COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 15 SEPTEMBRE 2022
N° 2022/568
Rôle N° RG 21/09397 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHV44
[M] [H]
C/
S.C.I. DJERELIA
S.C.I. JENNY ET ALVIN
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Patrick DAVID
Me Alexia PICCERELLE
Me Laurie DELCLOS
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 06 mai 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/01658.
APPELANTE
Madame [M] [H]
née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 1]
représentée et assistée par Me Patrick DAVID, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
INTIMEE
S.C.I. DJERELIA
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 3]
représentée et assistée par Me Alexia PICCERELLE, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
INTERVENANTE VOLONTAIRE
S.C.I. JENNY ET ALVIN
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 3]
représentée et assistée par Me Laurie DELCLOS, avocat au barreau de GRASSE,plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 14 juin 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme PEREZ, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Sylvie PEREZ, Conseillère rapporteur
Mme Angélique NETO, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2022,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline BURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
La S.C.I. Djeralia a été créé le 3 octobre 2007 et les statuts ont été établis le 1er septembre 2007.
Un contentieux l’a opposée à Mme [H], qui a donné lieu à un arrêt de cette cour le 3 décembre 2019 duquel il ressort que :
– Mme [H] est associée de la S.C.I. à hauteur de 5 %,
-le prix de vente de la propriété bâtie sur la commune de [Localité 5], qui était sa propriété, a fait l’objet d’un acte de vente le 18 juin 2008, et a été payée par inscription en compte courant dans la S.C.I.,
– le prix de cession fixé à 282’000 euros a été déclaré réglé par l’acquéreur, hors la comptabilité du notaire, d’un commun accord avec le vendeur, par compensation d’une même somme portée à son compte courant dans la société dont le vendeur se trouve associé à hauteur de 5 %, que l’appelante (Mme [H]) a expressément reconnu ce paiement et qu’elle en a consenti quittances sans réserve à l’acquéreur.
Parallèlement, la S.C.I. Djeralia a consenti à Mme [H] un bail sur une des habitations existant dans cette maison à compter du 1er février 2010, dont les loyers et charges ont été prélevés sur son compte courant.
Par acte d’huissier en date du 28 octobre 2020, Mme [H] a fait assigner en référé la S.C.I. Djeralia en paiement de la somme provisionnelle de 219’517,51 euros représentant le solde de son compte courant d’associé.
Par ordonnance en date du 6 mai 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse a :
– condamné la S.C.I. Djeralia à payer par provision à Mme [M] [H] une somme de 219’517,51 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2020, à valoir sur le remboursement de son compte courant d’associé,
– dit que les intérêts dus pour au moins une année produiront intérêts,
– dit que le paiement de la dette est reporté de 18 mois à compter de la signification de l’ordonnance,
– ordonné à Madame [H] de contresigner les mandats de vente qui lui ont été transmis par la S.C.I. Djeralia afin de réaliser l’actif immobilier de cette société,
– condamné la S.C.I. Djeralia à payer à Mme [H] une indemnité de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l’instance,
– rejeté toutes autres demandes.
Par déclaration au greffe du 23 juin 2021, Mme [H] a relevé appel de cette ordonnance, appel limité au report de la dette et à l’obligation de contresigner les mandats de vente.
