Constituent des fautes justifiant sa suspension, l’utilisation par un fonctionnaire du dispositif de vidéoprotection mis à sa disposition pour surveiller les activités privées de sa supérieure, la prise de photographies de ces images de vidéoprotection avec son téléphone portable, associés à l’abstention de l’intéressé dans l’accomplissement de ses missions et le visionnage de la télévision sur son temps de travail depuis son téléphone portable.
Identification des personnes insuffisante
En l’occurrence, les pièces du dossier ne permettaient pas d’établir avec une vraisemblance suffisante que l’intéressé ait utilisé les images de vidéoprotection à la seule fin de surveiller les activités privées de ses supérieurs. Il en va de même s’agissant du grief tiré de ce que l’intéressé aurait photographié des images de vidéoprotection avec son téléphone personnel.
Propos irrévérencieux de manière répétée
En revanche, il ressort des pièces du dossier, et notamment des témoignages et du rapport de la supérieure hiérarchique directe de l’intéressé, ainsi que du témoignage d’une collègue de travail, que le fonctionnaire a tenu des propos irrévérencieux de manière répétée auprès de sa supérieure hiérarchique, la pointant du doigt, lui reprochant d’être « protégée », la traitant implicitement d’ « andouille » en public, l’accusant publiquement de faire des fausses déclarations, lui déniant de manière réitérée sa qualité de supérieure hiérarchique, et lui envoyant des SMS rédigés sur un ton insolent.
De plus, le requérant a tenu à plusieurs reprises des propos insultants envers cette encadrante devant une autre collègue de son service. Il s’ensuit que le grief tiré des propos insultants et désobligeants prononcés à l’encontre de la supérieure hiérarchique de l’intéressé, présente un caractère de vraisemblance suffisant.
Abus du téléphone et missions mal exécutées
Il ressort également des pièces du dossier que l’intéressé s’est abstenu régulièrement de répondre au téléphone durant son service, qu’il faisait un usage excessif de son téléphone portable, et regardait durant son service des films ou des rencontres sportives. Le grief tiré de l’abstention de l’intéressé dans son service présente donc également un caractère de vraisemblance suffisant.
Faute grave établie
Compte tenu des griefs ayant un caractère de vraisemblance pouvant être retenus et présentant le caractère d’une faute grave, l’autorité territoriale aurait pris la même décision que si elle s’était fondée sur ces seuls griefs.
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Tribunal administratif de Cergy-Pontoise 11ème chambre, 1er juillet 2022, n° 2000400 Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2020, M. A C, représenté par Me Eyrignoux, demande au tribunal : 1°) d’annuler l’arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le maire de la commune de Bois-Colombes l’a suspendu de ses fonctions ; 2°) de mettre à la charge de la commune de Bois-Colombes la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : — l’arrêté est insuffisamment motivé ; — il est entaché d’erreurs de faits, d’erreur de droit et de détournement de pouvoir ; aucun des griefs retenus à son encontre ne sont fondés ; il a fait l’objet de brimades de la part de sa hiérarchie et s’est vu imposer des conditions de travail dégradées. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2020, la commune de Bois-Colombes, représentée par la SELARL Coudray, conclut à ce qu’il n’y ait plus lieu à statuer sur la requête, subsidiairement au rejet de la requête et en tout état de cause, à ce qu’il soit mis à la charge du requérant la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : — la requête a perdu son objet dès lors que l’arrêté attaqué a cessé de produire ses effets, la suspension de l’agent ayant pris fin à compter de sa mutation effective le 25 mars 2020 ; — le moyen tiré de l’insuffisance de motivation est inopérant ; — le moyen tiré de l’erreur de fait n’est pas fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : — la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ; — la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ; — le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : — le rapport de M. B, — et les conclusions de M. Charpentier, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A C, adjoint technique territorial titulaire, a été employé par la commune de Bois-Colombes à compter du 9 octobre 2017 et affecté au centre de supervision urbaine en qualité d’opérateur de vidéo-protection. Par la présente requête, il demande l’annulation de l’arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le maire de la commune de Bois-Colombes l’a suspendu de ses fonctions, dans l’attente de la saisine du conseil de discipline. Sur l’exception de non-lieu : 2. La circonstance que l’intéressé a été muté à compter du 25 mars 2020 n’a pas fait obstacle à ce que l’arrêté attaqué ait produit des effets. En tout état de cause, cet arrêté n’a été ni retiré, ni abrogé. Par suite, la requête n’est pas dépourvue d’objet. Il y a donc lieu d’y statuer. Sur la légalité de l’arrêté du 14 novembre 2019 : 3. En premier lieu, la décision par laquelle une autorité administrative suspend un de ses agents ne constitue pas une mesure disciplinaire prise en considération de la personne, mais une décision conservatoire prise dans l’intérêt du service. Une telle décision, qui ne constitue pas une décision individuelle défavorable au sens du code des relations entre le public et l’administration, n’a pas à être motivée. