Augmentation de capital : décision du 27 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/05417

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Augmentation de capital : décision du 27 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/05417

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/05417 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCIBF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juin 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section Encadrement chambre 2 – RG n° F17/06401

APPELANT

Monsieur [G] [C]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Mathieu COMBARNOUS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

SAS THEMATIC GROUPE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Stéphane MEYER, président de chambre

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [G] [C] a été embauché par la société THEMATIC GROUPE par contrat à durée indéterminée en date du 16 février 2014 en qualité de Directeur Gestion de Projet R&D.

Au terme de son contrat de travail, Monsieur [C] bénéficiait d’une rémunération mensuelle forfaitaire de 40.000 € pour une durée hebdomadaire de travail de 37,5 heures.

La relation de travail est régie par la convention collective nationale des Bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils, sociétés de conseil, dite SYNTEC.

A compter de janvier 2017, les relations de travail se sont détériorées.

Le 10 février 2017, Monsieur [C] a été convoqué à un entretien préalable devant se tenir le 20 février 2017. Cette convocation était assortie d’une mise à pied conservatoire.

Compte tenu des congés du salarié à cette date, la société le convoquait à un autre entretien préalable par courrier du 22 février 2017, confirmant la mise à pied, pour un entretien devant avoir lieu le 3 mars 2017.

La société notifiait au salarié son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 mars 2017.

Par saisine enregistrée le 1er août 2017, Monsieur [C] saisissait le conseil de prud’hommes de Paris, aux fins notamment de voir son licenciement requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il sollicitait la condamnation de la société au paiement des sommes suivantes :

– Rappel de la mise à pied conservatoire : 6.675,03 €

– Congés payés afférents : 667,5 €

– Indemnité conventionnelle de licenciement : 3.909,01 €

– Indemnité compensatrice de préavis : 15.018,83 €

– Congés payés afférents : 1.501 €

– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 40.050 €

– Paiement de la prime annuelle soit :

– 2.500 € au titre de l’année 2015

– 10.000 € au titre de l’année 2016

– 2.000 € au titre de l’année 2017

– Rappel de clause de non-concurrence : 24.030,10 €

– Rappel d’heures supplémentaires : 70.000 €

– Congés payés afférents : 7.000 €

– Perte de chance d’exercice des BSCPE : 360.000 €.

La société THEMATIC GROUPE a formé reconventionnellement une demande de dommages et intérêts pour non respect de la clause de non-concurrence, outre une demande au titre des frais de procédure.

Par jugement du 30 juin 2020, le conseil de prud’hommes de Paris a débouté Monsieur [C] de l’ensemble de ses demandes, l’a condamné au paiement des entiers dépens et a débouté la société de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles.

Monsieur [C] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 4 août 2020, en visant expressément les dispositions critiquées.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 4 novembre 2020, Monsieur [G] [C] demande à la cour de :

A titre principal :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en l’ensemble de ses dispositions,

– Constater que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– Condamner la société THEMATIC GROUPE au paiement des sommes suivantes :

– Rappel de la mise à pied conservatoire : 6.675,03 €

– Congés payés afférents : 667,5 €

– Indemnité conventionnelle de licenciement : 3.909,01 €

– Indemnité compensatrice de préavis : 15.018,83 €

– Congés payés afférents : 1.501 €

– Condamner la société THEMATIC GROUPE au paiement de la somme de 40.050 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Condamner la société THEMATIC GROUPE au paiement de la prime annuelle soit :

– 2.500 € au titre de l’année 2015,

– 10.000 € au titre de l’année 2016,

– 2.000 € au titre de l’année 2017,

– Condamner la société THEMATIC GROUPE au paiement de la somme de 24.030,10 € au titre de la clause de non-concurrence,

– Condamner la société THEMATIC GROUPE au paiement de la somme de 70.000 € au titre du rappel des heures supplémentaires et 7.000 € au titre des congés payés afférents,

– Condamner la société THEMATIC GROUPE au paiement de la somme de 360.000 € au titre de la perte de chance d’avoir pu exercer ses BSCPE,

– Condamner la société THEMATIC GROUPE à la remise des documents rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document,

– Assortir les condamnations des intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud’hommes.

