Augmentation de capital : décision du 14 septembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/03806

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Augmentation de capital : décision du 14 septembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/03806

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 14/09/2023

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N° de MINUTE :

N° RG 21/03806 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TXQI

Jugements n° 18/00076 et 19J80 rendus le 07 juin 2021 par le tribunal de commerce de Dunkerque

APPELANTE

SAS RS Conseils Audits prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Nathalie Siu-Billot, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉES

SAS Socsema Dunkerque – société en liquidation judiciaire –

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Franck Gys, avocat constitué substitué à l’audience par Me Amandine Buczinski, avocats au barreau de Dunkerque

INTERVENANT VOLONTAIRE

SELARL WRA en qualité de mandataire judiciaire de la SAS Socsema Dunkerque désigné par jugement du tribunal de commerce de Dunkerque en date du 19 mars 2019 puis en qualité de liquidateur judiciaire par jugement en date du 5 mai 2020 rendu par le même tribunal

sise [Adresse 3]

représentée par Me Franck Gys, avocat constitué substitué à l’audience par Me Amandine Buczinski, avocats au barreau de Dunkerque

DÉBATS à l’audience publique du 22 mars 2023 tenue par Dominique Gilles magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Clotilde Vanhove, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023 après prorogation du délibéré initialement prévu au 08 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 janvier 2023

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EXPOSE DU LITIGE

Par acte d’huissier du 27 juin 2018, la société par actions simplifiée RS Conseils audits, exerçant l’activité d’expert-comptable, a fait assigner devant le tribunal de commerce de Dunkerque la SAS Socsema Dunkerque (Socsema), spécialisée dans la maintenance industrielle et la chaudronnerie, en paiement de la somme en principal de 30 765,04 euros, correspondant à des honoraires non réglés, outre les intérêts sur cette somme au taux légal majorés de 50% à compter de la mise en demeure du 13 avril 2018.

La société Socsema a été placée en redressement judiciaire par jugement du 19 mars 2019, la SELARL WRA ayant été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Par acte d’huissier du 6 juin 2019, la société RS Conseils audits a appelé en intervention forcée la SELARL WRA en qualité de mandataire judiciaire de la société Socsema Dunkerque aux fins de reprise de la procédure et de fixation de la créance.

Par jugement du 5 mai 2020, la société Socsema a été placée en liquidation judiciaire, la SELARL WRA ayant été désignée en qualité de liquidateur. Le liquidateur ès qualités est intervenu volontairement à la procédure.

C’est dans ces conditions que, par jugement du 7 juin 2021, le tribunal de commerce de Dunkerque a :

– condamné la société RS Conseils audits à payer à la SELARL WRA en qualité de liquidateur judiciaire de la société Socsema Dunkerque la somme de 17 234,96 euros pour les causes susvisées incluant compensation, la créance déclarée au passif de cette dernière se trouvant ramenée à néant,

– prononcé l’exécution provisoire de la présente décision,

– rejeté toutes les autres demandes d’expertise, restitutions supplémentaires, intérêts, dommages-intérêts ou indemnités procédurales,

– condamné la société RS Conseils audits aux entiers dépens, incluant ceux de l’ordonnance du 24 juin 2019.

Par déclaration reçue au greffe le 9 juillet 2021, la SAS RS Conseils audits a interjeté appel de ce jugement, critiquant expressément, outre la condamnation aux dépens, sa condamnation à payer à la société Socsema Dunkerque la somme de 17 234,96 euros incluant compensation, la créance déclarée au passif de cette dernière étant ramenée à néant.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 15 décembre 2022, la SAS RS Conseils audits demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée à payer à la SELARL WRA en qualité de liquidateur judiciaire de la société Socsema la somme de 17 234,96 euros pour les causes susvisées incluant compensation, la créance déclarée au passif de cette dernière se trouvant ramenée à néant, et en ce qu’il l’a condamnée aux entiers dépens,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté toutes les autres demandes en expertise, restitutions supplémentaires, intérêts, dommages-intérêts ou indemnité procédurales,

en conséquence :

– dire sa facture 52/SCO001/COM2013 de 48 000 euros TTC justifiée et entièrement due par la société Socsema,

