Interprétation des clauses d’exclusion en matière d’assurance face aux fermetures administratives liées à une crise sanitaire.

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Interprétation des clauses d’exclusion en matière d’assurance face aux fermetures administratives liées à une crise sanitaire.

L’Essentiel : La SARL OMAJ, exploitant le restaurant « LE CARROUSSEL », a subi des fermetures administratives dues à la Covid-19 et a demandé des indemnités à son assureur, la SA ALLIANZ IARD. Cette dernière a refusé de couvrir les pertes d’exploitation, entraînant une action en justice de la SARL OMAJ. Le tribunal de commerce a initialement jugé en faveur de la SARL OMAJ, mais la SA ALLIANZ IARD a interjeté appel. La cour d’appel a finalement infirmé le jugement, considérant que la clause d’exclusion était valide, déboutant ainsi la SARL OMAJ de ses demandes et condamnant celle-ci aux dépens.

Contexte de l’affaire

La SARL OMAJ exploite un fonds de commerce de restauration sous l’enseigne « LE CARROUSSEL » et est assurée par la SA ALLIANZ IARD via une police multirisque professionnelle. Le contrat, signé le 13 février 2019, inclut des dispositions particulières et une annexe Garantie « Compléments plus » qui couvre les pertes d’exploitation dues à une fermeture administrative, sauf en cas de violation délibérée des réglementations.

Fermetures administratives liées à la Covid-19

En réponse à la pandémie de Covid-19, le gouvernement français a imposé des fermetures administratives des restaurants, d’abord du 15 mars au 15 avril 2020, puis prolongées jusqu’au 15 juin 2020 et à nouveau du 29 octobre 2020 au 19 mai 2021. La SARL OMAJ a déclaré des sinistres à la SA ALLIANZ IARD pour ces périodes de fermeture, demandant des indemnités pour pertes d’exploitation.

Refus de l’assureur

La SA ALLIANZ IARD a refusé de couvrir les pertes d’exploitation, arguant que les conditions de la garantie n’étaient pas remplies. En conséquence, la SARL OMAJ a assigné la compagnie en justice pour obtenir le paiement des sommes dues.

Jugement du tribunal de commerce

Le tribunal de commerce de Paris a rendu un jugement le 20 décembre 2021, déclarant la garantie mobilisable et condamnant la SA ALLIANZ IARD à verser 265 977,39 euros à la SARL OMAJ, ainsi qu’une somme de 1 000 euros au titre des frais de justice. La compagnie a été déboutée de ses autres demandes.

Appel de la SA ALLIANZ IARD

La SA ALLIANZ IARD a interjeté appel le 10 janvier 2022, demandant l’infirmation du jugement et le déboutement de la SARL OMAJ de toutes ses demandes. Elle a soutenu que la fermeture administrative n’était pas applicable dans le contexte épidémique et que les conditions de garantie n’étaient pas remplies.

Arguments de la SARL OMAJ

En réponse, la SARL OMAJ a demandé la confirmation du jugement initial, affirmant que la garantie était applicable en raison des fermetures administratives imposées par les autorités. Elle a également contesté la validité de la clause d’exclusion invoquée par l’assureur.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a infirmé le jugement initial sur plusieurs points, notamment en ce qui concerne la validité de la clause d’exclusion. Elle a jugé que cette clause était très apparente, formelle et limitée, et a débouté la SARL OMAJ de toutes ses demandes. La cour a également condamné la SARL OMAJ aux dépens et à verser une indemnité à la SA ALLIANZ IARD.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de mise en œuvre de l’extension de garantie « pertes d’exploitation » dans le cadre de la fermeture administrative ?

La SARL OMAJ sollicite le bénéfice de la garantie complément « pertes d’exploitation » stipulée dans l’annexe « Complément Plus ». Selon l’article 1103 du Code civil, les contrats doivent être exécutés de bonne foi.

L’extension de garantie « pertes d’exploitation » est applicable en cas de fermeture administrative des professions alimentaires. Cette fermeture doit être totale, mais il n’est pas nécessaire qu’elle soit spécifique à l’établissement assuré.

Les arrêtés ministériels et décrets pris en réponse à la pandémie de Covid-19, tels que l’arrêté du 14 mars 2020, interdisent aux restaurants d’accueillir du public, ce qui constitue une fermeture administrative.

Ainsi, les conditions de mise en œuvre de l’extension de garantie sont réunies, car la SARL OMAJ a subi une perte d’exploitation due à cette fermeture administrative.

La clause d’exclusion de garantie est-elle opposable à la SARL OMAJ ?

La clause d’exclusion de garantie stipule que la perte de marge brute n’est pas couverte en cas de fermeture administrative « hors contexte épidémique ou pandémique ».

Selon l’article L. 112-4 du Code des assurances, une exclusion doit être « mentionnée en caractères très apparents ». La cour a jugé que la clause d’exclusion est rédigée en caractères gras, ce qui attire l’attention de l’assuré.

De plus, l’article L. 113-1 du même code précise que les exclusions doivent être formelles et limitées. La clause d’exclusion est considérée comme formelle car elle est claire et précise, ne laissant pas de place à l’ambiguïté.

Ainsi, la clause d’exclusion est opposable à la SARL OMAJ, car elle respecte les exigences de clarté et de visibilité imposées par la loi.

Quel est l’impact de la pandémie sur l’application de la garantie ?

