Atteinte au droit à l‘image des collègues 

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Atteinte au droit à l‘image des collègues 

Les photographies prises par une salariée et publiées sur son compte Facebook à l’occasion d’une fête organisée par l’employeur dès lors qu’elles sont anodines et ne portent atteinte ni à l’intimité, ni à la dignité des personnes concernées, ne peuvent donner prise à un licenciement.

Ce manquement de la salariée à ses obligations, qui pouvait faire l’objet d’une sanction disciplinaire moins lourde, ne saurait être suffisamment grave, compte tenu de son ancienneté et en l’absence de tout rappel à l’ordre préalable, pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail et son licenciement pour faute grave. Le licenciement a été jugé comme  sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L1235-1 du Code du travail le juge a pour mission d’apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement.

Enfin, les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n’est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s’ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l’article L1232-1 du Code du travail à la date du licenciement, l’employeur devant fournir au juge les éléments permettant à celui-ci de constater les caractères réel et sérieux du licenciement.

En outre, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2021

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/02627 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MJ5A

X

C/

Association SAUVEGARDE 69

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON du 22 Mars 2019

RG : 17/01419

APPELANTE :

H X

née le […] à […]

Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Me Emilie SGUAGLIA, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Association SAUVEGARDE 69

Représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Septembre 2021

Présidée par Olivier MOLIN, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de V W, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

— AA AB, présidente

— Sophie NOIR, conseiller

— Olivier MOLIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 Octobre 2021 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par AA AB, Présidente et par V W, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Madame X a été embauchée par l’association ADSEA 69, devenue SAUVEGARDE 69, en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 18 septembre 2009, en qualité de Monitrice éducatrice.

Madame X était rattachée à l’établissement Line Thevenin situé à […], S d’hébergement collectif et d’appartements destiné à des adultes en situation de handicap mental ou psychique travaillant en milieu ordinaire ou protégé.

Au terme de la relation contractuelle, la salariée bénéficiait du statut d’Animatrice 2e catégorie, coefficient 493, échelon 6.

La convention collective nationale applicable est celle des établissements et services pour personnes handicapées et inadaptées.

Par courrier du 30 janvier 2017, l’association SAUVEGARDE 69 a convoqué Madame X à un entretien préalable fixé le 9 février 2017. Cette convocation était assortie d’une mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier recommandé du 14 février 2017, l’association SAUVEGARDE 69 a notifié à Madame X son licenciement pour faute grave.

Par requête du 15 mai 2017, Madame X a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon afin de contester son licenciement et obtenir, suivant le dernier état de ses écritures et à l’audience, le paiement de diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire afférentes.

Par jugement rendu le 22 mars 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon, en sa formation de départage, a :

— dit et jugé que le licenciement de Madame H X était fondé ;

— débouté Madame H X de l’ensemble de ses demandes ;

— débouté l’association SAUVEGARDE 69 de sa demande reconventionnelle ;

— dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire du jugement ;

— condamné Madame H X aux dépens de l’instance.

Par déclaration du 17 avril 2019, Madame X a interjeté appel de ce jugement, visant expressément l’intégralité des chefs du jugement l’ayant débouté de ses demandes.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 8 juillet 2019, Madame H X demande à la cour de :

— infirmer le jugement rendu le 22 mars 2019 par le conseil de prud’hommes de Lyon en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

— dire et juger que le licenciement. est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamner l’association SAUVEGARDE 69 à lui verser les sommes suivantes :

. 4423,12 ‘ à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 442,31 ‘ au titre des congés payés afférents,

. 1069,79 ‘ à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, outre 106,98 ‘ au titre des congés payés afférents,

. 7892,25 ‘ à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

. 20 000 ‘ nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 500 ‘ au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile pour les frais exposés dans le cadre de la première instance

. 1 500 ‘ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en appel,

— débouter l’association SAUVEGARDE 69 de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile.

