L’Essentiel : Le 5 février 2024, la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines (la caisse) a émis une contrainte à l’encontre d’une assurée, désignée ici comme une débiteur, pour le paiement d’une somme de 932,14 euros. Le 19 février 2024, la débiteur a formé opposition à cette contrainte, arguant qu’elle avait déjà remboursé la somme due. Lors de l’audience, la caisse a reconnu que l’indu avait été régularisé et a décidé de se désister. Le tribunal a jugé l’opposition recevable et a condamné la caisse à verser 200 euros de dommages-intérêts à la débiteur pour le préjudice subi.
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Contexte de l’affaireLe 5 février 2024, la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines (la caisse) a émis une contrainte à l’encontre d’une assurée, désignée ici comme une débiteur, pour le paiement d’une somme de 932,14 euros. Cette somme correspondait à un indu de prestations initialement de 939,69 euros, ajustée après récupération d’un montant de 7,55 euros le 29 janvier 2024. La notification de cette contrainte a été faite par lettre recommandée, mais aucune preuve de réception n’a été fournie par les parties. Opposition à la contrainteLe 19 février 2024, la débiteur a formé opposition à cette contrainte auprès du tribunal judiciaire de Versailles, arguant qu’elle avait déjà remboursé la somme due plusieurs mois avant l’émission de la contrainte. L’affaire a été examinée lors d’une audience le 5 décembre 2024. Position de la caisseLors de l’audience, la caisse, représentée par un mandataire, a reconnu que l’indu avait été régularisé par l’assurée et a donc décidé de se désister de sa demande principale. Elle a expliqué que le chèque de remboursement avait été encaissé sur un « compte d’attente » en raison d’une identification manquante, tout en affirmant qu’il s’agissait d’une erreur humaine et non d’une faute intentionnelle. Déclarations de la débiteurLa débiteur, présente à l’audience avec son époux, a confirmé avoir reçu un double paiement pour des soins, mais a insisté sur le fait qu’elle avait remboursé la somme par chèque le 8 septembre 2023, dont le débit a été constaté le 26 septembre 2023. Elle a également souligné que la caisse avait maintenu les poursuites malgré ses efforts pour clarifier la situation, ce qui lui a causé des tracas et des frais, la poussant à demander des dommages-intérêts. Recevabilité de l’oppositionLe tribunal a jugé que l’opposition à la contrainte formée par la débiteur était recevable, car elle avait respecté les délais et les formalités requises par le code de la sécurité sociale. Désistement de la caisseLe tribunal a constaté le désistement de la caisse concernant sa demande de restitution de l’indu, tout en notant que la débiteur avait également formulé une demande reconventionnelle de dommages-intérêts avant ce désistement. Demande de dommages-intérêtsLe tribunal a examiné la demande de dommages-intérêts de la débiteur, concluant que la caisse avait effectivement commis une faute en poursuivant le recouvrement d’une créance déjà remboursée. En conséquence, la caisse a été condamnée à verser à la débiteur la somme de 200 euros pour le préjudice subi. Frais de procèsEnfin, le tribunal a statué que la caisse, en tant que partie perdante, devait supporter l’intégralité des dépens du procès. Conclusion du jugementLe tribunal a déclaré recevable l’opposition de la débiteur, constaté le désistement de la caisse, et a condamné cette dernière à verser des dommages-intérêts à la débiteur ainsi qu’à couvrir les frais de justice. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité de l’opposition à contrainteL’article R133-3 du code de la sécurité sociale stipule que « le débiteur peut former opposition à la contrainte par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou pour les débiteurs domiciliés à l’étranger, au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort de l’organisme créancier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification. L’opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l’organisme créancier dans les huit jours de la réception de l’opposition. En l’espèce, l’assurée a formé opposition à la contrainte émise le 5 février 2024 par inscription au greffe le 19 février 2024, l’opposition étant motivée dans son courrier. Dès lors, il y a lieu de déclarer recevable l’opposition à contrainte formée par l’assurée. Sur le désistement d’instance de la caisseIl convient de constater le désistement d’instance de l’organisme créancier à l’égard de l’assurée sur sa demande en restitution de l’indu objet de la contrainte émise le 5 février 2024. Il convient de préciser que le dessaisissement du tribunal n’est toutefois que partiel, l’assurée ayant formé, à titre reconventionnel et avant le désistement de l’organisme créancier, une demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi. Ainsi, le tribunal conserve compétence pour examiner cette demande de dommages-intérêts. Sur la demande de dommages-intérêts de l’assuréeAux termes de l’article 1240 du code civil, « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Celui qui