La SARL OMAJ soutient que la clause d’exclusion ne peut être appliquée en raison du contexte pandémique. Cependant, la clause stipule explicitement que la garantie n’est pas due en cas de fermeture administrative « hors contexte épidémique ou pandémique ».

L’article L. 112-4 du Code des assurances impose que les exclusions soient claires et apparentes. La cour a jugé que la clause d’exclusion est valide et opposable, car elle est rédigée de manière à être facilement identifiable par l’assuré.

En conséquence, le contexte pandémique ne permet pas à la SARL OMAJ d’échapper à l’application de la clause d’exclusion, et la garantie ne peut être mobilisée dans ce cadre.

Comment la cour a-t-elle évalué la validité de la clause d’exclusion ?

La cour a évalué la validité de la clause d’exclusion en se basant sur les articles L. 112-4 et L. 113-1 du Code des assurances.

Elle a constaté que la clause d’exclusion était présentée en caractères très apparents, conformément à l’exigence de l’article L. 112-4. De plus, la clause a été jugée formelle et limitée, car elle ne laisse pas de place à l’ambiguïté et se réfère à des critères précis.

La cour a également noté que la clause d’exclusion ne vise pas à vider la garantie de sa substance, mais à limiter les cas dans lesquels la garantie s’applique.

Ainsi, la clause d’exclusion a été jugée valide et opposable à la SARL OMAJ, ce qui a conduit à l’infirmation du jugement de première instance.

RÉPUBLIQUE FRAN’AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 08 JANVIER 2025

(n° 2025/ 5 , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01113 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFBB7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 décembre 2021 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021042228

APPELANTE

S.A. ALLIANZ IARD, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 542 110 291

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L34, ayant pour avocat plaidant Me Matthieu PATRIMONIO de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P133

INTIMÉE

S.A.R.L. OMAJ, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 817 397 490

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Jimmy SERAPIONIAN de la SELEURL CHR-AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : B768

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 octobre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Madame FAIVRE, Présidente de Chambre

Monsieur SENEL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame CHAMPEAU-RENAULT dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Madame CHANUT

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Madame CHANUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*******

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL OMAJ exploite à [Localité 5] un fonds de commerce sous l’enseigne

« LE CARROUSSEL » dédié à l’activité de restauration/bar/brasserie.

Elle est assurée pour cette activité auprès de la SA ALLIANZ IARD selon une police multirisque professionnelle distribuée par la compagnie elle-même par l’intermédiaire d’agents ALLIANZ spécialisés dans le milieu H.C.R. (hôtel, café et restaurant).

Le contrat signé le 13 février 2019 est constitué des dispositions particulières n° 56287443, des dispositions générales COM16326 et de l’annexe Garantie « Compléments plus » Ref. COM 15150. Il est mentionné dans les dispositions particulières que le contrat est renouvelé par tacite reconduction, sauf dénonciation par l’une des parties moyennant un préavis de deux mois au moins avant la date d’échéance principale.

L’annexe Garantie « Compléments plus » comprend une extension de garantie « Pertes d’exploitation  » qui stipule :

« Nous garantissons, également, la perte de marge brute que vous pouvez subir du fait de l’interruption ou de la réduction de votre activité consécutive […] à une fermeture administrative pour les professions alimentaires hors contexte épidémique ou pandémique et hors cas de violation délibérée de votre part du code de travail et de la réglementation régissant les conditions d’exercice de votre profession, y compris sur l’hygiène et la sécurité des personnes (…) ».

L’assuré qui exerce une profession alimentaire bénéficie ainsi d’une garantie fermeture administrative qui couvre la perte de marge brute subie du fait de l’interruption ou de la réduction de son activité pendant une période de six mois.

Dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus de la Covid-19, le gouvernement français a pris une série de mesures réglementaires dont l’interdiction, pour les restaurants, de recevoir du public à compter du 15 mars 2020, jusqu’au 15 avril 2020, interdiction prorogée jusqu’au 15 juin 2020 et renouvelée du 29 octobre 2020 jusqu’au 19 mai 2021.

La compagnie ALLIANZ IARD a reçu, par courriers d’avocat, deux déclarations de sinistre accompagnées d’une demande de désignation d’expert et deux demandes d’acomptes accompagnées du calcul de la perte d’exploitation provisionnelle au titre des deux périodes de fermetures administratives.

La compagnie ALLIANZ IARD a opposé un refus considérant que les conditions de la garantie n’étaient pas réunies.

Par acte d’huissier de justice en date du 10 septembre 2021, la société OMAJ, régulièrement autorisée par le président du tribunal de commerce de Paris, a assigné à bref délai la SA ALLIANZ IARD aux fins de la voir condamnée à lui payer les sommes de :

– 157.519 euros au titre dela « fermeture administrative du 15 mars 2020 » ;

– 212.161 euros au titre de la « fermeture administrative du 29 octobre 2020 » ;

– 18.484 euros au titre des honoraires d’expert d’assuré.

Par jugement du 20 décembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

– dit la garantie offerte par l’annexe Garantie « Compléments plus » REF COM 15150 mobilisable ;

– condamné la SA ALLIANZ IARD à payer à la SARL à associé unique OMAJ la somme de 265 977,39 euros ;

– condamné la SA ALLIANZ IARD à payer à la SARL à associé unique OMAJ la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif ;

– condamné la SA ALLIANZ IARD aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 euros dont 11,60 euros de TVA.

