Clause d’exigibilité contestée : portée d’une transaction sur les droits des emprunteurs

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Clause d’exigibilité contestée : portée d’une transaction sur les droits des emprunteurs

L’Essentiel : La BANQUE POPULAIRE RIVES DE [Localité 5] a accordé un prêt immobilier de 306 125 euros à M. [V] et Mme [F] en janvier 2022. Cependant, suspectant des falsifications dans les relevés de compte, la banque a déposé plainte en mars 2022 et a clôturé les comptes des emprunteurs. En juillet, elle les a assignés en justice pour récupérer le montant dû. Un protocole d’accord a été homologué en avril 2023, interdisant toute action future. En mars 2024, les emprunteurs ont contesté la clause d’exigibilité immédiate, mais le tribunal a déclaré leurs demandes irrecevables, les condamnant à payer des frais de justice.

Contexte de l’affaire

La BANQUE POPULAIRE RIVES DE [Localité 5] a consenti un prêt immobilier de 306 125 euros à M. [V] et Mme [F] le 14 janvier 2022 pour l’acquisition d’un bien immobilier. Cependant, la banque a déposé plainte le 23 mars 2022, suspectant que les relevés de compte fournis par les emprunteurs étaient falsifiés.

Actions de la banque

Suite à cette plainte, la banque a prononcé la clôture immédiate des comptes des emprunteurs par lettre recommandée le 6 avril 2022, ainsi que la déchéance du terme des prêts, les mettant en demeure de rembourser les sommes dues. Le 8 juillet 2022, la banque a assigné M. [V] et Mme [F] devant le tribunal judiciaire d’Évry Courcouronnes pour obtenir le paiement du solde du prêt.

Protocole d’accord

Les parties ont conclu un protocole d’accord en février 2023, qui a été homologué par le tribunal le 20 avril 2023, lui conférant force exécutoire. Ce protocole stipule que les parties renoncent à toute action en justice liée au prêt.

Demande des emprunteurs

Le 8 mars 2024, M. [V] et Mme [F] ont assigné la banque, contestant la clause d’exigibilité immédiate du prêt, qu’ils considèrent comme abusive. Ils demandent également des dommages-intérêts pour préjudice financier et moral, ainsi que des frais de justice.

Arguments des emprunteurs

Les emprunteurs soutiennent que la déchéance du terme n’a pas été valablement prononcée et que la clause de résiliation est abusive, car elle repose sur des critères non définis et laisse croire à une absence de contestation possible. Ils affirment que la banque n’a pas suffisamment justifié les accusations de faux documents.

Réponse de la banque

La banque a demandé que M. [V] et Mme [F] soient déclarés irrecevables dans leurs demandes, invoquant la transaction signée qui interdit toute action en justice relative au prêt. Elle a également réclamé des frais irrépétibles.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué que M. [V] et Mme [F] étaient irrecevables dans leurs demandes, en raison de la renonciation à toute action en justice stipulée dans le protocole d’accord. Ils ont été condamnés à payer 1 000 euros à la banque au titre des frais de justice.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de la transaction en matière de litige judiciaire ?

La transaction, selon l’article 2052 du Code civil, constitue un accord par lequel les parties mettent fin à un litige en s’engageant à renoncer à toute action en justice ayant le même objet.

Cet article stipule que :

« La transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet. »

Dans le cas présent, M. [V] et Mme [F] ont signé un protocole d’accord qui, selon l’article VI de ce dernier, les engage à renoncer à introduire ou poursuivre toute instance ou action relative au prêt consenti.

Ainsi, leur demande visant à déclarer abusive la clause d’exigibilité du prêt est directement liée à l’objet de la transaction, ce qui rend leur action irrecevable.

Il est donc établi que la transaction a un effet contraignant sur les parties, empêchant toute contestation ultérieure sur les points déjà réglés par cet accord.

Quelles sont les conséquences de la déchéance du terme dans un contrat de prêt ?

La déchéance du terme, prévue par l’article 313-12 du Code de la consommation, permet au prêteur de déclarer immédiatement exigible la totalité des sommes dues en cas de manquement de l’emprunteur à ses obligations.

Cet article précise que :

« En cas de manquement de l’emprunteur à ses obligations, le prêteur peut, après mise en demeure, déclarer la totalité des sommes dues immédiatement exigibles. »

Dans cette affaire, la banque a prononcé la déchéance du terme en raison de la remise de faux documents par les emprunteurs.