sollicite réparation a la charge de la preuve de l’existence d’une faute, d’un préjudice et du lien de causalité entre les deux. En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats par l’assurée que l’organisme créancier a poursuivi le recouvrement d’une créance à son égard allant jusqu’à émettre une contrainte à son encontre le 5 février 2024 et ce alors même qu’elle lui avait remboursé la somme réclamée (939,69 euros) par chèque bancaire établi le 8 septembre 2023 à l’ordre du Directeur comptable et financier de la caisse. Le chèque a été débité de son compte bancaire le 26 septembre 2023. L’organisme créancier ne peut sérieusement soutenir qu’il n’a pas pu identifier l’assurée à l’origine de ce chèque ni la créance à laquelle il devait être imputé puisque le nom et l’adresse de la personne qui émet le chèque figurent bien sur celui-ci. L’organisme créancier a donc indéniablement commis une faute : – en encaissant ce chèque sur un « compte d’attente » sans prendre la peine d’interroger par courrier l’auteur du chèque sur la créance à laquelle il était imputable dans l’hypothèse où il n’arrivait pas à l’identifier, – en poursuivant le recouvrement d’une créance déjà remboursée depuis plusieurs mois à l’encontre de l’assurée et en procédant à une récupération sur prestation d’un montant de 7,55 euros le 29 janvier 2024. L’assurée justifie que cette procédure, non justifiée à son encontre, lui a causé de nombreux tracas se traduisant notamment par le fait de devoir formaliser une opposition à contrainte et se déplacer à deux reprises au tribunal. Dès lors, au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de condamner l’organisme créancier à payer à l’assurée la somme de 200 euros à ce titre. Sur les frais du procèsAux termes de l’article 696 du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ». L’organisme créancier, partie perdante, est donc condamné aux entiers dépens. Ainsi, le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en dernier ressort, déclare recevable l’opposition formée par l’assurée à la contrainte du 5 février 2024 pour un montant de 932,14 euros. Il constate le désistement de l’organisme créancier de sa demande en restitution de l’indu d’un montant de 932,14 euros, objet de la contrainte émise à l’encontre de l’assurée. Il constate que l’opposition à contrainte formée par l’assurée est devenue sans objet, dit que la contrainte ne produira aucun effet, condamne l’organisme créancier à payer à l’assurée la somme de 200 euros à titre de dommages-intérêts et condamne l’organisme créancier aux entiers dépens. |
Copies certifiées conformes et exécutoires délivrées,
le :
à :
– Mme [E] [H]
Copies certifiées conformes délivrées,
le :
à :
– CPAM DES YVELINES
N° de minute :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL
CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE
JUGEMENT RENDU LE MARDI 04 FEVRIER 2025
N° RG 24/00312 – N° Portalis DB22-W-B7I-R45I
Code NAC : 88B
DEMANDEUR :
CPAM DES YVELINES
Département juridique
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Monsieur [Y] [D], muni d’un pouvoir régulier
DÉFENDEUR :
Madame [E] [H]
[Adresse 1]
[Localité 3]
assistée par Monsieur [F] [H] (Conjoint), muni d’un pouvoir spécial
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Madame Béatrice THELLIER, Juge
Monsieur Michel FAURE, Représentant des salariés
Monsieur Jean-Luc PESSEY, Représentant des employeurs et des travailleurs indépendants
Madame Valentine SOUCHON, Greffière
DEBATS : A l’audience publique tenue le 05 Décembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 04 Février 2025.
Pôle social – N° RG 24/00312 – N° Portalis DB22-W-B7I-R45I
Le 5 février 2024, la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines (la caisse) a émis à l’encontre de Mme [H] une contrainte pour le paiement de la somme de 932,14 euros correspondant à un indu de prestations d’un montant 939,69 euros, ramené à la somme de 932,14 euros après récupération sur prestation de la somme de 7,55 euros le 29 janvier 2024.
Cette contrainte a été notifiée à Mme [H] par lettre recommandée avec avis de réception à une date inconnue, aucune des parties ne produisant l’avis de réception de cette lettre.
Par requête remise au greffe le 19 février 2024, Mme [H] a formé opposition à cette contrainte auprès du pôle social du tribunal judiciaire de Versailles soutenant qu’elle n’était plus redevable de cette somme puisqu’elle l’avait déjà remboursée plusieurs mois avant l’émission de la contrainte.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 5 décembre 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La caisse, représentée par son mandataire à l’audience, confirme que l’indu a été régularisé par l’assurée et se désiste donc de sa demande principale.
Elle précise avoir encaissé le chèque sur un « compte d’attente » car elle n’avait pas identifié la personne et n’avait donc pas pu lier cette somme à l’indu litigieux. S’agissant de la demande de dommages-intérêts formée à son encontre, elle fait valoir qu’il n’y a pas de faute intentionnelle de sa part mais une erreur humaine et rappelle qu’elle gère des deniers publics.