– dire en conséquence n’y avoir lieu à compensation entre le règlement de ladite facture 52/SCO001/COM2013 et la somme de 30 765,04 euros d’honoraires à elle dus par la société Socsema,

– prononcer la fixation d’une créance d’un montant de 30 765,04 euros de la société RS Conseils audits au passif de la société Socsema,

– débouter la SELARL WRA ès qualités et la société Socsema de leur appel incident et de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner la SELARL WRA ès qualités au paiement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 8 avril 2022, la société Socsema Dunkerque et la SELARL WRA intervenant volontaire en sa qualité de liquidateur judiciaire demandent à la cour de :

– vu l’article 151 du code de déontologie des professionnels de l’expertise comptable,

– vu l’article 24 de la l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées,

– vu l’article 1147 du code civil devenu l’article 1231-1 du même code,

– vu les articles 1376 ancien, et 1303 du code civil,

– débouter la SAS RS Conseils audits de l’ensemble de ses demandes,

– confirmer le jugement entrepris ayant condamné la SAS RS Conseils audits à rembourser la somme de 48 000 euros TTC,

– réformer le jugement entrepris pour le surplus,

y ajoutant,

– condamner la SAS RS Conseils audits à rembourser au titre de l’indu au liquidateur concluant les sommes suivantes :

‘ 3 200 euros au titre des honoraires juridiques de I’année 2014 repris dans la facture en date du 10 juillet 2015 non justifiés,

‘ 24 536,35 euros HT au titre du trop-perçu d’honoraires pour l’année 2013,

‘ 28 703 euros HT au titre du trop-perçu d’honoraires pour l’année 2014,

‘ 19 773 euros HT au titre du trop-perçu d’honoraires pour l’année 2015,

‘ 25 436 euros HT au titre du trop-perçu d’honoraires pour l’année 2016,

‘ 22 937 euros HT au titre du trop-perçu d’honoraires de l’année 2017,

‘ et en tant que de besoin la somme de 40.00 euros HT au titre de la facture de comptabilité du 27 mars 2014,

– dire que le liquidateur concluant reconnaît devoir à la société RS Conseils les sommes suivantes mais qui ont déjà été réglées par la société Socsema :

‘ 6 919 euros HT au titre du suivi comptable et social pour l’année 2017 (6.000 € + 919 €),

‘ 815,60 euros HT au titre du suivi comptable et social pour l’année 2018 (560,60 € + 255 €)

– ordonner la compensation judiciaire et de plein droit entre les honoraires dus par la SELARL WRA ès qualités et les honoraires perçus par la société RS Conseils,

– condamner, après compensation avec la réclamation de l’expert-comptable ramenée à de plus juste proportion, la SAS RS Conseils audits à régler au liquidateur concluant la somme de 120 571,15 euros HT soit 144 203,10 euros TTC au titre du trop-perçu des honoraires comptables et pour le suivi social tels que déterminés ci-dessus,

à titre infiniment subsidiaire :

– surseoir à statuer sur les demandes des parties,

– ordonner une mesure d’expertise judiciaire aux frais de la SARL RS Conseils qui portera sur la mission suivante :

* convoquer les parties et les entendre,

* se faire remettre les documents comptables et toutes pièces permettant de déterminer les prestations effectuées de l’année 2014 à 2019,

* déterminer des honoraires normalement dus par la SAS SOCSEMA au regard de la taille de l’entreprise et des prestations fournies par l’expert-comptable,

* et plus généralement donner son avis sur les honoraires pratiqués par la société RS Conseils, du tout dresser rapport dans les délais fixés par le tribunal,

en tout état de cause :

– dire que la SAS RS Conseils audits a engagé sa responsabilité contractuelle pour manquement à son devoir de conseil à l’égard de la SELARL WRA, ès qualités, équivalent à une obligation de résultat, pour avoir émis des fiches de paye non réglementaires, pour n’avoir pas mis en ‘uvre ou alerté le gérant sur la nécessité des visites médicales ou encore pour avoir remis avec retard les documents liés à la fin des contrats de travail de MM. [L] [U] et [O] [L],

et en conséquence,

– condamner la SAS RS Conseils audits à régler au liquidateur concluant la somme de 15 963,35 euros en réparation du préjudice de perte de chance,

– dire que les sommes dues au liquidateur porteront intérêts au taux légal majoré au bout des deux mois de la signification des conclusions par le système RPVA et qu’elles bénéficieront de l’anatocisme par année entière,

– condamner la société RS Conseils audits à régler au liquidateur concluant la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2023.