Cependant, M. [V] et Mme [F] contestent la validité de cette déchéance, arguant que le motif allégué est fallacieux et que la clause d’exigibilité immédiate est abusive.

Ils soutiennent que la clause ne précise pas les conditions dans lesquelles la déchéance peut être prononcée, ce qui pourrait la rendre inopposable.

Il est donc essentiel d’examiner si la clause respecte les exigences de clarté et de transparence imposées par le droit de la consommation.

Comment se prononce le juge sur la recevabilité des demandes en fonction de la transaction ?

Le juge, en application de l’article 122 du Code de procédure civile, peut déclarer une partie irrecevable en sa demande si celle-ci est fondée sur un droit d’agir qui n’existe pas.

Cet article stipule que :

« Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir. »

Dans le cas présent, la banque a soulevé une fin de non-recevoir en raison de la transaction signée par les parties.

Le tribunal a constaté que M. [V] et Mme [F] avaient renoncé à toute action relative au prêt, ce qui a conduit à leur irrecevabilité.

Ainsi, le juge a fait droit à la demande de la banque, confirmant que la transaction avait bien pour effet d’interdire toute contestation ultérieure sur les points déjà réglés.

Quelles sont les implications des frais irrépétibles dans le cadre de cette procédure ?

Les frais irrépétibles, régis par l’article 700 du Code de procédure civile, permettent à une partie de demander le remboursement des frais exposés pour la défense de ses droits.

Cet article dispose que :

« Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, le tribunal a condamné M. [V] et Mme [F] à payer à la banque une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700.

Cela signifie que, bien que les emprunteurs aient été déclarés irrecevables, ils sont néanmoins tenus de rembourser les frais engagés par la banque pour leur défense.

Cette disposition vise à garantir que les parties ne subissent pas de pertes financières en raison de la nécessité de défendre leurs droits en justice.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies délivrées le 14/01/2025
A Me HUPIN
Me BEREST

9ème chambre 2ème section

N° RG 24/03375 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4IK6

N° MINUTE :

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 14 Janvier 2025

DEMANDEURS

Madame [H] [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Maude HUPIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #G0625

Monsieur [J] [V]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Maude HUPIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #G0625

DEFENDERESSE

Société BANQUE POPULAIRE RIVES DE [Localité 5] Société Anonyme Coopérative de Banque Populaire à capital variable, régie par les articles L 512-2 et suivants du Code Monétaire et Financier et l’ensemble des textes relatifs aux Banques Populaires et aux établissements de crédit – inscrite au RCS de PARIS sous le N° 552.002.313, dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualités audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 2]

représentée par Maître Justin BEREST de la SELEURL JB AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0538

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Monsieur Gilles MALFRE, Premier Vice-président adjoint,

assisté de Madame Camille CHAUMONT, Greffière

DEBATS

A l’audience sur incident du 12 novembre 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 14 Janvier 2025.

ORDONNANCE

Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

Suivant une offre acceptée le 14 janvier 2022, la BANQUE POPULAIRE RIVES DE [Localité 5] a consenti à M. [V] et Mme [F] un prêt immobilier d’un montant de 306 125 euros, destiné à l’acquisition d’un bien situé [Adresse 1] à [Localité 4] (91).

Le 23 mars 2022, la banque a déposé plainte auprès du procureur de la République de ce tribunal, estimant que les relevés de compte produits pas les emprunteurs à l’appui de leur demande de prêt étaient des faux.

Par LRAR du 6 avril 2022 adressée à chaque emprunteur, la banque, faisant référence à un comportement gravement répréhensible, a prononcé la clôture immédiate du compte de dépôt des clients, ainsi que la déchéance du terme de deux prêts, dont celui susvisé, avec mise en demeure de régler les sommes dues.

Par acte du 8 juillet 2022, la banque a fait assigner M. [V] et Mme [F] devant le tribunal judiciaire d’Évry Courcouronnes, afin qu’ils soient solidairement condamnés à lui payer le solde du prêt du 14 janvier 2022.

Les parties ont conclu un protocole d’accord les 13 et 15 février 2023. Toutes deux représentées par un avocat, elles ont sollicité par conclusions l’homologation de ce protocole. Par jugement du 20 avril 2023, le tribunal judiciaire d’Évry Courcouronnes a homologué cet accord, lui donnant force exécutoire.

