COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° 419 DU 04 JUILLET 2022
N° RG 21/00803
N° Portalis DBV7-V-B7F-DK7P
Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 28 juin 2021, enregistrée sous le n° 2021F00146.
APPELANTS :
Monsieur [X] [L]
Marine Club Hôtel
97118 Saint-François
S.A.R.L. Le Golfeur en liquidation statutaire
Représentée par son liquidateur statutaire en exercice
6 Marina Club Hôtel
97118 Saint-François
Ayant tous pour avocat Me Valérie Fresse, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.
INTIMEES :
Madame [R] [G] en qualité de mandataire judiciaire des sociétés Escale et Jobea
7 Rue du Morne Ninine
97190 Le Gosier
Non représentée
S.A.R.L. Jobea
Chez [F] [Y]
La Créoline Sainte-Marthe
97118 Saint-François
Non représentée
S.A.R.L. Escale
4 Avenue de l’Europe
97118 Saint-François
Non représentée
S.E.L.A.R.L. Aja Associés en qualité d’administrateur judiciaire des sociétés Escale et Jobea
Rue Pierre Chalon l’houezel
Dampierre
97190 Le Gosier
Non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 Mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Corinne Desjardins, Présidente de chambre,
Madame Annabelle Clédat, conseillère,
Madame Christine Defoy, conseillère,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 04 juillet 2022.
GREFFIER,
Lors des débats et du prononcé Mme Armélida Rayapin, Greffier.
ARRET :Par défaut , prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Signé par Mme Corinne Desjardins, Présidente de chambre et par Mme Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
M. [X] [L] et Mme [F] [Y] étaient associés à hauteur respectivement de 70% et 30% des parts sociales de la SARL Le Golfeur laquelle exploitait une boutique de vêtements ‘sportwear’ située à la marina de Saint-François.
Le couple s’est séparé en 2001.
En 2005, alors qu’elle était encore gérante de la société Le Golfeur, Mme [Y] a créé la société Escale ayant pour objet social l’exploitation d’une boutique identique à celle gérée par la société Le Golfeur, également située à Saint François.
Par arrêt du 22 septembre 2014, la cour d’appel de Basse-Terre a dit que la création de la SARL Escale en octobre 2005 par Mme [Y] constituait une concurrence déloyale fautive à l’encontre de la société Le Golfeur compte tenu de sa proximité de la boutique exploitée, de la position de la gérante associée Mme [Y] et du détournement au profit de la société Escale d’une ligne de vêtements exploitée depuis plus de 5 ans par la société Le Golfeur, à l’insu de l’associé principal de la société Le Golfeur, et a condamné in solidum Mme [Y] et la société Escale à verser à la société le Golfeur la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 15 octobre 2012, la cour d’appel de Basse-Terre a dit que l’opposition de Mme [Y] à la prorogation de la société Le Golfeur constituait un abus de minorité et a condamné Mme [Y] à payer à M. [L] la somme de 40.000 euros, ainsi que la somme de 3.000 euros respectivement à M. [L] et à la SARL Le Golfeur.
Plusieurs mesures d’exécution forcées ont été engagées par M. [L] et la SARL Le Golfeur à l’encontre de Mme [Y] et la SARL Escale pour recouvrer leurs créances, lesquelles ont été contestées et ont abouti à dix jugements rendus par le juge de l’exécution de Pointe-à-Pitre.
Mme [Y] a créé une deuxième société, la SARL JOBEA qui exploite à son tour un autre magasin de vêtements sur la commune du Moule.
En 2015, elle a cédé à ses enfants 400 des 500 parts sociales de la société dont elle détenait la totalité du capital.
Par jugement du 18 mars 2021, le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, saisi par M. [L] et la société Le Golfeur d’une action paulienne pour fraude au visa des articles 1167 et 1341-2 du code civil, a déclaré inopposable à M. [L] et à la société Le Golfeur cette cession de parts sociales.
Dans ce contexte, la SARL Le Golfeur a assigné la société Escale le 4 janvier 2019 devant le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre en vue de sa liquidation judiciaire.
Par jugement en date du 18 juillet 2019, le tribunal mixte de Pointe-à-Pitre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Escale.
Le 12 décembre 2019, la société JOBEA a fait une déclaration de cessation des paiements motivée par la nécessité de restructurer l’ensemble économique constitué par les sociétés JOBEA et ESCALE.