Par conclusions déposées et notifiées le 25 mai 2022, Mme [H] a conclu comme suit :
– infirmer l’ordonnance de référé en ce qu’elle a dit que le paiement de la dette est reporté de 18 mois à compter de la signification de l’ordonnance, et lui a ordonné de contresigner les mandats de vente qui lui ont été transmis par la S.C.I. Djeralia afin de réaliser l’actif immobilier de cette société,
Statuant à nouveau :
– condamner la S.C.I. Djeralia à lui payer par provision la somme de 219’517,51 euros avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 mai 2020,
– ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1342-3 du Code civil à compter du jour de la réception de la mise en demeure,
– fixer une astreinte de 250 euros par jour de retard, passé un délai de quinzaine à compter de la signification de la décision à intervenir, et ce au préjudice de la S.C.I. Djeralia,
– dire et juger que la S.C.I. Djeralia ne pourra bénéficier d’aucun délai de paiement,
– dire et juger qu’elle s’engage à signer des mandats transmis par la S.C.I. Djeralia et portant les valeurs net vendeur ci-dessous précisées, à savoir pour :
‘ le studio du Samos, 75 000 euros,
‘ le studio du Sicile, 115 000 euros,
‘ l’appartement T3 du Parc Berthaud, 240 000 euros,
‘ la villa située à [Localité 5] (Corse du Sud), 550 000 euros,
et à s’engager dans une assemblée de la S.C.I. Djeralia sous réserve de ne pas voir mentionner que le gérant sera autorisé à vendre à un prix inférieur au mandat, ce qui reviendrait d’ailleurs à rendre sans intérêt toute mention d’un prix,
En tout état de cause,
– débouter la S.C.I. Djeralia de l’intégralité de ses demandes,
– déclarer irrecevable l’intervention volontaire de la S.C. Jenny & Alvin et en tout état de cause la déclarer infondée,
– débouter la S.C. Jenny & Alvin de l’intégralité de ses demandes,
– condamner solidairement la S.C.I. Djeralia et la S.C. Jenny & Alvin au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance.
Mme [H] expose que le 17 juin 2008, une somme de 282’000 euros a été inscrite sur son compte courant, somme de laquelle était prélevés les loyers et charges dus au titre d’un bail consenti le 15 février 2010 par la S.C.I. sur une des habitations existantes de la villa.
Elle indique avoir le 29 mai 2020, adressé une mise en demeure à la S.C.I. Djeralia de procéder au remboursement de l’intégralité de son compte courant, ce à quoi la S.C.I. a répondu qu’elle ne disposait pas des fonds et qu’elle entendait mettre en vente son actif.
L’appelante indique qu’une assemblée a été tenue le 16 juillet 2020, au cours de laquelle il a été retenu un compte-courant de Mme [H] à hauteur de 219’517,51 euros et envisagé la mise en vente de l’actif immobilier.
Sur la provision, Mme [H] rappelle, au visa de l’article 835 que l’associé peut à tout moment, demander le remboursement de son compte courant, étant créancier de la société au même titre que des tiers, à défaut d’une disposition conventionnelle contraire; que dans le cadre de l’assemblée générale et du courrier de la S.C.I. Djeralia, il n’y a aucune contestation sur la demande en paiement et qu’elle était effectivement absence de cette assemblée compte tenu de son éloignement, pour approuver la réalisation de l’actif, sous réserve de précisions concernant cet actif ; qu’elle n’entend pas être tributaire de la réalisation d’un actif et entend obtenir un titre exécutoire, rappelant que la demande de remboursement du compte courant par l’associé est un droit ; qu’un courrier du 15 juin 2020 de la S.C.I. Djeralia fait état du montant du compte courant de 219’218 euros sans élever la moindre contestation, montant reconnu dans le cadre de ses écritures et celui de l’ordre du jour de l’assemblée générale du 16 juillet 2020.
Sur les éléments de comptabilité et l’absence de transparence de la SCI Djeralia, Mme [H] fait valoir qu’elle n’a aucune connaissance de l’actif de la S.C.I., la convocation à l’assemblée du 2 juillet 2020 ne donnant aucune précision sur les prix de vente envisagés.
Concernant la reconnaissance de la S.C.I. Djeralia sur la créance de Mme [H] sans contrepartie, l’appelante expose que la rémunération de son compte courant, comme résultant d’un engagement verbal exécuté depuis plus de 10 ans, n’a jamais été envisagée comme étant la contrepartie pour elle de ne pas en solliciter le remboursement, ou comme liée à l’existence d’un emprunt bancaire par la S.C.I. ; que la rémunération a été mise exécution en juin 2008, sans pouvoir être remise en cause; que l’exécution volontaire d’un acte susceptible d’être annulé vaut confirmation et fait échec à toute possibilité de soulever la nullité de celui-ci ; que l’exception de nullité que fait valoir l’intimé devant le juge des référés se heurte au surplus à la prescription quinquennale, puisque cette exception n’est pas perpétuelle en cas d’exécution valant confirmation et se trouve limitée par le délai de prescription de cinq ans applicable par voie d’action.
