer irrecevable la demande de communication de pièces de Mme [O] et a sollicité une condamnation de celle-ci à lui verser 2 500 euros pour frais irrépétibles.

Arguments de Mme [O]

Mme [O] a soutenu que sa demande était fondée sur des obligations de vigilance des banques en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et qu’elle pouvait invoquer un manquement contractuel en tant que tiers.

Arguments de la BANKPOLSKI

La BANKPOLSKI a rétorqué que les dispositions invoquées par Mme [O] ne s’appliquaient pas à une banque polonaise et que sa demande était donc irrecevable. Elle a également affirmé que les obligations d’identification étaient respectées selon le droit polonais.

Droit Applicable

Le juge a déterminé que le droit applicable aux demandes de Mme [O] était le droit polonais, en raison du lieu où le dommage était survenu, soit en Pologne.

Recevabilité de la Demande

La demande de communication de pièces a été jugée recevable, malgré les objections de la BANKPOLSKI concernant le droit français.

Rejet de la Demande sur le Fond

Cependant, sur le fond, la demande de communication de pièces a été rejetée, la BANKPOLSKI ayant justifié que les documents demandés étaient couverts par le secret bancaire en vertu du droit polonais.

Condamnation de Mme [O]

Mme [O] a été condamnée à payer 1 000 euros à la BANKPOLSKI au titre des frais non compris dans les dépens.

Renvoi de l’Affaire

L’affaire a été renvoyée à l’audience de mise en état du 18 février 2025 pour que Mme [O] conclue au fond.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’obligation de communication de pièces en matière de responsabilité délictuelle ?

La demande de communication de pièces formulée par Mme [O] repose sur l’article 9 du Code de procédure civile, qui stipule que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Toutefois, dans le cadre d’une procédure judiciaire, ce droit peut être limité par l’intérêt de la justice.

En matière de responsabilité délictuelle, l’article 1240 du Code civil précise que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Ainsi, pour établir la responsabilité de la BANKPOLSKI, Mme [O] doit prouver que la banque a manqué à ses obligations, ce qui nécessite la communication de documents spécifiques.

Cependant, la BANKPOLSKI invoque le secret bancaire, protégé par l’article 104 point 4 de la loi polonaise du 29 août 1997, qui stipule que « les informations relatives aux comptes bancaires sont couvertes par le secret bancaire et ne peuvent être divulguées qu’en cas d’enquête pénale ou fiscale ».

En conséquence, bien que la demande de communication de pièces soit recevable, elle est rejetée sur le fond en raison de la protection du secret bancaire.

Quelles sont les implications du droit applicable en matière de litige transnational ?

Le droit applicable aux obligations non contractuelles est déterminé par le règlement « Rome II », en son article 4, qui dispose que « la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient ».

Dans le cas présent, le dommage est survenu en Pologne, où les comptes bancaires sont ouverts. L’article 4, paragraphe 3, précise que si le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un autre pays, la loi de cet autre pays s’applique.

Cependant, dans cette affaire, il n’existe pas de lien plus étroit avec le droit français, car les faits se sont déroulés en Pologne et les relations entre la BANKPOLSKI et Mme [O] sont régies par le droit polonais.

Le considérant n°7 du règlement « Rome II » souligne également que le champ d’application doit être cohérent avec le règlement « Bruxelles I bis », qui établit que le lieu du dommage est déterminant pour la compétence juridictionnelle.

Ainsi, le droit polonais s’applique aux demandes de Mme [O], y compris sa demande de communication de pièces.

Comment la jurisprudence influence-t-elle la demande de dérogation au secret bancaire ?

La jurisprudence de la Cour de cassation a établi que, dans certaines circonstances, un tiers peut demander la communication de documents bancaires en invoquant un manquement à l’obligation de vigilance de la banque.

Cependant, cette dérogation au secret bancaire doit être justifiée par des éléments concrets prouvant que la communication des pièces est nécessaire pour établir la responsabilité de la banque.

Dans cette affaire, Mme [O] soutient que sa demande est proportionnée et qu’elle ne vise pas à poursuivre le titulaire du compte, mais à apprécier la responsabilité de la BANKPOLSKI.

Néanmoins, la BANKPOLSKI rappelle que, selon le droit polonais, le secret bancaire est strictement protégé et ne peut être levé que dans le cadre d’une enquête pénale.

Ainsi, même si la jurisprudence permet des dérogations, les conditions strictes de la loi polonaise sur le secret bancaire limitent la portée de la demande de Mme [O].

