Augmentation de capital : décision du 18 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/18859

·

·

Augmentation de capital : décision du 18 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/18859

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 18 AVRIL 2023

(n° / 2023, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/18859 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CESN5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Octobre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2019053015

APPELANTE

S.A.S. ICD, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRÉTEIL sous le numéro 842 276 925,

Dont le siège social est situé [Adresse 8]

[Localité 12]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010,

Assistée de Me Sophie LOITRON-THEZE, avocate au barreau de PARIS, toque : G225,

INTIMÉS

Madame [Y] [C] épouse [Z]

Née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 14]

Demeurant [Adresse 9]

[Localité 11]

Monsieur [V] [Z]

Né le [Date naissance 1] 1937 à [Localité 15] (Italie)

Demeurant [Adresse 4]

[Localité 10]

Représentés par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP Société Civile Professionnelle d’avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285,

Assistés de Me Antoine GERMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1506,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Février 2023, en audience publique, devant la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [J] [P] dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

La société à responsabilité limitée Société Européenne du Bâtiment ( » la société SEB « ) a exercé l’activité d’entreprise du bâtiment, de maçonnerie et de gros ‘uvre avant d’être placée en liquidation judiciaire par jugement du 20 janvier 2022.

Début 2018, alors que ses associés M. [V] [Z] pour 25% du capital social et sa fille Mme [Y] [Z] épouse [C] pour 75% recherchaient un repreneur,

M. [D] [R], professionnel du bâtiment, et sa compagne Mme [A] [I] leur ont fait une offre de reprise de la société.

Le 16 mars 2018, M. et Mme [Z] ont signé une promesse de cession des parts au prix de 490 000 euros expirant le 30 juin 2018, au bénéfice de M. [R] avec faculté de substitution d’une société à constituer, et sous les conditions suspensives suivantes :

– d’obtention d’un financement bancaire par le cessionnaire,

– de la transformation de la société SEB en société par actions simplifiée,

– de l’établissement de l’arrêté des comptes au 30 mai 2018 et de leur communication à

M. [R],

– de l’existence de capitaux propres pour un montant au moins égal à 180 000 euros, condition assortie d’une  » clause de pondération de prix « , selon laquelle, si à la date de la cession les capitaux propres étaient supérieurs à 180 000 euros, les promettants seraient en droit de prélever des dividendes à due concurrence de la différence, et si les capitaux propres étaient inférieurs à 180 000 euros, le prix de cession serait diminué d’autant.

La condition relative à l’obtention du prêt n’ayant pu être réalisée, les parties ont, par avenant du 30 juin 2018, prorogé la promesse de vente au 14 septembre 2018 et ont renoncé expressément, d’une part, aux conditions suspensives, à l’exception de celle relative à la transformation de la société SEB en société par actions simplifiée, ainsi que, d’autre part, à la clause de pondération de prix en fonction des capitaux propres dont il était reconnu qu’ils s’élevaient, à la date de l’avenant, à au moins 180 000 euros. Il était stipulé un prix de vente ferme, fixe et définitif de 490 000 euros.

Spécialement constituée pour les besoins de l’opération le 13 septembre 2018, la société ICD a été créée sous la forme d’une société par actions simplifiée entre Mme [I] et Mme [U] [X] nommée présidente suivant les statuts signés le 25 juin 2018, qui en deviendra ultérieurement l’actionnaire unique.

L’assemblée des associés du 19 octobre 2018 a voté la transformation de la société SEB en société par actions simplifiée et a procédé à une augmentation de capital de 8 000 à 100 000 euros par prélèvement de la somme de 92 000 euros sur le compte de report à nouveau, avec élévation de la valeur nominale de chaque action à la somme de 200 euros. Le commissaire à la transformation, désigné conformément à l’article R. 224-3 du code de commerce, a alors attesté que le montant des capitaux propres était au moins égal au capital social projeté.

Le 29 octobre 2018, l’acte réitératif de cession des titres de la société SEB a été régularisé entre les consorts [Z] et la société ICD, pour un prix ferme de 490 000 euros.