Par acte du 8 mars 2024, M. [V] et Mme [F] ont fait assigner la BANQUE POPULAIRE RIVES DE [Localité 5] devant ce tribunal, afin que, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la clause d’exigibilité immédiate du prêt dont se prévaut la banque soit jugée abusive et donc non-écrite et non opposable, qu’il soit ordonné la poursuite de l’offre de prêt dans les termes initialement conclus et que la banque soit condamnée à leur payer la somme de 15 000 euros au titre du préjudice financier, celle de 5 000 euros au titre du préjudice moral, outre la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils estiment que la déchéance du terme n’a pas valablement été prononcée, alors que le motif allégué, la remise de faux documents, est fallacieux et mensonger, et que dès lors, la créance de la banque n’est pas exigible.

Ils ajoutent que doit être considérée comme abusive une clause de résiliation qui, sans être étrangère au manquement par l’emprunteur à son obligation principale, se rapporte à des informations sans lien avec l’appréciation par le prêteur du risque de défaillance de l’emprunteur. Ils en concluent qu’une clause de résiliation pour inexactitude d’un renseignement dont le caractère substantiel n’est pas clairement défini et sans que le consommateur puisse recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme est abusive.

Or, les demandeurs considèrent qu’en l’espèce, telle que rédigée, la clause invoquée par la banque l’autorise à prononcer la déchéance du terme sur la base d’un prétendu manquement soumis à sa seule appréciation et laissant croire aux emprunteurs, profanes, que cette décision n’est pas contestable.

Ils rappellent que la clause litigieuse ne précise pas quelles falsifications de documents ou faux documents fournis ayant concouru à l’octroi d’un crédit peut aboutir à la déchéance du terme, outre que cette déchéance du terme a été prononcée sans interroger préalablement les emprunteurs sur les prétendus faux documents.

Par conclusions d’incident du 7 novembre 2024, la banque demande au juge de la mise en état de déclarer M. [V] et Mme [F] irrecevables en leurs demandes, sollicitant qu’ils soient solidairement condamnés à lui payer la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par conclusions d’incident du 9 septembre 2024, M. [V] et Mme [F] s’opposent à cette fin de non-recevoir et entendent que la banque soit condamnée à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la fin de non-recevoir tirée de la transaction :

En application de l’article 122 du code procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Par ailleurs, il résulte de l’article 2052 du code civil que la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet.

L’article VI du protocole d’accord signé par les parties, à la suite de l’assignation délivrée par la banque le 8 juillet 2022, rappelle que les parties s’engagent à renoncer à introduire ou poursuivre toute instance ou action, de quelque nature que ce soit, devant toutes juridictions (de l’ordre administratif ou judiciaire), instances ou organismes, trouvant son fondement, son objet ou sa cause dans le prêt consenti à M. [V] et Mme [F].

Il est rappelé que M. [V] et Mme [F], alors représentés par un avocat, ont sollicité du tribunal judiciaire d’Évry Courcouronnes l’homologation de cet accord, afin de lui donner force exécutoire.

Contrairement à ce que semblent soutenir les défendeurs à l’incident, il ne peut pas leur être opposé l’autorité de chose jugée du jugement du tribunal judiciaire d’Évry Courcouronnes du 20 avril 2023, alors qu’il s’agit d’une décision judiciaire rendue en matière gracieuse et qui n’est donc pas revêtue de cette autorité de chose jugée.

La fin de non-recevoir dont il est question porte en effet sur l’objet de la transaction, relativement à l’action engagée devant le présent tribunal.

Or, il résulte des termes de l’article VI susvisé que M. [V] et Mme [F] ont renoncé à toute action en justice trouvant son fondement, son objet ou sa cause dans le prêt litigieux, ce qui est le cas de leur demande tendant à dire abusive la clause d’exigibilité du prêt.

Il sera par conséquent fait droit à cette fin de non-recevoir.

Sur les autres demandes :

Au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, M. [V] et Mme [F] seront solidairement condamnés au paiement de la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

Dit M. [J] [V] et Mme [H] [F] irrecevables en leurs demandes formées par assignation du 8 mars 2024 ;

Les condamne solidairement aux dépens de l’incident, ainsi qu’à payer à la BANQUE POPULAIRE RIVES DE [Localité 5] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière le Juge de la mise en état


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