Sur la capitalisation des intérêts, Mme [H] fait valoir que les juridictions ne disposent d’aucun pouvoir d’appréciation de l’opportunité de l’anatocisme et que la capitalisation s’impose au juge du fond dès lors qu’il y a condamnation du défendeur à payer une somme.
Sur les mandats de vente, Mme [H] expose qu’elle n’a pas, en qualité d’associé minoritaire, à produire des mandats à ses frais, expliquant s’être opposée à la vente des biens aux conditions telles qu’elles étaient prévues dans le cas de résolutions présentées à l’assemblée générale en l’état d’un patrimoine largement dévalué ; qu’il ne saurait lui être imposé la signature des mandats du 16 octobre 2020 dont elle conteste le prix retenu, non conforme au prix du marché ; qu’aucun abus de minorité ne peut être retenu à son encontre alors qu’elle agit dans l’intérêt social, expliquant attendre une information complète concernant l’actif de la société et indiquant avoir rejeté la résolution proposée lors de l’assemblée générale du 30 juin 2021 par laquelle il s’agissait de donner tout pouvoir au gérant pour signer les mandats de vente, sans élément objectif sur la valeur des biens ; qu’elle indique être disposée à signer les mandats portant sur les valeurs net vendeur tels que mentionnées sur l’avis de valeur du 16 mai 2022 transmis par la S.C.I. Djeralia.
Concernant le report de paiement, Mme [H] relève que la S.C.I. Djeralia n’a effectué aucun règlement depuis la mise en demeure du mois de mai 2020, ayant déjà bénéficié de délais de fait ; qu’alors que la S.C.I. a fait l’acquisition de la maison pour la somme de 282’000 euros qui devait être payée par compensation de même somme portée à son compte courant d’associée, cette somme n’a finalement jamais été créditée sur ce compte, ce dont il se déduit que la bonne foi de la SCI ne peut être retenue.
Mme [H] conclut également à l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de la S.C. Jenny & Alvin sur le fondement de l’article 554 du code de procédure civile, rappelant qu’un associé est en principe représenté dans les litiges opposant la société à des tiers, par le représentant légal de la société, et que le moyen propre qui pourrait autoriser à intervenir volontairement est défini comme un moyen personnel à l’intéressé que lui seul peut faire valoir et distinct de ceux pouvant être invoqué par les autres créanciers ; que le préjudice avancé par la société intervenante n’est pas expliqué et ne lui est manifestement pas propre ; que cette société indique disposer d’un compte-courant créditeur de près de 100’000 euros de sorte qu’elle disposerait d’un intérêt qui lui est personnel, éléments dont elle disposait lorsque ceux-ci ont été débattus devant le premier juge devant lequel elle n’est pourtant pas intervenue ; que l’article 554 ne permet pas un intervenant en cause d’appel de soumettre un litige nouveau et de demander des condamnations personnelles n’ayant pas subi l’épreuve du premier degré de juridiction ; que l’intervention volontaire ne repose aucunement sur des faits nouveaux.
Elle fait valoir que l’intervention volontaire est mal fondée en l’état du dernier avis de valeur transmis par la S.C.I. Djeralia qui fait ressortir sa volonté de préserver l’intérêt social, aucun blocage ne pouvant lui être reproché.
