L’Essentiel : Le 16 octobre 2024, l’AMF a constaté l’illégalité d’un site proposant des services sur actifs numériques en France sans enregistrement. Le 18 octobre, une mise en demeure a été adressée à l’éditeur pour cesser ses activités. Malgré cela, le site a continué à opérer. En réponse, l’AMF a cité plusieurs fournisseurs d’accès devant le tribunal de Paris pour bloquer l’accès au site. Les fournisseurs ont contesté la proportionnalité des mesures. Finalement, le tribunal a ordonné le blocage du site dans un délai de 15 jours, justifiant la décision par la protection des consommateurs contre des investissements risqués.
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Constatation de l’illégalitéLe 16 octobre 2024, le président de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a constaté qu’un site internet, accessible via les adresses bitcoineprex.ai et www.bitcoineprex.ai, offrait des services sur actifs numériques en France sans être enregistré auprès de l’AMF, ce qui constitue une violation des articles L.54-10-3 et L.54-10-4 du code monétaire et financier. Mise en demeure de l’éditeurLe 18 octobre 2024, le président de l’AMF a mis en demeure l’éditeur du site de cesser immédiatement ses activités en France et de fournir des observations dans un délai de cinq jours. Malgré cette mise en demeure, des constatations ultérieures le 3 novembre 2024 ont révélé que le site continuait d’offrir ses services. Actions judiciaires contre les fournisseurs d’accèsLe 20 et 21 novembre 2024, le président de l’AMF a cité plusieurs fournisseurs d’accès à internet devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant des mesures pour bloquer l’accès au site litigieux. L’AMF a justifié sa demande en soulignant son rôle de régulation des marchés financiers et la nécessité de protéger les consommateurs. Réponses des fournisseurs d’accèsLes fournisseurs d’accès, dont Orange et Free, ont formulé des demandes au tribunal, notamment en ce qui concerne la proportionnalité des mesures de blocage et la possibilité de choisir les méthodes techniques appropriées. Ils ont également demandé que les mesures soient temporaires et limitées dans le temps. Motifs de la décisionLe tribunal a examiné la légalité des services offerts par le site et a constaté qu’ils constituaient une infraction, justifiant ainsi les mesures demandées par l’AMF. Les mesures ordonnées ont été jugées nécessaires et proportionnées pour protéger les consommateurs contre des investissements risqués. Ordonnances du tribunalLe tribunal a ordonné aux fournisseurs d’accès de mettre en œuvre des mesures pour bloquer l’accès au site dans un délai de 15 jours. Il a également précisé que ces mesures pourraient être levées sur demande de l’AMF si elles devenaient inutiles. Les dépens ont été laissés à la charge de l’AMF, et la décision a été déclarée exécutoire par provision. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations des prestataires de services sur actifs numériques selon le code monétaire et financier ?Les obligations des prestataires de services sur actifs numériques sont clairement définies dans le code monétaire et financier, notamment dans les articles L. 54-10-1 à L. 54-10-4. L’article L. 54-10-1 stipule que les actifs numériques comprennent : 1. Les jetons mentionnés à l’article L. 552-2, à l’exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers mentionnés à l’article L. 211-1 et des bons de caisse mentionnés à l’article L. 223-1. 2. Toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement. L’article L. 54-10-2 précise que les services sur actifs numériques comprennent : 1. Le service de conservation pour le compte de tiers d’actifs numériques ou d’accès à des actifs numériques, le cas échéant sous la forme de clés cryptographiques privées, en vue de détenir, stocker et transférer des actifs numériques. 2. Le service d’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal. 3. Le service d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques. 4. L’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques. Conformément à l’article L. 54-10-3, avant d’exercer leur activité, les prestataires de services mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 54-10-2 établis en France ou fournissant ces services en France, doivent être enregistrés par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Enfin, l’article L. 54-10-4 interdit à toute personne qui n’a pas la qualité de prestataire des services mentionnés aux mêmes 1° et 4° d’utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou tout autre procédé laissant croire qu’elle