Madame X rappelle, en premier lieu, que les dispositions de la convention collective, reprises dans le règlement intérieur de l’association, excluent tout licenciement disciplinaire si le salarié n’a pas fait l’objet, au préalable, d’au moins deux sanctions disciplinaires, sauf en cas de faute grave, si bien que, n’ayant jamais été sanctionnée disciplinairement avant son licenciement pour faute grave, le juge n’a pas le pouvoir de le requalifier en licenciement pour faute simple.

Pour contester son licenciement, Madame X fait valoir qu’elle n’a fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire pendant la relation de travail ; que l’association n’a diligenté aucune enquête interne afin de vérifier la réalité des griefs ; que ces derniers reposent sur des témoignages contradictoires de collègues de travail avec lesquels elle entretenait une relation conflictuelle.

Concernant la diffusion sur son compte Facebook de photos personnels et de résidents du S, Madame X soutient que les faits sont prescrits car l’entreprise connaissait l’existence de ces photos plusieurs mois avant, qu’en outre la publication sur une durée limitée de ces photos résulte d’une mauvaise manipulation de son téléphone personnel et n’est pas suffisamment grave pour justifier son licenciement.

Concernant les faits reprochés à l’encontre d’une résidente, Madame X remet en cause la valeur probante du courrier signé par la résidente et rédigé par l’association, en l’absence de preuve qu’elle ait approuvé ce courrier, la résidente en question étant une jeune majeure handicapée.

Madame X conteste également les faits qui se seraient produits le 23 décembre 2016 avec la résidente, Madame Y, affirmant qu’elle ne travaillait pas ce jour là et contestant la crédibilité du courrier de Madame Z, la mère de A Y, en raison d’un conflit lié au placement de A.

Concernant les faits du 21 janvier 2017, Madame X soutient qu’à l’inverse de ce qui est prétendu c’est elle qui a été victime de l’attitude extrêmement virulente de Madame B coutumière de ce type de comportement. Elle ajoute que Madame B a exprimé un doute concernant son interlocuteur qui doit lui profiter.

Concernant les griefs relatifs aux manquements en matière de prise de rendez-vous médicaux pour les résidents, Madame X affirme que le 24 janvier, étant en congés payés, elle n’a pas pu commettre les faits qui lui sont reprochés, que concernant le rendez-vous de A Y le 25 janvier, elle soutient avoir annulé le rendez-vous avant son départ en congés et estime que la preuve de ce fait ne saurait être rapportée par un unique email dont l’auteur est incertain.

Enfin, elle estime que la procédure de licenciement diligentée à son encontre a été montée de toutes pièces en vue de l’évincer, trois autres collègues de travail ayant été licenciés au cours de la même période, l’employeur refusant, à cet égard, de produire le registre unique du personnel.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 27 septembre 2019, l’association SAUVEGARDE 69 demande à la cour de :

— dire et juger parfaitement fondé le licenciement pour faute grave intervenu,

— débouter Madame X de la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

— débouter Madame X de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents,

— la débouter de l’ensemble de ses réclamations,

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement intervenu,

— condamner Madame X à lui verser la somme de 2 500 ‘ sur le fondement des dispositions de l’article 700 code de procédure civile.

L’association SAUVEGARDE 69 fait valoir que Madame X n’a pas assumé, à plusieurs reprise, ses missions avec professionnalisme. Elle estime que la gravité des faits et leur réitération ne permettaient plus la poursuite du contrat de travail.

Elle reproche en particulier à la salariée les faits suivants :

— la publication sur son compte Facebook ouvert au public des photos des résidents, des familles et du personnel sans autorisation, constatée par procès-verbal d’huissier le 1er février 2017 ;

— un comportement inadapté avec des résidentes atteintes d’un handicap mental, ainsi que leur famille ;

— un comportement déplacé et agressif vis à vis de ses collègues de travail ;

— des négligences dans les prises de rendez-vous médicaux mettant en cause le bon déroulement des soins.

