ARRET N°
du 24 octobre 2023
N° RG 22/01286 – N° Portalis DBVQ-V-B7G-FGJI
S.A.R.L. ADMC-AUDIT DIAGNOSTIC MISE EN CONFORMITE
c/
S.A.R.L. AXE INVESTISSEMENT
S.A.S. NAC
S.A.S. AXE ENVIRONNEMENT
Formule exécutoire le :
à :
la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES
la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
Me Pascal GUILLAUME
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 24 OCTOBRE 2023
APPELANTE :
d’un jugement rendu le 14 juin 2022 par le Tribunal de Commerce de TROYES
S.A.R.L. ADMC (Audit Diagnostic Mise en Conformité)
[Adresse 5]
[Localité 6]/LUXEMBOURG
Représentée par Me Florence SIX de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Pierre GOUGE de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMEES :
S.A.R.L. AXE INVESTISSEMENT
Au capital de 10.000,00 euros, inscrite au RCS DE TROYES sous le n° 505 183 624,
Prise en la personne de son Gérant domicilié de droit audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Olivier DELVINCOURT de la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant ,et Me Valérie GOBILLARD de la SELARL EFFIS, avocat au barreau de REIMS, avocat plaidant
S.A.S. NAC
[Adresse 3]
[Adresse 1]/FRANCE
Représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS
S.A.S. AXE ENVIRONNEMENT
[Adresse 3]
[Adresse 1]/FRANCE
Représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, avocat postulanr, et Me Fabrice HERCOT et Me Abdelwahab LAHLOU de la SELARL JOFFE ET ASSOCIES, avocats plaidant
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame PILON, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère
Madame Sandrine PILON, conseillère
GREFFIER :
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 19 septembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 24 octobre 2023
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH président de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Le capital social de la SAS Axe Environnement était réparti, à la fin de l’année 2015, entre les sociétés Axe Investissement, Audit Diagnostic Mise en conformité (ci-après, société ADMC) et Nexxtep Technologies. En 2016, la société NAC est devenue actionnaire majoritaire en participant à une augmentation de capital.
A la fin du mois de juin 2018, les capitaux propres de la SAS Axe Environnement sont devenus inférieurs à la moitié de son capital social. Les associés ont néanmoins décidé de poursuivre son activité et de reconstituer ses capitaux propres au plus tard le 30 juin 2021.
Après consultation écrite des associés de la société Axe Environnement et suivant procès-verbal du 4 mai 2020, la décision de procéder à une opération de réduction-augmentation de capital (dite » coup d’accordéon « ) a été adoptée, seule la société ADMC s’y étant opposée.
Le 16 juin 2020, la société NAC, devenue associé unique de la société Axe Environnement, a approuvé une augmentation de capital par l’émission d’actions ordinaires attribuées à la société Axe Investissement, laquelle apportait ses parts dans la SCI Axe Immobilier, bailleur de la société Axe Environnement, puis une seconde opération de réduction de capital afin d’apurer l’intégralité des pertes de la société Axe Environnement.
Aux termes de ces opérations, le capital social de cette dernière était réparti entre les sociétés NAC et Axe Investissement.
Estimant que l’opération de coup d’accordéon était irrégulière, la SARL ADMC a saisi le tribunal de commerce de Troyes afin d’obtenir l’annulation des décisions collectives des associés de la société Axe Environnement constatées par procès-verbal du 4 mai 2020 et de tous les actes s’y rapportant ainsi que de tous les actes subséquents et de condamner solidairement les sociétés Axe Investissement et NAC SAS à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral.
Par jugement du 14 juin 2022, le tribunal de commerce a :
– Débouté la société ADMC de l’intégralité de ses demandes,
– Reçu les sociétés Axe Investissement, Axe Environnement et NAC SAS en leurs demandes et les a déclarées partiellement fondées,
– Condamné la société ADMC à verser aux sociétés Axe Investissement et NAC SAS une somme de 1 euro chacune en indemnisation de leur préjudice moral pour abus de son droit d’agir en justice,
– Condamné la société ADMC à verser la somme de 1 000 euros à chacune des sociétés Axe Investissement, Axe Environnement et NAC SAS à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Ordonné l’exécution provisoire,
– Laissé les dépens à la charge de la société ADMC,
– Liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 109.74 euros dont 18.29 euros de TVA.
