Attaques terroristes du Bataclan : l’évaluation des préjudices devant les juridictions

Notez ce point juridique

Selon l’article R422-8 du code des assurances, l’offre d’indemnisation des dommages résultant d’une atteinte à la personne faite à la victime d’un acte de terrorisme indique l’évaluation retenue par le Fonds pour chaque chef de préjudice et le montant des indemnités qui reviennent à la victime compte tenu des prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice.

Il résulte du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, que la victime d’un dommage corporel ne peut être indemnisée de la perte de gains professionnels futurs que si, à la suite de sa survenue, elle se trouve privée de la possibilité d’exercer une activité professionnelle.

Ce principe justifie de réparer les préjudices actuels ou futurs en lien de causalité avec le dommage, à la condition qu’ils soient certains et puissent être chiffrés à la date où le juge statue.

En l’espèce, au regard de l’ensemble de ces éléments, et spécifiquement de la nature des troubles conservés et du taux de déficit fonctionnel permanent très important retenu pour des séquelles d’ordre psychologique, la cour considère, indépendamment du fait qu’elle se soit installée en Bretagne et soit âgée de 40 ans à la consolidation, que l’une des victimes des attentats du Bataclan ne retrouvera que très difficilement un emploi, y compris en opérant une reconversion, ce que confirment au demeurant ses tentatives infructueuses de recherche d’emploi durant les années 2020 et 2021.

En outre, il n’est pas contesté qu’à ce jour, elle n’a pas retrouvé d’emploi, étant observé qu’elle est âgée de près de 46 ans et qu’elle a cessé toute activité professionnelle depuis plus de cinq ans.

La cour considère par conséquent que sa perte de gains futurs, imputable à l’attentat est totale.


Le 13 novembre 2015, Mme [L] [R] a assisté au concert des ‘Eagles of Death Metal’ au [11] et a été témoin de l’attentat terroriste qui s’est déroulé ce jour-là. Bien qu’elle n’ait pas été blessée physiquement, elle a souffert d’un traumatisme psychique majeur suite à cet événement. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) a versé plusieurs provisions pour un montant total de 89 100 euros pour compenser les préjudices subis par Mme [L] [R].

Suite à une expertise amiable réalisée par le docteur [A] [P], la juridiction d’indemnisation des victimes d’attentats terroristes a condamné le FGTI à verser à Mme [L] [R] des sommes importantes en réparation de ses préjudices corporels et psychologiques. Ces sommes comprennent des frais divers, une tierce personne temporaire, des pertes de gains professionnels actuels et futurs, une incidence professionnelle, des souffrances endurées, un préjudice d’angoisse de mort imminente, un déficit fonctionnel temporaire et permanent, un préjudice d’agrément, un préjudice sexuel, un préjudice d’établissement, et un préjudice permanent exceptionnel.

La cour a également alloué des sommes à M. [X] [R] pour son préjudice d’attente et d’inquiétude, son préjudice d’affection, et ses troubles dans les conditions d’existence. Pour leur fille mineure [D] [R], la cour a accordé des indemnisations pour son préjudice d’affection et ses troubles dans les conditions d’existence.

Mme [L] [R] et M. [X] [R] ont interjeté appel pour demander une réévaluation des sommes allouées, notamment pour les pertes de gains professionnels futurs. La cour a examiné les demandes et a décidé d’augmenter les montants alloués pour certains postes de préjudices, notamment les pertes de gains professionnels futurs, l’incidence professionnelle, les souffrances endurées, le déficit fonctionnel permanent, et les frais divers.

En conclusion, la cour a réévalué les indemnisations accordées à Mme [L] [R], M. [X] [R], et leur fille mineure [D] [R], en tenant compte des préjudices subis suite à l’attentat terroriste. Les montants alloués ont été augmentés pour refléter plus précisément les dommages subis par la famille.

Capitalisation des intérêts échus

Comme le sollicitent les appelants, il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

Demande au titre des frais de l’article 700

La demande des appelants au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile est recevable, contrairement à ce que prétend le FGTI, dans la mesure où ils formulent cette demande au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d’appel ; la fin de non-recevoir du FGTI est rejetée de ce chef.

– 1 042 077,67 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs
– 70 000 euros au titre de l’incidence professionnelle
– 50 000 euros au titre des souffrances endurées
– 21 067 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
– 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
– 17 522,30 euros au titre des frais divers pour M. [X] [R]
– 5 000 euros au titre des troubles dans les conditions d’existence pour la fille [D] [R]
– 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les appelants


Réglementation applicable

– Article 1343-2 du code civil : « Les intérêts échus sont productifs d’intérêts. Toutefois, ces intérêts ne sont pas capitalisés, même partiellement, à moins que la capitalisation soit expressément prévue par la loi. »

– Article 700 du code de procédure civile : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés
– Me Elodie ABRAHAM
– Me Patricia FABBRO de l’AARPI JASPER AVOCATS

Mots clefs associés

– capitalisation des intérêts
– article 1343-2 du code civil
– demande des appelants
– article 700 du code de procédure civile
– frais non compris dans les dépens
– FGTI
– fin de non-recevoir
– appel
ordonnance
– code civil

– Capitalisation des intérêts : calcul des intérêts sur une somme d’argent due, qui sont ensuite ajoutés au capital initial pour produire des intérêts supplémentaires
– Article 1343-2 du code civil : article du code civil français qui concerne la capitalisation des intérêts
– Demande des appelants : requête ou demande formulée par les personnes faisant appel d’une décision judiciaire
– Article 700 du code de procédure civile : article du code de procédure civile français qui concerne l’allocation de frais de justice à la partie gagnante
– Frais non compris dans les dépens : frais supplémentaires engagés lors d’une procédure judiciaire qui ne sont pas inclus dans les dépens
– FGTI : Fonds de garantie des victimes d’infractions, organisme chargé d’indemniser les victimes d’infractions lorsque l’auteur est insolvable ou inconnu
– Fin de non-recevoir : moyen de défense soulevé par une partie pour contester la recevabilité d’une demande ou d’une action en justice
– Appel : recours juridique permettant à une partie de contester une décision rendue par un tribunal
– Ordonnance : décision rendue par un juge ou un tribunal dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Code civil : recueil de lois régissant les relations entre les personnes et les biens en France

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 12

ARRET DU 02 MAI 2024

(n° , 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/14020 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHPQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2022 – JIVAT du tribunal judiciaire de PARIS – RG n° 20/04837

APPELANTS

Madame [L], [I], [T] [R]

[Adresse 5]

[Localité 15]

née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 14] (91)

comparante en personne,

représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34

Ayant pour avocat plaidant Me Elodie ABRAHAM, avocat au barreau de PARIS, toque : G0391

Monsieur [X], [G], [H] [R]

[Adresse 5]