Elle répond à l’argumentation adverse qu’une enquête n’est pas un préalable obligatoire au licenciement pour faute grave, de même que l’existence de sanctions antérieures ; que, s’agissant des publications sur le compte Facebook, les faits ne sont pas prescrits, l’employeur en ayant été informé par une autre salariée par un courrier du 28 janvier 2017 ; que la publication de photos sur un compte Facebook ne peut résulter d’une erreur et qu’il lui appartenait, en tout état de cause, de les retirer spontanément ; que, s’agissant des griefs tirés de la mauvaise gestion des rendez-vous médicaux, il appartenait à la salariée d’anticiper l’organisation des rendez-vous avant son départ en congés le 22 janvier 2017.

Subsidiairement, elle estime que la salariée n’établit pas l’existence d’un préjudice qui justifierait le montant des dommages-intérêts sollicités au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle conteste également, à titre subsidiaire, l’assiette de rémunération mensuelle moyenne sur laquelle se base la salariée pour le calcul de ses indemnités.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 juin 2021 et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 15 septembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la validité du licenciement

Aux termes de l’article L1235-1 du Code du travail le juge a pour mission d’apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Enfin, les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n’est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s’ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l’article L1232-1 du Code du travail à la date du licenciement, l’employeur devant fournir au juge les éléments permettant à celui-ci de constater les caractères réel et sérieux du licenciement.

En outre, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 14 février 2017 est motivée dans les termes suivants :

« (‘). Depuis le 15 juillet 2014, vous occupez la fonction d’Animatrice 2e catégorie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps plein sur la résidence/Collectif du complexe Line THEVENIN, selon les dispositions et les annexes 3 et 10 de la Convention Collective Nationale applicable du 15 mars 1966 et vous assurez l’accompagnement des personnes adultes en situation de handicap, dans le cadre de la mise en ‘uvre du Projet d’établissement en cours.

Les motifs de ce licenciement sont ceux qui vous ont été exposés lors de l’entretien précité du 9 février 2017, à savoir :

1 Vous avez diffusé sur votre compte «FACEBOOK» intitulé «I X» diverses photos de personnels, de résidents, de locaux de l’institution y compris de parents, sans autorisation.

Ce fait qui pose le problème du droit à l’image et que nous avons fait capter et constater par procès-verbal d’huissier de justice, via la SCP J K ‘ L M, en date du 1er février 2017, nous a été relaté par deux professionnels de l’établissement fin janvier 2017.

Vous n’êtes cependant pas sans ignorer qu’aux termes de l’article 12 du règlement intérieur du 5 mars 2009 qui est affiché et dont vous avez été destinataire lors de votre embauche, article 12 lié à l’attitude générale relative aux personnes accompagnées : «Nul ne peut photographier, filmer ou enregistrer sans son autorisation, le cas échéant celle des représentants légaux, ainsi que celle de la Direction».

Ainsi en affichant vers tout public des photos ne vous appartenant pas, vous avez non seulement méconnu vos obligations découlant du règlement intérieur en vigueur mais également adopté un positionnement professionnel en totale opposition avec celui attendu d’une animatrice 2e catégorie en charge non seulement de l’accompagnement de personnes en situation de handicap mais aussi devant respecter l’image privée tant des salariés, que des parents, que de l’établissement employeur.

2 Vous avez, le 16 janvier 2017, «mis à l’amende» VM, adulte handicapée. Ce fait a été rapporté et écrit par l’intéressée à Mme N F, Chef de Service à laquelle celle-ci s’est confiée en date du 30 janvier 2017. Cette situation s’est reproduite le 23 décembre 2016 à l’encontre de MM résidente également sur l’hébergement collectif comme cela nous a été rapporté par sa mère, Mme L, par écrit en date du 27 janvier 2017 et que nous avons par ailleurs rencontrée le 24 janvier 2017.

Selon le même article 12 du règlement intérieur lié à l’attitude générale relative aux personnes accompagnées que vous ne pouvez là non plus encore ignorer : «le personnel ne doit pas agir en contradiction avec la philosophie de l’association fondé sur le respect de la dignité des personnes et la reconnaissance de leurs droits».