MOTIVATION

Les honoraires d’un expert-comptable sont fixés librement avec son client. En l’absence de lettre de mission, l’expert-comptable peut demander le paiement de ses honoraires en fonction de ses diligences.

En l’espèce il est constant qu’il n’y a pas de lettre de mission.

Concernant une note d’honoraires du 27 mars 2014 mentionnant « honoraires conseils » pour 40 000 euros HT soit 48 000 euros TTC, dont les premiers juges ont ordonné le remboursement au titre de la répétition de l’indu, celle-ci a été établie à l’adresse de la société Socsema Dunkerque qui a payé le montant alors demandé sans élever de difficulté.

Les premiers juges ont retenu que cette note d’honoraires avait été émise à titre provisoire, sans détail des prestations correspondantes et sans note définitive fixant le sort de cette avance. Ils ont également retenu que selon les explications et pièces présentées par l’expert-comptable, les prestations ont concerné une SCI (WT) dans ses rapports avec un aménageur, un constructeur et une banque, ce qui ne constitue pas un conseil donné à la société Socsema, la demande de remboursement étant ainsi selon eux justifiée.

En appel, le liquidateur et le débiteur tirent argument du fait que la référence figurant sur la note d’honoraires, « N°52/SCO001/COM 2013 », démontrerait qu’il s’agirait de prestation de comptabilité pour 2013, faisant valoir que pour cette dernière année, une note d’honoraires de 48 000 euros de prestations comptables avait déjà été émise le 27 février 2013, en augmentation vertigineuse avec l’année 2012, et également pour un montant beaucoup plus élevée qu’en 2014. Ils concluent que la note d’honoraires de 48 000 euros ne correspond à aucune prestation effective et a été payée indument, peu important pour les conditions de l’action en répétition de l’indu que ce fût en connaissance de cause.

L’expert-comptable considère que contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, la note d’honoraires n’était pas établie à titre provisoire et qu’ils ont insuffisamment examiné les pièces produites en première instance, entraînant une nécessaire réformation sur ce point.

Pour justifier que les honoraires litigieux sont bien dus, l’expert-comptable produit l’acte d’achat du 20 juin 2014 par la SCI WT, ayant même dirigeant que la société Socsema, d’un terrain situé dans le parc d’activité de Repdyck, destiné selon l’expert-comptable à recevoir l’implantation du siège social de la société Socsema, en plus du journal des écritures de la société Socsema et des bulletins de salaire établis pour le compte de celle-ci, des courriels échangés entre le chef d’entreprise et une banque pour une opération avec concours financier, envisageant une répartition de prise en charge du financement entre la SCI et la société Socsema.

La cour observe que la note d’honoraires litigieuse ayant été réglée par la société Socsema est effectivement un document provisoire n° 54 revêtue du cachet « comptabilisé » du client, et produite par le liquidateur et le débiteur, tandis que l’expert-comptable produit et reproduit dans ses écritures une facture de même date portant le numéro 52 et exempte de la mention « provisoire ».

Si l’expert-comptable affirme que le tribunal n’a procédé qu’à un examen partiel des pièces, le liquidateur et le débiteur soutiennent que ce document apparaît en cause d’appel seulement.

La cour retient en définitive que rien ne prouve ni que la facture n°52 définitive a été produite en première instance, ni qu’elle ait été adressée en son temps par l’expert-comptable, qui ne s’explique pas non plus pour avoir facturé, le même jour mais plus tard ‘ comme en atteste l’enregistrement chronologique – et à titre provisoire, les mêmes prestations, dont il soutient sans vraisemblance qu’elles lui ont été réglées à titre définitif en vertu d’une facture plus ancienne.

La présente situation, de nature à pouvoir constituer des faits pénalement qualifiés, conduit en toutes hypothèses à communiquer le présent arrêt au ministère public de cour d’appel.

La cour doit pour autant examiner la réalité de l’indu allégué, étant souligné qu’il n’est pas prouvé en l’espèce que la facture ait été réglée à titre définitif.

