Participation contestée à une expertise suite à un sinistre forestier.

·

·

Participation contestée à une expertise suite à un sinistre forestier.

L’Essentiel : Le 12 juillet 2022, un incendie a ravagé près de 7 000 hectares de forêt, ainsi que plusieurs constructions et établissements de camping, à partir d’un véhicule à moteur appartenant à une société et assuré par une compagnie d’assurance. Suite à cet incident, la compagnie d’assurance a assigné plusieurs parties, dont des sociétés et des institutions publiques, pour ordonner une expertise contradictoire. Une société, dont les équipements ont été détruits, a demandé à participer à l’expertise, arguant d’un intérêt légitime à faire valoir ses droits à indemnisation. Le tribunal a finalement déclaré cette demande irrecevable.

Résumé des faits de l’affaire

Le 12 juillet 2022, un incendie a ravagé près de 7 000 hectares de forêt, ainsi que plusieurs constructions et établissements de camping, à partir d’un véhicule à moteur appartenant à une société et assuré par une compagnie d’assurance. Cet incident a conduit à une procédure judiciaire pour déterminer les responsabilités et évaluer les préjudices.

Procédure judiciaire et expertise ordonnée

Suite à l’incendie, une compagnie d’assurance a assigné plusieurs parties, dont des sociétés et des institutions publiques, pour ordonner une expertise contradictoire. Le juge des référés a désigné des experts spécialisés pour examiner les causes de l’incendie et les circonstances entourant le véhicule impliqué.

Demande de participation à l’expertise

Une société, dont les équipements ont été détruits dans l’incendie, a demandé à être déclarée partie à l’expertise en cours, arguant qu’elle avait un intérêt légitime à participer aux opérations pour faire valoir ses droits à indemnisation. Elle a également souligné que l’expertise pourrait avoir des implications sur la responsabilité en cas d’insuffisance de couverture réseau du véhicule incriminé.

Réactions des parties et conclusions

Les différentes parties assignées ont exprimé des réserves et ont contesté la demande de la société. Certaines ont même demandé l’irrecevabilité de la demande, arguant qu’elle n’avait pas d’intérêt à agir dans le cadre de l’expertise. La société d’assurance a également demandé à ce que la demanderesse soit condamnée aux dépens.

Motifs de la décision

Le tribunal a examiné si la demande de la société était recevable, en se basant sur les dispositions du code de procédure civile. Il a conclu que la mission des experts se limitait à déterminer les causes de l’incendie et ne couvrait pas l’évaluation des préjudices, ce qui a conduit à déclarer la demande de la société irrecevable.

Décision finale

Le juge des référés a déclaré la société irrecevable dans ses demandes et a décidé que chaque partie conserverait la charge de ses propres dépens. La décision a été signée par les autorités judiciaires compétentes.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de l’intérêt à agir pour la demanderesse dans cette affaire ?

L’article 31 du code de procédure civile stipule que « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas où la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »

Dans cette affaire, la demanderesse, qui est une victime de l’incendie, soutient qu’elle a un intérêt légitime à participer aux opérations d’expertise afin de se voir déclarer l’expertise opposable.

Elle justifie cet intérêt en affirmant que de nombreux équipements lui appartenant ont été détruits dans l’incendie et qu’elle n’a pas reçu d’indemnisation malgré l’expertise amiable qui a chiffré son préjudice.

Ainsi, sa demande d’intervention s’analyse en une intervention volontaire, car elle cherche à être associée à des opérations qui pourraient avoir un impact sur ses droits à indemnisation.

Quelles sont les conditions de recevabilité de l’intervention selon le code de procédure civile ?

L’article 66 du code de procédure civile précise que « constitue une intervention la demande dont l’objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires. »

L’article 325 ajoute que « l’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant. »

Dans le cas présent, la demanderesse ne sollicite pas l’organisation d’une nouvelle expertise, mais souhaite participer à une expertise déjà en cours.

Il lui incombe donc de prouver qu’elle a un intérêt légitime à être associée à ces opérations, ce qui est évalué en fonction du motif légitime qui a conduit à l’instauration de la mesure.