Il a considéré que le fait qu’il n’y ait pas eu apport d’argent frais n’est pas l’indice d’un détournement de l’opération au détriment de l’actionnaire minoritaire qui, dans le même temps, a renoncé à son droit préférentiel de souscription, que la société ADMC ne démontrait pas un éventuel abus de majorité, que l’opération de coup d’accordéon était nécessaire à la survie de la société dès lors que le résultat de l’exercice 2019 ne pouvait à lui seul résorber les déficits cumulés sur un an et reconstituer ses capitaux propres, compte tenu de la dénonciation de ses lignes de découvert par la banque CIC Est et parce que l’exercice clôturé en 2019 faisait ressorti un déficit de 190 930 euros et que l’opération de recapitalisation n’a pas été décidée de manière précipitée.
La SARL ADMC a relevé appel de ce jugement par déclaration du 29 juin 2022.
Par conclusions notifiées le 18 décembre 2022, elle demande à la cour :
– D’infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
– De prononcer la nullité des décisions collectives des associés de la société Axe Environnement constatées par procès-verbal du 4 mai 2020 et tous les actes s’y rapportant ainsi que tous les actes subséquents,
– De débouter les sociétés Axe Investissement, Axe Environnement et NAC SAS de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
– De condamner solidairement les sociétés Axe Investissement et NAC SAS à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral,
– De condamner solidairement ces sociétés à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de Me Florence Six.
Elle estime que si la nécessité de reconstituer les capitaux propres ne peut être contestée, la méthode choisie, soit le coup d’accordéon, est totalement illégale en ce que la survie de la société Axe environnement n’était pas menacée et que le but poursuivi n’était pas la préservation de l’intérêt social, mais l’éviction de l’associé minoritaire qu’elle était. Elle affirme notamment qu’aucune somme d’argent n’a été apportée à l’occasion de l’opération de coup d’accordéon du 4 mai 2020 et de l’opération de recapitalisation du 16 juin 2020, puisque lors de la première opération, la société NAC SAS a souscrit des actions nouvelles par compensation de sa créance de compte courant et pour la seconde, la société Axe investissement a procédé à un apport en nature de parts sociales qu’elle détenait dans la SCI Axe Immobilier.
Elle en conclut que l’opération de coup d’accordéon est constitutive d’un abus de majorité et d’une fraude à ses droits.
En réponse aux moyens développés par les intimées, elle affirme que d’autres solutions étaient possibles afin de reconstituer les capitaux propres de la société Axe Environnement, seule obligation qui pesait sur cette dernière. S’il s’agissait en outre d’apurer les pertes, elle affirme qu’il était possible de procéder à l’inverse de ce qui a été fait, en réalisant une augmentation de capital, puis une réduction afin d’apurer les pertes et une nouvelle opération de recapitalisation et ce, sans que la société NAC n’ait à débourser davantage que dans le cadre du coup d’accordéon litigieux, tout en lui permettant de conserver sa qualité d’associé, même fortement diluée.
Elle fonde sa demande indemnitaire sur l’article 1240 du code civil et explique qu’elle était un actionnaire historique de la société Axe Environnement, de sorte qu’elle a nécessairement subi un préjudice moral du fait de l’abus de majorité des sociétés Axe Investissement, NAC SAS et Nexxtep, qui ont voté en faveur de l’opération illégale de coup d’accordéon.
Par conclusions transmises le 18 octobre 2022, la SAS Nac et la SAS Axe Environnement sollicitent :
– La confirmation du jugement en toutes ses dispositions,
– Le rejet de l’intégralité des demandes de la société ADMC,
– La condamnation reconventionnelle de la société ADMC à leur verser une somme de 10 000 euros chacune en indemnisation de leur préjudice moral pour abus de son droit d’agir en justice,
En tout état de cause,
– La condamnation de la société ADMC à leur verser une somme de 10 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Elles font valoir que la pratique du coup d’accordéon est légale et communément admise par la jurisprudence et la doctrine, sous réserve qu’elle ne constitue pas un abus de majorité ou de fraude. Elles rappellent que dans un arrêt dit » Usinor « , la cour de cassation a jugé l’opération licite car la survie de l’entreprise légitimait la réduction de son capital à zéro, sous la condition suspensive d’une augmentation de capital destinée à amener celui-ci au montant légal.