Si des allégations de faux et usage de faux sont invoquées par le liquidateur et le débiteur, elles ne peuvent concerner que la facture provisoire qui a déclenché le paiement et dont il était logique qu’elle se référât à des prestations futures.

A cet égard, l’expert-comptable explique qu’étant particulièrement organisé, il avait préparé un calendrier très précis des différentes échéances au titre de la mission de conseil.

Il produit toutefois à ce titre un document pouvant avoir été établi après-coup par ses soins pour les besoins de la cause, non signé et qui fait état en 2014 : d’entretiens non dénombrés ni quantifiés en heures avec une société S3D, de l’établissement d’un business plan par ailleurs non produit ‘ hormis de simples comptes prévisionnels sur 3 ans qui ne mentionnent pas le projet d’acquisition -, la présentation du chef d’entreprise à un M. [P], la présentation chez deux amis d’un M. [F], constructeur de bâtiments, outre 11 rendez-vous sans précision de durée, ainsi qu’un déjeuner.

Si l’expert-comptable affirme que ses missions ont porté sur le suivi comptable, administratif et financier de l’acquisition du terrain, il apparaît toutefois que se trouve seulement établie par les pièces produites la réalité : d’une part, du suivi comptable particulier de l’acquisition invoqué pour 2014 du siège social de la société Socsema, avec le conseil particulier à la répartition de la comptabilisation des opérations entre celle-ci et la SCI et, d’autre part, de la négociation du montant des prestations de financement du projet.

L’expert-comptable démontre en effet que le chef d’entreprise a voulu que la société Socsema assume comptablement partie des frais d’acquisition du siège social construit sur le terrain de la SCI, ce qui ne conduit pas pour autant à exclure que la rémunération de l’expert-comptable conseil soit supportée par la société Socsema.

En définitive, le montant de cette prestation sera arrêté à 8 400 euros TTC , la somme de 39 600 euros (48 000 ‘ 8 400 euros) devant être remboursée comme ayant été payée indûment à l’expert-comptable à titre provisoire.

Par conséquent, le jugement entrepris sera réformé de ce chef.

Concernant la demande en remboursement de 3 200 euros HT soit 3 840 euros TTC d’honoraires juridiques de l’année 2014, qui ont fait l’objet d’une facture acquittée du 9 mars 2015 constituant la pièce 2/32 du liquidateur et du débiteur, ceux-ci se bornent à soutenir que l’expert-comptable ne fournit aucune explication ni ne précise aucun travail supplémentaire autre que la tenue des assemblées générales ordinaires déjà facturées.

Toutefois, il ne résulte pas des éléments de preuve invoqués que cette facturation définitive qui a été honorée a correspondu à des prestations inexistantes. Au contraire, alors qu’il est constant que l’expert-comptable assurait habituellement des prestations de conseils juridiques au bénéfice de la société Socsema, l’établissement de la facture et son paiement démontrent la réalité des prestations facturées. En outre, il n’est nullement démontré qu’elle ferait double-emploi avec d’autres prestations également réglées.

La demande en remboursement de l’indu sera rejetée et le jugement entrepris confirmé de ce chef.

Pour le surplus de la demande formée au titre du remboursement de l’indu, c’est par des motifs pertinents adoptés par la cour, non utilement combattus en cause d’appel, que les premiers juges ont exactement retenu que les indus allégués n’étaient pas démontrés, concernant les prétendus trop-perçus d’honoraires pour les années 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017 et « en tant que de besoin la somme de 4 000,00 euros HT au titre de la facture de comptabilité du 27 mars 2014 ».

Il apparaît en effet au vu de l’ensemble des justificatifs versés que les sommes ont été réglées en connaissance de cause par le client de l’expert-comptable, de sorte qu’elles ne sont pas indues.

S’agissant de l’action en responsabilité professionnelle dirigée par le liquidateur ès qualités et la société Socsema contre l’expert comptable, pour fautes de celui-ci dans l’exercice de ses missions sociales (rédaction des contrats de travail, bulletins de paie, attestations maladie et suivi des ruptures de contrat) les premiers juges ont rejeté ces demandes au motif que nulle faute n’est démontrée,et « vu aussi le caractère tardif de la réclamation à hauteur de 15 963,35 euros et la poursuite entre temps des relations professionnelles ».