Quelles sont les implications de l’article 145 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 145 du code de procédure civile stipule que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Cette disposition implique que pour qu’une mesure d’instruction soit ordonnée, il doit exister un litige suffisamment caractérisé et l’impossibilité pour le demandeur de réunir lui-même les éléments de preuve.

Dans cette affaire, la demanderesse a clairement indiqué qu’elle souhaite obtenir l’indemnisation de ses préjudices, ce qui ne correspond pas à la mission confiée aux experts.

Il est donc nécessaire d’évaluer si sa participation aux opérations d’expertise pourrait lui fournir des éléments utiles pour une éventuelle action en justice.

Quelle est la portée de la mission confiée aux experts selon l’ordonnance du 31 août 2022 ?

L’ordonnance du 31 août 2022 a désigné des experts spécialisés en incendie et en automobile, leur confiant la mission de « donner à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et évaluer les préjudices subis. »

Cependant, il est précisé que la mission se limite à la détermination des causes et circonstances de l’incendie, sans inclure l’évaluation des indemnisations des propriétaires.

La mention de l’évaluation des préjudices dans l’ordonnance ne peut pas être interprétée comme une autorisation d’étendre la mission à toutes les conséquences de l’incendie, notamment pour des parties non identifiées à la date de l’ordonnance.

Quelles sont les conséquences de l’irrecevabilité de la demande de la société ORANGE ?

La décision du juge des référés a déclaré la société ORANGE irrecevable en ses demandes, ce qui signifie qu’elle ne peut pas participer aux opérations d’expertise.

Cette irrecevabilité est fondée sur le fait qu’elle n’a pas justifié d’un intérêt légitime à être associée à ces opérations, étant donné que sa participation ne serait pas nécessaire pour répondre aux chefs de mission confiés aux experts.

En conséquence, chaque partie conserve la charge de ses dépens, conformément à l’article 700 du code de procédure civile, qui stipule que « la partie qui perd est condamnée aux dépens. »

Ainsi, la société ORANGE ne pourra pas obtenir de remboursement de ses frais engagés dans le cadre de cette procédure.

TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE BORDEAUX

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

64A

Minute

N° RG 24/02247 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZMS3

copies

GROSSE délivrée
le 03/02/2025
à la SELARL ADDEN NOUVELLE – AQUITAINE
Me Margaux ALBIAC
la SARL ARCAMES AVOCATS
la SELARL AUSONE AVOCATS
Me Jean-jacques BERTIN
la SELAS CABINET LEXIA
l’AARPI CHATAIN & ASSOCIES
la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES
la SAS MAXWELL MAILLET BORDIEC
la SCP MIRIEU DE LABARRE TEANI ET ASSOCIES
la SELARL RACINE BORDEAUX
l’AARPI RIVIERE – DE KERLAND
l’AARPI RIVIERE AVOCATS ASSOCIES
Me Marin RIVIERE
Me Guillaume SUFFRAN

Rendue le TROIS FEVRIER DEUX MIL VINGT CINQ

Après débats à l’audience publique du 06 Janvier 2025

Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.

DEMANDERESSE

S.A. ORANGE
[Adresse 3]
[Localité 19]
représentée par Me Jean-jacques BERTIN, avocat au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSES

Etablissement public OFFICE NATIONAL DES FORETS
[Adresse 5]
[Localité 20]
représentée par Maître Laurent GIVORD de la SELARL ADDEN NOUVELLE – AQUITAINE, avocats au barreau de BORDEAUX

S.A.R.L. GARAGE L’ETOILE DU BASSIN
[Adresse 21]
[Localité 11]
représentée par Maître Thomas DE BOYSSON de l’AARPI CHATAIN & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

Etablissement public SDIS SCE DEPARTEMENTAL INCENDIE ET SECOURS,
[Adresse 7]
[Localité 10]
représentée par Maître Benjamin LAJUNCOMME de la SELAS CABINET LEXIA, avocats au barreau de BORDEAUX

Etablissement public OFFICE NATIONAL DES FORETS
[Adresse 5]
[Localité 20]
défaillant