Par conclusions déposées et notifiées le 30 mai 2022, la S.C.I. Djeralia, formant appel incident, a conclu comme suit :
– rejeter l’appel partiel formé par Mme [H],
– confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle lui a accordé un délai de 18 mois pour rembourser le compte-courant d’associé et a ordonné à Mme [H] de contresigner les mandats de vente des quatre biens immobiliers composant l’actif de la S.C.I. Djeralia,
– déclarer toutefois que ce délai ne commencera à courir qu’une fois la réalisation de l’actif immobilier de la S.C.I. Djeralia votée à l’unanimité de l’assemblée des associés et les quatre mandats de vente signés par Mme [H],
– réformer l’ordonnance en ce qu’elle a accordé à Mme [H] une provision de 219’517,51 euros à valoir sur le remboursement de son compte courant et en ce qu’elle a ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2020,
Statuant à nouveau :
– fixer à titre provisoire le solde du compte-courant de la société Mme [H] à la somme de 129’180,20 euros,
– déclarer que les intérêts de retard ne commenceront à courir que si le remboursement n’est pas effectué aux termes du moratoire de 18 mois, et sans capitalisation,
– condamner Mme [H] à lui payer une indemnité de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Sur le compte courant d’associé, la SCI Djeralia expose que le solde de 219’517,51 est exact mais qu’il convient de préciser qu’il inclut une rémunération au taux légal, en contrepartie de ne pas exiger le remboursement immédiat de son compte courant d’associé par Mme [H] ; que cette rémunération repose sur un engagement verbal toujours respecté par la S.C.I. Djeralia à condition que Mme [H] n’en sollicite pas le remboursement avant le terme final des échéances bancaires, en 2028 ; qu’elle a souscrit un prêt immobilier pour engager les travaux importants aux fins de réhabilitation de la villa sinistrée par un incendie et que lui a vendu Mme [H] ; que la rémunération du compte courant n’est que la contrepartie du blocage de celui-ci; qu’en demandant prématurément le remboursement du compte courant, Mme [H] n’est pas fondée à demander le remboursement des intérêts en dehors de toute convention les prévoyant.
Concernant le délai de paiement, l’intimé expose qu’elle n’a jamais eu les fonds nécessaires pour acquérir le droit au bail de la maison de [Localité 5] et entreprendre les travaux importants de réhabilitation ; que la somme de 282’000 euros a donc été payée par compensation d’une même somme portée au compte-courant du vendeur associé; que Mme [H] était parfaitement informée de la situation de la société et de l’urgence à mettre en location les logements vacants afin d’assainir sa situation financière ; qu’elle produit ses relevés bancaires depuis le mois de janvier 2020 qui démontrent qu’elle ne dispose pas de la trésorerie suffisante pour rembourser en intégralité le solde du compte-courant.
Elle fait grief à Mme [H] d’avoir adopté une position abusive et mauvaise foi, lui reprochant de ne pas avoir signé les mandats qu’elle lui a envoyés en vue de l’assemblée générale du 16 juillet 2020. L’intimé ajoute qu’une nouvelle assemblée générale a été organisée le 30 juin 2021 pour laquelle elle a, le 25 mai 2021, envoyé les mandats de vente à Mme [H] qui contrairement à ce qu’elle indique devant la cour d’appel, refuse toujours de signer les mandats, s’agissant bien de la part de Mme [H] d’un abus de minorité, la S.C.I. se trouvant dans une situation de blocage dès lors qu’elle est dans l’impossibilité de réaliser l’actif.
La S.C.I. Djeralia expose avoir établi un nouvel avis de valeur de son actif immobilisé daté du 2 mai 2022, communiqué à Mme [H] le 9 mai 2022, et relève que l’appelante accepte cet avis de valeur mais dans sa fourchette haute pour des biens libres de toute occupation et entend voit imposer à la S.C.I. de voir délivrer congé à tous les occupants.
Concernant la capitalisation des intérêts de retard, l’intimée expose que contrairement à ce que soutenait en première instance Mme [H], le juge n’est plus lié par la demande de capitalisation faite par le créancier et au visa de l’article 1343-2 du Code civil, dispose d’un pouvoir d’appréciation, considérant que c’est le comportement de Mme [H] qui refuse de signer le mandat qui est à l’origine du litige.