En appel, le liquidateur ès qualités et le débiteur de la procédure collective soutiennent que contrairement à ce qui a été retenu en première instance, l’expert-comptable a manqué à son devoir de conseil pour avoir émis des fiches de paye non réglementaires, pour n’avoir pas mise en oeuvre ou alerté le gérant sur la nécessité de visites médicales ou encore pour avoir remis avec retard les documents liés à la fin des contrats de travail de MM. [U] et [L].

Ils se fondent sur deux arrêts de la chambre sociale de la cour d’appel de Douai : l’un du 29 mai 2015 rendu entre la société Socsema et M. [U], l’autre du 29 mai 2015 rendu entre ce même employeur et M. [L].

A ce titre, ils soutiennent que le l’expert-comptable doit être condamné à hauteur de 15 963,35 euros au titre de la réparation du préjudice de perte de chance du client.

Si la tardiveté de l’action en responsabilité est soulignée par l’expert-comptable comme elle l’avait été par les premiers juges, cet argument est inopérant dès lors que la prescription quinquennale n’est pas pour autant invoquée et que l’expert-comptable se borne à indiquer que l’action a été intentée plus de quatre années après que le client a supporté les condamnations.

Il est tout d’abord reproché à l’expert-comptable d’avoir fait perdre à son client une chance de ne pas être condamné à payer 1 668,37 euros à titre d’indemnité de requalification en contrat de travail à durée indéterminée du contrat de travail à durée déterminée conclu avec M. [U]. Selon les appelants, l’expert-comptable avait été chargé d’établir les « DUE » et a encaissé des honoraires pour cette embauche.

Toutefois, l’expert-comptable produit le contrat de travail établi par ses soins et fait valoir utilement que c’est le client qui ne l’a pas fait signer à son salarié.

En particulier, en l’absence de lettre de mission, il n’est pas prouvé en l’espèce, malgré les affirmations de l’expert-comptable, que celui-ci, au-delà de la mission de conseil en droit social qui lui avait été confiée, agissait directement à l’égard des salariés comme un directeur des ressources humaines de la société Socsema.

La faute alléguée contre l’expert-comptable comme étant à l’origine d’une perte de chance de ne pas être condamné à payer 1 668,37 euros n’est par conséquent pas établie.

Concernant les deux salariés, la société Socsema a été condamnée à leur payer à chacun 300,00 euros pour délivrance tardive des documents de fin de contrat.

M. [U] a démissionné à compter du 4 juillet 2013, M. [L] a démissionné à compter du 19 juillet 2013.

Les appelants considèrent que l’expert-comptable ne rapporte pas la preuve d’avoir établi à temps ces documents et réclament 600,00 d’indemnité à ce titre pour perte de chance.

L’expert-comptable considère au contraire que ces documents ont été remis sans retard en main propre au client dès le 2 août 2013, et il produit les reçus pour solde de tout compte, les certificats de travail et les attestations ASSEDIC.

La société Socsema et le liquidateur ès qualités produisent une attestation de l’expert-comptable du 15 janvier 2014 mentionnant que chacun des salariés a perçu avec son dernier bulletin de paie, son indemnité compensatrice de congés payés, son solde de tout compte, son certificat de travail et son attestation pôle emploi.

Les arrêts de la chambre sociale de la cour d’appel de Douai prouvent seulement que ces documents ont été remis avec retard aux salariés.

Rien ne permet d’imputer à une faute de l’expert-comptable un tel retard ou la perte de chance de ne pas subir de condamnation.

Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation formée à ce titre.

Alors que l’employeur a été condamné à verser 200 euros à chacun des salariés pour défaut de la visite médicale d’embauche prévue à l’article R. 4624-10 du code du travail ancien, et concernant la perte de chance invoquée par les appelants au moyen que l’expert-comptable n’avait pas alerté son client sur la nécessité de cette démarche, il sera rappelé que l’effectivité de cette visite médicale se rattache aux obligations de sécurité de résultat de l’employeur, de sorte qu’il n’appartenait pas à l’expert comptable d’organiser la visite médicale à la place de l’employeur, fût-il chargé des formalités d’embauche des salariés.

En outre, il est constant en l’espèce que la déclaration unique d’embauche de chaque salarié régularisées par l’expert-comptable et reçues par l’employeur mentionnait bien la visite médicale obligatoire.