Etablissement public COMMUNE DE [Localité 11]
[Adresse 25]
[Localité 11]
représentée par Me Margaux ALBIAC, avocat au barreau de BORDEAUX

Etablissement public DEPARTEMENT DE LA GIRONDE
[Adresse 24]
[Localité 10]
défaillant

Mutuelle SMACL ASSURANCES
[Adresse 4]
[Localité 14]
défaillant

Communauté L’ETAT pris en la personne de son représentant, le Préfet de la Région Nouvelle Aquitaine, Préfet de la Gironde,
[Adresse 6]
[Localité 10]
défaillant

Association ASA DEFENSE FORETS CONTRE INCENDIE DFCI
[Adresse 30]
[Localité 11]
représentée par Maître Audrey TEANI de la SCP MIRIEU DE LABARRE TEANI ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

S.A. GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE (CAISSE REGIONALE D’ASS URANCES MUTUELLES AGRICOLES CENTRE-ATLANTIQUE)
t [Adresse 2]
[Localité 14]
représentée par Maître Fabien DUCOS-ADER de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

Association ASSOCIATION SYNDICALE AUTORISEE DE LA GIRONDE
[Adresse 31]
[Localité 10]
défaillant

Syndicat SYNDICAT MIXTE DE [Localité 28]
[Adresse 30]
[Localité 11]
représentée par Maître Mélissa RIVIERE de l’AARPI RIVIERE AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

S.A. ALTIMA ASSURANCES
[Adresse 8]
[Localité 15]
représentée par Maître Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, Me Dominique DUFAU, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. [32] CAMPING
[Adresse 22]
[Localité 11]
représentée par Maître Thomas RIVIERE de l’AARPI RIVIERE – DE KERLAND, avocats au barreau de BORDEAUX

S.A. CA CONSUMER FINANCE
[Adresse 23]
[Localité 17]
représentée par Maître William MAXWELL de la SAS MAXWELL MAILLET BORDIEC, avocats au barreau de BORDEAUX

S.A.R.L. [29]
[Adresse 33]
[Localité 11]
représentée par Me Guillaume SUFFRAN, avocat au barreau de BORDEAUX, Me Jean-claude RADIER, avocat au barreau de PARIS

S.A. PIERRE HOUE ET ASSOCIES
[Adresse 13]
[Localité 1]
représentée par Me Guillaume SUFFRAN, avocat au barreau de BORDEAUX, Me Jean-claude RADIER, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. FMC AUTOMOBILES
[Adresse 27]
[Localité 18]
représentée par Maître Emilie FRIEDE de la SARL ARCAMES AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, Me Gilles SERREUILLE, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. COMPTOIR AQUITAIN DU PNEU
[Adresse 16]
[Localité 12]
représentée par Me Marin RIVIERE, avocat au barreau de BORDEAUX

S.A.R.L. GARAGE L’ETOILE DU BASSIN
[Adresse 34]
[Localité 11]
défaillant

S.A. AXA France IARD
[Adresse 9]
[Localité 18]
représentée par Maître Annie BERLAND de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX

I – FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Le 12 juillet 2022, un incendie s’est déclaré au sein de la forêt de [Localité 11] qui a entraîné la destruction de près de 7 000 hectares de forêt, de plusieurs constructions et établissements de camping, incendie qui a pris naissance au niveau d’un véhicule à moteur FORD immatriculé [Immatriculation 26] propriété de la société [29] et assuré par la société ALTIMA.

Par ordonnance en date du 31 août 2022 (RG n° 22/01544), sur assignation de la société ALTIMA, le juge des référés de ce tribunal a ordonné une expertise, au contradictoire de l’ONF, de la société [29], de la société Pierre HOUEE, de la Commune de [Localité 11], du Conseil Départemental de la GIRONDE, du SDIS de la GIRONDE, des sociétés FMC AUTOMOBILE, COMPTOIR AQUITAIN DU PNEU, L’ETOILE DU BASSIN et CONSUMER FINANCE, et a désigné Messieurs [O] et [G], experts spécialisés respectivement en incendie et en automobile.