Par conclusions déposées et notifiées le 5 avril 2022, la S.C. Jenny & Alvin a conclu comme suit :
– la déclarer recevable en son intervention volontaire à titre principal,
Y faisant droit :
– débouter Mme [H] de son appel partiel,
– confirmer l’ordonnance de référé en ce qu’elle a accordé un délai de 18 mois à la S.C.I. Djeralia et condamné Mme [H] à signer les quatre mandats de vente en sa possession depuis le 28 octobre 2020,
Y ajoutant :
– condamner Mme [H] à donner tous pouvoirs au gérant, par une assemblée générale ou tout autre moyen, à effet de poursuivre la réalisation de l’actif immobilier,
– déclarer que ce délai ne commencera à courir que le lendemain de la signature des quatre mandats de vente par Mme [H],
– infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a accordé une provision à Mme [H] et ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal,
– déclarer que la provision à valoir sur le compte courant de Mme [H] est fixée à la somme de 129’180,32 euros,
– déclarer que les intérêts de retard commençant à courir que si le remboursement n’est pas effectué aux termes du moratoire de 18 mois, et sans capitalisation,
– condamner Mme [H] à lui payer une indemnité à valoir sur son préjudice distinct personnel d’un montant de 50’000 euros pour résistance abusive,
– condamner Mme [H] à lui payer une indemnité au visa de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 2500 euros outre les entiers dépens.
La S.C. Jenny & Alvin expose être associée à hauteur de 45 % au capital de la S.C.I. Djeralia et qu’à ce titre, elle dispose d’un droit propre à intervenir volontairement en cause d’appel, expliquant que les actions répétées de Mme [H] et notamment sa demande de remboursement de compte courant sans délai perturbent la S.C.I. mais causent un véritable préjudice à ses associés indéfiniment solidaires à hauteur de leur participation.
Reprenant l’argumentation de la S.C.I. Djeralia quant au refus de Mme [H] de signer les mandats de vente, elle rappelle qu’elle aussi est créancière de la S.C.I. au titre de son compte courant pour une somme de 100’000 euros et que si le remboursement était ordonné, elle verrait ses chances de recouvrer son compte courant disparaître.
Elle fait valoir qu’elle ne soumet aucun litige nouveau à la cour, s’agissant du même litige que celui débattu en première instance et rappelant que son intervention tend aux même fins que celles exposées par la S.C.I. Djeralia.
La S.C. Jenny & Alvin explique que la demande qu’elle forme à titre provisionnel en réparation de son préjudice personnel est quand elle fondée sur des faits nouveaux, fondée sur la résistance abusive dont fait preuve Mme [H] depuis le prononcé de l’ordonnance de référé.
Par ordonnance du 31 mai 2022, l’affaire a été clôturée.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constatations’ ou de’ dire et juger’ qui ne sont pas, en l’espèce, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui figurent par erreur dans le dispositif et non dans la partie discussion des conclusions d’appel.
L’intervention volontaire de la S.C. Jenny & Alvin :
Mme [H] conclut à l’irrecevabilité de cette intervention sur le fondement des dispositions de l’article 554 du code de procédure civile, qui prévoit que peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
S’il est exact, ainsi que le soutient Mme [H] que la société est en principe représentée, dans les litiges opposant la société à des tiers, par le représentant légal de la société, l’associé d’une SCI, qui répond indéfiniment des dettes sociales à proportion de sa part dans le capital social lorsque la mise en demeure notifiée à la société est demeurée infructueuse, dispose d’un intérêt personnel à intervenir dans le présent litige.
Par ailleurs, l’appelante fait valoir que sont irrecevables les interventions volontaires en cause d’appel qui ont pour objet de demander des condamnations personnelles non soumises aux premiers juges.
Si en principe un tiers ne peut intervenir pour la première fois en cause d’appel pour demander la condamnation personnelle de l’une des parties à l’instance, il en va autrement quand l’évolution du litige fonde cette intervention.
La S.C. Jenny & Alvin rappelle que son intervention tend aux même fins que la S.C.I. Djeralia et que la demande qu’elle forme en réparation d’un préjudice personnel au regard de la résistance abusive de l’appelante est quant à elle fondée sur des faits nouveaux en ce que postérieurement à l’ordonnance de référé, Mme [H] a à nouveau opposé un veto à la signature des mandats de vente des immeubles lors de l’assemblée générale organisée le 30 juin 2021.