[Localité 15]

né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 13] (92)

représenté par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34

Ayant pour avocat plaidant Me Elodie ABRAHAM, avocat au barreau de PARIS, toque : G0391

Agissant tant en leurs noms personnels, qu’en qualité de représentants légaux de leur fille mineure :

[D], [U], [B] [R]

née le [Date naissance 7] 2012 à [Localité 16]

[Adresse 5]

[Localité 15]

INTIMES

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS

[Adresse 8]

[Localité 10]

représenté par Me Patricia FABBRO de l’AARPI JASPER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P82

Mutuelle CETIM

[Adresse 3]

[Localité 9]

défaillante

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de [Localité 16]

[Adresse 4]

[Localité 16]

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Présidente de chambre

Madame Sylvie LEROY, Conseillère

Madame Morgane LE DOUARIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Eva ROSE-HANO

ARRÊT :

– réputé contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 04 avril 2024 prorogé au 02 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Andrée BAUMANN, Présidente de chambre et par Eva ROSE-HANO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Le 13 novembre 2015, Mme [L] [R] assistait avec une amie au concert des ‘Eagles of death Metal’ au [11]. Elle n’a pas été blessée mais a souffert d’un traumatisme psychique majeur.

Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (le FGTI) a organisé une expertise amiable réalisée par le docteur [A] [P] qui, après trois réunions d’expertise, a considéré que l’état de santé de Mme [L] [R] était consolidé selon les conclusions de son rapport en date du 11 novembre 2018.

Le FGTI a versé plusieurs provisions pour un montant total de 89 100 euros.

Par une décision du 23 juin 2022, la juridiction d’indemnisation des victimes d’attentats terroristes (la JIVAT) du tribunal judiciaire de Paris a :

– condamné le FGTI à payer à Mme [L] [R] les sommes suivantes en réparation de ses préjudices corporels, en deniers ou quittances, provisions non déduites :

– frais divers : 3 593 euros

– tierce personne temporaire:16 641 euros

– perte de gains professionnels actuels: 12 341,16 euros

– perte de gains professionnels futurs: 205 803,76 euros

– incidence professionnelle : 20 000 euros

– déficit fonctionnel temporaire : 11 536,56 euros

– souffrances endurées : 35 000 euros

– préjudice d’angoisse de mort imminente : 50 000 euros

– déficit fonctionnel permanent : 15 567 euros

– préjudice d’agrément : 10 000 euros

– préjudice sexuel : 5 000 euros

– préjudice d’établissement : 10 000 euros

– préjudice permanent exceptionnel : 30 000 euros,

ces sommes avec intérêts au taux légal,

– débouté Mme [L] [R] de ses demandes au titre du préjudice esthétique et de l’incidence professionnelle temporaire prise en compte dans les souffrances endurées,

– déclaré M. [X] [R] en son nom personnel et Mme [L] [R] et M. [X] [R] en qualité de représentants légaux de leur fille mineure [D] [R] recevables en leurs demandes en qualité(s) de victimes par ricochet de Mme [L] [R],

– condamné le FGTI à payer à M. [X] [R] les sommes suivantes:

– préjudice d’attente et d’inquiétude : 5 000 euros

– préjudice d’affection:10 000 euros

– troubles dans les conditions d’existence : 10 000 euros,

– rejeté ses demandes au titre des frais divers, du préjudice professionnel, du préjudice permanent exceptionnel et de l’indemnité pour absence d’offre,

– condamné le FGTI à payer à Mme [L] [R] et M. [X] [R] en qualité de représentants légaux de leur fille mineure [D] [R], née le [Date naissance 7] 2012, la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice d’affection,

– rejeté leurs demandes au titre des troubles dans les conditions d’existence de [D],

– déclaré le jugement commun à la caisse primaire d’assurance maladie,

– condamné le FGTI à payer à M. et Mme [R] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné le FGTI aux dépens de l’instance.

Mme [L] [R] et M. [X] [R], agissant à titre personnel et en qualités de représentants légaux de leur fille mineure, ont interjeté appel partiel de ce jugement par déclaration du 22 juillet 2022 ; leur déclaration d’appel a été signifiée avec leurs premières écritures notifiées par le RPVA le 14 octobre 2022, par actes d’huissier remis à personne habilitée, d’une part le 20 octobre 2022 à la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 16], et, d’autre part le 2 novembre 2022 à la Mutuelle CETIM, désormais dénommée Noveocare, lesquelles n’ont pas constitué avocat.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 février 2023 puis signifiées par actes d’huissier remis à personne habilitée, le 30 octobre 2023 à la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 16] et le 22 novembre 2023 à la mutuelle Noveocare, Mme [L] [R] et M. [X] [R], agissant tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure, demandent à la cour de:

– infirmer partiellement le jugement rendu le 23 juin 2022,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

– juger que l’indemnisation des préjudices de Mme [L] [R] sera fixée de la manière suivante et condamner le FGTI au paiement de ces sommes :

-1 113 442,60 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs

-70 000 euros au titre de l’incidence professionnelle

– 76 529,12 euros au titre des souffrances endurées, dont 36 529,12 euros au titre de l’incidence professionnelle temporaire

– 54 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

– 5 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

– juger que l’indemnisation des préjudices de M. [X] [R] sera fixée de la manière suivante et condamner le FGTI au paiement de ces sommes :

– 30 000 euros en réparation de son préjudice d’attente et d’inquiétude

– 35 000 euros au titre de son préjudice d’affection

– 20 000 euros au titre de ses troubles dans les conditions d’existence

– Frais divers :

– 30 622,30 euros à titre principal

– 24 122,30 euros à titre subsidiaire

– 397 799,61 euros au titre de la perte de revenus,

– juger que l’indemnisation des préjudices de [D] [R], représentée par Mme [L] [R] et M. [X] [R], sera fixée de la manière suivante et condamner le FGTI au paiement de ces sommes :

– 25 000 euros au titre de son préjudice d’affection

– 15 000 euros au titre de ses troubles dans les conditions d’existence,

– juger que les intérêts échus des capitaux produiront intérêt dans les conditions fixées par l’article 1343-2 du code civil,

– condamner le FGTI, partie qui succombe à l’instance, à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, à Mme [L] [R] la somme de 8 280 euros, ainsi que 4 140 euros M. [X] [R] et 1 380 euros à Mme [D] [R], représentée par Mme [L] [R] et M. [X] [R] ;

– confirmer le jugement pour le surplus,

– condamner le FGTI aux entiers dépens.