Par déclaration électronique du 10 janvier 2022, enregistrée au greffe le

24 janvier 2022, la SA ALLIANZ IARD a interjeté appel.

Par conclusions récapitulatives d’appelante notifiées par voie électronique le 13 septembre 2024, la SA ALLIANZ IARD demande à la cour, au visa des articles L.112-4 et L.113-1 du code des assurances, de la jurisprudence, des pièces du dossier, de :

A TITRE PRINCIPAL :

– INFIRMER le jugement du 20 décembre 2021 en toutes ses disposition ;

STATUANT A NOUVEAU :

– débouter la société OMAJ de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

– la condamner aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 7 000 euros au profit de la société ALLIANZ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

A TITRE SUBSIDIAIRE

– juger que toute indemnité doit être fixée conformément aux dispositions contractuelles, sous déduction des aides octroyées et des économies de charges, en tenant compte de la situation et du chiffre d’affaires qui aurait étécelui de la société OMAJ « en l’absence du sinistre » ;

– juger que la garantie est encadrée dans un double plafond de 6 mois maximum et de

195 000 euros et rejeter toute demande excédant ces plafonds ;

– déduire de toute indemnité la franchise contractuelle de trois jours.

Par conclusions récapitulatives d’intimée notifiées par voie électronique le

4 août 2024, la SARL OMAJ demande à la cour, au visa des articles 6, 1103 et 1104, 1119, 1189, 1190, 1231-1 et 1231-6 du code civil, des articles L.112-4 et L.113-1 du Code des assurances, de l4arrêté ministériel du 14 mars 2020, du décret du 23 mars 2020 n° 2020-293 et le décret du 29 octobre 2020 n° 2020-1310, du jugement entrepris, de la jurisprudence versée et mentionnées dans les écritures, de :

– CONFIRMER le jugement en ce qu’il a :

* dit que la garantie offerte par l’annexe Garantie « Complément plus » ref COM 15150 est mobilisable ;

* jugé que la compagnie ALLIANZ IARD devait garantir le société OMAJ de ses pertes d’exploitation du fait de la fermeture administrative de son établissement par l’arrêté ministériel du 14 mars 2020 puis par le décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020 correspondent ;

* condamné la société ALLIANZ à indemniser la société OMAJ des pertes d’exploitation résultant de l’interruption totale ou partielle de son activité consécutive à l’évènement garanti « fermeture administrative » en relevant que l’exclusion qui doit être réputée non écrite pour une période maximale de 6 mois débutant le 15 mars 2020 pour le premier sinistre et débutant le 29 octobre 2020 pour le second sinistre jusqu’à retour à une exploitation normale ;

* débouté la compagnie ALLIANZ IARD à verser à la société OMAJ la somme de

1 000 euros au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens ;

* rejeté toutes les demandes de la compagnie ALLIANZ IARD ;

LE REFORMER POUR LE SURPLUS ET, STATUANT A NOUVEAU :

– dire et juger que l’article 1er de l’arrêté ministériel du 14 mars 2020 ainsi que l’article 40 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 visant directement les restaurants et débits de boissons leur interdisant d’accueillir du public correspondent bien à une décision de fermeture administrative ;

– dire et juger que les conditions les conditions de la garantie pertes d’exploitation du fait de la fermeture administrative sont remplies en ce que l4article 1er de l’arrêté ministériel du 14 mars 2020 visant directement les restaurants et débits de boissons leur interdisant d’accueillir du public ainsi que les Décrets n°2020-293 et n°2020-1310 respectivement des 23 mars et 29 octobre 2020 correspondent bien à des décisions de fermeture administrative et que la demanderesse exerce bien une profession alimentaire ;

– dire et juger que l’exclusion de garantie qui prévoit que cette garantie n’est due qu’ « hors contexte épidémique ou pandémique et hors cas de violation délibérée de votre part (ou de la part de la direction de l’entreprise, personne morale) du code du travail et de la règlementation régissant les conditions d’exercice de votre profession, y sur compris sur l’hygiène et la sécurité des personnes » ne peut valablement être opposée par l’assureur en ce qu’elle :

‘ n’est pas très apparente au sens des dispositions de l’article L. 112-4 du code des assurances ;

‘ doit être interprétée pour déterminer si les deux conditions de la clause d’exclusion, réunies par la conjonction « et » doivent être lues de manière cumulatives ou alternatives ;

‘ n’est pas limitée au sens de l’article L.113-1 du code des assurances dans sa deuxième branche en ce qu’elle fait état de « violation délibérée de votre part (ou de la part de la direction de l’entreprise, personne morale) du Code du travail et de la règlementation régissant les conditions d’exercice de votre profession, y compris sur l’hygiène et la sécurité des personnes », ce qui n’est pas limité ;

DIRE et JUGER que la garantie fermeture de l’établissement sur ordre des autorités s’étend sur une durée maximale de 6 mois pour chacun des deux sinistres ;

– condamner ALLIANZ I.A.R.D à verser à la société OMAJ la somme de 388 164 euros, décomposée comme suit :

* 157 519 euros au titre de la perte d’exploitation subie du fait de la première fermeture administrative du 15 mars 2020 ;

* 212 161 euros au titre de la perte d’exploitation subie du fait de la seconde fermeture administrative du 29 octobre 2020 ;

* 18 484 euros au titre des honoraires de l’expert d’assuré pris en charge par la police ;

– condamner la société ALLIANZ IARD à verser à la société OMAJ des dommages et intérêts consistant dans l’intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 25 juillet 2021 et ce jusqu’à l’exécution de la décision à intervenir ;

– condamner ALLIANZ I.A.R.D. à verser à la société OMAJ la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais de saisine du tribunal de commerce, les frais de signification de l’assignation introductive de la présente instance ainsi que les frais de signification de la décision à intervenir.

Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au soutien de son appel, la compagnie ALLIANZ sollicite l’infirmation du jugement faisant essentiellement valoir que :

* l’Annexe « Complément Plus » COM1550 prévoit’:

« Nous garantissons, également, la perte de marge brute que vous pouvez subir du fait de l’interruption ou de la réduction de votre activité consécutive :

– à un dommage matériel ayant donné lieu à indemnisation au titre d’une des garanties suivantes :

‘ « Vol »,

‘ « Bris de matériels électriques et/ou électroniques »,

– à une fermeture administrative pour les professions alimentaires hors contexte épidémique ou pandémique et hors cas de violation délibérée de votre part (ou de la part de la direction de l’entreprise, personne morale) du code du travail et de la réglementation régissant les conditions d’exercice de votre profession, y compris sur l’hygiène et la sécurité des personnes. La période d’indemnisation prise en considération pour la détermination de cette perte de marge brute est toujours fixée à 6 mois ».

– en l’espèce, la garantie n’est pas mobilisable faute de fermeture administrative des restaurants et, en toute hypothèse, celle-ci ne joue pas en contexte épidémique ou pandémique ;

– une interdiction de recevoir du public n’équivaut pas à une fermeture administrative ;

– l’intimée n’ignorait pas les risques de fermeture administrative auxquels un restaurant peut être exposé ; en l’espèce, celle-ci ne se prévaut d’aucune décision de fermeture administrative, se contentant de se référer aux arrêtés nationaux des 14 et 15 mars 2020, puis au décret du 29 octobre 2020 ; si les textes ont pu, de manière générale, interdire à la clientèle de prendre son repas en salle, il ne s’agit pas d’une décision susceptible d’avoir ordonné la fermeture administrative du restaurant de l’assurée ; les textes invoqués se sont cantonnés à restreindre (et non à interdire) l’accès à la salle du restaurant au public, mais en aucune manière ils n’ont imposé la fermeture, comme exigé par la police d’assurance ; la société OMAJ n’était donc pas dans l’obligation de fermer son établissement puisqu’elle aurait pu poursuivre son activité par la vente à emporter et la livraison chez ses clients ; la cour infirmera donc le jugement de ce chef et dira en conséquence que cette condition de garantie (fermeture administrative) n’est pas remplie ;

– en admettant, pour les seuls besoins de la discussion, que soit rapportée l’existence d’une décision administrative qui aurait ordonné la fermeture des restaurants, cette décision ne répond pas à la condition posée par la clause selon laquelle celle-ci devrait viser spécifiquement l’établissement assuré ;

– la clause d’exclusion respecte en tous points les dispositions de l’article L.112-4 du code des assurances ; la version d’avril 2011 de l’Annexe n’est plus d’actualité depuis décembre 2012, époque à laquelle elle a été remplacée par une nouvelle version V12/12 ‘ Imp09/12 ; il n’y a donc aucun débat à ce titre : l’assurée a nécessairement eu communication d’une version récente de l’Annexe et le fait d’invoquer uniquement celle de 2011, qu’elle considère (à tort) plus favorable à ses intérêts, révèle une attitude déloyale ; c’est la version 2017 de l’Annexe qui a été remise à l’assurée nonobstant le constat d’huissier produit par la société OMAJ ;

– en tout état de cause, l’exclusion est suffisamment apparente quelle que soit la version de l’Annexe applicable ; en effet, la branche de la clause dont ALLIANZ se prévaut figure de manière très apparente dans l’Annexe puisque celle-ci se détache naturellement du corps de la stipulation définissant la garantie par l’adoption de caractères gras, et figure immédiatement à la suite de l’extension de garantie ; l’assurée, qui plus est professionnelle, ne peut nier le fait qu’elle en a eu connaissance puisque l’exclusion, en gras, est rédigée immédiatement à la suite de la garantie qu’elle invoque, et non pas dans un titre autonome qui se trouverait plusieurs pages après la garantie et qui donnerait lieu à des renvois et à une lecture complexe ; elle a donc nécessairement pris connaissance de l’exclusion en lisant la clause de garantie ;

– la société OMAJ, qui indique avoir subi des pertes d’exploitation du fait des mesures nationales prises pour lutter contre la propagation du Covid-19, ne conteste pas la matérialité du contexte épidémique ou pandémique ; or, la garantie invoquée est exclue dans le contexte pandémique, ce qu’elle savait d’ailleurs parfaitement au regard de la tardiveté de son action ;

– subsidiairement au fond, le quantum de la demande est injustifié en ce qu’il repose sur des documents dénués de toute valeur probante, sur la base d’une période erronée, et ne prenant pas en compte les tendances générales d’activité, ni les aides reçues et les économies de charges.