En conséquence, la demande de communication de pièces est rejetée, car elle ne répond pas aux critères nécessaires pour lever le secret bancaire.

Quelles sont les conséquences financières de la décision sur les frais de justice ?

L’article 700 du Code de procédure civile stipule que « la partie perdante peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».

Dans cette affaire, Mme [O] a été condamnée à payer 1 000 euros à la BANKPOLSKI au titre de l’article 700, en raison de la perte de son incident.

Cette condamnation est justifiée par le fait que la demande de communication de pièces a été rejetée sur le fond, ce qui implique que Mme [O] a agi en vain.

Les frais de justice incluent les honoraires d’avocat et d’autres dépenses engagées par la BANKPOLSKI pour se défendre contre la demande de Mme [O].

Ainsi, la décision du juge de la mise en état a des implications financières directes pour Mme [O], qui doit assumer les frais de la procédure, renforçant ainsi l’importance de la rigueur dans la formulation des demandes en justice.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies délivrées le 14/01/2025
A Me CHANDLER
Me GOSSET
Me GAYRAUD-MARTY

9ème chambre 2ème section

N° RG 22/13178 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYANG

N° MINUTE :

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 14 Janvier 2025

DEMANDERESSE

Madame [Z] [O]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître Emilie CHANDLER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E0159, et par Maître Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant

DEFENDERESSES

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARI S ET D’ILE-DE-FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître Jean-philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0812

S.P.A. POWSZECHNA KASA OSZCZEDNOSCI BANK POLSKI SPOLKA AK CYJNA Société de droit polonais
[Adresse 7]
02515 POLOGNE
représentée par Maître Caroline GAYRAUD-MARTY de l’AARPI VIA NOVA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #G0195, et par Maître Joanna SOBCZYNSKI, de l’AARPI VIA NOVA, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

M. Gilles MALFRE, Premier Vice-président adjoint

assisté de Madame Camille CHAUMONT, Greffière

DEBATS

A l’audience sur incident du 12 novembre 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 14 Janvier 2025.

ORDONNANCE

Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En dernier ressort

Par ordonnance du 19 mars 2024, à laquelle il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, le juge de la mise en état a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la POWSZECHNA KASA OSZCZEDNOSCI BANKPOLSKI SPOLKA AKCYJNA (la BANKPOLSKI).

Par conclusions d’incident du 27 juin 2024, Mme [O] demande au juge de la mise en état d’ordonner à la BANKPOLSKI de lui communiquer les pièces suivantes :

a) tout document attestant de la vérification d’identité des titulaires des comptes bancaires lors de leur ouverture (compte ayant pour IBAN le n° [XXXXXXXXXX06] et [XXXXXXXXXX05]), soit
* S’agissant d’une personne physique :
– une copie de la carte d’identité ou du passeport du titulaire du compte ;
– la preuve du recours à un moyen d’identification électronique conforme à l’article R. 561-5-1 du code monétaire et financier ;
– le justificatif de domicile fourni lors de l’ouverture du compte ;
– les éléments communiqués par le titulaire du compte relatifs à sa situation personnelle, professionnelle et patrimoniale.
* S’agissant d’une personne morale :
– l’attestation de l’immatriculation de la société au registre du commerce « espagnol » (lire « polonais ») fournie au moment de l’ouverture du compte ;
– les statuts de la société concernée ;
– la déclaration de résidence fiscale de la société ;
– une copie de la carte d’identité ou du passeport du représentant légal de la société et du bénéficiaire effectif ;
– la déclaration de bénéficiaire effectif.

b) Tout document attestant de la nature du compte ouvert, soit la justification économique déclarée par les titulaires des comptes ou le fonctionnement envisagé des comptes bancaires.

c) Tout document justifiant des vérifications d’usage durant le fonctionnement des comptes bancaires :
– les relevés de compte bancaire intégraux pour les mois de mai à août 2018 ;
– tout document justifiant la provenance et la destination des fonds concernés par l’affaire ;
– s’agissant d’une ou de sociétés, les factures émises pour justifier des prestations fournies au titre de l’encaissement des fonds de Mme [O].

Et ce, sous astreinte définitive de 1 000 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours après la signification de la présente ordonnance et durant 2 mois.

Elle entend par ailleurs que la BANKPOLSKI soit condamnée à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d’incident du 19 août 2024, la BANKPOLSKI demande au juge de la mise en état de dire irrecevable et de rejeter la demande de communication de pièces formée par Mme [O]. Elle sollicite en outre la condamnation de Mme [O] à lui payer somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles.