Par acte d’huissier en date du 2 janvier 2020, l’administrateur de la société Escale a assigné la société JOBEA en vue de l’extension du redressement judiciaire de la société Escale en raison de leur confusion du patrimoine et de relations financières anormales.
Par jugement du 16 janvier 2020, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a ordonné le renouvellement de la période d’observation et a prononcé l’extension de la procédure à la société JOBEA.
Par jugement du 28 janvier 2021, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a arrêté un plan d’apurement par voie de continuation proposé par les sociétés Escale et JOBEA.
Par déclaration du 15 février 2021, la SARL Le Golfeur et M. [X] [L] ont formé tierce opposition contre le jugement rendu le 16 janvier 2020 par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre ayant ordonné le renouvellement de la période d’observation du redressement judiciaire de la société Escale et ayant prononcé l’extension du redressement de la société JOBEA , et ont sollicité à titre subsidiaire, la rétractation du jugement rendu le 28 janvier 2021 par cette même juridiction ayant arrêté le plan de redressement et prononcer la liquidation judiciaire des sociétés Escale et JOBEA.
Par jugement du 28 juin 2021, le Tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a débouté la SARL Le Golfeur et M. [X] [L] de leur tierce opposition contre le jugement du 16 janvier 2020 et du 28 janvier 2021.
M. [L] et la SARL Le Golfeur ont interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 23 juillet 2021, en limitant leur appel aux chefs de jugement suivants: en ce qu’il a débouté M. [L] et la SARL Le Golfeur de leur tierce opposition visant à titre principal à obtenir la rétractation du jugement du tribunal mixte de commerce du 16 janvier 2020 ayant ordonné l’extension du redressement judiciaire de la société Escale à la société JOBEA et par suite, à obtenir la liquidation judiciaire de la société Escale, et à titre subsidiaire, visant à obtenir la rétractation du jugement du tribunal mixte de commerce du 28 janvier 2021 arrêtant un plan de redressement des sociétés Escale et JOBEA et par suite, à voir prononcer leur liquidation judiciaire.
La procédure a fait l’objet d’une orientation à bref délai avec fixation de l’affaire à l’audience du 9 novembre 2021.
Le 17 septembre 2021, la SARL Le Golfeur et M. [L] ont fait signifier la déclaration d’appel à la SARL Escale par procès verbal de dépôt en l’étude, à la SARL JOBEA par procès verbal de dépôt en l’étude, à Me [V] [G] ès qualités de liquidateur judiciaire par remise à domicile, et à la SELARL AJA Associés par remise à personne morale en réponse à l’avis du 8 septembre 2021 donné par le greffe.
Aucun des intimés n’a constitué avocat.
L’affaire a été communiquée au ministère public le 23 novembre 2021, lequel a requis la confirmation du jugement dont appel.
A l’audience du 29 novembre 2021, l’affaire a été renvoyée à l’audience du 25 avril 2022, puis au 9 mai 2022, date à laquelle la clôture est intervenue, la décision a été mise en délibéré au 4 juillet 2022.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1/L Le Golfeur et M. [L], appelants :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 5 octobre 2021 par lesquelles les appelants demandent à la cour de :
– réformer le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
– rétracter le jugement mixte de commerce de Pointe-à-Pitre du 16 janvier 2020 ayant ordonné le renouvellement de la période d’observation du redressement judiciaire de la société Escale et prononcé l’extension du redressement à la société JOBEA et par suite prononcer la liquidation judiciaire de la société Escale,
– condamner in solidum les sociétés Escale et JOBEA à payer à la société Le Golfeur et à M. [L] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum aux dépens les sociétés Escale et JOBEA.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé des prétentions et moyens.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur la recevabilité de la tierce opposition
Par application des articles L 661-2 du code de commerce et 583 alinéa 2 du code de procédure civile, un créancier qui n’y est pas partie, peut former une tierce opposition à un jugement statuant sur l’extension d’une procédure de redressement judiciaire de son débiteur à la condition que ce jugement ait été rendu en fraude de ses droits ou qu’il invoque des moyens qui lui sont propres.