La SARL OMAJ, intimée, sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a considéré que la garantie est acquise pour les deux sinistres et que la clause d’exclusion est inapplicable, et sollicite sa réformation s’agissant du quantum, faisant essentiellement valoir que :

– l’extension de garantie « pertes d’exploitation » est acquise, parce qu’elle exerce une « profession alimentaire » et a subi des pertes d’exploitation du fait des décisions administratives prises par le gouvernement pour lutter contre l’épidémie de Covid 19, qui ont ordonné la fermeture de son établissement ;

– le débat sur la question de la fermeture administrative des restaurants est aujourd’hui balisé puisque la cour de céans, à l’instar des autres cours d’appel, juge avec constance que les restaurateurs ont fait l’objet d’une fermeture administrative du fait des arrêtés et décrets de 2020 ayant imposé la fermeture des établissements non essentiels ; le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a jugé la garantie ‘fermeture administrative’ acquise ;

– l’assureur n’a pas indiqué dans les conditions particulières la version applicable de l’Annexe « Complément Plus » réf. : COM15150 ; il n’a d’ailleurs jamais été indiqué à l’assurée qu’il existait différentes versions de cette annexe ; or, il appartient à l’assureur de justifier de la version remise et non l’inverse ; elle fait valoir, constat d’huissier à l’appui, que l’agent ALLIANZ lui a bien remis l’annexe produite référencée COM15150 et paginée dans sa version V04/11 ; les agents d’assurance de la compagnie distribuent habituellement l’annexe litigieuse dans sa version V04/11, nonobstant la prétendue impossibilité arguée par la compagnie ; il s’agit en tout état de cause d’un nouveau moyen de défense non soulevé par l’assureur en première instance ce qui est révélateur d’une certaine mauvaise foi ;

– bien que la clause d’exclusion soit écrite en gras, elle n’est pas très apparente au sens de l’article L.112-4 du code des assurances ;

– de plus, cette clause d’exclusion ne respecte pas les dispositions de l’article L. 113-1 du code des assurances ; elle est donc inopposable à l’assuré, puisque :

* elle comprend la conjonction de coordination « et » qui peut être lue de deux manières et nécessite donc d’être interprétée pour savoir si les deux conditions de l’exclusion réunies par le « et » sont alternatives ou cumulatives ; dès lors, il n’y a pas à en interpréter le sens, ni a fortiori à choisir l’interprétation restrictive de l’assureur ;

* la seconde partie de la clause d’exclusion n’est pas limitée la rendant inapplicable pour le tout ; en l’espèce, peu importe que l’assureur se fonde sur la 1ère partie de la clause d’exclusion, puisque si la clause n’est pas formelle et limitée, même en partie, elle est inapplicable pour le tout ; la clause d’exclusion, qu’on la considère comme autonome ou comme comprenant deux conditions cumulatives, n’est ni formelle ni limitée et doit donc être écartée en application de l’article L.113-1 du code des assurances ;

– l’indemnité d’assurance qui doit lui être versée se décompose en trois parties’:

* la perte d’exploitation subie du fait de la fermeture administrative telle que garantie par la police pendant une durée maximale de 6 mois par sinistre, les frais d’expert tels que garantis par la police et les dommages et les intérêts au taux d’intérêt légal depuis la mise en demeure ;

* pour la première période de fermeture administrative, allant du 15 mars au

15 septembre 2020′: la perte d’exploitation est de 157 519 euros ;

* pour la seconde période, débutant au 29 octobre 2020 et arrêtée au 29 avril 2021′: la perte d’exploitation est de 212 161 euros ; outre la somme de 18 484 euros au titre de l’indemnité forfaitaire honoraires d’expert d’assuré.

Sur ce,

Sur les conditions de mise en oeuvre de l’extension de garantie ‘complément pertes d’exploitation’

Selon le préambule de la police, le contrat souscrit par la SARL OMAJ est composé des documents suivants :

– les dispositions générales du contrat ALLIANZ ProfilPro (Assurance multirisque des biens et des responsabilités -Professionnels) regroupant l’ensemble des règles communes à tous les contrats, définissant la nature et l’étendue des garanties, ainsi que les montants de garanties et de franchises, dispositions référencées COM16326 (comportant 98 pages incluant le lexique) ;

– des dispositions particulières n° 56287443, signées le 13 février 2019 (5 pages) qui adaptent le contrat à la situation personnelle de l’assurée, et qui précisent en particulier les garanties, extensions, options et franchises choisies, et qui prévalent sur les dispositions générales en cas de contradiction entre elles ;

– des annexes dont mention est faite aux dispositions particulières définissant des garanties spécifiques, soit en l’espèce l’Annexe garanties ‘Complément Plus’, qui font partie intégrante du contrat et constituent la loi des parties.

La SARL OMAJ sollicite le bénéfice de la garantie complément « pertes d’exploitation » qualifiée d’extension de garantie, résultant de l’Annexe Garanties ‘Complément Plus’, extension mobilisable « en cas de fermeture administrative pour les professions alimentaires ».

Vu l’article 1103 du code civil, dans sa rédaction postérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;

L’extension de garantie dénommée Complément « Pertes d’exploitation », stipulée au sein de l’annexe « Complément Plus » pour « une fermeture administrative » des « professions alimentaires » est la déclinaison de la garantie « pertes d’exploitation » du fait de l’interruption ou de la réduction de l’activité, figurant parmi les garanties « Protection financière ».