Dans ses conclusions notifiées par la voie électronique le 24 novembre 2023, le FGTI demande à la cour de :

– juger les consorts [R] irrecevables en leurs conclusions visant à solliciter sa condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, la déclaration d’appel n’opérant aucune dévolution du chef de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer le jugement en ce qu’il a fixé à la somme de 1 500 euros les frais rrépétibles pour la période ayant couru jusqu’à la date du jugement déféré,

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a jugé qu’il n’y avait pas lieu à « déduction

des sommes perçues au titre des prestations chômage » en réparation des pertes de gains professionnels futurs,

Statuant à nouveau,

– allouer à Mme [R] la somme de 94 301,70 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs après déduction de l’allocation de retour à l’emploi,

Pour le surplus,

– confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions dont ont interjeté appel Mme [L] [R] et M. [X] [R], en leur nom personnel et en leur qualité de représentants légaux de leur fille [D],

– débouter en tout état de cause Mme [L] [R] et M. [X] [R], agissant tant en leur nom personnel qu’en qualité de représentants légaux de leur fille [D] du surplus de leurs demandes,

– laisser les dépens et frais de procédure à la charge du Trésor public.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 décembre 2023.

CECI ETANT EXPOSE, LA COUR,

L’appel ne portant que sur certains des postes alloués par le tribunal, il n’y a pas lieu de confirmer le jugement sur les postes qui n’en sont pas l’objet.

S’agissant des circonstances dans lesquelles Mme [L] [R] a été victime de l’attentat, relatées aux services de police le lendemain puis par écrit sous sa pièce 26, elle se trouvait avec son amie au niveau du bar, dans la coursive, lorsqu’elle a entendu les premières détonations ; en se retournant elle a aperçu un homme armé. Prise dans un mouvement de foule qui lui a fait perdre de vue son amie, elle a été poussée jusqu’à l’escalier qui mène à l’étage, elle est tombée et en rampant, elle est montée et s’est précipitée vers la mezzanine tandis que les détonations, les cris et hurlements continuaient. Elle explique s’être ‘dissimulée entre les sièges sur le niveau le plus haut de la mezzanine, un endroit pas très visible de la porté où elle s’est retrouvée avec un autre spectateur, ‘[V]’ qui s’est, comme elle, ‘glissé au maximum sous les sièges afin d’être le moins visible possiblé, l’a protégée et rassurée ; ils sont restés ‘tout le temps ensemblé tandis que ‘les détonations continuaient’. Elle a décrit avec précision l’enchaînement des événements qu’elle a suivis essentiellement à l’ouïe, les cris, les plaintes et les suppliques des victimes qui ont été abattues, les détonations des tirs des terroristes, dont un est monté sur le balcon pour tirer sur les spectateurs dans la fosse et leurs échanges verbaux ; elle a déclaré en particulier ‘je ne sais pas combien de temps est passé mais c’était très long. Les victimes blessées hurlaient de plus en plus de douleur (…)Au bout d’un moment le RAID est intervenu. On n’a pas cru que c’était eux. Un homme est arrivé discrètement sur la mezzanine en disant être policier. Comme on avait des doutes et qu’on ne voulait pas bouger, il s’est penché et a éclairé son visage avec une lampe. On l’a alors suivi et il nous a fait sortir (..) puis descendre au rez-de-chaussée. Il y avait énormément de victimes dans la coursive et dans la salle, dans la fosse. On a dû marcher sur des corps pour sortir. Une fois dehors on a été pris en charge et mis en sécurité dans des endroits successifs. C’est à ce moment là qu’on a entendu à nouveau des rafales de tirs et des explosions correspondant à l’assaut donné par le RAID’.

Sur les demandes de Mme [L] [R] :

Le docteur [P] a notamment retenu, outre un déficit fonctionnel temporaire partiel évalué d’abord à 75% jusqu’au 18/01/2016 puis à 50% du 19/01/2016 au 30/04/2017, à 33 % ensuite pendant un an et enfin à 25% du 2 mai 2017 au 25/07/2018, date de la fin du dernier arrêt de travail, et une assistance tierce personne temporaire,

– un arrêt total des activités professionnelles imputable :

– du 13/11/2015 au 18/01/2016 à temps plein

– du 19/01/2016 au 31/05/2018 à mi-temps thérapeutique

– du 01/06/2018 au 25/07/2018 à temps plein,

– des souffrances endurées : 5,5/7

– un préjudice d’angoisse de mort imminente majeur

– une consolidation au 25 juillet 2018,

– un déficit fonctionnel permanent de 15% , le docteur [C], médecin conseil de la victime, l’ayant évalué à 19 %,

– un préjudice d’agrément avec impossibilité de reprise des activités de loisirs et culturelles antérieures,

– un préjudice sexuel : disparition de la libido évoquée

– un préjudice d’établissement : modification du projet familial ; interruption de grossesse culpabilisée et grande difficulté à évoquer un nouveau projet d’enfant,

– un préjudice professionnel : les séquelles prises en compte ne permettent pas à Mme [L] [R] de poursuivre l’activité antérieurement exercée en raison d’une perte d’intérêt au regard de la nature même de cette activité, des exigences de celle-ci, des troubles importants de la concentration la rendant inefficace dans une activité professionnelle devenue inadéquate, l’expert ayant noté lors de la discussion qu’une reconversion allait être envisagée et qu’elle était imputable,

– pas de préjudice esthétique permanent mais le docteur [C] l’estime à 1,5 compte tenu de la prise de poids et des tatouages.

Au vu de ces éléments et de l’ensemble des pièces versées aux débats, les postes de préjudices contestés par Mme [L] [R], qui était âgée de 37 ans lors des faits, comme étant née le [Date naissance 6] 1978, et de 40 ans au moment de la consolidation et occupait l’emploi de directrice marketing, sont indemnisés comme suit.

Perte de gains professionnels futurs :

Mme [L] [R] expose que malgré des recherches d’emploi, elle n’est pas parvenue à débuter une nouvelle activité professionnelle et que compte tenu du délai écoulé depuis l’attentat et son licenciement, ses chances de retrouver un emploi au même niveau de responsabilité s’avèrent ‘extrêmement limitées’ en raison de son âge et des troubles qu’elle présente. Elle critique le jugement qui, s’il a retenu le principe des pertes de gains, a limité leur indemnisation à cinq ans et a ainsi statué en méconnaissance des principes de droit, appliqués par la jurisprudence, qui imposent de tenir compte de la situation effective de la victime à la date de la décision sans qu’elle soit tenue de limiter son préjudice et sans qu’il puisse être exigé d’elle de persévérer dans la recherche d’un emploi. Elle demande à la cour de retenir le salaire de référence évalué par la JIVAT à hauteur de 45 341,01 euros, en observant que les allocations versées par le Pôle emploi, qui n’ont pas un caractère indemnitaire, ne doivent pas être assimilées à des revenus, puis de calculer ces pertes de gains professionnels futurs à hauteur de la somme totale de 228 839,50 euros, après actualisation, au titre des arrérages échus de 2019 à 2023 et de celle de 884 603,10 euros après capitalisation sur le barème de la Gazette du palais à 0% pour une femme de 45 ans jusqu’à l’âge de la retraite à 65 ans.