Le fait nouveau et le litige initial doivent être liés et le fait nouveau doit modifier les données de ce litige initial. Or l’opposition de Mme [H] ne constitue pas un fait nouveau puisqu’en première instance il avait été ordonné à celle-ci de signer les mandats de vente.
Dès lors, l’intervention volontaire de la S.C. Jenny & Alvin doit être déclarée irrecevable.
La provision :
Aux termes de l’article 835, alinéa 2 du code de procédure civile, il est prévu que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
Le montant de la provision allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée, et le juge des référés fixe discrétionnairement à l’intérieur de cette limite la somme qu’il convient allouer au requérant.
Sur la contestation élevée par la S.C.I. Djeralia au titre des intérêts non contractualisés de la somme inscrite au compte courant de Mme [H] et tenant à l’existence de conditions assortissant la demande de remboursement, il convient de relever que ces moyens développés par la S.C.I. au soutien de son appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une seule argumentation.
Dès lors, le montant incontestable de la dette de la S.C.I. Djeralia envers Mme [H] au titre de son compte courant associé s’établit bien à la somme de 219’517,51 euros, de sorte que l’ordonnance déférée à la cour doit être confirmée en ce qu’elle a condamné la S.C.I. Djeralia au paiement de la dite somme à titre provisionnel.
Les mandats de ventes :
Par lettre du 15 juin 2009, la S.C.I. Djeralia a informé Mme [H] qu’elle ne disposait pas de la somme réclamée au titre du compte courant et qu’elle devait vendre des actifs immobiliers pour effectuer ce remboursement.
C’est en raison de l’urgence pour la S.C.I. Djeralia d’avoir à vendre tout ou partie de ses actifs immobiliers afin de pouvoir rembourser la créance de Mme [H] qu’il a été ordonné à cette dernière de contresigner les mandats de ventes qui lui ont été transmis par la société à cette fin.
Il est rappelé qu’aux termes de l’article 834 du code de procédure civile, il est prévu que dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
Une assemblée générale a été organisée le 16 juillet 2020, à laquelle l’appelante ne s’est pas fait représenter, dont la quatrième résolution prévoyait qu’il serait donné tout pouvoir au gérant de la SCI pour signer tout mandat de vente avec toute agence immobilière de son choix et rechercher des acquéreurs, à charge pour lui de tenir strictement informés les associés lesquels, devaient s’engager d’ores et déjà à signer ou à donner procuration pour tout compromis de vente et acte de réitération notariée. Cette résolution nécessitant l’accord unanime des associés, n’a pu être adoptée.
Mme [H] expose avoir été convoquée tardivement à cette assemblée générale (accusé de réception de la convocation du 7 juillet 2020) et n’avoir pu s’organiser pour se rendre sur le continent notamment eu égard aux mesures prises liées au Covid, faisant de plus valoir justement que le projet de résolution ne fixait aucune valeur immobilière des quatre biens concernés.
Celle-ci fait ainsi grief au premier juge de lui avoir ordonné la signature des mandats de vente datés du 16 octobre 2020 pour des valeurs inférieures au prix du marché.
Une autre assemblée générale a été organisée le 30 juin 2021, postérieurement au prononcé de l’ordonnance de référé, à laquelle Mme [H], représentée, a fait valoir que les mandats des trois appartements étaient sous-évalués et qu’elle refusait de vendre le bail emphytéotique portant sur la villa de [Localité 5] dans laquelle elle occupe un appartement. Elle fait valoir que la cinquième résolution prévoyait que les associés autorisent le gérant à accepter éventuellement des offres d’achat inférieures, de sorte que la résolution relative à la réalisation des actifs immobiliers n’a pas été adoptée.
La S.C.I. Djeralia a produit un nouvel avis de valeur daté du 16 mai 2022.
Mme [H] indique être disposée à signer des mandats de ventes portant sur les valeurs net vendeur mentionnées sur cet avis dans leur fourchette haute c’est-à-dire pour des biens libres de toute occupation.
En effet, deux appartements sont loués, l’appartement du parc Berthaud et l’appartement dans l’immeuble le Sicile et la différence de valeur selon que l’appartement est loué ou vide s’établit pour le 1er à 20’000 euros et pour le second à 10’000 euros.