Soutenant ne pas avoir été payés de l’entièreté du prix de cession, les cédants ont assigné la société ICD devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny et obtenu le paiement du solde restant dû, décision confirmée en appel.

Le cessionnaire a de son côté émis des doutes quant au montant de  » factures à établir  » à la date de transformation de la société en SAS. Estimant avoir été victime d’une tromperie sur le niveau des capitaux propres de la société SEB, la société ICD a assigné les consorts [Z] en annulation de la cession pour dol devant le tribunal de commerce de Créteil, dessaisi au profit du tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 22 octobre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

– débouté la société ICD de sa fin de non-recevoir pour vice de forme concernant les conclusions en défense ;

– débouté la société ICD de sa demande d’annulation pour dol de l’acte de cession du

29 octobre 2018 ainsi que de toutes ses demandes de remboursement et de dommages et intérêts à ce titre ;

– débouté la société ICD de sa demande de réduction du prix de vente des titres ;

– débouté la société ICD de sa demande de désignation d’un expert ;

– condamné la société ICD à payer à Mme [Y] [Z] épouse [C] et à

M. [Z] [V] la somme de 2500 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile, débouté pour le surplus ;

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif ;

– condamné la société ICD aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,62 euros dont 15,72 euros de TVA.

Par déclaration du 27 octobre 2021, la société ICD a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le

29 janvier 2022, la société ICD demande à la cour d’appel :

– d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

– statuant à nouveau, de prononcer la nullité de la cession des titres de la société SEB en date du 29 octobre 2018 pour dol ;

– d’ordonner la remise en l’état antérieur de la cession par la restitution du prix de cession augmenté des intérêts légaux à compter du 19 mars 2003 ;

– de condamner Mme [Z] à lui verser la somme de 367 500 euros en restitution du prix de cession ;

– de condamner M. [Z] à lui verser la somme de 122 500 euros en restitution du prix de cession ;

– de condamner in solidum M. et Mme [Z] à lui verser la somme de 75 000 euros en remboursement de son compte courant ;

– de condamner in solidum M. et Mme [Z] à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation de sa perte de chance de conclure un autre contrat ;

– à titre subsidiaire, de condamner in solidum M. et Mme [Z] à lui verser la somme de 490 000 euros au titre de la réparation du préjudice subi, conformément à l’article 1240 du code civil ;

– à titre très subsidiaire, de condamner solidairement M. et Mme [Z] à lui verser la somme de 489 999 euros au titre de la réduction du prix de vente fixé à la somme de 1 euro symbolique ;

– en tout état de cause, de condamner in solidum M. et Mme [Z] à lui verser la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens.

La société ICD soutient que le montant des capitaux propres était un élément déterminant de son consentement et que ses co-contractants ont usé de man’uvres nécessairement intentionnelles pour dissimuler un résultat comptable en réalité déficitaire et l’état de cessation de paiements de la société SEB, ces man’uvres ayant eu pour effet de fausser l’appréciation portée par le commissaire à la transformation quant au montant des capitaux propres ainsi que sa décision de reprendre la société, et ce pour l’essentiel :

– en prétendant disposer de  » factures à établir « , et donc de recettes en perspective, à l’occasion du bilan comptable au 31 décembre 2017 puis au 31 août 2018, alors que la société accusait en réalité de pertes à ces dates-là et qu’une perte de 235 277 euros est apparue au bilan clôturé le 31 décembre 2018 faisant chuter les capitaux propres en négatif (-50 454 euros) ;

– en mentant à plusieurs reprises sur le montant des capitaux propres, élément déterminant de son consentement, notamment en certifiant que le montant des capitaux propres était de 180 000 euros au 31 mai 2018 puis au 30 juin 2018, ce qui a conduit les cessionnaires à accepter de renoncer à la clause de pondération du prix, sur la foi de Mme [Z], juge consulaire au tribunal de commerce de Créteil ;

– en mentant au commissaire à la transformation sur l’existence de chantiers à réaliser en 2018, notamment un chantier  » signé  » de 4 040 179 euros pour le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] et sur l’existence de factures à établir en 2018 ;

– en gardant le silence sur la baisse significative des capitaux propres et donc sur la valeur de la société cédée.