Les pertes d’exploitation alléguées pour l’établissement assuré sont consécutives à l’un des événements garantis, stipulés dans l’annexe garanties « Complément plus », à savoir « une fermeture administrative pour les professions alimentaires».

C’est précisément la fermeture de l’établissement, exerçant les activités déclarées auprès de l’assureur, de bar, café, brasserie qui caractérise la perte d’exploitation revendiquée, objet de la garantie.

Contrairement aux conditions générales, la garantie ‘Complément plus’ ne contient aucune précision quant aux circonstances pouvant donner lieu à une fermeture administrative au sens du contrat, de sorte qu’il existe un doute quant à la commune intention des parties concernant la portée de cette clause.

La fermeture de l’établissement requise par l’extension de garantie revendiquée exige une fermeture totale de l’établissement.

La cour ne peut cependant suivre ALLIANZ lorsqu’elle soutient que l’extension de garantie ne peut être mobilisée parce qu’aucune décision n’a spécifiquement visé l’établissement assuré et lorsqu’elle invoque à l’appui de sa démonstration les termes dans lesquelles la clause d’exclusion est rédigée.

En effet, le fait que la clause invoquée envisage l’interruption ou la réduction de l’activité de l’assuré sous le vocable « votre activité » et la fermeture administrative des « professions alimentaires », et que les clauses d’exclusion envisagent le « contexte épidémique ou pandémique » ou un « cas de violation délibérée […] du code du travail ou de la réglementation régissant « l’exercice » de la profession de l’assuré, ne signifient pas que la police n’a vocation à garantir qu’une fermeture imposée de façon individuelle et à raison des risques propres à l’exploitation du restaurant et non des hypothèses de fermetures collectives d’établissements, sauf à rajouter une condition à la clause en question, qui envisage uniquement une extension de garantie pertes d’exploitation à la perte de marge brute et/ou à l’engagement de frais supplémentaires d’exploitation subis

du fait de l’interruption ou de la réduction de l’activité, consécutifs à la fermeture administrative des « professions alimentaires », sans autre condition.

Contrairement à ce que soutient ALLIANZ, il n’est pas démontré que les parties ont uniquement entendu couvrir un évènement localisé affectant spécifiquement l’établissement assuré.

L’interruption de l’activité exercée doit être totale mais sans qu’il soit exigé que cette interruption soit spécifique à l’établissement où s’exerce l’activité déclarée à l’assureur.

En l’espèce, l’arrêté du ministre des solidarités et de la santé du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19 édicte notamment des mesures concernant les établissements recevant du public parmi lesquels figurent les restaurants et débits de boissons, qui ne peuvent plus accueillir du public jusqu’au 15 avril 2020.

Si cet arrêté autorise les établissements de cette catégorie à maintenir leurs activités de vente à emporter et de livraison, il résulte de sa motivation que le respect des règles de distance dans les rapports interpersonnels étant l’une des mesures les plus efficaces pour limiter la propagation du virus, afin de favoriser leur observation, il y avait lieu de ‘fermer les lieux accueillant du public non indispensables à la vie de la Nation, tels que les cinémas, bars ou discothèques’et ‘qu’il en va de même des commerces à l’exception de ceux présentant un caractère indispensable comme les commerces alimentaires, pharmacies, banques, stations-services ou de distribution de la presse’.

Ces établissements étant ainsi énumérés de manière non exhaustive, il y a lieu d’y inclure les restaurants et débits de boisson, objets des mesures concernant les établissements recevant du public édictées par l’arrêté en question, reprenant en cela les catégories mentionnées à l’article GN1 de l’arrêté du 25 juin 1980.

Le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et le décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 ont également conduit à la fermeture d’un certain nombre d’établissements ‘non essentiels à la vie de la Nation’, pour faire face à l’épidémie de Covid-19, en édictant l’interdiction de déplacements à l’exception de ceux pour motifs impérieux et la possibilité pour les autorités du département d’interdire ou restreindre les activités de restauration.

Si les restaurants et débits de boissons ne pouvaient ainsi plus accueillir du public, dans un premier temps jusqu’au 15 avril 2020, une exception était prévue pour leurs activités de livraison ou de vente à emporter, le ‘room service’ des restaurants et bars d’hôtels et la restauration sous contrat. En outre, l’exercice des activités de livraison, vente à emporter et de « room service » des restaurants n’était manifestement qu’une simple possibilité offerte aux restaurants et débits de boissons, nonobstant la fermeture du restaurant à l’accueil du public qui a pour activité la restauration sur place impliquant nécessairement l’accueil du public.

Ces interdictions ont été renouvelées pour la période du 30 octobre 2020 au

15 décembre 2020 non inclus (décret du 29 octobre 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire), puis du 3 avril 2021 au 3 mai 2021 (troisième confinement national, selon décret du 2 avril 2021, puis à partir du 19 mai, réouverture des terrasses des bars et restaurants, et à partir du 9 juin, réouverture en intérieur des cafés et restaurants, avec des tables de 6 personnes maximum).

La cour ne peut suivre ALLIANZ lorsqu’elle déduit de la faculté laissée aux restaurants de pratiquer de la vente à emporter et de la livraison durant ces périodes, l’absence de fermeture, au sens du contrat.