Elles affirment que sans la double opération de recapitalisation et malgré le bénéfice réalisé sur l’exercice clos le 30 juin 2020, les capitaux propres de la société Axe Environnement auraient encore été négatifs à hauteur de 1 040 400 euros, tandis qu’elles ont permis de recapitaliser la société Axe Environnement, de reconstituer ses fonds propres et d’apurer totalement ses pertes, lui permettant de réaliser un bénéfice de 282 917 euros au titre de l’exercice clos le 30 juin 2020 avec des capitaux propres à hauteur de 620 551 euros ; que l’opération de coup d’accordéon n’a pas été décidée de manière précipitée et inattendue ; que cette opération réalisée par compensation de la créance en compte courant d’associé de la société NAC n’est pas contraire à l’intérêt social puisque le passif exigible s’est trouvé diminué à due concurrence et que ceci a amélioré d’autant ses capacités de financement et que cette opération était objectivement nécessaire à la survie de la société, puisqu’elle a permis la reconstitution de ses fonds propres, qui aurait autrement été impossible dans le délai imparti.
Elles ajoutent que le commissaire aux comptes n’a émis aucune objection à la réalisation de cette opération et que la société ADMC a été mise en mesure de souscrire à l’augmentation de capital dans un délai suffisant, mais qu’elle a décidé de ne pas y participer.
Par conclusions notifiées le 21 octobre 2022, la SARL Axe Investissement demande :
– La confirmation du jugement en toutes ses dispositions,
– Le rejet de l’intégralité des demandes de la société ADMC,
– La condamnation reconventionnelle de la société ADMC à lui verser une somme de 10 000 euros en indemnisation de son préjudice moral pour abus dans son droit d’agir en justice,
En tout état de cause,
– La condamnation de la société ADMC à lui verser une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, dont distraction au profit de Me Olivier Delvincourt.
Elle soutient que l’opération de coup d’accordéon était nécessaire à la survie de la société Axe Environnement en développant les mêmes moyens que les sociétés Axe Investissement et NAC SAS, que cette opération réalisée par compensation de la créance en compte courant d’associé de la société NAC n’est pas contraire à l’intérêt social, que le commissaire aux comptes de la société n’a formulé aucune opposition à la réalisation de l’opération et que celle-ci n’a pas été décidée de manière précipitée. Elle affirme également que la société ADMC avait, comme les autres actionnaires, la possibilité de participer à l’augmentation de capital et qu’elle n’a pas souhaité le faire.
MOTIFS
Sur la demande d’annulation pour abus de majorité
Il résulte de l’article L225-248 du code de commerce que : » Si, du fait de pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social, le conseil d’administration ou le directoire, selon le cas, est tenu dans les quatre mois qui suivent l’approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte, de convoquer l’assemblée générale extraordinaire à l’effet de décider s’il y a lieu à dissolution anticipée de la société.
Si la dissolution n’est pas prononcée, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue, de reconstituer ses capitaux propres à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social ou, sous réserve de l’article L. 224-2, de réduire son capital social du montant nécessaire pour que la valeur des capitaux propres soit au moins égale à la moitié de son montant.
Dans les deux cas, la résolution adoptée par l’assemblée générale est publiée selon les modalités fixées par décret en Conseil d’Etat.
Si, avant l’échéance mentionnée au deuxième alinéa du présent article, les capitaux propres n’ont pas été reconstitués à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social alors que le capital social de la société est supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat en fonction de la taille de son bilan, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant cette échéance, de réduire son capital social, sous réserve de l’article L. 224-2, pour le ramener à une valeur inférieure ou égale à ce seuil.
Lorsque, en application du quatrième alinéa du présent article, la société a réduit son capital social sans pour autant que ses fonds propres aient été reconstitués et procède par la suite à une augmentation de capital, elle se remet en conformité avec les dispositions du même quatrième alinéa avant la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel a eu lieu cette augmentation « .