SUR CE

Sur la demande de communication de pièces :

A l’appui de sa demande, Mme [O] rappelle les documents qu’une banque doit contrôler en application des dispositions du code monétaire et financier sur l’obligation de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Elle souligne qu’en sa qualité de tiers à une relation contractuelle, elle peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel qui lui a causé un dommage.

Elle estime qu’au vu de la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière, elle remplit les conditions lui permettant de bénéficier d’une dérogation au secret bancaire.

Elle ajoute que les pièces sollicitées sont identifiées et qu’il ne s’agit donc d’une communication générale d’information transmises dans le cadre de la relation de confiance entre la banque et sa cliente, estimant que sa demande est proportionnée aux intérêts en présence puisque l’exploitation des pièces sollicitées n’a pas pour objectif de conduire à des poursuites du détenteur du compte mais d’apprécier la responsabilité de la banque dans l’exercice de son activité bancaire.

En réponse, la BANKPOLSKI relève que Mme [O] se fonde sur des dispositions du code monétaire et financier pour justifier sa demande de communication de pièces, alors que ces dispositions ne sont pas applicables à une banque polonaise, rappelant que les relations entre une banque polonaise et ses clients sont soumises au seul droit interne polonais.

Pour ce motif, elle estime que cette demande, dépourvue de fondement légal, est irrecevable.

Sur le fond, elle considère que la demande de communication de pièces ne présente aucune utilité pour la solution du litige.

Elle rappelle que l’action en responsabilité délictuelle de Mme [O] est régie par le droit polonais, qui soumet les banques à des obligations spécifiques, qui ont été respectées en l’espèce.

Elle souligne qu’en droit polonais, l’obligation d’identification du client et la vérification de son identité sont régies par la loi du 1er mars 2018 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, qu’il résulte de l’article 34 al. 1er point 1 de cette loi que lors de l’ouverture du compte bancaire les mesures de sécurité financière comprennent l’identification du client et la vérification de son identité, l’article 36 précisant que l’identification du client consiste à déterminer :

– pour une personne physique : le nom et le prénom, la nationalité, le numéro du système électronique universel d’enregistrement de la population (PESEL) ou la date de naissance si aucun numéro PESEL n’a été attribué, et le pays de naissance, la série et le numéro du document d’identité de la personne, l’adresse de résidence lorsque cette information est détenue par une institution obligée,
– pour une société, le nom, le numéro d’identification fiscale (NIF) et l’adresse de l’établissement principal, dans le cas d’une personne physique exerçant une activité commerciale.

Elle ajoute qu’en vertu de l’article 37 al. 1er de cette loi, la vérification de l’identité du client et du bénéficiaire effectif consiste à confirmer les données d’identification sur la base d’un document établissant l’identité de la personne physique, d’un document contenant des données actuelles d’un extrait du registre compétent ou d’autres documents, données ou informations provenant d’une source fiable et indépendante, y compris, le cas échéant, des moyens d’identification électronique ou des services de confiance pertinents tels que définis dans le règlement 910/2014.

Elle fait valoir qu’en l’espèce, elle a déjà versé aux débats, à l’appui de ses conclusions au fond n°2, les pièces justificatives suivantes, démontrant qu’elle a procédé aux vérifications auxquelles elle était tenue :

– la feuille d’identification de la société BIT SERVICE INCORPORATION et celle de son dirigeant M. [U] ainsi que l’extrait du registre de commerce polonais correspondant aux données relatées dans les feuilles d’identification ;
– la feuille d’identification de la société BTC ADVICES et celle de son dirigeant M. [Y], ainsi que l’extrait du registre de commerce polonais correspondant aux données relatées dans les feuilles d’identification.

Elle précise que les données personnelles des clients, énumérées par l’article 36 de la loi du 1er mars 2018, ont été recueillies par le salarié chargé de l’ouverture du compte et vérifiées au vu des documents d’identité présentés lors de l’ouverture des comptes ainsi que par une vérification des données officielles du registre des sociétés.

Elle note qu’en droit polonais, il n’existe aucune obligation de recueil ni de conservation des copies des pièces d’identité présentées lors de l’ouverture du compte, ni des justificatifs de domicile du client, ni de tout autre document auquel se réfère Mme [O] dans ses conclusions d’incident, en particulier les factures émises par ses clients lorsqu’elle reçoit des encaissements ou réalise des virements.