La société ICD fait également valoir que la clause relative à la renonciation par le cessionnaire à la pondération du prix, clause stipulée au sein de l’avenant du 30 juin 2018, est inapplicable du fait de son caractère léonin au sens de l’article 1844-1 du code civil, et ce en raison du fait que les promesses d’achat de droit sociaux ayant pour effet d’exonérer les cédants de leur contribution aux pertes sont des clauses léonines et donc prohibées. Par cette clause, les cédants pouvaient librement dilapider les actifs de la société SEB avant la cession, sans être inquiétés.

Expliquant les dissimulations pratiquées par les consorts [Z] lors de la cession de leurs parts sociales, elle expose que la société SEB a subi une forte baisse de son chiffre d’affaires en 2018 qui ne lui est pas imputable, que les comptes de la société retrouvaient en octobre 2019 un solde créditeur de 254 903,65 euros, et que les consorts [Z], dès lors qu’ils avaient trouvé un acquéreur, se sont désintéressés de l’activité de la société SEB, manquant à leur rôle d’accompagnement vis-à-vis de la clientèle, ce qui a conduit à la surévaluation de la valeur vénale de la société SEB et qui justifie une réduction du prix de vente.

Elle ajoute que sa présidente Mme [X] a toujours fait preuve de bonne foi, l’acquisition de la société SEB ayant été financée par celle-ci au moyen de fonds propres qu’elle n’avait aucun intérêt à voir dilapider, que Mme [X] s’est portée caution sur ses biens personnels à hauteur de 96 000 euros et qu’elle a également dû réinjecter en compte courant 40 000 euros le 21 février 2019 et 35 000 euros le 25 janvier 2019.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 26 avril 2022, Mme [Y] [Z] épouse [C] et de M. [V] [Z] demandent à la cour :

– de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 22 octobre 2021 en toutes ses dispositions ;

– en conséquence, de débouter la société ICD de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

– de condamner la société ICD au paiement d’une somme de 8000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

M. et Mme [Z] rétorquent que l’assignation pour dol était un contre feu que la société ICD avait monté de toute pièce pour faire face aux assignations en paiement du solde du prix, et autres procédures engagées à son encontre et alors que la gestion de la société ICD s’est avérée  » calamiteuse  » et l’exploitation de l’activité défaillante.

Ils soutiennent que les parties ont expressément convenu dès l’avenant du 30 juin 2018 que ni le montant des factures à établir ni le montant d’un niveau de capitaux propres n’étaient un élément déterminant de leur consentement à réaliser l’opération et que la clause de renonciation à la pondération du prix qui est stipulée dans cet avenant n’est pas une clause léonine, puisqu’elle ne crée aucun déséquilibre entre les parties, qui reconnaissent toutes que le montant des capitaux propres s’élevait, au 30 juin 2018, à la somme de 180 000 euros.

Ils font valoir qu’il n’est pas démontré qu’ils ont commis des man’uvres dolosives, faute de démonstration des mensonges allégués, et que l’intention dolosive n’est pas davantage prouvée. Le rapport de l’expert-comptable de la société SEB M. [E] ne peut suffire à remettre en cause le résultat de l’exercice 2017 ou l’attestation des capitaux propres du

31 mai 2018 qu’il avait lui-même certifiés, ainsi que l’a relevé le tribunal de commerce. En effet, M. [E] précise expressément qu’il n’a pas vérifié l’état d’avancement des chantiers, et sans faire le rapprochement des factures et des devis établis.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 10 janvier 2023.

SUR CE,

La société ICD n’ayant pas maintenu dans ses dernières conclusions ses demandes tendant à l’irrecevabilité des conclusions en défense et à la désignation d’un expert, la cour ne peut, en l’absence d’appel incident, que confirmer ces deux chefs de jugement.

