COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 juin 2021
Cassation partielle sans renvoi
M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 508 F-D
Pourvoi n° W 19-17.161
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUIN 2021
M. [Y] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 19-17.161 contre l’arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l’opposant à la société La Travance, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. [N], après débats en l’audience publique du 13 avril 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 29 novembre 2018) et les productions, le capital de la société civile immobilière La Travance (la SCI La Travance) est réparti entre MM. [I], [Y] et [J] [N], les deux premiers détenant six parts chacun et le dernier quatre parts.
2. La SCI La Travance était propriétaire d’un unique bien immobilier donné à bail à la société à responsabilité limitée [N] (la SARL [N]), constituée entre les mêmes associés.
3. Les deux sociétés ont pour gérant M. [I] [N].
4. Par une ordonnance de référé du 17 juin 2016, la SCI La Travance a été condamnée à payer à M. [Y] [N] une certaine somme en remboursement du solde de son compte courant d’associé. M. [Y] [N] a fait procéder à une saisie-attribution des loyers versés par la SARL [N] à la SCI La Travance en exécution de cette ordonnance.
5. Devant le refus de M. [Y] [N] de voter en faveur de la vente du bien immobilier donné à bail à la SARL [N] qui, selon les autres associés, était seule de nature à reconstituer la trésorerie de la SCI La Travance, celle-ci l’a assigné, en référé, aux fins de désignation d’un mandataire ad hoc avec pour mission d’exercer à sa place le droit de vote attaché à ses parts lors de la prochaine assemblée générale ayant pour ordre du jour cette vente.
6. M. [Y] [N] a demandé, à titre reconventionnel, la désignation d’un mandataire ad hoc avec mission d’exercer les fonctions de gérant à la place de M. [I] [N] afin de permettre un refinancement de la trésorerie de la société.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. M. [Y] [N] fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de désignation d’un mandataire ad hoc avec pour mission d’exercer à la place de M. [I] [N] les fonctions de gérant de la SCI La Travance, alors :
« 1°/ que l’objet du litige est déterminé par les demandes et moyens respectifs des parties ; qu’en l’espèce, M. [Y] [N] sollicitait la désignation d’un mandataire ad hoc avec pour mission d’exercer à la place de M. [I] [N] les fonctions de gérant de la SCI La Travance ; qu’en rejetant cette demande au seul motif qu’ « il convient dès lors (?) de rejeter l’appel en ce qu’il propose une mission alternative dans le cadre du mandat ad hoc », cependant que la mission proposée par l’exposant n’était pas alternative, mais pouvait au contraire se cumuler avec celle qui était sollicitée par la SCI La Travance, la cour d’appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ que dans ses écritures d’appel, M. [Y] [N] faisait valoir que l’inertie fautive de M. [I] [N] justifiait la désignation d’un mandataire ad hoc avec pour mission d’exercer à la place de M. [I] [N] les fonctions de gérant de la SCI La Travance ; qu’en se bornant à relever, pour écarter la demande de M. [N], « qu’il convient dès lors de confirmer la décision entreprise et de rejeter l’appel en ce qu’il propose une mission alternative dans le cadre du mandat ad hoc », sans répondre à ce moyen dirimant, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. D’une part, en l’état des conclusions d’appel de M. [Y] [N], qui soutenaient qu’il était nécessaire d’ordonner la désignation d’un mandataire ad hoc pour exercer, à la place de M. [I] [N], les fonctions de gérant et qui, dans leur dispositif, demandaient à la cour d’appel d’infirmer l’ordonnance entreprise puis, statuant à nouveau, d’ordonner cette désignation, ce dont il résulte que M. [Y] [N] ne demandait pas à la cour de désigner un mandataire chargé d’une telle mission en tout état de cause, c’est-à-dire quand bien même il serait fait droit à la demande de désignation d’un mandataire chargé de voter à sa place pour la vente du bien immobilier, mais sollicitait l’adoption d’une mesure à ses yeux plus adaptée à la résolution des difficultés financières de la société, dues, selon lui, à une mauvaise gestion du gérant, c’est donc sans modifier l’objet du litige que la cour d’appel a retenu que la demande de M. [Y] [N] de désignation d’un mandataire ad hoc pour diriger la société à la place du gérant était alternative à celle, sollicitée par ses coassociés, de désignation d’un mandataire ad hoc ayant pour mission de voter à sa place la résolution approuvant la vente de l’immeuble social.
9. D’autre part, après avoir relevé que le loyer payé par la SARL [N] permettait seulement d’équilibrer le montant des charges liées au remboursement des emprunts de la SCI La Travance et que cette dernière était privée de ce revenu du fait de la saisie-attribution pratiquée par M. [Y] [N], l’arrêt retient que ce dernier ne peut se contenter de soutenir que la solution résiderait dans une augmentation du montant des loyers, une telle opération, pour les seuls besoins du renflouement de la trésorerie de la société, n’étant pas facilement envisageable et étant susceptible de constituer une infraction pénale telle qu’un abus de biens sociaux. Il ajoute qu’une telle augmentation du montant des loyers serait, en toute hypothèse, neutralisée par la saisie-attribution jusqu’au règlement complet des causes de l’ordonnance de référé. Ayant ainsi fait ressortir que la vente du bien immobilier donné à bail à la SARL [N] constituait la seule solution envisageable pour renflouer la trésorerie de la SCI La Travance et qu’ainsi l’inertie fautive alléguée n’était pas constituée, la cour d’appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées.
10. Le moyen n’est donc pas fondé.
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