est enregistrée en cette qualité ou susceptible de créer une confusion à cet égard. Quelles sont les conséquences d’une absence d’enregistrement auprès de l’AMF ?L’absence d’enregistrement auprès de l’AMF a des conséquences juridiques significatives, comme le stipule l’article L. 621-13-5 du code monétaire et financier. Cet article prévoit que le président de l’AMF peut adresser aux opérateurs qui ne sont pas enregistrés une mise en demeure, leur rappelant les sanctions encourues en vertu de l’article L. 573-1. Cette mise en demeure doit être faite par tout moyen propre à établir la date de réception et doit enjoindre à ces opérateurs de respecter l’interdiction d’exercer des activités sans enregistrement. En cas d’inexécution des injonctions dans le délai imparti, le président de l’AMF peut saisir le président du tribunal judiciaire de Paris pour ordonner l’arrêt de l’accès à ces services. Cela signifie que les opérateurs non enregistrés peuvent faire face à des mesures judiciaires pour empêcher l’accès à leurs services, ce qui est le cas dans l’affaire en question. De plus, l’article L. 54-10-4 interdit explicitement à toute personne non enregistrée d’utiliser des procédés laissant croire qu’elle est agréée, ce qui peut également entraîner des sanctions. Comment les mesures de blocage des sites internet sont-elles justifiées ?Les mesures de blocage des sites internet sont justifiées par la nécessité de protéger les consommateurs contre des activités illicites, comme le stipule l’article L. 621-13-5 du code monétaire et financier. Cet article permet au président de l’AMF de demander le blocage de sites proposant des services sur actifs numériques sans enregistrement. Les mesures doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées au but poursuivi, ce qui est essentiel pour respecter les droits des fournisseurs d’accès à internet et la liberté d’information des internautes. Dans le cas présent, le tribunal a constaté que le site en question offrait des services d’investissement sur actifs numériques sans enregistrement, ce qui constitue une infraction. Les mesures de blocage sont donc considérées comme proportionnées, compte tenu de la nature du trouble et des risques encourus par les consommateurs. Le tribunal a également souligné que les mesures de blocage doivent être limitées dans le temps et peuvent être levées si l’opérateur obtient l’agrément requis ou si les conditions de l’infraction changent. Cela garantit un équilibre entre la protection des consommateurs et les droits des fournisseurs d’accès à internet. Quelles sont les implications de l’exécution provisoire de la décision ?L’exécution provisoire de la décision est régie par l’article 481-1 du code de procédure civile, qui stipule que certaines décisions peuvent être exécutées immédiatement, même si elles sont susceptibles d’appel. Dans le contexte de cette affaire, la décision ordonnant le blocage des sites internet litigieux est exécutoire par provision, ce qui signifie qu’elle doit être mise en œuvre sans délai, même si les défenderesses peuvent contester la décision par la suite. Cette exécution provisoire est justifiée par l’urgence de la situation, étant donné que le site en question continue d’opérer sans enregistrement, ce qui expose les consommateurs à des risques financiers. Le tribunal a donc estimé qu’il était dans l’intérêt public de permettre une action rapide pour protéger les investisseurs. Il est également précisé que les parties peuvent saisir le tribunal en cas de difficulté ou d’évolution de la situation, ce qui permet une certaine flexibilité et réactivité face à des changements éventuels dans les circonstances entourant l’affaire. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 24/57832 – N° Portalis 352J-W-B7I-C6KKR
N° : 19/MM
Assignation du :
20,21 Novembre 2024
[1]
[1] 5 Copies exécutoires
délivrées le:
JUGEMENT RENDU SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FOND
le 08 janvier 2025
par Lucie LETOMBE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSE
Madame la Présidente de l’AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS (AMF), agissant au nom de l’Autorité des Marchés Financiers
[Adresse 5]
[Localité 9]
représenté par Maître Philippe JOUARY de l’ASSOCIATION AMIGUES, AUBERTY, JOUARY & POMMIER, avocats au barreau de PARIS – #J0114
DEFENDERESSES
Société SFR FIBRE
[Adresse 1]
[Localité 13]
non constituée
Société ORANGE
[Adresse 2]
[Localité 15]
représentée par Me Alexandre LIMBOUR, avocat au barreau de PARIS – #L0064
SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE – SFR
[Adresse 4]