– Sur la demande d’annulation de la cession des titres de la société SEB pour dol

Aux termes de l’article 1137 du code civil, dans sa version applicable au jour du contrat, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

En l’espèce, la cession des parts de la société SEB est intervenue en trois temps :

– premièrement le 16 mars 2018, par la signature par M. et Mme [Z] d’une promesse de cession des parts au profit de M. [R] avec faculté de substitution, sous condition suspensive de l’existence de capitaux propres pour un montant au moins égal à 180 000 euros, condition qualifiée d’ » essentielle et déterminante  » assortie d’une clause de pondération du prix modulé en fonction du montant des capitaux propres à l’échéance de la promesse le 30 juin 2018, démontrant, à ce stade, le caractère déterminant de la condition tenant au montant des capitaux propres ;

– deuxièmement le 30 juin 2108, par la signature d’un avenant à cette promesse par lequel les parties ont expressément renoncé, d’une part, à la condition suspensive tenant au montant des capitaux propres, dont elles ont reconnu qu’à la date de l’acte, ils s’élevaient à une somme au moins égale à 180 000 euros, et d’autre part, à la clause de pondération de prix, stipulant un prix de vente ferme, fixe et définitif de 490 000 euros ;

– troisièmement le 29 octobre 2018, par la signature par les consorts [Z] et la société ICD d’un acte réitératif de cession des titres de la société SEB, transformée pour l’occasion en société par actions simplifiée au capital social de 100 000 euros, pour un prix ferme de 490 000 euros.

Au 31 décembre 2018, il ressort du bilan de l’exercice que le montant des capitaux propres s’élevait à la somme négative de -50 454 euros.

Les circonstances de la renonciation à la clause de pondération du prix de vente, en ce que cette renonciation intervient à l’occasion de la prorogation jusqu’au 14 septembre 2018 de la promesse et après justification du respect de la condition tenant au montant des capitaux propres au 31 mai 2018, comme initialement convenu, excluent le caractère léonin de cette renonciation, de sorte que le moyen doit être écarté.

La société ICD prétend que les cédants ont fait usage de man’uvres et omissions pour dissimuler des baisses de résultat en 2017 et 2018, ce qui a eu pour effet de fausser l’appréciation portée par les professionnels du chiffre sur le montant des capitaux propres, élément déterminant de son consentement à la cession.

– Sur le caractère déterminant du montant des capitaux propres

Il ressort de l’avenant signé le 30 juin 2018 que, suivant l’attestation de l’expert-comptable de la société SEB M. [E] en date du 31 mai 2018, la condition relative au montant des capitaux propres était remplie à la date de signature de l’acte au 30 juin 2018, et qu’après avoir reconnu qu’ils étaient au moins égaux à 180 000 euros, les parties ont décidé  » de renoncer au critère de pondération en fonction des capitaux propres (‘) qui devient sans objet « .

Il s’en déduit que, si le 30 juin 2018, M. [R], aux droits duquel est intervenue la société ICD par substitution, a renoncé à la condition suspensive tenant au montant des capitaux propres, c’est uniquement parce que les parties ont considéré que cette condition était remplie, rendant sans objet la clause de complément de prix, et il ne peut être considéré que le montant des capitaux propres n’était plus un élément déterminant de la volonté d’acquérir la société SEB.

Or la société ICD soutient que les cédants ont fait usage de diverses man’uvres ayant eu pour conséquence de fausser le montant des capitaux propres.

– Sur les man’uvres et omissions dolosives alléguées par la société ICD

S’agissant des comptes de l’exercice 2017, si la société ICD prouve une perte alléguée de 235 277 euros au bilan clôturé le 31 décembre 2018, elle n’apporte aucun élément de preuve permettant de remettre en cause le résultat net comptable de 25 564,96 euros au

31 décembre 2017, établi par l’expert-comptable de la société SEB, M. [E]. Il s’ensuit que les mensonges et man’uvres sur les factures à établir à la date du 31 décembre 2017 ne sont pas établis.