Par conséquent, votre attitude à l’égard de ces personnes est particulièrement inqualifiable.

3 Vous avez, le samedi 21 janvier 2017, dans l’après-midi, adopté une nouvelle fois un comportement professionnel inacceptable, ayant eu à l’égard de Mme C éducatrice au S T U (à D) une attitude en effet plus que délétère après que vous lui ayez hurlé au téléphone. La salariée qui en a fait part à sa direction, via le chef de service de l’établissement en question, nous a adressé un email à ce sujet le 30 janvier 2017.

Selon l’article 13 du règlement intérieur relatif aux devoirs professionnels, nous tenons à vous rappeler notamment que : «tous les salariés sont porteurs de l’image de l’Association et à ce titre ont une obligation de réserve».

4 Enfin nous tenons à vous rappeler vos obligations professionnelles relatives à l’accompagnement des personnes accueillies à l’établissement, entre autres sur la question du soin.

Ainsi, le 24 janvier 2017, j’ai été personnellement appelé par téléphone par l’ESAT Denis Cordonnier parce que vous n’aviez pas avisé l’établissement du départ anticipé à 16h de SM pour une visite médicale auprès du Dr E qui lui-même, le même jour m’a appelé aussi parce que vous n’aviez pas pris rendez-vous pour un examen sanguin, en conséquence de quoi la consultation a été annulée par le praticien. Il en a été de même pour MM quant à un rendez-vous annulé au CMP d’D le 25 janvier 2017.

En tout état de cause, nous constatons que ces négligences mettant en question les soins prodigués et nécessaires pour les personnes accueillies, ne sont pas isolées comme cela a été rapporté par l’équipe éducative à laquelle vous êtes rattachée et ce, en date du 27 janvier 2017.

Sur ce quatrième grief, nous vous rappelons l’article 2 du règlement intérieur qui stipule que «d’une manière générale, toute personne employée dans les établissements et services de l’association est tenue de respecter les buts de l’association, de remplir consciencieusement la tâche qui lui est confiée conformément à la mise en ‘uvre du projet d’établissement ou du service».

Ces différents agissements fautifs dont nous avons eu connaissance le 21 janvier, le 24 janvier, le 27 janvier, le 28 janvier puis enfin le 30 janvier 2017, s’agissant des différents faits qui vous sont reprochés nous ont conduit à vous mettre à pied à titre conservatoire à compter du 30 janvier 2017.

En effet, votre posture professionnelle est en totale contradiction avec votre fonction de monitrice éducatrice et est inacceptable au vu du projet soutenu par l’association sauvegarde 69, à savoir la prise en charge de personnes adultes souffrant d’un handicap mental ou psychique car ce comportement inapproprié met en cause la bonne marche de la structure dans laquelle vous intervenez professionnellement et donne une image de l’institution particulièrement désastreuse.

Les explications que vous nous avez fournies lors de l’entretien du jeudi 9 février 2017 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation.

Aussi face à ces manquements et ces agissements inadmissibles et compte tenu de la gravité de ces faits et de leurs conséquences, votre maintien s’avère donc impossible et en conséquence nous vous notifions votre licenciement pour faute grave à effet immédiat. (‘)».

L’article L.1332-4 du code du travail’ dispose qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.’

Il est produit aux débats un courrier adressé à l’employeur par une autre salariée le 28 janvier 2017, l’informant qu’en consultant Facebook il y a quelques mois, elle avait constaté que figuraient sur le compte de Madame X des photographies de résidents, de professionnels et de familles réalisée lors de la fête institutionnelle de l’été 2016.

L’association SAUVEGARDE 69 a fait constater les faits dénoncés par un procès-verbal établi par huissier le 1er février 2017. Il en ressort que Madame X a publié sur son compte Facebook des photographies réalisées lors d’une fête organisée par l’association sur lesquelles apparaissent distinctement des résidents et des éducateurs, ce que cette dernière ne conteste pas.

