Atteinte à l’image des fonctionnaires de police

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Atteinte à l’image des fonctionnaires de police

Filmer sans autorisation les bureaux des fonctionnaires de police (commissariat) expose à une condamnation, ces locaux étant privés.

À l’occasion de sa convocation dans un commissariat, un administré a filmé, avec son téléphone portable, l’intérieur des lieux ainsi que des fonctionnaires de police, puis a diffusé la vidéo sur un réseau social. Il a été poursuivi selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pour avoir porté atteinte à l’intimité de la vie privée d’un fonctionnaire de police.

Selon l’article 226-1 du code pénal, constitue une atteinte volontaire à l’intimité de la vie privée le fait de fixer, enregistrer et transmettre sans le consentement de celle-ci l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.

Au sens de ce texte, constitue un lieu privé tout local fermé dont l’accès est subordonné à l’autorisation de celui qui l’occupe habituellement. Les bureaux où les fonctionnaires sont filmés sans leur consentement constituent un local privé.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour de cassation

Chambre criminelle

12 mai 2021

Pourvoi n° 20-86.184, Inédit

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

N° S 20-86.184 F-D

N° 00564

CK

12 MAI 2021

CASSATION

M. SOULARD président,

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 MAI 2021

Le procureur général près la cour d’appel de Douai a formé un pourvoi contre l’arrêt de ladite cour d’appel, 6e chambre, en date du 5 octobre 2020, qui a relaxé M. [Z] [A] du chef d’atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, et les conclusions de Mme Philippe, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 31 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. À l’occasion de sa convocation dans un commissariat, M. [A] a filmé, avec son téléphone portable, l’intérieur des lieux ainsi que des fonctionnaires de police, puis a diffusé la vidéo sur un réseau social.

3. Au cours de l’enquête ouverte après le signalement du contenu de cette vidéo, M. [A] a admis avoir notamment filmé, sans leur consentement, dans leur bureau, des fonctionnaires de police.

4. Il a été poursuivi selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pour avoir porté atteinte à l’intimité de la vie privée de M. [V], fonctionnaire de police.

5. La proposition de peines formée par le procureur de la République a été homologuée par ordonnance du 19 juin 2020 qui a également prononcé sur les intérêts civils.

6. M. [A] a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation des articles 226-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale.

8. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a relaxé M. [A] du chef d’atteinte à l’intimité de la vie privée de M. [V] aux motifs que l’intention du prévenu, qui a filmé sans leur consentement dans leurs bureaux des fonctionnaires de police puis a publié ces vidéos pour montrer sa vie quotidienne et se faire de la publicité, n’était pas de porter atteinte à l’intimité de la vie privée de fonctionnaires de police, alors que le seul fait de fixer, enregistrer et transmettre sans le consentement de celle-ci l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé constitue en application de l’article 226-1 du code pénal une atteinte volontaire à l’intimité de la vie privée, le mobile poursuivi par le prévenu étant indifférent.

Réponse de la Cour

Vu l’article 226-1 du code pénal :

9. Selon ce texte, constitue une atteinte volontaire à l’intimité de la vie privée le fait de fixer, enregistrer et transmettre sans le consentement de celle-ci l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.

10. Au sens de ce texte, constitue un lieu privé tout local fermé dont l’accès est subordonné à l’autorisation de celui qui l’occupe habituellement.

11. Pour relaxer le prévenu, l’arrêt attaqué énonce que celui-ci a filmé sans leur consentement, à leur insu, des fonctionnaires de police à l’accueil du commissariat puis dans leurs bureaux et a diffusé cette vidéo sur un réseau social.

12. Les juges ajoutent que les bureaux de fonctionnaires de police doivent être considérés comme un lieu privé.

13. Ils concluent que l’infraction d’atteinte volontaire à l’intimité de la vie privée d’autrui n’est pas constituée, l’intention du prévenu étant de montrer des documentaires sur sa vie quotidienne et de se faire de la publicité et non de porter atteinte à l’intimité de la vie privée des fonctionnaires de police.

14. En se déterminant ainsi, alors que les bureaux où les fonctionnaires ont été filmés sans leur consentement constituent un local privé, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé.

15. La cassation est en conséquence encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Douai, en date du 5 octobre 2020, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Douai, et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze mai deux mille vingt et un.


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