S’agissant des comptes de l’exercice 2018, si la société ICD produit un rapport sur les

 » factures à établir  » au 31 août 2018, rédigé non contradictoirement par son expert-comptable M. [E] le 20 janvier 2019 à sa demande, dont il ressort que le montant des  » factures à établir  » comptabilisées au 31 décembre 2017 et non encore établies au

31 août 2018 s’élevait à la somme de 218 847,83 euros HT au lieu de celle de 466 000 euros HT retenue par le commissaire à la transformation suivant les déclarations de

Mme [Z], aucun élément versé aux débats ne permet d’imputer à cette discordance le déficit d’exploitation de 235 277 euros au 31 décembre 2018, compte tenu du laps de temps écoulé entre le 31 août et 31 décembre 2018, de l’absence de vérification de l’avancement des chantiers par l’expert-comptable et de l’absence de certification des comptes de l’exercice 2018, et ce d’autant que ce rapport, d’ordre purement comptable, invite la société ICD à procéder à des vérifications complémentaires  » dans les dossiers commerciaux les devis réellement signés, les achats de matériaux effectués pour ces chantiers réalisés après le 31 août 2018 pour en déterminer l’avancement exact « , pièces qui ne sont pas produites.

Le tribunal a ainsi justement relevé que le bilan de l’exercice 2018, qui prend en compte une période postérieure à l’acte de cession, ou les situations de trésorerie, qui n’influent pas sur le montant des capitaux propres, ne permettent pas d’étayer les allégations de la société ICD.

La société ICD se réfère ensuite à une liste dressée par Mme [Z] le 20 juin 2018 et jointe au rapport du commissaire à la transformation, liste qualifiée par son auteure de  » non exhaustive  » de marchés  » signés  » devant débuter en septembre 2018 et s’achever au cours du premier semestre 2019 permettant d’estimer le  » montant du carnet de commande pour cette période à venir  » à la somme de 1 371 000 euros HT, étant observé que les marchés destinés à être achevés et facturés en 2019 sont sans incidence sur le résultat attendu en 2018. Or, sur les 8 chantiers évoqués dans cette liste non exhaustive, les consorts [Z] justifient de la réalisation du chantier du [Adresse 7] (compte-rendu de chantier du

8 janvier 2019), du chantier de [Localité 13] (marché signé le 15 mai 2018), du chantier [Adresse 16] (courriel de Mme [Z] du 13 juin 2019 et de l’huissier ayant pratiqué une saisie-attribution sur le compte de la copropriété du 20 juin 2019) et du chantier du [Adresse 5] (courriels de Mme [X] du 18 janvier 2019 et de

Mme [Z] du 13 juin 2019), le chantier du [Adresse 3] ayant été effectué par la société DPET dirigée de fait par M. [R] (selon le rapport du contrôle de l’Urssaf du

22 juillet 2019). Ils justifient en outre de la réalisation d’un chantier au 18 cours de [Localité 19] non mentionné dans cette liste (ordre de service du 15 octobre 2018). Le ravalement de l’immeuble situé [Adresse 6] n’a pas eu lieu mais les négociations précontractuelles ont continué au premier semestre de l’année 2019 (courriels de demande de devis et d’attestations d’assurances en cours de validité du 21 mai 2019). Il reste deux autres  » marchés  » évoqués dans cette liste (ravalements [Adresse 18]) non spécifiquement évoqués par les parties, ce silence ne permettant pas à lui seul de caractériser une man’uvre ou omission dolosive. Ainsi, l’appelante ne prouve finalement qu’une seule demande de remboursement d’acompte datant du 8 juillet 2020 (portant sur la somme de 11 045,50 euros versée en juillet 2017) pour un chantier non réalisé ([Adresse 17]). S’agissant des trois autres acomptes dont elle justifie de la perception en 2018, les 16 juillet, 30 septembre et 31 octobre 2018, la réalisation des chantiers était susceptible de lui incomber en sa qualité de cessionnaire au 29 octobre 2018, ce qui ne permet pas de remettre en cause les déclarations de Mme [Z].

S’agissant des fausses allégations relatives au montant des capitaux propres au 31 mai 2018 puis au 30 juin 2018 et du silence gardé quant à la baisse de capitaux propres, il ressort que l’état des capitaux propres est attesté par M. [E], expert-comptable de la société, déclarant que les capitaux propres s’élèvent à la somme de 186 592 euros au 31 mai 2018. L’inexactitude de l’attestation de l’expert-comptable n’est pas démontrée. Les mensonges à ce titre ne sont pas caractérisés.