[Localité 11]
non constituée
S.A.S. FREE
[Adresse 14]
[Localité 10]
et pour signification :
[Adresse 3]
[Localité 10]
représentée par Me Yves COURSIN, avocat au barreau de PARIS – #C2186
S.A. BOUYGUES TELECOM
[Adresse 8]
[Localité 12]
représentée par Maître François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocats au barreau de PARIS – #B0873
S.A.S. COLT TECHNOLOGY SERVICES
[Adresse 7]
[Localité 16]
représentée par Maître Katia BONEVA-DESMICHT de l’AARPI BAKER & MC KENZIE, avocats au barreau de PARIS – #P0445
Société OUTREMER TELECOM
[Adresse 19]
[Localité 17]
non constituée
SOCIETE REUNIONNAISE DU RADIOTELEPHONE – SRR
[Adresse 6]
[Localité 18]
non constituée
DÉBATS
A l’audience du 11 Décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Lucie LETOMBE, Juge, assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Le 16 octobre 2024, le président de l’Autorité des marchés financiers (ci-après AMF) a fait constater par procès-verbal d’huissier qu’un site internet accessible à partir des adresses bitcoineprex.ai et www.bitcoineprex.ai proposait sur le territoire français des services sur actifs numériques alors que l’opérateur ne disposait d’aucun enregistrement auprès de l’AMF, en violation des dispositions des articles L.54-10-3 et L.54-10-4 du code monétaire et financier.
Par courrier du 18 octobre 2024, le président de l’AMF a mis en demeure l’éditeur du site litigieux de cesser, sans délai, de proposer de fournir des services sur actifs numériques à destination du territoire français et de faire valoir toute observation utile dans un délai de cinq jours.
Le 3 novembre 2024, les mêmes constatations d’offres de services d’investissement en ligne ont été réalisées à la demande de l’AMF.
Par lettres du 4 novembre 2024, le président de l’AMF a dénoncé aux fournisseurs d’accès à internet les mises en demeure adressées aux opérateurs.
C’est dans ce contexte, et par actes délivrés les 20 et 21 novembre 2024, que le président de l’autorité des marchés financiers a fait citer, suivant la procédure accélérée au fond, la SAS SFR fibre, la SA Orange, la SA Société Française du radiotéléphone (SFR), la SCS Société réunionnaise du radiotéléphone (SRR), la SAS Free, la SA Bouygues Télécom, la SAS Colt Technology Services ainsi que la SAS Outremer Télécom devant le président du tribunal judiciaire de Paris.
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A l’audience, le président de l’AMF sollicite, au visa des articles L. 54-10-1 à 4, L.572-23, L.621-13-5 du code monétaire et financier, et de l’article 481-1 du code de procédure civile, de :
– enjoindre aux défenderesses de mettre en œuvre ou faire mettre en œuvre dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance, toutes mesures propres à empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés situés sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir des adresses bitcoineprex.ai et www.bitcoineprex.ai,
– les enjoindre de justifier et dénoncer sous sept jours, au président de l’AMF, ainsi qu’au président du tribunal judiciaire de Paris, des mesures prises et mises en œuvre pour empêcher l’accès, à partir du territoire français, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir des adresses précitées,
– dire que la mesure de blocage ordonnée pourra être levée sur simple demande de sa part adressée par lettre recommandée avec accusé de réception aux défenderesses ou par décision du président du tribunal judiciaire en référé par toute personne intéressée,
– rappeler que l’exécution provisoire est attachée à la décision à intervenir,
– dire qui lui en sera référé en cas de difficulté d’exécution des mesures,
– statuer sur les dépens.
Au soutien de ses prétentions, l’AMF fait principalement valoir qu’elle est une autorité publique indépendante ayant notamment pour mission de contrôler et réglementer les marchés financiers ainsi que de veiller à la protection de l’épargne ; qu’en vertu de l’article L.54-10-3, avant d’exercer leur activité, les prestataires des services mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 54-10-2 établis en France ou fournissant ces services en France, sont enregistrés par l’Autorité des marchés financiers; que la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a introduit un nouvel article L. 621-13-5 du code monétaire et financier permettant de solliciter le blocage de sites proposant, sans enregistrement, des services sur actifs numériques ; qu’il importe en conséquence d’enjoindre aux sociétés défenderesses d’empêcher l’accès en France au service de communication en ligne accessible à partir des adresses relevées.