En tout état de cause,

– Condamner la société THEMATIC GROUPE au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 4 février 2021, la société THEMATIC GROUPE demande à la cour de :

A titre principal :

– Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Monsieur [C] de l’ensemble de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire :

-Réduire les demandes de Monsieur [C] à de plus justes proportions, et en tout état de cause au maximum légal de 6 mois de salaire au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Réduire les demandes de Monsieur [C] au titre de la perte de chance d’exercer des BSPCE à de plus justes proportions et en tout état de cause à la somme maximale de

15.000 €,

Quoi qu’il en soit, y ajoutant :

– Condamner Monsieur [C] à verser à la société THEMATIC GROUPE la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la présente instance en appel,

– Condamner Monsieur [C] aux entiers dépens, dont distraction faite au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, prise en la personne de Maître Matthieu BOCCON-GIBOD.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur la demande de paiement de la prime annuelle

Monsieur [C] sollicite le versement de la part variable de la rémunération telle que prévue par l’accord sur les salaires intervenu en septembre 2015, suite à négociations avec les fonds d’investissement. Il indique que si la partie fixe de l’accord, soit une augmentation de son salaire pour atteindre 60.000 € par an, a été appliquée, il n’a jamais bénéficié de la part variable et sollicite donc son versement pour les années 2015 à 2017 incluse.

La société THEMATIC GROUPE conteste l’existence de cet accord. Toutefois, il ressort de l’échange de mail produit du 25 septembre 2005 qu’un accord avait été formalisé à cette date et que les salariés concernés avaient donné leur accord pour son application. Par ailleurs, les salaires versés en 2016 confirment que cet accord avaient été mis en place puisque le salaire fixe tel que prévu par l’accord a été versé.

S’agissant de la partie variable, l’accord prévoyait que Monsieur [C] percevrait

« 10k de variable indexé sur la réalisation du BP (indexation à définir) ». Toutefois, au regard des éléments produits, l’employeur n’a jamais ni défini le business plan à réaliser, ni défini l’indexation à opérer au regard dudit business plan.

Or, lorsque l’employeur n’a pas précisé les objectifs à réaliser, ni fixé les conditions de calcul de la prime d’objectifs, ni indiqué de période de référence, le juge ne peut fixer lui-même le montant de ladite prime. Dès lors que le contrat de travail prévoit un montant maximal, celui-ci est tenu de retenir ce montant.

Il en résulte que Monsieur [C] a droit en l’espèce au maximum du montant variable de la prime prévue, soit 10.000 € par an. Il est donc fondé à se voir attribuer les sommes suivantes :

– la proratisation de la prime variable au titre de l’année 2015 (octobre à décembre) soit

2.500 €,

– la prime annuelle au titre de l’année 2016 soit 10.000 €,

– la proratisation de la prime au titre de l’année 2017 soit 2.000 €,

soit un total de 14.500 € bruts au titre de la prime annuelle variable.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement déféré sur ce point et de condamner l’employeur à verser au salarié la somme de 14.500 € au titre de paiement de sa prime variable annuelle.

Sur la demande de paiement de la clause de non-concurrence

Dès lors qu’une clause de non-concurrence est prévue par le contrat de travail ou la convention collective, l’employeur est tenu au versement de l’indemnité compensatrice. Toutefois, dès lors que le salarié se livre à des actes de concurrence tels que prohibés par la clause, l’employeur est libéré du paiement de la contrepartie financière.

C’est à l’employeur de rapporter la preuve d’une éventuelle violation de la clause de non-concurrence par le salarié.

En l’espèce, le contrat de travail signé par Monsieur [C] comporte en son article 11 une clause de non-concurrence prévoyant l’interdiction en cas de rupture « pour quelque cause que ce soit de travailler ou de s’intéresser directement ou indirectement pour son compte personnel ou celui d’un tiers et à quelque titre que ce soit à une entreprise exerçant une activité concurrente de celle de la société », et ce pendant une durée de douze mois à compter de la cessation effective d’activité, avec une limitation à l’Union européenne. En contrepartie, une indemnité de non concurrence d’un montant brut égal à 40 % du salaire est prévue, mois par mois, sous réserve du respect des dispositions contractuelles.

Alors que le salarié sollicite le paiement de l’indemnité afférente à la clause de non concurrence, l’employeur s’y oppose au motif que Monsieur [C] aurait violé son obligation de non concurrence en créant une société SUCCESS ISLAND dont l’activité est directement concurrente de celle de l’entreprise.

S’agissant de la société THEMATIC GROUPE, son Kbis mentionne l’activité suivante : création de site internet. Il ressort par ailleurs des écritures des parties et des articles de presse versés au débat qu’elle exerce un activité de création de solutions informatiques et logiciels à destination du e-commerce.