S’agissant enfin du déblocage de placements financiers pour un total de 95 007,94 euros les 28 juillet et 21 octobre 2018, la société ICD ne démontre aucunement le caractère frauduleux, étant observé que ce montant correspond à la somme des montants de l’augmentation de capital réalisée en vue de la transformation de la société SEB de SARL en SAS et des primes exceptionnelles perçues par les consorts [Z].

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la société ICD ne rapporte pas la preuve du dol allégué, de sorte qu’il n’y a pas lieu de prononcer la nullité de la cession.

– Sur les demandes principales subséquentes

– Sur les demandes de restitution du prix

Le contrat n’étant pas annulé, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes de restitution du prix. Ces demandes seront donc rejetées.

– Sur la demande de remboursement de la somme de 75 000 euros apportée en compte courant

La présidente de la société ICD a apporté cette somme en compte courant de la société ICD dans la société SEB. Faute d’annulation de la cession, cette demande formée au nom de la société appelante sera rejetée.

– Sur la demande d’indemnisation de la perte de chance de conclure un autre contrat

N’ayant pas établi le dol ni une quelconque faute de la part des consorts [Z], la société ICD ne démontre pas qu’elle aurait disposé des fonds pour acquérir une autre société, de sorte qu’elle est mal fondée à venir demander réparation à ce titre. Cette demande sera donc rejetée.

– Sur les demandes subsidiaires

– Sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts au titre de la responsabilité contractuelle

La société ICD soutient que si la dissimulation ou la tromperie d’une partie n’a pas provoqué, chez l’autre partie, une erreur ayant déterminé son consentement, elle peut être la cause directe et exclusive d’un préjudice dont la partie trompée peut demander la réparation au titre de la responsabilité civile, que les consorts [Z] ont causé de

 » nombreux tracas  » à la société ICD qui a dû réaliser de multiples démarches pour redresser la situation financière de la société SEB, contraignant notamment Mme [X] à se porter caution solidaire sur ses biens personnels à hauteur de 96 000 euros le 10 janvier 2019, à injecter en compte courant la somme de 75 000 euros et à investir toutes ses économies et son héritage familial dans une société déficitaire ; que Mme [X] est désormais contrainte de suivre un traitement thérapeutique lourd à la suite de crises d’angoisse et d’un syndrome d’épuisement professionnel.

Ni le manquement contractuel, ni l’imputabilité aux cédants des pertes constatées au

31 décembre 2018 ou de la dégradation de l’état de santé de Mme [X] n’étant caractérisés, cette demande fondée sur l’article 1240 du code civil sera rejetée.

– Sur la demande très subsidiaire en réduction du prix de vente

La société ICD sollicite une réduction du prix de vente sur le fondement de l’article 1223 du code civil, considérant au vu du résultat négatif de l’année 2018 que la société SEB était surévaluée.

Cependant, il ressort de la procédure que le montant des capitaux propres s’élevait à la somme de 180 000 euros le 31 mai 2018 et le 30 juin 2018 ; qu’au moment de la transformation de la SARL SEB et SAS, le commissaire à la transformation a indiqué que le montant des capitaux propres était au moins égal au montant projeté ; que le résultat négatif n’a été constaté qu’au 31 décembre 2018, sans que le dol des cédants n’ait pu être démontré par le cessionnaire.

Le contrat ayant été exécuté conformément à ses termes, il s’ensuit qu’une réduction du prix de cession n’est nullement justifiée, de sorte que cette demande sera écartée.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé.

– Sur les demandes accessoires

Partie perdante, la société ICD sera condamnée aux dépens de première instance, le jugement étant confirmé sur ce point, ainsi qu’aux dépens d’appel et ne peut prétendre à l’octroi d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [Z] se verront allouer, outre les indemnités de 2 500 euros chacun octroyées par le jugement qui sera confirmé de ce chef, les sommes de 1 500 euros chacun au titre de leurs frais exposés non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société ICD aux dépens d’appel ;

Condamne la société ICD à verser à M. et Mme [Z] la somme de 1 500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande de ce même chef.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon