Affaire Monica Bellucci

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Affaire Monica Bellucci

L’actrice Monica Belluci a obtenu 8 000 euros de dommages et intérêts pour atteinte à son droit à l’image et à sa vie privée contre Voici.fr.  L’article titré « Monica Belluci a retrouvé l’amour à 54 ans ! » avait révélé l’identité de son compagnon, ainsi que la différence d’âge existante entre eux (de 18 ans son cadet).

Atteinte à la vie privée   

En procédant à la révélation de l’identité du compagnon de la star, la SNC Prisma Media s’est illicitement immiscée dans un pan de l’intimité de sa vie privée. Par ailleurs, les différentes digressions des articles en cause, à savoir sur la différence d’âge pouvant exister, le moment de leur prétendue rencontre, les loisirs ainsi que son prétendu emploi du temps ou les sentiments que celle-ci peut éprouver, constituent autant d’actes attentatoires à sa vie privée, dès lors qu’il n’est pas démontré que Monica Belluci aurait consenti à la divulgation de ces informations, appartenant à sa sphère privée.

Pas d’exception d’actualité

Ces faits n’ont pu être considérés comme des faits d’actualité, pas plus qu’ils ne se rattachaient à un débat d’intérêt général, la seule célébrité ne pouvant ici justifier une publication n’ayant d’autre objet que de relater les détails de la vie privée des personnes publiques.

Atteinte au droit à l’image  

La reproduction, sans son autorisation, de sept clichés la représentant au bras de son compagnon, manifestement captés dans un moment de vie privée, sont de nature à prolonger l’atteinte à la vie privée et à violer le droit dont elle dispose sur son image. Le caractère public du lieu de fixation, lequel ne marque pas les bornes de la sphère privée, étant sans incidence sur la caractérisation de l’atteinte. Qui plus est, les photographies détournés de leur contexte de fixation, et utilisées pour illustrer les trois articles afin d’illustrer les propos fautifs, emportaient également violation du droit dont dispose la star sur son image.

Préjudice unique

La seule constatation de la violation de la vie privée ou du droit à l’image ouvre droit à réparation, dont la forme est laissée à la libre appréciation du juge, lequel tient de l’article 9 du code civil le pouvoir de prendre toute mesure propre à empêcher ou à faire cesser l’atteinte ainsi qu’à en réparer le préjudice, son évaluation étant appréciée au jour où il statue, et en fonction des éléments de fait invoqués par les parties : l’atteinte caractérise par elle-même le dommage duquel résulte, ainsi que l’affirme constamment la Cour de cassation, un préjudice qui existe par principe et dont l’étendue, dont la preuve incombe aux demandeurs, dépend de l’aptitude du titulaire de droits lésé à éprouver effectivement le dommage et des pièces produites.

Toutefois, chaque publication caractérise une atteinte, elle ne cause pas par principe un préjudice distinct des autres : seules la nature et la multiplicité ou non des données relevant de la vie privée objet de la divulgation ainsi que leurs modalités de diffusion peuvent permettre de déterminer in concreto l’unicité ou la pluralité des préjudices subis. Ainsi, malgré la pluralité des atteintes, leur stricte concomitance et l’identité de leur objet, sans le moindre ajout significatif touchant à d’autres éléments relevant de sa vie privée, excluent le cumul des réparations : les dommages résidant dans ces atteintes ne génèrent qu’un préjudice unique, certes aggravé par la répétition mais non multiplié, tenant au trouble intérieur occasionné par la révélation d’une information privée à une date déterminée. Le principe de la réparation intégrale s’oppose en conséquence à une quadruple indemnisation d’un même préjudice causé par des actes concurrents.

Rappel des principes applicables

En application de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

Et, conformément à l’article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.

Ainsi, chacun dispose, quelles que soient sa notoriété, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, du droit au respect de sa vie privée et jouit sur son image d’un droit exclusif lui permettant de s’opposer à sa fixation, à sa reproduction ou à son utilisation sans son autorisation préalable et spéciale : chacun peut s’opposer à la divulgation d’images ne relevant pas de sa vie professionnelle ou de ses activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur sa vie privée ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.

Par ailleurs, en vertu de l’article 10 « Liberté d’expression » de cette convention : 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations. 2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.

Les droits ainsi énoncés ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre eux et de privilégier, le cas échéant, la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime.

Pour procéder à la mise en balance des droits en présence, il y a lieu, suivant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de la publication ainsi, le cas échéant, que les circonstances de la prise des photographies, la définition de ce qui est susceptible de relever de l’intérêt général dépendant des circonstances de chaque affaire. Télécharger la décision


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