S’agissant de la société SUCCESS ISLAND immatriculée le 16 février 2017, son Kbis mentionne au titre des activités principales : le conseil en communication, en relations publiques, en management ; en organisation d’entreprise et en informatique ainsi que dans le domaine du e-commerce ; prestations de service aux entreprises et aux particuliers ; négoce ; Import-export.

Aucune pièce n’est toutefois produite s’agissant de l’activité effective de l’entreprise. Or, si quelques similitudes peuvent apparaître entre l’activité de la société THEMATIC GROUPE et celle de la société SUCCESS ISLAND au regard de ce qui est déclaré au Kbis, cette seule comparaison est insuffisante à établir l’existence d’une activité concurrente, en dehors tout autre élément, la notion de e-commerce pouvant recouvrir des domaines d’activité très différents.

A défaut pour l’employeur de démontrer que Monsieur [C] a créé une société exerçant une activité concurrente de la sienne, il doit verser au salarié l’indemnité prévue par la clause contractuelle, soit la somme de 24.030,10 €.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement déféré sur ce point et de condamner l’employeur à verser à Monsieur [C] la somme de 24.030,10 € au titre de sa clause de non-concurrence.

Sur la demande au titre du rappel des heures supplémentaires et congés payés afférents

Aux termes de l’article L. 3243-3 du code du travail, l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif de travail ou d’un contrat.

Aux termes de l’article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement, en produisant ses propres éléments.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, lus à la lumière de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 11, paragraphe 3, et de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, qu’il incombe à l’employeur, l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

En l’espèce, le contrat du salarié prévoit un temps de travail de 37,5 heures par semaine, soit 7h30 par jour.

Le salarié soutient que ne comptant pas ses heures, il a réalisé un très grand nombre d’heures supplémentaires pendant la semaine ou le week-end, et produit de nombreux mails dont il découle selon lui la preuve qu’il a réalisé pour un total de 70.000 € d’heures supplémentaires.

L’employeur conteste la réalisation d’heures supplémentaires et fait état de rappels adressés en janvier 2017 de ne pas dépasser les horaires contractuels. Il ajoute que les très nombreux mails produits ne signifient pas que le salarié ait effectivement travaillé entre le premier mail du matin et le dernier mail du soir, et que le salarié ne détaille pas le calcul réalisé pour parvenir à la somme demandée.

La cour relève au regard des très nombreux mails produits concernant les années 2014, 2015 et 2016 que Monsieur [C] a manifestement réalisé de nombreuses heures supplémentaires, au regard des amplitudes horaires des échanges de mail qui dépassent fréquemment les 7h30 contractuelles. Or, avant janvier 2017, son employeur n’avait jamais émis la moindre réserve sur la réalisation de telles amplitudes, de sorte qu’il doit être retenu qu’il a implicitement accepté ce mode de fonctionnement pendant les trois années concernées, d’autant plus s’agissant d’une société en pleine expansion dans laquelle le salarié occupait un poste à responsabilité. Ce n’est qu’à compter de la dégradation des relations intervenues avec le salarié en janvier 2017 qu’il a réalisé une mise en garde sur le respect des horaires contractuels. Mais cela ne permet pas de retenir qu’il n’a pas consenti à la réalisation d’heures supplémentaires entre 2014 et 2016.

Au regard des éléments produits, il sera retenu que le salarié a réalisé en moyenne 5 heures supplémentaires par semaine pendant trois ans, soit une somme due au titre des heures supplémentaires de 21.333,33 €.

Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté le salarié de sa demande et statuant de nouveau, de condamner l’employeur à verser à Monsieur [C] la somme de 21.333,33 € au titre des heures supplémentaires, outre 2.133,33 € au titre des congés payés afférents.

Sur le licenciement

Il résulte des dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.

La preuve de la faute grave incombe à l’employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.

Si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, conformément aux dispositions de l’article L. 1232-1 du code du travail.

Aux termes de l’article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 20 mars 2017, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l’article L.1232-6 du code du travail, expose les griefs suivants :

– Le salarié fait preuve de déloyauté et d’insubordination et refuse l’autorité hiérarchique ainsi que de reconnaître ses erreurs. Il refuse également le processus de validation des congés.

– Il a agi comme directeur général sans en avoir le pouvoir ni la qualité.

– Il a créé une société en concurrence directe avec la société THEMATIC GROUPE, en violation de sa clause d’exclusivité.

Il convient d’examiner les griefs invoqués afin de déterminer si le licenciement pour faute grave était justifié, ou s’il s’agit à défaut d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse ou sans cause réelle et sérieuse.