M.[L] et la société Le Golfeur font valoir au soutien de leur action en tierce- opposition à la fois la fraude à leur droit de créanciers et l’existence de moyens propres
Ils exposent que la société Escale créée par Mme [Y] pour recevoir les détournements de marchandises, de contrats et de recettes de la société Le Golfeur, ne doit ses difficultés financières qu’à la dette judiciaire sanctionnant ces détournements, et que malgré les nombreuses mesures d’exécution engagées par leurs soins pour recouvrer leurs créances et systématiquement contestées devant le juge de l’exécution comme en attestent les 10 jugements versés aux débats, ils n’ont pu obtenir en six ans que le paiement de la somme de 46.473,97 euros.
Ils soutiennent que dans le cadre de l’organisation de son insolvabilité, Mme [Y] a créé une deuxième société, la société JOBEA qui exploite un autre magasin de vêtements sur la commune du Moule avec des résultats particulièrement florissants, et dont elle a cédé, à bas prix à ses enfants, ses parts sociales afin de les mettre à l’abri de ses deux créanciers.
Ils précisent qu’ils ont obtenu par un jugement en date du 18 mars 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre que ses cessions de parts réalisées en fraude de leurs droits, ne leur soient pas opposables et exposent que c’est dans ce contexte, que la société Le Golfeur a assigné la société Escale devant le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre en vu de sa liquidation judiciaire.
Ils soutiennent que l’extension du redressement judiciaire de la société Escale à la société JOBEA, prononcée par le jugement déféré a pour seul objectif de protéger les biens personnels de Mme [Y] alors que la situation de la société Escale imposait une liquidation judiciaire immédiate et qu’elle a en conséquence été prononcée en fraude de leurs droits de créanciers.
Il convient de rappeler qu’aux termes de l’arrêt de la cour d’appel de Basse-Terre en date du 22 septembre 2014 qui a condamné in solidum Mme [Y] et la société Escale à verser à la société le Golfeur la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, la société Le Golfeur est créancière tant de Mme [Y] que de la société Escale,
qu’aux termes de l’ arrêt de la cour d’appel de Basse-Terre en date du 15 octobre 2012 qui a condamné Mme [Y] à payer à M. [L] la somme de 40.000 euros, ainsi que la somme de 3.000 euros respectivement à M. [L] et à la SARL Le Golfeur, les appelants sont également créanciers de Mme [Y],
et que la société Le Golfeur a déclaré sa créance dans la procédure de redressement pour la somme de 690.912 euros, et M. [L] pour la somme de 9.419 euros, étant précisé que le montant total du passif déclaré de 700.334,34 euros est composé exclusivement de ces deux créances.
Or pour caractériser la fraude de leurs droits dont ils se prétendent victimes, M. [L] et la société Le Golfeur ne font état que de leurs créances à l’encontre de Mme [Y], qu’ils ne pourraient plus recouvrer contre sa personne au regard des règles protectrices applicables au co-obligé, sans évoquer le fait que l’extension de la procédure fondée sur la confusion des patrimoines, permet par définition aux créanciers de recouvrer leurs créances sur un patrimoine plus important que celui de leur débiteur initial, et en l’occurrence de recouvrer leurs créances sur le patrimoine de la société JOBEA qu’ils ont eux même qualifiée de florissante.
En outre, ce paiement est garanti par un plan de redressement judiciaire, lequel, s’il n’était pas respecté, leur permettrait de retrouver leur droit de poursuites à l’encontre de leurs deux créanciers.
En outre, M. [L] et la société Le Golfeur étant les seuls créanciers de la société Escale et la société JOBEA pour un montant total de 700.334,34 euros, ils ne sont pas en concurrence avec d’autres créanciers, de sorte qu’ils ne risquent pas de voir leur situation de créanciers se dégrader du fait de l’extension contestée.
En conséquence, la société Le golfeur et M. [L] ne rapportent pas la preuve de ce que l’extension constitue une fraude à leur droit, étant enfin rappelé que l’ensemble des organes de la procédure, à savoir, le juge commissaire, l’administrateur et le mandataire judiciaire ont émis un avis favorable à l’extension de la procédure à la société Jobea et à l’adoption de ce plan de redressement.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
M. [L] et la SARL Le Golfeur qui succombent en leur appel seront condamnés aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [X] [L] et la SARL Le Golfeur aux entiers dépens d’appel.
Et ont signé,
La greffière La présidente
Laisser un commentaire