En réponse, la société Orange demande au président du tribunal judiciaire de :
– lui donner acte de ce qu’elle s’en remet à l’appréciation du président sur le caractère manifestement illicite des contenus dénoncés par le président de l’AMF ainsi que sur la recevabilité des demandes au regard des dispositions de l’article L. 621-13-5 du code monétaire et financier,
– lui donner acte de ce qu’elle serait libre, si elle devait faire droit à une injonction correspondante, de choisir la mesure technique de blocage qu’elle juge adaptée et efficace,
– dire et juger que les mesures de blocage éventuellement ordonnées prendraient fin, sur notification du président de l’AMF aux fournisseurs d’accès internet dans l’hypothèse (i) d’un changement d’état des sites objets de la mesure justifiant la levée de celle-ci ou (ii) de l’adoption par l’hébergeur et/ou de l’éditeur du site internet accessible aux adresses litigieuses de toutes mesures ayant pour effet d’en interdire l’accès à partir du territoire français,
– en tout état de cause, dire et juger que toute mesure de blocage qui serait ordonnée serait provisoire et limitée à une durée de 12 mois à l’issue de laquelle le président de l’AMF devrait saisir le président du tribunal judiciaire afin de lui permettre d’apprécier la situation et de décider s’il convient ou non de reconduire lesdites mesures de blocage,
– dire et juger que les parties pourront saisir le président du tribunal judiciaire en cas de difficulté ou d’évolution du litige,
– dire et juger que les coûts afférents aux mesures qui seraient prises en exécution de l’ordonnance devront être mis à la charge du demandeur sur présentation des factures correspondantes,
– débouter le président de l’AMF de ses plus amples demandes et mettre à sa charge les dépens.
La société Free sollicite de :
– donner acte à la présidente de l’autorité des marchés financiers des démarches préalables qu’elle a effectuées pour obtenir de l’éditeur du site en ligne litigieux, ainsi que de l’hébergeur, de prendre toutes mesures utiles pour rendre inaccessibles, sur le territoire français, les adresses / noms de domaine litigieux ;
– apprécier si les demandes formulées par la présidente de l’autorité des marchés financiers à l’encontre des fournisseurs du service d’accès à internet, dont la société Free, sont proportionnées, adéquates et strictement nécessaires,
– lui laisser un délai raisonnable, d’au moins quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, pour mettre en œuvre d’éventuelles mesures de blocage des noms de domaine et/ou adresses litigieux,
– ordonner que ces éventuelles mesures de blocage seront prises pour une durée déterminée,
– ordonner que la présidente de l’autorité des marchés financiers devra communiquer sans délai aux fournisseurs du service d’accès à internet, dont la société FREE, toute information utile relative à la nécessité éventuelle de lever les blocages qui seraient ordonnés, notamment si le site ou les noms de domaine et/ou adresses venaient à être interrompus/désactivés,
– lui donner acte qu’elle se réserve la possibilité de demander à la présidente de l’autorité des marchés financiers le remboursement des mesures de blocage qui seraient susceptibles d’être ordonnées,
– ordonner qu’en cas de difficulté, la partie la plus diligente pourra vous en référer,
– laisser la charge des dépens à la présidente de l’autorité des marchés financiers.
Enfin, la société Colt Technology Services demande au président du tribunal judiciaire de lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice quant à la nécessité et la proportionnalité des mesures sollicitées par le président de l’AMF au regard des risques de trouble à l’ordre public et social, et de mettre les dépens à la charge de ce dernier.
Bien que régulièrement citées, les sociétés Bouygues Telecom, SFR Fibre, SFR, SRR et Outremer Télécom n’ont pas constitué avocat.
Sur le bien-fondé de la demande
Selon l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier, les actifs numériques comprennent :
1. les jetons mentionnés à l’article L. 552-2, à l’exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers mentionnés à l’article L. 211-1 et des bons de caisse mentionnés à l’article L. 223-1,
2. toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement.