Sur la déloyauté, l’insubordination et le refus de l’autorité hiérarchique et de reconnaître ses erreurs

L’employeur invoque une attitude du salarié refusant l’autorité hiérarchique, en s’appuyant notamment sur quelques échanges de mails entre Monsieur [C] et le président de la société, Monsieur [P], de janvier et février 2017. Toutefois, si ces échanges révèlent une mésentente entre les deux hommes, liée principalement à la définition de la place et des fonctions de Monsieur [C] au sein de l’entreprise, elle ne démontre pas une insubordination, s’agissant d’échanges entre un cadre supérieur de la société et son dirigeant, dans une petite structure. S’il est tendu, le ton des échanges reste adapté au cadre professionnel et l’employeur ne démontre pas de comportement fautif de son salarié.

L’employeur évoque des erreurs que le salarié refuserait de reconnaître mais ne les caractérise pas.

S’agissant du non-respect du processus de prise de congés, la cour relève que Monsieur [C] a adressé sa demande de congés à la directrice des ressources humaines, ce qui ne saurait être considéré comme fautif en l’absence de processus contraire défini et transmis préalablement aux salariés de l’entreprise.

Sur l’usage de la qualité de directeur général sans pouvoir ni qualité

La société soutient que Monsieur [C] aurait fait usage du titre de directeur général à l’intérieur et à l’extérieur de la société sans en avoir la qualité, et aurait signé des documents engageant la société avec ce titre.

Elle indique que les faits ne sont pas prescrits car elle n’ a découvert l’ampleur des agissements du salarié que lorsqu’elle a pu accéder aux dossiers qu’il gérait , c’est à dire au début de l’année 2017 avec l’arrivée de la nouvelle responsable des ressources humaines.

Monsieur [C] expose en réponse qu’il devait être nommé directeur général et que cela avait été acté en assemblée générale, mais qu’il a démissionné de ce poste le 14 octobre 2016 compte tenu du flou régnant autour de son statut effectif, et de l’absence de toute officialisation au Kbis de la société. Il entend en tout état de cause soulever la prescription de deux mois de l’article L1332-4 du code du travail, le dernier usage reproché datant d’octobre 2016.

L’article L.1332-4 du code du travail prévoit qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

En l’espèce, les faits reprochés datent pour le dernier d’octobre 2016 soit plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires. L’employeur soutient qu’il n’en aurait eu connaissance qu’en janvier 2017, sans pour autant en justifier. En effet, Monsieur [C] a échangé de nombreux mails avec ses collègues et le président de la société avec la signature « Directeur général » pendant plusieurs mois, sans qu’aucune remarque ne lui soit faite ou aucune sanction envisagée. Par ailleurs, la société a honoré des engagements signés par Monsieur [C], en 2016, sans manifester de désapprobation ou évoquer une sanction.

Il ressort de ces éléments que la faute reprochée est prescrite et ne peut être invoquée à l’appui du licenciement du salarié.

-La création d’une société concurrente en violation de sa clause d’exclusivité

Ainsi qu’il a été dit plus haut, le salarié a immatriculé une société SUCCESS ISLAND le 16 février 2017, mais il n’est pas démontré par l’employeur qu’elle ait exercé une activité concurrente à celle de la société.

Si l’immatriculation de cette société a eu lieu avant la fin du contrat de travail, il n’est pas démontré que Monsieur [C] ait effectivement démarré l’activité de cette société pendant l’exécution de son contrat, sachant qu’il indique avoir commencé à travailler avec cette société uniquement après la rupture de la relation de travail.

De simples actes préparatoires à une future activité, dans un contexte où le salarié savait son licenciement envisagé, ne constituent pas une violation fautive de sa clause d’exclusivité justifiant un licenciement.

Au regard de ces éléments le licenciement de Monsieur [C] est sans cause réelle et sérieuse, et le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur les conséquences indemnitaires du licenciement

En application des dispositions de l’article L. 1332-3 du code du travail, en l’absence de faute grave, la mise à pied à titre conservatoire n’était pas justifiée et le salarié est donc fondé à percevoir le salaire correspondant, soit la somme de 6.675,03 €, ainsi que l’indemnité de congés payés afférente, soit 667,5 €.

Conformément à la convention collective applicable, il est fondé à percevoir :

-une indemnité conventionnelle de licenciement de 3.909,01 €

-une indemnité compensatrice de préavis de 15.018,83 € ainsi que l’indemnité de congés payés afférente, soit 1.501 €.