Aucune contestation sérieuse ne s’oppose cependant à ce qu’il soit ordonné à Mme [H] la signature des mandats de vente tels que figurant sur l’avis de valeur daté du 16 mai 2022 du patrimoine immobilier de la S.C.I. Djeralia tel qu’il est constitué à cette date et comprenant les immeubles loués.
L’ordonnance est confirmée de ce chef sauf à préciser que les mandats de vente doivent être établis en référence à l’avis de valeur ci-dessus.
Les délais de paiement :
C’est à bon droit que le premier juge, faisant application des dispositions de l’article 1343-5 du Code civil, et constatant que la S.C.I. Djeralia n’était pas en mesure de régler immédiatement le compte-courant appartenant à Mme [H], a fait droit à la demande de report de la dette à 18 mois à compter de la signification de l’ordonnance qui a été effectuée le 9 juin 2021.
La S.C.I. Djeralia sollicite que ce délai ne commence à courir qu’une fois la réalisation de l’actif immobilier voté à l’unanimité de l’ensemble des associés et les quatre mandats de vente signés par Madame [H].
Le délai accordé par le premier juge arrivera à terme le 9 décembre 2022, c’est-à-dire que la S.C.I. Djeralia aura disposé à compter de la réception le 4 juin 2020 de la demande de remboursement du solde du compte-courant, de plus de deux années pour mettre en oeuvre la réalisation de son actif immobilier, soit un délai bien supérieur à celui prévu par les dispositions ci-dessus visées.
Dans ces conditions, il ne sera pas fait droit à la demande et l’ordonnance sera confirmée du chef des délais ainsi alloués.
La capitalisation des intérêts :
Concernant la capitalisation des intérêts, il ressort des dispositions de l’article 1343-2 du Code Civil que « Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise ».
La S.C.I. Djeralia soutient qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts en faisant valoir que seul le comportement de Mme [H] qui refuse toujours de signer les mandats est à l’origine de la présente procédure, appréciation qui relève du juge du fond.
En l’état des dispositions ci-dessus visées et alors que par lettre recommandée avec accusé de réception des élus 29 mai 2020, la S.C.I. Djeralia a été mise en demeure de procéder au remboursement débiteur du solde du compte courant d’associé détenu par Mme [H] au sein de la S.C.I., aucune contestation sérieuse ne s’oppose à la demande de capitalisation des intérêts, de sorte que l’ordonnance est confirmée de ce chef.
Chacune des parties principales, à savoir Mme [H] et la S.C.I. Djeralia, succombant en leur défense, supportera la charge des frais exposés par elles au cours de l’instance en application de l’article l’article 700 du code de procédure civile.
Par contre, il y a lieu de condamner la S.C. Jenny & Alvin à payer à Mme [H] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens d’appel seront mis à la charge de la S.C.I. Djeralia et de la S.C. Jenny & Alvin sans condamnation solidaire, la solidarité ne se présumant pas.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Déclare irrecevable l’intervention volontaire de la S.C. Jenny & Alvin ;
Confirme l’ordonnance du 6 mai 2021 prononcée par le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse sauf à préciser que les mandats de vente seront signés par Mme [H] sur la base de l’avis de valeur daté du 16 mai 2022 ;
Y ajoutant :
Déboute la S.C.I. Djeralia de sa demande tendant à voir dire que le délai de 18 mois ne commencera à courir qu’une fois la réalisation de l’actif immobilier voté à l’unanimité de l’ensemble des associés et les quatre mandats de vente signés par Madame [H];
Dit que Mme [H] et la S.C.I. Djeralia conserveront la charge des frais irrépétibles exposés par elles en appel sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la S.C. Jenny & Alvin à payer à Mme [H] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Madame [H] de sa demande de condamnation solidaire de la S.C.I. Djeralia et de la S.C. Jenny & Alvin aux dépens ;
Condamne la S.C.I. Djeralia et la S.C. Jenny & Alvin aux dépens d’appel.
La greffière,Le président,
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