Le FGTI souligne que l’expert a retenu, non pas une invalidité, mais uniquement une incapacité à l’exercice de la profession exercée au moment des faits au regard du licenciement pour inaptitude dont Mme [L] [R] a été l’objet. Faisant état d’arrêts de la Cour de cassation en date des 24 novembre 2022 (21-17323), 8 février 2023 (21-21283) et 6 juillet 2023 (22-10347), il estime qu’il ne peut être considéré que l’appelante, en raison de son jeune âge, ne dispose plus d’aucune perspective d’un avenir professionnel alors qu’il lui reste environ vingt ans de travail avant l’âge de la retraite. Il relève que les courriels versés aux débats par Mme [L] [R], en réponse à ses demandes de candidature, sont datés de la fin de l’année 2020 et du début de 2021, période perturbée dans la suite des confinements et qu’ils ne précisent pas le poste auquel elle candidatait. S’il ne conteste pas que durant les mois qui ont suivi les faits, Mme [L] [R] se soit trouvée dans l’impossibilité de reprendre son emploi, voire un emploi, il estime que les pertes de gains professionnels futurs qu’elle a subis au vu de ses derniers avis d’imposition ne peuvent qu’être que temporaires et non définitives jusqu’à l’âge de la retraite.

Au visa enfin des dispositions de l’article R.422-8 du code des assurances, le FGTI soutient que doivent être déduites de la somme allouée par les premiers juges les aides au retour à l’emploi qui constituent une prestation indemnitaire dès lors qu’elles réparent pour partie les pertes de gains professionnels futurs.

Sur ce,

La JIVAT, qui a pris en compte les conclusions de l’expert, le licenciement pour inaptitude subi par Mme [L] [R] dans le poste qu’elle occupait lors de l’attentat et ‘quelques recherches d’emploi qui sont demeurées infructueuses’ au cours des années 2020-2021, a considéré que ‘ces éléments sont insuffisants pour considérer que Mme [L] [R] ne sera pas en mesure de travailler jusqu’à l’âge du départ en retraite alors qu’elle avait 40 ans lors de la consolidation de son état et qu’elle ne justifie pas des démarches entreprises pour opérer une reconversion professionnelle qui reste à réaliser.’ Estimant qu’il n’était pas possible d’évaluer ce que serait la perte de gains consécutive à cette reconversion, les premiers juges ont retenu l’offre du FGTI de prendre en charge pendant cinq ans la perte de gains professionnels qu’elle a subie, sans déduction des sommes perçues au titre des prestations chômage.

L’existence de pertes de gains professionnels futurs n’est pas ainsi discutée, seule l’appréciation de leur étendue demeurant en litige.

Il résulte du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, que la victime d’un dommage corporel ne peut être indemnisée de la perte de gains professionnels futurs que si, à la suite de sa survenue, elle se trouve privée de la possibilité d’exercer une activité professionnelle.

Ce principe justifie de réparer les préjudices actuels ou futurs en lien de causalité avec le dommage, à la condition qu’ils soient certains et puissent être chiffrés à la date où le juge statue.

La cour rappelle que :

– au moment des attentats, Mme [L] [R] occupait, depuis le 1er juin 2014, un poste de ‘responsable marketing on liné au sein de la société Kelkoo qui l’avait embauchée le 31 mai 2011 en qualité de ‘responsable partenariats’ et au sein de laquelle elle avait le statut de salarié protégé en qualité de membre suppléante de la délégation unique du personnel ;

– après un arrêt de travail total, le médecin psychiatre de Mme [L] [R], le docteur [N] [Z], praticien hospitalier à l’hôpital [17] à [Localité 16] qui l’a suivie jusqu’au 16 octobre 2018, l’a autorisée à reprendre son poste à temps partiel à compter du 18 janvier 2016, dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique ; elle a notamment relevé, dans un certificat du 6 mars 2018, que sa patiente, ‘malgré ses efforts, n’a jamais pu vraiment réinvestir son activité professionnelle à son niveau antérieur. Elle reste gênée par une fatigabilité, des troubles de concentration, un syndrome dépressif chronique, avec désintérêt, difficultés relationnelles, irritabilité, hypervigilancé ; ce médecin estimait déjà alors que sa patiente était ‘en inadéquation durable avec son poste de travail’ et devait ‘pouvoir bénéficier d’un licenciement pour inaptitude afin de pouvoir entreprendre un reclassement professionnel correspondant mieux à son état de santé psychiqué ;

– après un nouvel arrêt maladie à compter du 1er juin 2018 jusqu’au 25 juillet 2018 ‘en raison de la pression au travail’, comme indiqué par l’appelante à l’expert, le médecin du travail, à l’occasion d’une visite de reprise organisée le 26 juillet 2018, a déclaré Mme [L] [R] inapte dans les termes suivants : ‘ Suite à l’étude de poste et des conditions de travail, et de la fiche entreprise réalisées, Mme [L] [R] est déclarée inapte au poste de responsable marketing. Elle pourrait effectuer des tâches de type administratif à temps très partiel (sans dépasser 10 heures par semaine) en travail à domicile. Au vu de son état de santé, la salariée ne peut pas suivre de formation dans l’entreprisé ;

– la société Kelkoo, par lettre du 31 août 2018, a informé sa salariée de l’impossibilité de lui proposer un autre emploi dans l’ensemble des sociétés du groupe Kelkoo ;

– c’est dans ces circonstances que l’inspectrice du travail a autorisé son licenciement par décision du 26 novembre 2018 et que par lettre recommandée de licenciement datée du 5 décembre 2018, son employeur a licencié Mme [L] [R] pour inaptitude ;

– l’expert a noté, à l’issue de l’examen de Mme [L] [R] le 5 novembre 2018, qu’elle n’avait pas repris une nouvelle prise en charge psychothérapique et gardait d’importants troubles de l’attention, de la concentration, de la mémoire ainsi qu’une fatigabilité physique et psychique importantes, une dysthymie et une altération dans l’estime et la confiance en soi, outre un stress post-traumatique qui restait important ; il a relevé en page 14 de son rapport la persistance du syndrome de répétition, des troubles du sommeil, des évitements et des manifestations anxieuses aiguës spécifiques ; il ainsi constaté que perdurait, après la consolidation, la plupart des symptômes mentionnés par la psychiatre de Mme [L] [R] avant cette consolidation.

Il est exact que l’expert n’a conclu ni à une incapacité de travailler de Mme [L] [R], âgée de seulement 40 ans lors de la consolidation ni à une impossibilité de reconversion.