Par actes du 11 septembre 2024, la SA ORANGE a fait assigner la société ALTIMA ASSURANCES, la SA CA CONSUMER FINANCE, la SARL [29], la SA PIERRE HOUEE ET ASSOCIES, les sociétés FMC AUTOMOBILES, COMPTOIR AQUITAIN DU PNEU, GARAGE L’ETOILE DU BASSIN, et AXA France IARD en qualité d’assureur de la société CARROSSERIE INDUSTRIELLE CAMION, le SDIS de la GIRONDE, l’OFFICE NATIONAL DES FORETS, la Commune de [Localité 11], le Département de la GIRONDE, la COMPAGNIE D’ASSURANCE SMACL ASSURANCES, l’État, l’ASA DFCI de la Gironde, la société GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE CRAMA en qualité d’assureur de l’ASA DFCI, l’ASSOCIATION SYNDICALE AUTORISEE DE LA GIRONDE, le SYNDICAT MIXTE DE [Localité 28] et la SAS [32] CAMPING devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de se voir déclarer communes et opposables les opérations d’expertise confiée par ordonnance de référé du 31 août 2022 à Messieurs [O] et [G].

La demanderesse expose que de nombreux équipements lui appartenant (réseaux aérien et souterrain, site mobile) ont été détruits dans l’incendie ; que l’expertise amiable diligentée à l’initiative de la société ALTIMA a permis de chiffrer son préjudice, mais qu’elle n’a pas reçu de paiement ; qu’elle justifie donc d’un motif légitime à se voir déclarer communes et opposables les opérations d’expertise en cours, l’assignation ayant vocation à interrompre le délai de prescription à l’égard des potentiels responsables.

Le dossier, fixé à l’audience du 18 novembre 2024, a été renvoyé pour échange des conclusions des parties et retenu à l’audience du 06 janvier 2025.

Par conclusions en date du 03 janvier 2025, la demanderesse a maintenu sa demande en faisant valoir qu’elle n’entend pas solliciter l’évaluation de son préjudice qui a d’ores et déjà été déterminé dans le cadre de l’expertise amiable ; qu’en revanche sa présence aux opérations d’expertise se justifie par le fait que la mission confiée aux experts porte notamment sur la couverture réseau du véhicule et le bornage de la téléphonie du chauffeur de la camionnette incriminée, qui est un abonné ORANGE ; que la réponse au premier chef de mission, si elle concluait à une éventuelle insuffisance de couverture de réseau, serait de nature à engager sa responsabilité.

La SARL [29], la SA PIERRE HOUEE ET ASSOCIES, GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE CRAMA CENTRE ATLANTIQUE, la SA CA CONSUMER FINANCE la FEDERATION GIRONDINE DES ASSOCIATIONS SYNDICALES AUTORISEES DE DEFENSE DES FORETS CONTRE L’INCENDIE (DFCI) DE LA GIRONDE, L’ASSOCIATION SYNDICALE AUTORISEE DE DFCI DE [Localité 11], la Commune de [Localité 11], le SDIS de la GIRONDE, le SYNDICAT MIXTE DE [Localité 28], l’OFFICE NATIONAL DES FORETS, les sociétés COMPTOIR AQUITAIN DU PNEU, GARAGE L’ETOILE DU BASSIN et la SAS [32] CAMPING ont déclaré s’en remettre sur la demande, sous toutes protestations et réserves d’usage.

La société FMC AUTOMOBILES, à l’enseigne commerciale FORD FRANCE, a conclu à titre principal à l’irrecevabilité de la demande et à la condamnation de la société ORANGE à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; à titre subsidiaire, qu’il lui soit donné acte de ses protestations et réserves d’usage, et que la demanderesse soit condamnée aux dépens.

La société ALTIMA ASSURANCES a conclu à l’irrecevabilité de la demande faute d’intérêt à agir et à la condamnation de la demanderesse aux dépens.