Il peut être procédé à la recapitalisation d’une société par l’emploi de la technique dite du » coup d’accordéon « , qui consiste à réduire le capital de la société avant de procéder immédiatement à une augmentation dudit capital.
Cette opération doit respecter certaines conditions (arrêt Usinor du 17 mai 1994, cass. com., 17 mai 1994) : la réduction du capital à zéro doit être décidée sous la condition suspensive d’une augmentation du capital social destinée à remonter celui-ci au minimum légal ou statutaire et ce notamment conformément aux exigences posées par l’article L. 224-2 du Code de commerce ; elle ne doit pas avoir pour objet de léser les actionnaires minoritaires, ce qui serait un abus de majorité ; l’opération doit être nécessaire à la survie de la société ou à sa pérennité.
Il résulte du procès-verbal établi le 4 mai 2020 sur la consultation écrite des associés de la société Axe Envrionnement que la deuxième résolution prévoyant la réduction du capital social à zéro a été adoptée sous condition suspensive de la réalisation de l’augmentation de capital.
La société ADMC ne conteste pas la nécessité de reconstituer les capitaux propres au 30 juin 2021, expliquant qu’à la clôture de l’exercice social 2018, la société Axe Environnement affichait des pertes conséquentes dégradant ses capitaux propres. Elle affirme néanmoins que la survie d’une entreprise n’est pas menacée du seul fait d’une non reconstitution de ses capitaux propres.
Cependant, l’obligation légale pour une société dont les capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié du capital social de reconstituer lesdits capitaux propres à défaut de dissolution, trouve son fondement dans le caractère pour le moins alarmant de la situation financière que traduit une telle situation.
De fait, il résulte de ses comptes annuels 2017-2018 que les capitaux propres de la société Axe Environnement étaient alors de – 1 132 385 euros, pour un capital social de 48 880 euros et un montant total de dettes de 4 043 858 euros. Ainsi, la capacité de la société à s’acquitter de ses dettes était clairement mise en cause.
Cette situation a perduré en 2019, puisque les capitaux propres de la société étaient encore négatifs, de 1 323 316 euros.
Et la Banque CIC Est a fait savoir à la société Axe Environnement, par un courrier du 25 avril 2019, qu’elle n’avait plus convenance à maintenir son concours sous forme d’autorisation de découvert à hauteur de 200 000 euros.
L’existence de capitaux propres négatifs ne peut que compromettre la situation financière de la société à long terme et la perpétuation de cette situation ne pouvait que faire craindre que la société ne parvienne pas à obtenir des capitaux propres positifs par la réalisation d’un résultat d’exercice suffisant pour compenser les pertes avant le 30 juin 2021.
D’ailleurs, les sociétés NAC SAS et Axe Environnement démontrent, sans être contredites par la société ADMC, que les capitaux propres de cette dernière seraient restés négatifs à hauteur de 1 040 400 euros en dépit du bénéfice de l’exercice clos le 30 juin 2020 s’il n’avait pas été procédé aux opérations de recapitalisation.
Le fait que la société NAC SAS ait participé à l’augmentation du capital par compensation avec son compte courant ne vient pas contredire l’existence d’une situation financière alarmante dès lors qu’il n’était pas invoqué un manque de trésorerie, mais des pertes importantes (1 313 455 en 2018). Et en tout état de cause, la société Axe Environnement a ainsi réglé une de ses dettes, à hauteur de 1 243 000 euros, ce qui ne pouvait que contribuer à améliorer sa situation financière.
En outre, si la première opération de capitalisation n’a pas permis d’apurer toutes les pertes de la société et qu’une seconde opération a été nécessaire, la société NAC SAS explique qu’il a été procédé en deux temps, parce que le commissaire aux apports chargé d’évaluer les parts de la SCI Axe Immobilier qui ont été apportées à la société Axe Environnement lors de la seconde opération, n’avait pas remis son rapport, qui est daté du 28 mai 2020.