Pour autant, au regard de l’ensemble de ces éléments, et spécifiquement de la nature des troubles conservés et du taux de déficit fonctionnel permanent très important retenu pour des séquelles d’ordre psychologique, la cour considère, indépendamment du fait qu’elle se soit installée en Bretagne et soit âgée de 40 ans à la consolidation, que Mme [L] [R] ne retrouvera que très difficilement un emploi, y compris en opérant une reconversion, ce que confirment au demeurant ses tentatives infructueuses de recherche d’emploi durant les années 2020 et 2021.

En outre, il n’est pas contesté qu’à ce jour, elle n’a pas retrouvé d’emploi, étant observé qu’elle est âgée de près de 46 ans et qu’elle a cessé toute activité professionnelle depuis plus de cinq ans.

La cour considère par conséquent que sa perte de gains futurs, imputable à l’attentat du [11], est totale.

Le calcul de ce préjudice s’effectuera sur la base du salaire annuel de référence, fixé à la somme de 45 341 euros pour l’année 2018 par la JIVAT pour le calcul des pertes de gains professionnels actuels sur la période arrêtée au 25 juillet 2018, lequel n’a pas été discuté par le FGTI et tient compte de l’augmentation moyenne des salaires de Mme [L] [R] depuis 2012.

Selon l’article R422-8 du code des assurances, l’offre d’indemnisation des dommages résultant d’une atteinte à la personne faite à la victime d’un acte de terrorisme indique l’évaluation retenue par le Fonds pour chaque chef de préjudice et le montant des indemnités qui reviennent à la victime compte tenu des prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice.

Par voie de conséquence, sont déduites des indemnités versées par le FGTI à la victime, les indemnités qu’elle reçoit d’autres débiteurs pour le même poste de préjudice.

Il s’ensuit que l’allocation de retour à l’emploi versée par le Pôle emploi à Mme [L] [R], laquelle indemnise sa perte d’emploi consécutive à son licenciement qui est la conséquence directe de l’attentat, doit être déduite de la somme à lui revenir au titre des pertes de gains professionnels futurs.

En distinguant la période échue du 26 juillet 2018 au 30 juin 2023, comme calculée par l’appelante, et la période à échoir à compter du 1er juillet 2023, le montant de ces pertes de gains s’établit ainsi qu’il suit :

Arrérages échus :

Année 2018 :

Restent à indemniser à ce titre les pertes de gains à compter du 26 juillet 2018, soit sur 159 jours (365 -les 206 jours indemnisés au titre des pertes de gains professionnels actuels), une somme de 19 751,28 euros (45 341 euros x 159 /365 jours).

Doivent en être déduits les salaires perçus par Mme [L] [R] jusqu’à son licenciement après déduction de l’indemnité de licenciement dont le FGTI ne discute pas la déduction, soit la somme de 17 462,22 euros (50 955 euros perçus en 2018 -10 868,76 euros x 159/365 jours).

La perte est donc de 2 289,06 euros.

Année 2019 :

Mme [L] [R], au vu de son avis d’imposition et de sa déclaration de revenus, a perçu un solde de salaire versé par la société Kelkoo (3 439 euros) et des indemnités du Pôle emploi (20 269 euros) de sorte que sa perte de gains en 2019 est de 21 633 euros (45 341 euros- 23 708 euros)

Année 2020 :

Au vu de son avis d’imposition sur les revenus de 2020 et de sa déclaration de revenus pré-remplie, elle n’a perçu que des indemnités réglées par le Pôle emploi, à hauteur de 25 708 euros de sorte que sa perte de gains est de 19 633 euros (45 341- 25 708 euros).

Année 2021 :

Au vu également de son avis d’imposition (sur les revenus de 2021) et de sa déclaration de revenus pré-remplie, elle n’a perçu que des indemnités réglées par le Pôle emploi, à hauteur de 14 927 euros de sorte que sa perte de gains est de 30 414 euros (45 341- 14 927 euros), étant précisé par une attestation du Pôle emploi Bretagne, datée du 7 février 2023 et couvrant la période du 1er mars au 31 décembre 2022, que les allocations d’aide au retour à l’emploi ne lui ont été versées que jusqu’au 30 juin 2021.

Année 2022 et période du 1er janvier au 30 juin 2023 :

Mme [L] [R] qui indique être restée sans emploi, sans observation contraire du FGTI, n’a plus perçu d’indemnité du Pôle emploi, comme précisé dans l’attestation précitée.

Sa perte de gains sur cette période s’évalue donc à la somme de 68 011,50 euros ( 45 341 euros + 45 341 euros/2)

La perte de gains, au titre des arrérages échus, est donc au total de 141 980,56 euros.

Une fois revalorisée conformément à la méthode utilisée qui n’est pas subsidiairement critiquée, il revient à Mme [L] [R] la somme de 157 474,76 euros (141 980,56 euros x 10,57 / 9,53).

Arrérages à échoir

Ils sont calculés, comme demandé par Mme [L] [R], sur la base du barème de la Gazette du Palais 2022 à taux 0, le mieux adapté aux données sociale et économique actuelles, pour une femme de 45 ans jusqu’à l’âge de la retraite selon la formule :

45 341 euros x 19,510 = 884 602,91 euros

Au titre de ce poste de préjudice, l’indemnisation de Mme [L] [R] s’élève par conséquent à la somme de 1 042 077,67 euros.

Incidence professionnelle

Comme l’explique Mme [L] [R], il est constant que l’attentat l’a contrainte à abandonner sa profession antérieure, étant observé que même si elle a dit à l’expert n’avoir travaillé ‘jamais par goût’ dans différentes sociétés d’informatiques, elle travaillait au sein de la société Kelkoo qui fait du ‘e-commercé depuis mai 2011 et bénéficiait ainsi d’un emploi stable . N’ayant pu poursuivre son activité professionnelle dans les conditions antérieures depuis la consolidation de son état, elle souffre d’une dévalorisation sociale et se trouve privée des liens humains tissés à l’occasion de son activité professionnelle ; elle subira en tout état de cause une diminution de ses droits à la retraite.

L’incidence professionnelle ainsi ressentie est réparée par la somme de 70 000 euros.

Souffrances endurées

Mme [L] [R] considère qu’il n’a pas été fait une juste évaluation de ce préjudice par les premiers juges qui lui ont alloué la somme totale de 35 000 euros dont 5 000 euros pour l’incidence professionnelle liée à la pénibilité dont elle a souffert à titre temporaire lors de la reprise de son travail.

Le FGTI conclut à la confirmation du jugement.

Evaluées dans le cadre de l’expertise, les souffrances psychiques incluent, en accord avec le médecin conseil de Mme [L] [R], l’intensité traumatique de l’événement, qui ressort du récit précis qu’elle a fait aux policiers le lendemain de l’attentat, l’intensité de la maladie traumatique jusqu’à la date de la consolidation ainsi que les contraintes liées aux soins. La psychiatre, qui a suivi la victime à compter du 19 novembre 2015, a décrit l’état de psychotraumatisme aigu avec des manifestations physiques qu’elle a présenté et l’état de stress post-traumatique qui s’est ensuite installé et a nécessité un suivi psychiatrique régulier puis, du fait de la persistance de l’anxiété généralisée et des attaques de panique, l’instauration, à compter du 21 janvier 2016, d’un traitement psychotrope.