Il s’en déduit que l’employeur, qui n’établit pas avoir délégué l’expert-comptable dans sa responsabilité d’organiser ces visites, ne reproche pas valablement à l’expert-comptable de ne pas l’avoir davantage alerté sur la nécessité de les organiser.

Le jugement entrepris, qui a rejeté la demande indemnitaire de ce chef, sera également confirmé.

Les appelants réclament à l’expert comptable 5 573,85 euros en réparation des sommes non allouées à l’employeur par la chambre sociale au profit des salariés et relatives à des indemnités compensatrices de préavis. Ils reprochent à l’expert-comptable de ne pas avoir fait apparaître sur les bulletins de salaire qu’il a établis la mention obligatoire de la classification des salariés, ce qui a conduit l’employeur à n’obtenir que 15 jours de préavis là où il aurait pu prétendre à un mois.

Sur ce point, les arrêts de la chambre sociale mentionnent que, eu égard à la convention collective applicable, les salariés démissionnaires étaient soumis à un préavis de deux semaines à un mois, « suivant la classification de l’ouvrier », la partie débitrice du préavis devant à l’autre une indemnité correspondant à la durée du préavis restant à courir.

Cependant, alors que les arrêts de la chambre sociale indiquent seulement que l’employeur n’a produit aucune pièce précisant la qualification du salarié permettant de déterminer le délai applicable, ni ces arrêts ni les autres éléments de preuve n’établissent que l’employeur aurait obtenu plus que 15 jours d’indemnité compensatrice si les bulletins de salaires avaient renseignés la classification des salariés.

En particulier, alors que la convention collective est très partiellement produite et qu’elle mentionne un préavis d’un mois pour « les mensuels dont l’emploi est classé aux niveaux II et III », la cour n’est pas en mesure de déterminer, malgré les explications des appelants, que les salariés concernés relevaient des niveaux II ou III. Il ne peut donc pas être tiré de conséquence dommageable certaine du fait que les bulletins de salaires des intéressés établis par l’expert-comptable ne renseignent pas leur position dans la classification conventionnelle par leur niveau.

En l’absence de ces précisions qui incombent au demandeur de l’action en responsabilité, nul préjudice pas même de perte de chance ne résulte certainement de la non-conformité des bulletins de paie aux exigences de l’article R. 3243-1 alinéa 4 du code du travail. En outre, ni la négligence de l’expert-comptable, ni le manquement de celui-ci à son obligation de conseil ou de mise en garde telle que invoquée par les appelants ne peuvent être retenus comme ayant été dommageables en l’espèce.

Sur ce point, le jugement entrepris sera également confirmé.

Il se déduit de ce qui précède que la perte de chance de ne pas être condamné à payer au salariés des sommes au titre de l’article 700 du code de procédure n’est pas démontrée.

Il en va de même par la perte de chance de ne pas payer des frais d’avocat, pour la représentation en justice de l’employeur dans les instances sociales déjà mentionnées.

Pour le surplus, le jugement entrepris a exactement retenu que celles des factures définitives qui avaient été entièrement payées étaient justifiées et ne devaient pas donner lieu à réduction. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

S’agissant des factures définitives entièrement ou partiellement impayées, les premiers juges ont retenu qu’il existait avant compensation un impayé de 30 765,04 euros s’agissant des sommes suivantes qui sont critiquées et que la cour retiendra pour les montants éventuellement réduits ci-après précisés :

– 14 118 euros TTC au titre des honoraires comptables pour 2017 correspondant à une facture impayée de mars 2018 légèrement inférieure à l’année précédente selon le liquidateur ès qualités et le débiteur et qui ne fait l’objet d’aucune critique utile au vu notamment du forfait de 9 000 euros par an servant de base à la tarification ;

– 1 950 euros TTC au titre des honoraires comptables pour 2018, correspondant à une facture impayée pour janvier et février 2018, qui ne fait pas davantage l’objet d’une critique utile, le même forfait étant appliqué ;