La prestation de services connexes est définie aux articles L. 54-10-2 et D.54-10-1. L’article 54-10-2 prévoit notamment que les services sur actifs numériques comprennent les services suivants:
“1° Le service de conservation pour le compte de tiers d’actifs numériques ou d’accès à des actifs numériques, le cas échéant sous la forme de clés cryptographiques privées, en vue de détenir, stocker et transférer des actifs numériques ;
2° Le service d’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal ;
3° Le service d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques ;
4° L’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques ;”
Conformément aux dispositions de l’article L.54-10-3, avant d’exercer leur activité, les prestataires des services mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 54-10-2 établis en France ou fournissant ces services en France, sont enregistrés par l’Autorité des marchés financiers.
En outre, l’article L.54-10-4 interdit à toute personne qui n’a pas la qualité de prestataire des services mentionnés aux mêmes 1° et 4° d’utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou tout autre procédé laissant croire qu’elle est enregistrée en cette qualité ou susceptible de créer une confusion à cet égard.
Selon l’article L. 621-13-5 du même code, le président de l’Autorité des marchés financiers adresse aux opérateurs entrant dans le champ d’application de l’article L.54-10-3 qui ne sont pas enregistrés par l’AMF dans les conditions prévues au même article L.54-10-3 et aux opérateurs fournissant des services sur actifs numériques au sens de l’article L.54-10-2 (qui diffusent des informations comportant des indications inexactes ou trompeuses ou utilisent une dénomination, une raison sociale, une publicité ou tout autre procédé laissant croire qu’ils sont agréés dans les conditions prévues à l’article L.54-10-5, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une mise en demeure rappelant les dispositions de l’article L. 573-1 relatives aux sanctions encourues et les dispositions du deuxième alinéa du présent article, enjoignant à ces opérateurs de respecter cette interdiction et les invitant à présenter leurs observations dans un délai de cinq jours.
Il adresse également aux personnes mentionnées au 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une copie de la mise en demeure prévue au premier alinéa du présent article et leur enjoint de prendre toute mesure propre à empêcher l’accès au contenu du service de communication au public en ligne proposé par l’opérateur mentionné au premier alinéa. Ces personnes sont invitées à présenter leurs observations dans un délai de cinq jours.
A l’issue de ce délai, en cas d’inexécution des injonctions prévues aux deux premiers alinéas du présent article ou si l’offre en ligne reste accessible, le président de l’Autorité des marchés financiers peut saisir le président du tribunal du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner, selon la procédure accélérée au fond, l’arrêt de l’accès à ce service aux personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 précitée.
Il peut également saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux mêmes fins si l’offre demeure accessible, nonobstant l’éventuelle exécution par les personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent article, sans avoir à procéder à de nouvelles injonctions de même nature.
Au cas présent, il résulte des pièces versées aux débats, notamment les procès-verbaux de constat d’huissier des 16 octobre 2024 et 3 novembre 2024, que le site internet accessible à partir des adresses bitcoineprex.ai et www.bitcoineprex.ai offre aux internautes, sur le territoire français, des services d’investissement sur actifs numériques relevant des 1° à 4° de l’article L.54-10-2 du code monétaire et financier.
En effet, le site propose à destination du territoire français des services de conservation et/ou d’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal.
Il est en outre démontré que cet opérateur ne dispose d’aucun enregistrement auprès de l’AMF.
Malgré les mises en demeure adressées à l’opérateur et à l’hébergeur dénoncées le 4 novembre 2024, l’opérateur n’a pas cessé son activité puisqu’il est établi par un procès-verbal de constat du 3 novembre 2024 que le site était toujours accessible à cette date.
Le président de l’AMF est donc bien fondé, et ce sans avoir à procéder à de nouvelles injonctions de même nature, à saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner, selon la procédure accélérée au fond, l’arrêt de l’accès à ce service aux fournisseurs d’accès à internet.
Sur les mesures ordonnées
Les mesures ordonnées doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées au but poursuivi.