Dans le cadre de la reprise de son activité professionnelle en mi-temps thérapeutique jusqu’au 31 mai 2018, cette même psychiatre a en particulier relevé le 14 juin 2016 qu’il persistait sur le plan professionnel outre des troubles importants de concentration et de mémoire, une fatigabilité intellectuelle et psychique et une pénibilité psychique de l’environnement professionnel avec une difficulté d’adaptation au bruit et au stress, outre un sentiment de dévalorisation. La pénibilité dont Mme [L] [R] a ainsi souffert lors de la reprise partielle et temporaire de son activité professionnelle avant consolidation doit être également réparée au titre des souffrances endurées.

Il convient au regard de l’ensemble de ses éléments d’allouer à Mme [L] [R], au titre des souffrances endurées, la somme totale de 50 000 euros.

Déficit fonctionnel permanent

Comme indiqué à propos de l’examen des pertes de gains professionnels futurs, l’expert a constaté que le stress post-traumatique dont souffre Mme [L] [R] reste important, qu’elle présente une humeur fluctuante avec altération dans l’estime et la confiance en soi et qu’elle garde d’importants troubles de l’attention, de la concentration et de la mémoire et une fatigabilité physique et psychique importante.

Les séquelles décrites par l’expert et conservées par Mme [L] [R], après la consolidation de son état, entraînant non seulement des atteintes aux fonctions physiologiques mais également des douleurs ainsi qu’une perte de la qualité de la vie et des troubles dans les conditions d’existence personnelles, familiales et sociales, justifient compte-tenu de l’âge de la victime lors de la consolidation de son état, l’octroi de la somme de 40 000 euros.

Compte tenu de la somme versée par la société MAAF à hauteur de la somme de 18 933 euros dont l’appelante sollicite la déduction, il convient, infirmant le jugement, de lui allouer la somme de 21 067 euros.

Préjudice esthétique permanent

Mme [L] [R] fonde sa demande essentiellement sur la prise de poids qu’elle a subie depuis les attentats, observant que si ce préjudice reste ‘minimé en proportion de tout ce qu’elle traverse, il existe cependant et doit être réparé ; elle indique aussi que si les tatouages du [11] qu’elle a fait réaliser sur ses avant-bras ‘ne sont pas considérés comme négatifs’, ils constituent une modification de son corps liée aux attentats.

Comme relevé par la JIVAT, Mme [L] [R] s’est fait librement tatouer les avant-bras et elle ne le regrette pas, comme elle l’a d’ailleurs mentionné dans ses ‘doléances esthétiques’ datées du 15 avril 2020, où elle écrit à propos de ces tatouages qui ‘posent question’ avoir ‘aussi besoin de les avoir’ avec elle. Au regard de la démarche volontaire de Mme [L] [R], les premiers juges ont justement considéré qu’ils ne peuvent caractériser un préjudice.

En revanche, il est constant, à la lecture des doléances de Mme [L] [R], écrites à plusieurs reprises entre novembre 2017 et avril 2020, que celle-ci, dans les suites de l’attentat, a pris une quinzaine de kilos par rapport à son poids initial de 60 kg ; elle a indiqué en avril 2020 qu’elle pesait encore 72 kg. Cette prise de poids caractérise un préjudice esthétique, préjudice sur lequel les deux médecins-conseil, de la victime et du FGTI, ne sont pas parvenus à un accord.

Compte tenu du caractère fluctuant de cette prise de poids, elle n’apparaît pas définitive, étant observé en outre par la cour que l’incidence du poids dans l’apparence de Mme [L] [R] se trouve atténuée au regard de sa taille (1 mètre75).

Ce préjudice, qui s’analyse en un préjudice esthétique temporaire, est réparé par la somme de 1 500 euros.

Sur les demandes extra-patrimoniales de M. [X] [R] et dans l’intérêt de [D] [R] :

Le préjudice d’attente et d’inquiétude de M. [X] [R] :

Le préjudice d’attente et d’inquiétude répare l’inquiétude éprouvée par les proches de la victime directe, qui pensent ou savent que celle-ci se trouve exposée à un péril de nature à la mettre en danger, pendant la période de temps où ils demeurent dans l’incertitude quant à son sort.

Il se réalise ainsi entre la découverte de l’événement par les proches et leur connaissance de son issue pour la personne exposée au péril. L’évaluation du préjudice dépend de l’intensité de la douleur morale ressentie par la victime par ricochet pendant cette période.

Il ressort du récit des événements écrit par M. [X] [R] quelques jours après les attentats, en pièce 40 des appelants, que le soir du concert il est resté au domicile familial pour garder l’enfant du couple, âgée de 3 ans, qui était endormie, qu’il a appris assez tôt dans la soirée, alors qu’il regardait la télévision, la survenue des attentats par l’appel téléphonique d’un ami ; qu’il a immédiatement tenté d’appeler son épouse dont le téléphone a sonné sans qu’elle réponde et qu’il a alors vécu dans l’angoisse avant de recevoir un appel téléphonique de celle-ci quand elle a pu sortir de la salle de concert alors qu’il était ‘presque 23 heures’, comme il le précise dans ce récit. Il a également indiqué que des amis, dont celle qui accompagnait son épouse au concert, laquelle était parvenue à sortir de la salle de spectacle, sont venus le soutenir et l’entourer pendant cette attente angoissante.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a alloué à ce titre une somme de 5 000 euros à M. [X] [R].

Le préjudice d’affection du mari et de la fille de Mme [L] [R] :

Le préjudice d’affection indemnise le préjudice moral éprouvé par un proche de la victime directe, à la suite de son décès ou à la vue des souffrances endurées par cette dernière, qu’elles soient physiques ou psychologiques.

Compte tenu de l’intensité de l’événement traumatique en cause et des conséquences de l’attentat qui a gravement atteint psychologiquement son épouse qui reste affectée par des séquelles psychologiques et cognitives et une fatigabilité importantes, les premiers juges ont fait une juste évaluation du préjudice moral ressenti par M. [X] [R] à la vue des souffrances éprouvées par son épouse. Le jugement est confirmé en ce qu’il lui a alloué la somme de 10 000 euros à ce titre.

[D] [R], qui est née le [Date naissance 7] 2012, n’était âgée que de trois ans lors de l’attentat. En l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que la JIVAT, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation de ce préjudice pour lequel la somme de 10 000 euros a été allouée, l’expert ayant noté ‘l’éloignement affectif’ de Mme [L] [R] vis-à-vis de son enfant.