Enfin, la BANKPOLSKI fait état d’un empêchement légitime s’opposant à la communication des relevés de comptes à des tiers, alors qu’en droit polonais ces pièces sont couvertes par le secret bancaire prévu à l’article 104 point 4 de la loi du 29 août 1997, soulignant qu’il ne peut être dérogé à ce secret que sur demande d’une juridiction ou d’un procureur dans le cadre d’une procédure en cours pour une infraction pénale ou fiscale commise dans le cadre des activités d’une personne morale dans la mesure où les informations concernent cette personne morale.

Ceci étant exposé.

Il convient de déterminer le droit applicable aux demandes formées à l’encontre de la BANKPOLSKI par Mme [O], puisque ce droit est également applicable à sa demande de communication de pièces.

Il n’est pas discuté que l’action au fond engagée à l’encontre de la BANKPOLSKI ne peut qu’être que de nature extra-contractuelle puisqu’il n’est pas justifié de relations contractuelles entre la requérante au fond et cette société.

Pour déterminer la loi applicable à cette action, il convient de se référer au règlement « Rome II », en son article 4 1° et 3°, qui dispose que :
« 1. Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent.
3. S’il résulte de l’ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2, la loi de cet autre pays s’applique. Un lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder, notamment, sur une relation préexistante entre les parties, telle qu’un contrat, présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question ».

Le lieu où le dommage est survenu est le lieu de l’appropriation des fonds, soit en l’espèce les comptes bancaires ouverts en Pologne, en l’absence de tout autre élément caractérisé de rattachement et attestant de liens plus étroits, de nature à concourir à la désignation de la loi française.

Le considérant n°7 du règlement « Rome II » précise que le champ d’application matériel et les dispositions du présent règlement doivent être cohérents par rapport au règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 dit « Bruxelles I », devenu « Bruxelles I bis ».

Il a déjà été retenu dans l’ordonnance d’incident du 19 mars 2024, dont il n’est pas justifié qu’elle a été frappée d’appel, qu’en l’espèce, au titre de l’article 7.2 du règlement « Bruxelles I bis », le lieu du dommage se situe en Pologne. Ce lieu où le fait dommageable s’est produit ne saurait être le centre des intérêts patrimoniaux de la victime. En effet, le seul fait que des conséquences financières affectent Mme [O] ne saurait être retenu. Les conséquences indirectes du dommage ne doivent pas être prises en compte, seul important le dommage direct. Le préjudice financier, c’est-à-dire l’atteinte subie par l’investisseur dans son patrimoine, revêt un caractère indirect par rapport à la perte des fonds qui s’est produite en Pologne, sur les comptes bancaires des destinataires des virements, lieu de survenance du dommage.

Par conséquent, le droit polonais s’applique aux demandes formées par Mme [O] à l’encontre de la BANKPOLSKI, dont la présente demande de communication de pièces.

Contrairement à ce que soutient la BANKPOLSKI, le fait que la défenderesse à l’incident se fonde exclusivement sur le droit français ne constitue pas une fin de non-recevoir. Il en résulte que la demande de communication de pièces est recevable.

Pour autant, sur le fond, alors que la BANKPOLSKI justifie du droit polonais qu’il lui est applicable en la matière, Mme [O] se contente de fonder sa demande de communication de pièces sur le droit français, sans discuter utilement les éléments qui lui sont opposés. En particulier, elle n’atteste nullement qu’au regard du droit polonais, la BANKPOLSKI aurait dû détenir envers ses clients, d’autres pièces que celles qu’elle a d’ores et déjà communiquées dans ses dernières conclusions au fond.

S’agissant de la communication des relevés de comptes, la défenderesse à l’incident justifie que ces pièces sont couvertes par le secret bancaire, en vertu du droit polonais, qui n’autorise sa levée que dans le cadre d’une enquête pénale.

La demande de communication de pièces sera par conséquent rejetée.

Sur les autres demandes :

Au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, Mme [O] sera condamnée au paiement de la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, non susceptible d’appel, publiquement et par mise à disposition au greffe,

Dit recevable la demande de communication de pièces sous astreinte formée par Mme [Z] [O] ;

La rejette sur le fond ;

Condamne Mme [Z] [O] aux dépens de l’incident, ainsi qu’à payer à la société de droit polonais POWSZECHNA KASA OSZCZEDNOSCI BANK POLSKI SPOLKA AKCYJNA la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état du 18 février 2025, 9h30, afin que Mme [Z] [O] conclue au fond.

La greffière Le juge de la mise en état


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