A l’audience, Mme [H], présente et assistée de son époux, explique que si elle a effectivement reçu un double paiement de remboursements de soins pour un montant de 939,69 euros elle n’est toutefois plus redevable de cette somme puisqu’elle l’a remboursé par chèque bancaire établi le 8 septembre 2023 à l’ordre du Directeur comptable et financier de la caisse et que celui-ci a bien été débité de son compte bancaire le 26 septembre 2023 comme en attestent la copie du chèque et l’extrait de son compte bancaire qu’elle produit. Malgré plusieurs échanges téléphoniques, la caisse a maintenu les poursuites à son encontre la contraignant à saisir la présente juridiction dans le cadre d’une opposition à contrainte. Elle estime ainsi que la caisse a commis une faute à son encontre lui occasionnant un préjudice (notamment les démarches qu’elle a dû faire auprès du tribunal et les tracas que lui a occasionné la présente procédure). Elle sollicite ainsi, à titre reconventionnel, la condamnation de la caisse à lui verser la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.
. Sur la recevabilité de l’opposition à contrainte
Aux termes de l’article R133-3 du code de la sécurité sociale, le débiteur peut former opposition à la contrainte par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou pour les débiteurs domiciliés à l’étranger, au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort de l’organisme créancier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification. L’opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l’organisme créancier dans les huit jours de la réception de l’opposition.
En l’espèce, Mme [H] a formé opposition à la contrainte émise le 5 février 2024 par inscription au greffe le 19 février 2024, l’opposition étant motivée dans son courrier.
Dès lors, il y a lieu de déclarer recevable l’opposition à contrainte formée par Mme [H].
. Sur le désistement d’instance de la caisse
Il convient de constater le désistement d’instance de la caisse à l’égard de Mme [H] sur sa demande en restitution de l’indu objet de la contrainte émise à l’encontre de l’assurée le 5 février 2024.
Il convient de préciser que le dessaisissement du tribunal n’est toutefois que partiel, Mme [H] ayant formé, à titre reconventionnel et avant le désistement de la caisse, une demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi.
. Sur la demande de dommages-intérêts de Mme [H]
Aux termes de l’article 1240 du code civil « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Celui qui sollicite réparation a la charge de la preuve de l’existence d’une faute, d’un préjudice et du lien de causalité entre les deux.
En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats par Mme [H] que la caisse a poursuivi le recouvrement d’une créance à son égard allant jusqu’à émettre une contrainte à son encontre le 5 février 2024 et ce alors même qu’elle lui avait remboursé la somme réclamée (939,69 euros) par chèque bancaire établi le 8 septembre 2023 à l’ordre du Directeur comptable et financier de la caisse (cf. copie du chèque), chèque qui a été débité de son compte bancaire le 26 septembre 2023 (cf. extrait de compte de l’assurée).
La caisse ne peut sérieusement soutenir qu’elle n’a pas pu identifier l’assurée à l’origine de ce chèque ni la créance à laquelle il devait être imputé puisque le nom et l’adresse de la personne qui émet le chèque figure bien sur celui-ci. La caisse a donc indéniablement commis une faute :
– en encaissant ce chèque sur un « compte d’attente » sans prendre la peine d’interroger par courrier l’auteur du chèque sur la créance à laquelle il était imputable dans l’hypothèse où elle n’arrivait pas à l’identifier,
– en poursuivant le recouvrement d’une créance déjà remboursée depuis plusieurs mois à l’encontre de Mme [H] et en procédant à une récupération sur prestation d’un montant de 7,55 euros le 29 janvier 2024.
Mme [H] justifie que cette procédure, non justifiée à son encontre, lui a causé de nombreux tracas se traduisant notamment par le fait de devoir formaliser une opposition à contrainte et se déplacer à deux reprises au tribunal (pour l’inscription de son opposition et pour l’audience de plaidoirie) ainsi que de devoir entreprendre des démarches auprès de sa banque pour obtenir la copie du chèque qu’elle avait adressé à la caisse en remboursement de l’indu litigieux.
Dès lors, au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de condamner la caisse à payer à Mme [H] la somme de 200 euros à ce titre.
. Sur les frais du procès
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La caisse, partie perdante, est condamnée aux entiers dépens.
Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en dernier ressort,
DECLARE recevable l’opposition formée par Mme [E] [H] à la contrainte du 5 février 2024 pour un montant de 932,14 euros,
CONSTATE le désistement de la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines de sa demande en restitution de l’indu d’un montant de 932,14 euros, objet de la contrainte émise à l’encontre de Mme [E] [H] le 5 février 2024,
CONSTATE que l’opposition à contrainte formée par Mme [E] [H] est devenue sans objet,
DIT que la contrainte ne produira aucun effet,
CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines à payer à Mme [E] [H] la somme de 200 euros à titre de dommages-intérêts,
CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines aux entiers dépens.
La Greffière La Présidente
Madame Valentine SOUCHON Madame Béatrice THELLIER
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