Les troubles dans leurs conditions d’existence :

Sont réparés au titre de ce préjudice les changements dans les conditions de l’existence dont sont victimes les proches de la victime directe.

Comme relevé par les premiers juges, la décision prise par le couple de quitter [Localité 16] dans les suites de l’attentat, au regard du ‘sentiment d’insécurité très fort’ ressenti par Mme [L] [R] qui ne supportait plus de continuer à y vivre, a eu des conséquences certaines sur le mode de vie familial puisqu’outre le changement de lieu de vie, M. [X] [R] et son épouse ont renoncé à la vie culturelle parisienne, étant observé que cette dernière, indépendamment de ce déménagement, ne supportait plus depuis le 13 novembre 2015 de se rendre dans les salles de spectacle, au cinéma ou au musée que le couple fréquentait très régulièrement dans le passé, comme le démontrent les nombreuses attestations versées aux débats.

La JIVAT a fait une juste évaluation de ce préjudice à hauteur de la somme de 10 000 euros.

S’agissant de [D] [R], la JIVAT a en revanche rejeté la demande de ce chef en considérant qu’il n’était pas justifié d’un autre préjudice que celui déjà pris en compte au titre du préjudice d’affection.

Cependant, les parents de [D] [R] font état à ce titre de l’incapacité de Mme [L] [R], depuis l’attentat, d’accompagner sa fille au cinéma et à ses spectacles de danse et de la nécessité pour l’enfant, née le [Date naissance 7] 2012, de composer avec les crises d’angoisse de sa mère et ses périodes de repli sur elle-même, conséquences de l’attentat dont il a été fait état au cours des opérations d’expertise et qui sont une des manifestations des séquelles subies par la victime directe.

Il est ainsi avéré que les conditions d’existence de [D] [R] ont également été affectées par le traumatisme subi par sa mère de sorte qu’infirmant le jugement, il est alloué, au titre des troubles dans les conditions d’existence de [D] [R], préjudice distinct du préjudice d’affection, la somme de 5 000 euros.

Sur les demandes de M. [X] [R] au titre de ses préjudices matériel et professionnel :

S’agissant du préjudice économique de pertes de revenus et de frais divers en lien avec le déménagement du couple, le maintien du loyer parisien et le changement d’emploi de M. [X] [R], la JIVAT a relevé que les dépenses ou pertes de revenus ne sont pas en lien direct et certain avec l’attentat et résultent des choix librement faits par M. [R] d’organiser ainsi sa vie professionnelle, voire de s’installer dans une région éloignée de [Localité 16] où il lui est difficile de travailler.

Cependant, comme le soutient M. [X] [R], ces motifs apparaissent contradictoires alors même que la décision du couple de s’éloigner en province, du fait du sentiment d’insécurité ressenti par Mme [L] [R] en lien direct avec les séquelles résultant de l’attentat, a été prise en compte par la JIVAT pour retenir les troubles dans les conditions d’existence de son conjoint, contraint ‘de repenser sa carrière professionnellé, comme indiqué dans le jugement.

Mme [L] [R] a effectivement fait part à l’expert, lors de la dernière réunion d’expertise en octobre 2018, de sa décision prise avec son conjoint de quitter [Localité 16], celle-ci écrivant notamment dans ses doléances du 19 octobre 2018 : ‘il n’est pour moi plus possible d’y vivre. J’ai peur de [Localité 16], je ne m’y sens plus bien. Je trouve l’ambiance anxiogène. (…)’. Au regard des séquelles affectant Mme [L] [R], cette décision de déménagement, qui a été compliquée à prendre pour le couple qui ‘adorait la vie à [Localité 16]’ avant les attentats, chacun d’eux étant de surcroît originaire de [Localité 16] où M. [X] [R] avait toujours vécu , est ainsi imputable à l’attentat dont a été la victime Mme [L] [R]. Ce déménagement, au vu des éléments produits, a été effectif à compter de la fin du mois d’octobre 2018.

C’est au regard de cette précision et du principe d’indemnisation intégrale des victimes que les demandes de M. [X] [R] sont examinées, sans que le FGTI puisse valablement invoquer l’article L.422-1 du code des assurances dans la mesure où les préjudices matériels dont l’appelant sollicite la réparation sont la conséquence des dommages résultant des atteintes à la personne subies par son épouse.

Sur les frais sollicités :

M. [X] [R] fait en premier lieu état de frais de transport, correspondant à ses déplacements entre [Localité 16], où il a travaillé du 1er mars 2019 jusqu’au 28 février 2020 selon le contrat de travail à durée déterminée versé aux débats, et [Localité 15], dans le Finistère, à raison d’un aller-retour par semaine, effectué le lundi au départ de [Localité 15] et le mercredi après-midi ou soir au retour de [Localité 16]. Il a évalué cette demande sur la base d’un montant de 102 euros par semaine (51 euros x 2) dont il justifie du coût pour un aller-retour effectué en février 2020, ce justificatif mentionnant qu’il est titulaire d’un abonnement Fréquence 50 dont il précise qu’il s’élève à 400 euros pour l’année.

S’il ne justifie pas du montant de l’abonnement annuel dont il est toutefois certain qu’il l’a souscrit et n’a pas retrouvé les justificatifs des trajets antérieurs à la date du 14 avril 2019, correspondant à six allers-retours selon ses explications figurant sous sa pièce 44, il a cependant versé aux débats des éléments de preuve, qui ne sont pas ‘totalement illisibles’ comme le prétend le FGTI, lesquels établissent ses dates de déplacement et leur montant entre la mi-avril 2019 et le mois de février 2020 ; de plus il ressort de son contrat de travail qu’il travaillait à temps partiel, à raison de quatre jours par semaine dont le jeudi en télé-travail à son domicile de [Localité 15].

Le fait que l’employeur de M. [X] [R] a considéré une partie du temps de transport de ce dernier comme du temps de travail, comme le relève le FGTI, n’a pas exonéré l’appelant du paiement de ces titres de transport de sorte que sa demande est accueillie à hauteur de la somme de 3 422,30 euros sollicitée.

S’agissant des frais de logement allégués, correspondant à titre principal au coût du loyer de l’appartement conservé par le couple à [Localité 16] sur la période d’octobre 2018 à février 2020 (16 mois à hauteur de la somme mensuelle de 1 700 euros, soit 27 200 euros), la décision de conserver cet appartement, malgré leur déménagement, correspond à un choix fait par le couple qui n’est pas en lien direct avec les conséquences de l’attentat, étant observé de surcroît par la cour qu’en page 7 du rapport du docteur [P], il est indiqué que Mme [L] [R] a déclaré à l’expert que ‘l’appartement parisien est sous loué à une étudianté.