La société ADMC s’interroge sur la valorisation des parts de la société Axe Immobilier dans le cadre de cet apport (278 euros la part sociale), indiquant qu’elle avait elle-même vendu ces parts à la société Axe investissement en 2018 au prix de 111 euros. Cependant, le commissaire aux apports estime que la valeur des parts sociales de la SCI Axe Immobilier retenue par les parties est cohérente avec la valeur cumulée des capitaux propres issus des derniers comptes établis par la société Axe Immobilier au 31 décembre 2019 et la fourchette de valorisation brute de l’ensemble immobilier et la société ADMC ne fournit aucun élément venant contredire cette évaluation. L’hypothèse avancée par elle que l’écart de valeur qu’elle dénonce peut démontrer que la valeur retenue est totalement artificielle et uniquement destinée à permettre à la société Axe Investissement de se reluer au capital de la société Axe Environnement sans bourse délier n’est donc en rien démontrée.
La société NAC SAS produit un projet de comptes annuels d’Axe Environnement au titre de l’exercice clos le 30 juin 2020 faisant apparaître des capitaux propres de 620 551 euros, un capital social de 337 640 euros et un bénéfice de 282 917 euros.
Il est ainsi démontré que le coup d’accordéon a permis d’assurer la survie de l’entreprise en apurant les dettes sociales et en se refinançant. Il ne peut donc être tenu pour contraire à l’intérêt social.
S’agissant des conditions dans lesquelles la recapitalisation est intervenue, il convient de relever que la faculté de souscription était réservée à la collectivité des associés de la société Axe Environnement, dans un délai de 21 jours calendaires courant à compter du 4 mai 2020. D’ailleurs la société ADMC ne prétend pas avoir été empêchée d’exercer cette faculté, ni même que cet exercice aurait été difficile. Dès lors, la société ADMC, qui n’a pas souhaité souscrire à l’augmentation du capital décidée le 4 mai 2020, s’est exclue d’elle-même de la société et ne démontre pas une fraude aux droits des actionnaires minoritaires.
En conséquence, elle doit être déboutée de sa demande de nullité des décisions collectives des associés de la société Axe Environnement constatées par procès-verbal du 4 mai 2020, de tous les actes s’y rapportant et des actes subséquents et de celle tendant à obtenir une indemnité de 25 000 euros pour préjudice moral résultant de son éviction, à défaut de démonstration d’une faute des sociétés Axe Investissement et NAC SAS. Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
Sur les demandes indemnitaires pour abus du droit d’agir en justice
En dépit de ce qui précède, les sociétés Axe Investissement, Axe Environnement et NAC SAS ne rapportent pas la preuve de l’existence d’une faute de la société ADMC qui aurait fait dégénérer en abus le droit dont celle-ci dispose d’agir en justice. Elles seront donc déboutées de leur demande en paiement de dommages intérêts pour abus du droit d’agir en justice et le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application ; le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
La société ADMC, qui succombe en son appel, doit supporter les dépens de cette instance et sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile doit être rejetée.
Il est équitable d’allouer aux sociétés Axe Environnement, NAC SAS et Axe Investissement la somme de 2 000 euros chacune pour leurs frais irrépétibles d’appel.
Me Olivier Delvincourt sera autorisé à recouvrer les dépens d’appel dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement rendu le 14 juin 2022 par le tribunal de commerce de Sedan en ce qu’il condamne la société ADMC – Audit Diagnostic Mise en conformité à verser aux sociétés Axe Investissement et NAC SAS une somme de 1 euro chacune en indemnisation de leur préjudice moral pour abus de son droit d’agir en justice,
Statuant à nouveau sur ce seul chef,
Déboute les sociétés Axe Investissement et NAC SAS de leur demande en paiement d’une indemnité pour abus du droit d’agir en justice,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Déboute la société Axe Environnement de sa demande en paiement d’une indemnité pour abus du droit d’agir en justice,
Condamne la société ADMC – Audit Diagnostic Mise en conformité à payer aux sociétés Axe Environnement, NAC SAS et Axe Investissement la somme de 2 000 euros chacune pour leurs frais irrépétibles d’appel,
Déboute la société ADMC – Audit Diagnostic Mise en conformité de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société ADMC – Audit Diagnostic Mise en conformité aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Olivier Delvincourt.
Le greffier La présidente
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