Contrairement à ce que soutient ALLIANZ, le fait que l’autorité préfectorale puisse fermer un établissement ne respectant pas la réglementation édictée pour lutter contre la propagation de la Covid-19 ne démontre pas pour autant que les établissements n’étaient pas fermés. Il s’agissait simplement de laisser au préfet le pouvoir de sanctionner un établissement faisant usage de la possibilité de faire de la vente à emporter, qui n’aurait pas respecté les règles notamment de distanciation destinées à lutter contre la propagation du virus Covid-19.

Les décisions précitées ont été prises au visa notamment de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique qui donne compétence au ministre chargé de la santé de prescrire toute mesure proportionnée aux risques courus du fait d’une menace sanitaire grave.

Il n’est pas contesté que le ministre de la santé, mais aussi le préfet de police, décisionnaires, sont des autorités administratives au sens du contrat.

Il s’en déduit qu’il s’agissait de fermetures administratives au sens dudit contrat.

Les conditions de mise en oeuvre de l’extension de garantie au profit de la société intimée jugée recevable et fondée en sa demande apparaissent ainsi réunies dès lors qu’au regard de l’activité déclarée à son assureur (bar, café, brasserie), et de l’objet de l’assurance souscrite (multirisque professionnelle des restaurateurs), elles entrent dans la catégorie d’établissement accueillant du public visée par les mesures en question, sous réserve de la mise en jeu de la clause d’exclusion invoquée à titre subsidiaire par ALLIANZ, qui sera examinée ci-dessous.

Sur la clause d’exclusion de la garantie

Vu les articles L. 113-1, al. 1 et L. 112-4, dernier alinéa du code des assurances ;

La clause d’exclusion revendiquée par la compagnie ALLIANZ est ainsi rédigée :

« Nous garantissons, également, la perte de marge brute que vous pouvez subir du fait de l’interruption ou de la réduction de votre activité consécutive […] à une fermeture administrative pour les professions alimentaires hors contexte épidémique ou pandémique et hors cas de violation délibérée de votre part du code de travail et de la réglementation régissant les conditions d’exercice de votre profession, y compris sur l’hygiène et la sécurité des personnes (…) ».

(en noir et en gras dans le texte).

Le tribunal de commerce a jugé que cette clause d’exclusion ne satisfait pas aux exigences des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 112-4 du code des assurances et a dit, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les conditions de l’article L. 113-1 du même code, que la garantie est mobilisable. En conséquence, il a condamné la compagnie ALLIANZ à indemniser son assurée.

Sur la version de l’Annexe Garantie ‘Complément Plus’ applicable au litige

Les parties sont contraires s’agissant de la version de l’Annexe Garantie ‘Complément Plus’ applicable au litige.

Aucune mention relative à la version de l’Annexe applicable ne figure dans les conditions particulières et la compagnie ne rapporte pas suffisamment la preuve d’une transmission à l’assurée de cette annexe dans sa version 2017.

En conséquence, l’assureur échouant à démontrer non seulement que son assurée en a eu connaissance, mais aussi qu’elle les a acceptées, c’est l’Annexe Garanties ‘Complément Plus’ (4 pages) dans sa version V04/11 invoquée par l’assurée qui sera déclarée applicable au cas particulier.

Sur le caractère apparent de la clause d’exclusion

Aux termes de l’article L. 112-4 du code des assurances, une exclusion, pour pouvoir être valable, doit être « mentionnée en caractères très apparents ».

Une clause d’exclusion figure en caractères très apparents dès lors qu’elle est présentée de manière à attirer spécialement l’attention de l’assuré.

En l’espèce, le caractère très apparent de la clause litigieuse est contesté par l’assurée.

Il est rappelé qu’il a été préalablement décidé que c’est la version V04/11 qui est applicable au litige.

La clause d’exclusion insérée à cette version répond à l’exigence de lisibilité renforcée de l’article L.112-4 du code des assurances. Elle y apparait de façon très apparente, dans la mesure, où contrairement au reste du texte, elle est rédigée intégralement en caractères gras. Elle se détache sans équivoque du corps de la stipulation définissant l’extension de garantie et figure immédiatement à la suite de la clause d’extension de la garantie attirant ainsi particulièrement l’attention de l’assurée, qui plus est professionnelle en matière alimentaire, sur la teneur exacte de cette clause.

Le fait que d’autres exclusions du contrat sont précédées de la mention ‘Exclusion(s)’ rédigée en plus gros caractères, ou d’une autre couleur ne prive pas pour autant la clause litigieuse du caractère très apparent dont elle bénéficie du fait de l’usage du caractère gras juste à la suite de l’extension de garantie.

En conséquence, la cour considère que la clause d’exclusion figurant dans l’annexe « Complément Plus » a un caractère très apparent et remplit les critères de validité de l’article L.112-4 du codes des assurances. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le caractère formel et limité de la clause d’exclusion

Compte tenu des termes de leur décision, les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le caractère formel et limité de la clause d’exclusion litigieuse.

Vu l’article L. 113-1 du code des assurances qui dispose :

« Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré ».

Le caractère formel d’une clause d’exclusion doit s’apprécier par rapport à la clarté des termes et des critères d’application qu’elle comprend et non par rapport aux clauses définissant l’objet de la garantie ou encore des conditions de garantie.

Pour être formelle, la clause d’exclusion de garantie doit être claire, précise et sans ambiguïté aucune. Elle ne doit pas être sujette à interprétation.