Il est cependant certain que , si le couple n’avait pas fait le choix de conserver cet appartement, M. [X] [R], comme il l’explique, aurait dû exposer des frais de logement à l’hôtel à hauteur de deux nuits par semaine.

Il sollicite subsidiairement à ce titre, sur la période de 16 mois d’octobre 2018 à février 2020 (69 semaines), une somme hebdomadaire de 300 euros (150 euros par nuit), soit au total 20 700 euros.

Cependant, il ressort tant du contrat de travail à durée déterminée communiqué que des explications de M. [X] [R] sous sa pièce 41 et de ses écritures relatives à ses pertes de revenus, qu’il n’a repris un emploi sur [Localité 16] qu’à compter du 1er mars 2019 et jusqu’au 29 février 2020, soit une période de 12 mois ; compte tenu en outre d’un mois de vacances, il lui est alloué à ce titre la somme de 14 100 euros, sur la base de 47 semaines et d’une somme de 300 euros par semaine, le montant de 150 euros par nuit n’étant pas subsidiairement discuté.

Au titre des frais divers, la cour alloue donc la somme totale de 17 522,30 euros.

Sur la perte de revenus :

M. [X] [R] qui explique que sa carrière, exercée dans le même secteur, était ‘florissante depuis de nombreuses années’ avec une augmentation progressive de ses revenus, y compris après l’année 2015, communique ses avis d’imposition pour justifier de ses revenus de 2011 à 2020 et explique qu’après le contrat de travail à durée déterminée qu’il a pu conserver en qualité de ‘lead game designer’, il a été contraint de refuser le contrat à durée indéterminée que la même société lui proposait ‘en exigeant que son activité s’exerce exclusivement en présentiel à [Localité 16]’ et qu’à la même période, en février 2020, l’emploi qu’il exerçait en télétravail un jour par semaine a également pris fin. Il expose qu’il n’a pas retrouvé d’emploi à proximité de [Localité 15] et qu’après une période de chômage, indemnisée jusqu’en juillet 2021, il a retrouvé un poste de ‘responsable créations et projets’ en télétravail, dans une société dont il a été auparavant associé, mais avec une baisse de salaire conséquente. Il a établi le calcul de ses pertes de revenus, en les capitalisant à compter du 1er janvier 2024, sur la base des revenus perçus en 2019, dernière année intégralement travaillée, à hauteur de 38 985 euros.

Le FGTI s’oppose à cette demande en estimant, au vu de l’analyse des revenus perçus par M. [X] [R] depuis 2011, que le déménagement de la famille [R] en Bretagne n’a eu aucun impact sur la situation économique de ce dernier.

Il ressort des avis d’imposition fournis que les revenus perçus par M. [X] [R] ont évolué ainsi qu’il suit :

– en 2011 et 2012, 41 100 et 43 377 euros, correspondant exclusivement à des salaires,

– 2013 : 25 131 euros dont 11 441 euros d’ ‘autres revenus salariaux’,

– 2014 : 21 068 euros dont l’essentiel en ‘autres revenus salariaux’ (1 954 euros de salaires),

– 2015 : 24 406 euros dont 19 114 euros d’autres revenus salariaux,

– 2016 : 32 150 euros dont cette fois l’essentiel en salaires ( 30 894 euros),

– 2017 : 30 579 euros composés uniquement de ‘salaires et assimilés’, sans mention d’ ‘autres revenus salariaux’,

– 2018 : 23 207 euros composés à parts quasiment égales de salaires et d’ ‘autres revenus imposables’,

– 2019 : 38 985 euros dont l’essentiel en salaires ( 37 392 euros),

– 2020 : 28 884 euros dont 11 743 euros de salaires, M. [X] [R] justifiant avoir perçu l’allocation d’aide au retour à l’emploi versée par le Pôle emploi en 2020, lorsque son le contrat de travail à durée déterminée a pris fin,

– 2021 : 17 466 euros dont 2 325 euros de salaires, des allocations d’aide au retour à l’emploi ayant été versées jusqu’en juillet 2021.

Il s’en déduit que comme le relève le FGTI, M. [X] [R] a connu, avant le déménagement de sa famille consécutif aux attentats du 13 novembre 2015, des périodes de chômage où ses revenus ont fortement diminué, en particulier de 2013 à 2015 avant d’augmenter de nouveau ; l’année 2019, postérieure à ce déménagement, est l’année où il a eu les revenus salariaux les plus élevés depuis 2012.

Il ressort en outre de ‘l’attestation communiquée sous sa pièce 41’ qu’il ne supportait plus les trajets entre [Localité 16] et [Localité 15] et qu’il a souffert d’une cruralgie de sorte qu’il a fait la déclaration suivante à son employeur : ‘ J’ai donc annoncé à mon employeur que je ne pourrais pas accepter sa proposition de transformer son CDD en CDI sauf s’il était d’accord pour augmenter la part de télétravail. Il m’a répondu que ce n’était pas possible, ce que je comprenais et que nous mettrions donc fin à notre collaboration à l’issue du contrat fin février 2020’.

M. [X] [R] justifie occuper, depuis le 15 novembre 2021, un emploi de ‘développeur de projets’, qualifié de ‘responsable créations et projets’ sur ses bulletins de salaire établis à compter du mois d’avril 2022, l’adresse de son employeur étant située à [Localité 12].

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que la diminution de revenus subie par M. [X] [R], si elle est réelle, n’est pas en lien direct avec le déménagement de la famille et qu’elle ne peut être supportée par le FGTI au titre des dommages consécutifs à l’attentat.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande de ce chef.

Comme le sollicitent les appelants, il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

La demande des appelants au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile est recevable, contrairement à ce que prétend le FGTI, dans la mesure où ils formulent cette demande au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d’appel ; la fin de non-recevoir du FGTI est rejetée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Infirme partiellement le jugement déféré

Statuant à nouveau dans les limites de l’appel,

Condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions à verser à Mme [L] [R], en dernier ou quittances, provisions et somme versée en vertu de l’exécution provisoire non déduite, les sommes suivantes :

– 1 042 077,67 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs

– 70 000 euros au titre de l’incidence professionnelle

– 50 000 euros au titre des souffrances endurées

– 21 067 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

– 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

Condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions à verser :

– à M. [X] [R] la somme de 17 522,30 euros au titre des frais divers ,

– à Mme [L] [R] et M. [X] [R], en qualité de représentants légaux de leur fille [D] [R], la somme de 5 000 euros au titre de ses troubles dans les conditions d’existence,

Dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus,

Dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l’article 1343-2 du code civil,

Confirme le jugement pour le surplus des dispositions dont il a été relevé appel,

Rejette la fin de non-recevoir du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions portant sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions à verser aux appelants, ensemble et en cause d’appel, la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Laisse les dépens à la charge de l’Etat.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 

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