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de l’arrêté en litige, qui est inopérant, doit être écarté. 4. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : « En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, l’auteur de cette faute peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline ». 5. La mesure provisoire de suspension prévue par les dispositions précitées ne présente pas par elle-même un caractère disciplinaire. Elle est uniquement destinée à écarter temporairement un agent du service, en attendant qu’il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation. Elle peut être légalement prise dès lors que l’administration est en mesure d’articuler à l’encontre de l’intéressé des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave. 6. Pour prendre la décision contestée, l’autorité territoriale s’est fondée sur l’utilisation par l’intéressé du dispositif de vidéo-protection pour surveiller les activités privées de sa supérieure, sur le fait que l’intéressé a pris des photographies des images de vidéo-protection avec son téléphone portable, sur les propos insultants et désobligeants mettant en cause sa hiérarchie, sur le refus d’exécuter des tâches, et enfin, sur l’abstention de l’intéressé dans l’accomplissement de ses missions et le visionnage de la télévision sur son temps de travail depuis son téléphone portable. 7. D’une part, les pièces du dossier ne permettent pas d’établir avec une vraisemblance suffisante que l’intéressé ait utilisé les images de vidéo-protection à la seule fin de surveiller les activités privées de ses supérieurs. Il en va de même s’agissant du grief tiré de ce que l’intéressé aurait photographié des images de vidéo-protection avec son téléphone personnel. 8. En revanche, d’autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des témoignages et du rapport de la supérieure hiérarchique directe de l’intéressé, ainsi que du témoignage d’une collègue de travail, que M. C a tenu des propos irrévérencieux de manière répétée auprès de sa supérieure hiérarchique, la pointant du doigt, lui reprochant d’être « protégée », la traitant implicitement d’ « andouille » en public, l’accusant publiquement de faire des fausses déclarations, lui déniant de manière réitérée sa qualité de supérieure hiérarchique, et lui envoyant des SMS rédigés sur un ton insolent. De plus, le requérant a tenu à plusieurs reprises des propos insultants envers cette encadrante devant une autre collègue de son service. Il s’ensuit que le grief tiré des propos insultants et désobligeants prononcés à l’encontre de la supérieure hiérarchique de l’intéressé, présente un caractère de vraisemblance suffisant. Il ressort également des pièces du dossier que M. C s’est abstenu régulièrement de répondre au téléphone durant son service, qu’il faisait un usage excessif de son téléphone portable, et regardait durant son service des films ou des rencontres sportives. Le grief tiré de l’abstention de l’intéressé dans son service présente donc également un caractère de vraisemblance suffisant. Compte tenu des griefs ayant un caractère de vraisemblance pouvant être retenus et présentant le caractère d’une faute grave, l’autorité territoriale aurait pris la même décision que si elle s’était fondée sur ces seuls griefs. 9. Il s’ensuit que M. C n’est ni fondé à soutenir que l’arrêté attaqué est entaché d’erreurs de faits, ni que la décision contestée retiendrait à tort des faits ne permettant pas de faire présumer une faute grave, ni qu’il a méconnu les dispositions précités au point 4. 10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée, qui est intervenue pour permettre au service de retrouver un fonctionnement serein alors que l’intéressé rencontrait, du fait de son comportement, des difficultés avec une grande partie des personnes avec lesquelles il était amené à travailler quotidiennement, serait entaché d’un détournement de pouvoir. 11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 14 novembre 2019 doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bois-Colombes, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. C une somme de 750 euros au titre des frais exposés par la commune de Bois-Colombes et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. C est rejetée. Article 2 : M. C versera à la commune de Bois-Colombes une somme de 750 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A C et à la commune de Bois-Colombes. Délibéré après l’audience du 17 juin 2022, à laquelle siégeaient : Mme Mégret, présidente, M. Probert, premier conseiller, M. Weiswald, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2022. Le rapporteur, signé L. B La présidente, signé S. Mégret Le greffier, signé V. Guillaume La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement. No 2000400 |