Absence de tenue d’une comptabilité : la sanction de l’interdiction de gérer

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La faute de gestion tenant à l’absence de tenue d’une comptabilité peut être sanctionnée par une interdiction de gérer.

Conformément à l’article L.653-5 6° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale contre laquelle a été relevé notamment le fait d’avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables et d’avoir, en s’abstenant volontairement de collaborer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement.

En application de l’article L.553-8 du même code, dans les cas prévus aux dispositions précédentes, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

Cette interdiction peut également être prononcée à l’encontre de tout dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

L’absence de tenue de comptabilité peut, sans inverser la charge de la preuve, être déduite du fait, pour le gérant de la société débitrice, de n’avoir remis aucun élément comptable au liquidateur ( Cass. com., 16 sept. 2014, n° 13-10.514).

Par ailleurs, il importe peu que la faute tenant à l’absence de comptabilité permette seulement la dégradation de la sanction de faillite en sanction d’interdiction de gérer, alors que le liquidateur judiciaire qui se prévaut par ailleurs d’une faute du gérant tenant au défaut de déclaration de l’état de cessation des paiements dans le délai de quarante cinq jours ne peut agir en justice à ce titre que sur le fondement d’une demande d’interdiction de gérer, conformément à l’article L.553-8 du code de commerce.

Résumé de l’affaire

La SAS Charly, exploitant un bar, brasserie, restaurant, glacier à Tallard, a été placée en liquidation judiciaire en 2019. Le mandataire liquidateur a demandé une interdiction de gérer de 5 ans à l’encontre des dirigeants. Le tribunal de commerce de Gap a prononcé cette interdiction contre M. [Y] et Mme [T], ainsi qu’une condamnation financière. M. [Y] et Mme [T] ont interjeté appel, contestant les faits reprochés et la sanction. Ils soutiennent notamment que Mme [T] n’était pas une gérante de fait et contestent l’absence de tenue de comptabilité et de déclaration de cessation des paiements. Le Ministère Public a recommandé la confirmation du jugement. L’affaire a été mise en délibéré pour le 4 avril 2024.

Les points essentiels

Sur la qualité de gérante de fait de Mme [T]

En application de l’article L. 653-5 et de l’article L.553-8 du code de commerce, les sanctions de faillite personnelle et d’interdiction de gérer peuvent être prononcées contre le dirigeant de droit mais également contre le dirigeant de fait.

La qualification de dirigeant de fait d’une société se caractérise par l’exercice, en toute souveraineté et indépendance, d’activités positives de gestion et de direction engageant celle-ci.

Il s’en déduit, que ces éléments, s’ils attestent d’une implication particulière de Mme [T] dans la vie de l’entreprise, ne permettent néanmoins pas de caractériser l’exercice, par cette dernière, en toute souveraineté et indépendance, d’activités positives de gestion et de direction engageant la société Charly. En conséquence, la qualité de dirigeant de fait de la société Charly n’est pas démontrée à l’égard de Mme [T], laquelle est bien fondée à obtenir l’infirmation du jugement déféré le condamnant à une interdiction de gérer de cinq ans.

Sur l’interdiction de gérer de M. [Y]

Conformément à l’article L.653-5 6° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale contre laquelle a été relevé notamment le fait d’avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables et d’avoir, en s’abstenant volontairement de collaborer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement.

S’agissant du grief tenant à l’omission de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante cinq jours à compter de la cessation des paiements, il ressort des éléments de la procédure que M. [Y] a été destinataire de contraintes de l’URSSAF en avril, mai et juin 2018, alors que la société Charly était en état de cessation des paiements depuis le 11 octobre 2018, de sorte que dès le mois de juin 2018, soit 4 mois avant la date de cessation des paiements, il avait connaissance de l’impossibilité de la société Charly de faire face à ses dettes. Il s’ensuit qu’en régularisant une déclaration de cessation des paiements le 11 octobre 2019, M. [Y] a sciemment omis de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante cinq jours à compter de la cessation des paiements. Le grief reproché est ainsi caractérisé.

En revanche, compte tenu des griefs précédemment examinés et de celui retenu contre M. [Y] en sa qualité de dirigeant de la société Charly, et alors que la sanction d’interdiction de gérer doit être proportionnée au regard de la gravité des fautes et de la situation de M. [Y], qui n’a jamais fait l’objet d’une telle procédure, il y a lieu d’infirmer le jugement déféré en fixant à 2 ans la durée de cette sanction.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

M. [Y] doit supporter les dépens de première instance et d’appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés. Le jugement déféré doit être infirmé sur ces points. Il convient également de condamner Me [Z], représentant la SCP J.P Louis & [K] [Z], ès-qualités à payer à Mme [T] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et en cause d’appel.

Les montants alloués dans cette affaire:

Réglementation applicable

– Code de commerce
– Article L. 653-5
– Article L. 553-8

Article L. 653-5 du Code de commerce:
En application de l’article L. 653-5 et de l’article L.553-8 du code de commerce, les sanctions de faillite personnelle et d’interdiction de gérer peuvent être prononcées contre le dirigeant de droit mais également contre le dirigeant de fait.

Article L. 553-8 du Code de commerce:
En application de l’article L.553-8 du même code, dans les cas prévus aux dispositions précédentes, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci. Cette interdiction peut également être prononcée à l’encontre de tout dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

– Code de procédure civile
– Article 700

Article 700 du Code de procédure civile:
M. [Y] doit supporter les dépens de première instance et d’appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés. Le jugement déféré doit être infirmé sur ces points. Il convient également de condamner Me [Z], représentant la SCP J.P Louis & [K] [Z], ès-qualités à payer à Mme [T] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et en cause d’appel.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Alexis GRIMAUD
– Me Olivier ROQUES
– Me [K] [Z]

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