L’entreprise comptant plus de dix salariés, Monsieur [C] qui avait plus de deux ans d’ancienneté, a droit à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable au litige, et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

Au moment de la rupture, il était âgé de 27 ans et comptait 3 ans d’ancienneté. Monsieur [C] ne produit aucun élément relatif à sa situation à la suite de la rupture du contrat de travail. Il indique uniquement avoir commencé une activité dans la société SUCCESS ISLAND après son licenciement. L’employeur produit pour sa part un article de presse indiquant qu’il a fait partie des « 30 de moins de 30 ans » du magazine Forbes suite à la création d’une entreprise de podcast.

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 5.000 € fixe, outre 833 € de prime variable et des heures supplémentaires.

Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d’évaluer son préjudice à

42.000 €.

Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté l’intéressé des demandes formulées à titre indemnitaires et de condamner l’employeur à lui verser les sommes susvisées.

Sur la demande au titre de la perte de chance d’avoir pu exercer ses BSCPE

Le salarié qui n’a pu, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, lever ses options sur titres, subi nécessairement un préjudice qui doit être réparé.

En l’espèce, l’employeur conteste que le salarié ait bénéficié de Bons de Souscription de Parts de Créateur d’Entreprise (BSCPE), et soutient que le document qui lui a été adressé par mail du 28 décembre 2015 était uniquement une base de discussions. Il résulte toutefois de la lecture du mail et du document que l’attribution des 459 bons était effective et qu’il ne s’agissait pas d’une simple phase de négociation ou discussion.

Monsieur [C] sollicite la réparation de la perte de chance d’avoir pu souscrire des actions qui ont connu une forte plus-value, puisqu’elles étaient valorisés à 144,20 € lors de leur émission en décembre 2015 et étaient valorisées à 1.494,32 € en novembre 2016 suite à une augmentation de capital.

S’il est exact que le salarié subit, du fait de son licenciement injustifié, une perte de chance d’acquérir des actions potentiellement rémunératrices, il convient de relever qu’alors qu’il avait la possibilité avant son licenciement de mettre en ‘uvre 50 % de son droit d’option, il ne l’a pas fait, et n’a jamais émis de souhait de souscrire à des parts avant la rupture du contrat.

En outre, les options pouvaient être levées par paliers :

– Maximum 25 % à compter du 24 février 2016 ;

– Maximum 50 % à compter du 24 février 2017 ;

– Maximum 75 % à compter du 24 février 2018 ;

– Maximum 100 % à compter du 24 février 2019,

et il n’est pas acquis que le salarié serait resté dans l’entreprise jusqu’à la date de levée des dernières parts.

Par ailleurs, il n’est pas acquis que la valeur des actions déterminée en 2016 ait évolué et évolue à la hausse, au regard des articles de presse fournis par le salarié lui-même, datés de 2019, évoquant des difficultés de l’entreprise.

En considération de ces éléments, le préjudice de perte de chance du salarié est évalué à la somme de 20.000 €.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé et la société sera condamnée à verser cette somme au salarié.

Sur la remise des documents

Il convient d’ordonner la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu d’infirmer la décision du conseil de prud’hommes sur ces points, et statuant de nouveau, de condamner l’employeur aux dépens tant de la première instance que de l’appel, ainsi qu’à verser à Monsieur [C] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’employeur sera débouté de sa demande au titre des frais de procédure.

Sur les intérêts

Il convient de dire, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 31 août 2017, date de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau,

Dit que le licenciement de Monsieur [C] est sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Condamne la société THEMATIC GROUPE à verser à Monsieur [C] les sommes suivantes :

– Rappel des salaires relatifs à la mise à pied conservatoire : 6.675,03 €

– Congés payés afférents : 667,5 €

– Indemnité conventionnelle de licenciement : 3.909,01 €

– Indemnité compensatrice de préavis : 15.018,83 €

– Congés payés afférents : 1.501 €

– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 42.000 €

Condamne en outre la société THEMATIC GROUPE à verser à Monsieur [C] les sommes suivantes :

-14.500 € bruts au titre de la prime annuelle variable,

-24.030,10 € au titre de la clause de non-concurrence,

-21.333,33 € au titre des heures supplémentaires, outre 2.133,33 € au titre des congés payés afférents,

-20.000 € au titre de la perte de chance d’avoir pu exercer ses BSCPE,

Ordonne la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire,

Condamne la société THEMATIC GROUPE aux dépens de la première instance et de la procédure d’appel,

Condamne la société THEMATIC GROUPE à verser à Monsieur [C] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 31 août 2017, date de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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