Compte tenu d’une part, de la nature du trouble résultant de l’illicéité du site en cause, qui constitue une infraction susceptible d’être sanctionnée pénalement, laquelle peut avoir des conséquences non négligeables sur les personnes mal informées qui s’engagent dans des investissements risqués, et d’autre part, de l’investissement financier, technique et organisationnel induit pour procéder aux blocages sollicités pour les fournisseurs d’accès, les mesures réclamées par le président de l’AMF n’apparaissent pas disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi.
Elles respectent l’exigence de juste équilibre entre la liberté d’entreprendre des fournisseurs d’accès à internet et l’absence d’obligation de surveillance générale ainsi que – au-delà desdits prestataires – de la liberté d’information des internautes, d’une part, et la nécessité d’assurer la protection des consommateurs contre les agissements illicites de l’opérateur en cause, d’autre part.
En conséquence, il convient de faire droit aux demandes présentées par le président de l’AMF à l’égard des sociétés défenderesses fournissant un accès à internet, selon les modalités détaillées au dispositif de la présente décision.
Les mesures ainsi ordonnées devront notamment être mises en œuvre par les fournisseurs d’accès à internet dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la présente ordonnance et il sera laissé à ces derniers le choix de la mesure propre à assurer le but poursuivi.
Ces mesures seront en outre limitées dans le temps à ce qui est strictement nécessaire au regard de leur efficacité en ce qu’elles ne devront se poursuivre qu’autant que l’opérateur ne sera pas titulaire de l’agrément prévu par la loi et qu’il permettra l’accès de son site aux internautes se connectant depuis la France et/ou que l’hébergeur, n’aura pas déféré à la mise en demeure qui lui a été faite.
Elles pourront donc prendre fin sur demande du président de l’AMF dès lors qu’elles s’avéreraient inutiles. Il appartiendra dès lors au président de l’AMF d’aviser sans délai les fournisseurs d’accès à internet visés dans la présente procédure de ce que la mesure de blocage peut être levée.
Par ailleurs, il sera rappelé que toutes les parties peuvent saisir le président du tribunal en cas de difficulté ou d’évolution de la situation de fait, par la voie du référé.
Enfin, il sera relevé que la juridiction ne peut condamner l’AMF à supporter le coût des mesures imposées aux fournisseurs d’accès à internet au regard du principe de la séparation des pouvoirs administratifs et judiciaires, précision étant faite qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit cette prise en charge. Il appartient dès lors aux fournisseurs d’accès à internet de soumettre les factures correspondant aux coûts supportés à l’AMF pour leur éventuelle prise en charge, sans que celle-ci puisse être ordonnée par le juge judiciaire au vu des textes applicables.
La présente décision est exécutoire par provision en application de l’article 481-1 du code de procédure civile.
Compte tenu de la nature de la décision, il y a lieu de laisser les dépens à la charge du président de l’AMF.
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, selon la procédure accélérée au fond, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,
Enjoint à la SAS SFR Fibre, la SA Orange, la SA Société Française du radiotéléphone, la SCS Société réunionnaise du radiotéléphone, la SAS Free, la SA Bouygues Télécom, la SAS Colt Technology Services ainsi qu’à la SAS Outremer Télécom de mettre en œuvre, ou de faire mettre en œuvre toutes mesures propres à empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés situés sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir des adresses bitcoineprex.ai et www.bitcoineprex.ai;
Dit que la présente injonction doit être exécutée dans les meilleurs délais et au plus tard 15 jours à compter de la signification de la présente décision, délai au-delà duquel il pourra en être référer ;
Les invite à informer le président de l’AMF des diligences effectuées par elles dans les 8 jours de leur réalisation ;
Invite le président de l’Autorité des marchés financiers à aviser, sans délai, les fournisseurs d’accès à internet visés dans la présente procédure de ce que la mesure de blocage peut être levée par lettre recommandée avec accusé de réception ;
Dit qu’en cas de difficulté ou d’évolution du litige, il pourra en être référer au président de ce tribunal ;
Rejette le surplus des demandes ;
Laisse les dépens à la charge du président de l’Autorité des marchés financiers ;
Rappelle que la présente décision est exécutoire par provision ;
Fait à Paris le 08 janvier 2025
Le Greffier, Le Président,
Minas MAKRIS Lucie LETOMBE
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