La clause d’exclusion est limitée lorsqu’elle se réfère à des critères précis et limitativement énumérés afin de ne pas vider la garantie de sa substance. À l’inverse, sont valables les clauses d’exclusion qui viennent seulement limiter, et non supprimer, la garantie du risque. Il incombe à l’assuré, pour démontrer que la clause n’est pas limitée, de prouver qu’après son application, elle ne laisse subsister qu’une garantie dérisoire.

Sur le caractère formel de la clause d’exclusion

L’intimée invoque le caractère ambigu de la clause.

Le fait que la garantie « complément plus » comporte une clause d’exclusion alors que les conditions générales n’en comportent pas est une extension de garantie. Il n’y a donc pas d’ambiguïté sur ce point.

En outre, la clause se lit nécessairement comme visant deux situations distinctes et autonomes donc deux cas d’exclusion, et non comme édictant deux conditions cumulatives, à savoir d’une part le « contexte épidémique ou pandémique », et d’autre part « la violation délibéré [de la part de l’assuré ou de la direction de l’entreprise, personne morale] du code du travail et de la réglementation régissant les conditions d’exercice de [sa] profession, y compris sur l’hygiène et la sécurité des personnes », hypothèses qui se rattachent l’une et l’autre à une fermeture administrative pour les professions alimentaires. Ainsi, la disposition contractuelle ne procède à aucune énumération mais prévoit deux cas d’exclusion parfaitement indépendants l’un de l’autre , ainsi qu’en atteste très clairement la répétition de la préposition « hors », la conjonction « et » n’étant pas destinée à introduire une notion de cumul mais à distinguer les deux situations. Les termes employés dans chacun des cas relèvent d’un langage courant ne nécessitant pas une mise en forme supplémentaire pour en comprendre le sens et la portée, quand bien même elle n’a pas été rédigée exactement dans le même style que les clauses d’exclusions mentionnées dans les conditions générales.

La clause est ainsi formelle.Les moyens soulevés pour contester le caractère formel de la clause d’exclusion relative à l’épidémie et à la pandémie ne sont pas établis, cette clause étant dénuée de toute ambiguïté et ne nécessitant aucune interprétation.

En outre, l’interdiction d’accès au public dans les restaurants, constituant une fermeture administrative au sens du contrat d’assurance, est bien intervenue dans un contexte pandémique, au sens d’une épidémie s’étendant sur un ou plusieurs continents. Le terme utilisé, qui ne relève pas du vocabulaire spécialisé de l’assurance, ne prête à aucun contre-sens, est compréhensible et dépourvu de toute équivoque, par un assuré, au surplus professionnel dans le domaine alimentaire.

Sur le caractère limité de la clause d’exclusion de garantie

La SARL OMAJ fait ensuite valoir que la clause d’exclusion de garantie n’est pas limitée puisqu’elle exclue toute « violation délibérée {‘} du code du travail et de la réglementation régissant les conditions d’exercice de votre profession, y compris sur l’hygiène et la sécurité des personnes. » ce qui apparait à tout le moins général, imprécis et vague, la rendant ainsi inapplicable pour le tout.

Cependant, en présence de deux situations distinctes, l’exclusion afférente au « contexte épidémique ou pandémique » qui est seule applicable au cas d’espèce, est parfaitement formelle et limitée et ne tend pas à vider la garantie de sa substance, de telle sorte que sa validité ne saurait être remise en cause.

En conséquence, la clause d’exclusion litigieuse est opposable à la SARL OMAJ.

La SARL OMAJ sera donc déboutée de sa demande relative à l’inopposabilité de la clause d’exclusion et par voie de conséquence, de l’ensemble de ses demandes relatives au calcul de l’indemnité due et à une mesure d’expertise judiciaire.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le tribunal a condamné SA ALLIANZ IARD à payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 euros dont 11,60 euros de TVA.

Compte tenu de l’issue du litige, le jugement est infirmé sur ces points.

Partie perdante, en cause d’appel la SARL OMAJ sera condamnée aux dépens et à payer à la société ALLIANZ, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 5 000 euros.

Elle sera déboutée de sa propre demande formée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu’il a :

– dit la garantie offerte par l’annexe Garantie « Compléments plus » REF COM 15150 mobilisable ;

– condamné la SA ALLIANZ IARD à payer à la SARL à associé unique OMAJ la somme de 265 977,39 euros ;

– condamné la SA ALLIANZ IARD à payer à la SARL à associé unique OMAJ la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SA ALLIANZ IARD aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 euros dont 11,60 euros de TVA.

Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que c’est l’Annexe Garanties ‘Complément Plus’ dans sa version V04/11 qui est applicable ;

Dit que les conditions de mise en oeuvre de l’extension de garantie au profit de la SARL OMAJ sont réunies ;

Dit cependant que la clause d’exclusion de garantie invoquée par la compagnie ALLIANZ IARD est valide et opposable à l’assurée, la SARL OMAJ, en ce qu’elle est très apparente, formelle et limitée ;

Déboute la SARL OMAJ de l’ensemble de ses demandes ;

Rappelle que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;

Condamne la SARL OMAJ aux entiers dépens et à payer à la compagnie ALLIANZ IARD, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 5 000 euros ;

Déboute la SARL OMAJ de sa propre demande formée de ce chef ;

Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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