– 6 284,40 euros TTC pour des prestations sociales pour 2016 correspondant à une facture partiellement impayées mais exempte pour l’essentiel de critique utile en ce que nul cumul de forfait et de rémunération à la tâche n’est établi et que le détail des tâches suffit à établir leur réalité, sauf à la réduire cependant des débours non justifiés de 130 euros, ce qui conduit à retenir cette facture pour 6 124,40 euros [(5 237-130) x 1,2] ;

– 7 005,12 euros TTC suivant facture n°19 impayée du 6 février 2018 correspondant à des prestations et débours détaillés en matière sociale au titre de l’année 2017, sans qu’il puisse être jugé que l’augmentation de l’ordre de 600 euros au regard de l’année précédente, imputable notamment à la tarification par nombre de bulletins de salaires au lieu des heures, conduise à réduire cette rémunération ; il n’est pas établi en particulier de cumul injustifié entre un forfait social, en l’absence de forfait facturé ; c’est pourquoi les postes « informatique », « formation continue », « médecine du travail », « accident du travail », « sorties certificats de travail » et « avenant au contrat de travail » ne font pas l’objet d’une double facturation tandis qu’il n’est pas contesté que les prestations ont été effectives ; seuls les « débours » équivalents à ceux des années précédentes (130 euros) payées mais qui ne sont pas justifiés, seront réduits, de sorte que la facture est ramenée à : [( 5 837,60 ‘ 130) x 1,20] soit 6 849,12 euros ;

– 883, 92 euros portant sur les prestations sociales pour 2018 suivant facture n°57 (pièce 14) qui, pour les mêmes raisons que précédemment, est justifiée à hauteur de 803,52 euros déduction faite de débours de 67 euros non justifiés [(736,60-67) x 1,20], étant observé que la facturation du poste CEDEST est suffisamment justifiée du seul fait qu’elle est mentionnée sur la facture, sans davantage de cumul entre un forfait, inexistant, et une tarification à la tâche ;

– 8 508,00 euros de solde de factures impayées au 31 décembre 2017, selon le grand livre produit par l’expert-comptable et le détail des factures partiellement impayées correspondant à des prestations juridiques ou sociales ponctuelles dont la réalité est établie et qui correspondent à des rémunérations justifiées :

. 1 911,60 euros TTC pour une augmentation de capital en 2014,

. 906 euros TTC pour une assemblée des comptes au 31 décembre 2015, la même somme pour une prestation identique au 31 décembre 2016.

Par conséquent, le jugement entrepris sera réformé en ce qu’il a retenu que la créance de factures impayées de l’expert-comptable était de 30 765,04 euros.

En réalité, cette créance s’établit, déduction faite des débours non justifiés à :

30 765,04 ‘ 396,40 = 30 368,64 euros.

[396,40 = (7005,12 ‘ 6 849,12) + (883,92 ‘ 803,52) + (6 284,40 ‘ 6 124,40)]

En outre, dès lors que la créance de restitution de la société en liquidation s’élève non à 48 000 euros mais à 39 600 euros, après compensation l’expert-comptable doit à cette dernière 9 231,36 euros (30 368,64’ 39 600 = 9 231,36).

L’expertise judiciaire n’est nullement justifiée et ne sera pas ordonnée.

Les dépens d’appel seront mis à la charge de la société RS Conseils audits.

En équité, il ne sera pas alloué d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la communication du dossier au ministère public de cour d’appel ;

Réforme le jugement entrepris en ce qu’il a admis en totalité la demande de remboursement d’une somme de 48 000 euros au titre de la répétition de l’indu, et en ce qu’il a fait droit en totalité à la demande au titre des honoraires impayés ;

Confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et y ajoutant,

Ordonne le remboursement par la société RS Conseils audits à la SELARL WRA en sa qualité de liquidateur de la société Socsema Dunkerque de la somme de 39 600 euros ayant été payée indûment à titre provisoire ;

Dit que la société Socsema Dunkerque en liquidation doit à la société RS Conseils audits la somme de 30 368,64 euros ;

Ordonne la compensation ;

Condamne en conséquence la société RS Conseils audits à payer à la SELARL WRA en qualité de liquidateur judiciaire de la société Socsema Dunkerque la somme de 9 231,36 euros incluant compensation, la créance déclarée au passif de cette dernière étant de ce fait ramenée à néant ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Dit n’y avoir lieu à indemnité de procédure au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne la société RS Conseils audits aux dépens d’appel.

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles

 


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