Il apparaît, à la lecture des pièces produites devant la cour, que l’employeur n’a été informé de ces faits que le 28 janvier 2017.

La procédure de licenciement ayant été engagée le 30 janvier 2017, les faits ne sont pas prescrits, contrairement à ce que soutient la salariée.

S’agissant des autres faits reprochés dans la lettre de licenciement, qui sont contestés par la salariée, l’employeur produit aux débats :

— un écrit rédigé le 30 janvier 2017 par Madame F, chef de service, censé rapporter les doléances d’une résidente, O P : cette dernière se serait plainte de ce que Madame X lui aurait dit le 16 janvier : «Q R s’est fait engueulé à cause de toi, et c’est à cause de toi s’il a des problèmes», «si tu recommences, j’appelle tes parents et je ne veux plus que tu fasses des activités ou des sorties avec lui» ; la résidente se serait alors mise à pleurer ; cet écrit, sur lequel la résidente a apposé son nom, est signé par Madame F ;

— un courrier daté du 27 janvier 2017, rédigé par Madame Z, mère d’une résidente, dans la lequel cette dernière souhaite attirer l’attention de l’association sur le comportement de Madame X, référente de sa fille A, depuis mars 2016 ; il est fait état des difficultés relationnelles entre A et son éducatrice, cette dernière la réprimandant en permanence et l’ayant notamment empêchée, de manière abrupte, de réveillonner avec son petit ami, ainsi qu’entre Madame X et Madame Z, l’éducatrice se permettant des commentaires déplacés sur la relation mère-fille, lui conseillant par exemple de «couper le cordon» ;

— un rapport d’incident du 30 janvier 2017 établi par Madame B, salariée de l’association, confirmé par une attestation écrite établie le 2 juillet 2017, dans lequel cette dernière indique avoir téléphoné au complexe Line Thévenin le 21 janvier ; que la personne qui lui a répondu s’est mise à lui hurler dessus, utilisant un ton désagréable ; elle ajoute avoir rappelé le lendemain et que la personne qu’elle a eue au téléphone lui a précisé qu’il s’agissait de Madame X et qu’elle n’était pas étonnée de son comportement ;

— un message électronique transmis le 27 janvier 2017 à Madame F par Monsieur G, éducateur spécialisé au sein de l’association, pour lui signaler un problème touchant au fonctionnement de l’équipe éducative, notamment en ce qui concerne les accompagnements médicaux, Madame X ne prenant jamais les rendez-vous médicaux de personnes dont elle est référente, le jour où elle travaille, ne laissant aucune information à ses collègues ou ne prévenant pas les ESAT concernés, ainsi que les relations conflictuelles qu’entretient Madame X avec les partenaires et les familles, donnant une image désastreuse de l’équipe éducative et de l’institution ; le contenu de ce mail est confirmé par une attestation écrite de Monsieur G, qui précise avoir recueilli les confidences de collègues de travail et de familles de résidents se plaignant de l’agressivité verbale de Madame X.

Il convient de constater que l’ensemble des griefs reprochés à la salariée résulte d’éléments établis entre le 27 et le 30 janvier 2017, soit quelque jours avant l’engagement de la procédure de licenciement le 30 janvier 2017, alors que le comportement reproché à la salariée est censé durer depuis plusieurs mois, ce qui tend à démontrer, comme le prétend la salariée, que ces éléments ont été recueillis pour les besoins du licenciement.

Par ailleurs, à l’exception de photographies publiées sur son compte Facebook, dont la matérialité n’est pas contestée par la salariée, le comportement de Madame X est dénoncé par:

— un écrit établi par sa chef de service, qui a pris l’initiative de le faire signer par une personne atteinte d’un handicap mental, au mépris de toute obligation déontologique ;

— un courrier de plainte d’un parent rédigé opportunément trois jours avant le déclenchement de la procédure de licenciement, dont le contenu est trop subjectif pour établir la matérialité d’un comportement de la salariée non conforme à ses obligations contractuelles et professionnelles ;

— un rapport d’incident unique, daté du même jour que la convocation à l’entretien préalable, qui rapporte un comportement imputé à Madame X par un tiers, dont l’identité est inconnue ;

— un signalement transmis par un autre salarié trois jours avant le déclenchement de la procédure de licenciement rapportant des griefs généraux et imprécis.

Ces éléments sont insuffisants à rapporter la preuve des griefs invoqués dans la lettre de licenciement.

Surtout, le comportement général imputé à Madame X, qui a nécessairement duré dans le temps, aurait dû faire l’objet de signalements antérieurs et être confirmé par d’autres témoignages, en particulier de familles. Or, il est constant que la salariée n’avait jamais fait l’objet, avant l’engagement de la procédure de licenciement, de la moindre remontrance ou du moindre avertissement.

Dans ces conditions, il existe un doute sur la réalité des faits reprochés à la salariée, qui doit lui profiter.

Au total, seule la publication de photographies de résidents, d’éducateurs et de leur famille sur son compte Facebook est établie.

Toutefois, ces photographies, prises à l’occasion d’une fête organisée par l’association, sont anodines et ne portent atteinte ni à l’intimité, ni à la dignité des personnes concernées.

Dès lors, ce manquement de la salariée à ses obligations, qui pouvait faire l’objet d’une sanction disciplinaire moins lourde, ne saurait être suffisamment grave, compte tenu de son ancienneté dans l’association et en l’absence de tout rappel à l’ordre préalable, pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail et son licenciement pour faute grave.

Par conséquent, il convient de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et d’infirmer le jugement de ce chef.

Sur les conséquences du licenciement

– Sur le rappel de salaire pendant le préavis :

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, la mise à pied conservatoire est injustifiée.

Le montant du rappel de salaire pendant la période de mise à pied du 30 janvier au 14 février 2017 n’est pas discuté par l’employeur à titre subsidiaire.

Dès lors, il convient de faire droit à la demande de la salariée à hauteur de la somme de 1069,79 ‘ bruts, outre 106,98 ‘ bruts au titre des congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ce chef.

– Sur l’indemnité compensatrice de préavis :

L’article L. 1234-1 du code du travail dispose que lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° s’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus inférieure à six mois, un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l’accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° s’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d’un mois ;

3° s’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans, à un préavis de deux mois ;

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l’accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d’ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

En l’espèce, la convention collective prévoit, pour les salariés justifiant d’une ancienneté supérieure à deux ans, le versement d’une indemnité de préavis d’une durée de deux mois en cas de licenciement.

Sur la base de son salaire mensuel brut moyen sur les douze derniers mois, il convient d’allouer à Madame X une indemnité compensatrice de 4324,52 ‘ bruts correspondant à deux mois de salaire, outre 432,45 ‘ bruts au titre des congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ces chefs.

– Sur l’indemnité de licenciement :

L’article L. 1234-9 du code du travail, dans sa version applicable au litige, prévoit que le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Conformément aux articles R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail, l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année de service dans l’entreprise, en tenant compte des mois de service accompli au-delà des années pleines, auquel s’ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d’ancienneté.

Selon l’article R. 1234-4, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

— soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant la rupture du contrat de travail ;

— soit le tiers des trois derniers mois.

La convention collective prévoit une indemnité de licenciement d’un-demi mois par année d’ancienneté à compter de la première année, dans la limite de six mois de salaire.

Pour l’évaluation du montant cette indemnité, il convient de tenir compte du nombre d’années de service à l’expiration du contrat de travail, soit à la fin du délai-congé (Cass. Soc., 30 mars 2005, n° 03-42.667).

Le montant de l’indemnité de licenciement doit donc être fixé en tenant compte de l’expiration du délai de préavis, soit une ancienneté de 7 ans et 6 mois.

Madame X avait donc droit, sur la base d’un salaire mensuel moyen de 2162,26 ‘ bruts, calculé, à la lecture de ses fiches de paye, sur la moyenne des 12 derniers mois de salaire, selon la formule la plus avantageuse pour la salariée, à une indemnité de : [(1/2 × 7) + (1/2 × 6/12)] × 2162,26 ‘ = 8108,47 ‘.

Cette somme sera ramenée à 7892,25 ‘, conformément à la demande de la salariée.

Le jugement est infirmé de ce chef.

– Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En vertu des articles L.1235-5 et L. 1235-3 du code du travail, dans leur version applicable au litige, lorsque le licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le salarié ayant deux ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de dix salariés peut prétendre à une indemnité égale au moins aux six derniers mois de salaire.

L’indemnité ne peut être inférieure à la rémunération brute, le salaire mensuel devant être évalué en prenant en considération les primes et avantages en nature éventuels dont le salarié bénéficiait.

Il est constant que l’association employait plus de dix salariés au moment du licenciement.

Il ressort des fiches de paie versées par Madame X que son salaire brut, primes et avantages inclus, était de 12’937,62 ‘ cumulé sur les six derniers mois de travail.

Compte tenu de l’ancienneté de la salariée (7 ans) et de son âge (43 ans) au moment du licenciement, il convient d’allouer à Madame X, qui justifie avoir retrouvé un emploi dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée depuis le 4 février 2017 à temps partiel, à hauteur de 20 heures par semaine, puis avoir perçu l’allocation de retour à l’emploi du 1er mai 2018 au 8 avril 2019, une indemnité de 17 000 ‘.

Le jugement est infirmé de ce chef.

– sur le remboursement des indemnités chômage :

Lorsque le licenciement illégitime est indemnisé en application des articles L1235-3/11 du Code du travail, le conseil ordonne d’office, même en l’absence de Pôle emploi à l’audience et sur le fondement des dispositions de l’article L1235-4, le remboursement par l’employeur, de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois’; en l’espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l’employeur à rembourser les indemnités à concurrence de deux mois.

Sur la remise des documents rectifiés

La décision rendue justifie que soit ordonné à l’employeur de remettre un bulletin de salaire, un certificat de travail conforme aux dispositions de l’article L. 1234-19 du code du travail, ainsi qu’une attestation Pôle Emploi rectifiés.

Sur les demandes accessoires

L’association SAUVEGARDE 69 succombant à l’instance d’appel est condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à verser la somme de 2000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile correspondant aux frais de première instance et d’appel.

Par conséquent, le jugement est infirmé et en ce qu’il a condamné la salariée aux dépens et l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté l’association SAUVEGARDE 69 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure Civile

Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés et y ajoutant :

Dit que le licenciement du 14 février 2017 est sans cause réelle et sérieuse.

Condamne en conséquence l’association SAUVEGARDE 69 à verser à Madame H X les sommes de :

—  1069,79 ‘ bruts au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire du 30 janvier au 14 février 2017, outre 106,98 ‘ bruts au titre des congés payés afférents ;

—  7892,25 ‘ à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

—  4324,52 ‘ bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 432,45 ‘ bruts au titre des congés payés afférents ;

—  17 000 ‘ de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Déboute Madame H X du surplus de ses demandes.

Condamne l’association SAUVEGARDE 69 à rembourser les indemnités de chômage payées à Madame H X par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, à concurrence de deux mois.

Condamne l’association SAUVEGARDE 69 à remettre à Madame H X un bulletin de salaire, un certificat de travail conforme aux dispositions de l’article L. 1234-19 du code du travail, ainsi qu’une attestation Pôle Emploi rectifiés, dans les 15 jours de la notification du présent arrêt.

Condamne l’association SAUVEGARDE 69 à verser à Madame H X la somme de 2000 ‘ en application de l’article 700 du code de procédure civile correspondant aux frais de première instance et d’appel.

Condamne l’association SAUVEGARDE 69 aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier La Présidente


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