La société AXA France IARD a conclu au rejet de la demande comme se heurtant aux dispositions de l’article 245 du code de procédure civile, et à la condamnation de la société ORANGE à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’État, le Département de la GIRONDE et la COMPAGNIE D’ASSURANCE SMACL ASSURANCES, régulièrement assignés à personne habilitée, n’ont pas constitué avocat. Il sera statué par décision réputée contradictoire.

II – MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes des dispositions de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas où la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Selon l’article 66 du même code, constitue une intervention la demande dont l’objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires. Lorsque la demande émane du tiers, l’intervention est volontaire ; elle est forcée lorsque le tiers est mis en cause par une partie.

L’article 325 précise que l’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.
Dès lors qu’il ne s’agit pas en l’espèce pour la demanderesse de solliciter l’organisation d’une expertise, laquelle est en cours depuis plus de deux ans, mais de participer aux opérations afin de se voir déclarer l’expertise opposable, la demande s’analyse en une intervention volontaire au sens des articles énoncés plus haut. Il appartient dès lors à la demanderesse de justifier d’un intérêt légitime à être associée à ces opérations, intérêt qui s’apprécie au regard du motif légitime qui a présidé à l’instauration de la mesure.

L’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
La mise en oeuvre de cette disposition suppose l’existence d’un litige dont l’objet et le fondement sons suffisamment caractérisés, et l’impossibilité pour le demandeur de réunir lui-même les éléments de preuve, sans qu’il ne lui soit imposé de préciser dès ce stade le fondement juridique précis d’une éventuelle action au fond.
Certains défendeurs opposent le défaut d’intérêt à agir de la demanderesse, qui indique clairement, aux termes de son assignation, qu’elle entend obtenir l’indemnisation de ses préjudices, ce qui ne s’inscrit pas dans la mission confiée aux experts.

Pour se prononcer sur cet intérêt à agir, il faut déterminer si sa participation aux opérations d’expertise est de nature à lui apporter des éléments utiles voire nécessaires dans la perspective d’une instance. Il convient pour ce faire d’analyser la mission confiée aux experts par l’ordonnance du 31 août 2022.
Si le juge ne peut, sous prétexte d’interpréter sa décision, en modifier les dispositions précises, il lui appartient d’en fixer le sens lorsqu’elle donne lieu à des lectures différentes, notamment en éclairant, par les motifs de celle-ci, la portée de son dispositif.

L’ordonnance rendue le 31 août 2022 par ce tribunal (RG 22/01544) a désigné MM.[O] et [G], experts spécialisés respectivement en incendie et en automobile, en leur donnant pour mission, “ à la lumière des chefs de mission spécifiques (…) concernant le véhicule proprement dit et l’incendie, de donner à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et évaluer les préjudices subis, dire s’il y a lieu d’appeler en cause d’autres parties.” S’ensuit une description précise et minutieuse de la mission s’agissant d’une part du véhicule, d’autre part de l’incendie.
L’ordonnance précise que la société ALTIMA, demanderesse, sollicite une expertise confiée à un collège d’experts spécialisés en incendie et en automobile afin de déterminer les causes et les circonstances de l’incendie par un examen approfondi du véhicule et de la zone de feu. Dans ses motifs, la décision indique que la société ALTIMA, qui justifie être l’assureur du véhicule Ford Transit présenté de manière non contesté comme susceptible d’être impliqué dans le déclenchement de l’incendie, justifie d’un intérêt légitime à la mesure afin de déterminer contradictoirement l’origine, la cause ou les causes exactes du sinistre ainsi que les facteurs ayant pu favoriser sa propagation.

Dans ces conditions, et alors qu’ont été désignés deux experts spécialisés en incendie et en automobile, dont aucun n’a la moindre compétence en matière d’évaluation des préjudices, la mention, succincte, relative à l’évaluation des préjudices, ne saurait raisonnablement s’entendre comme recouvrant l’intégralité des conséquences, matérielles comme immatérielles, de l’incendie, y compris pour des parties non identifiées à la date où l’ordonnance a été rendue.

Il doit donc être retenu que la mission confiée aux experts par l’ordonnance du 31 août 2022 se limite à la détermination des causes et circonstances de l’incendie, et qu’il ne peut être envisagé de l’étendre à l’évaluation des indemnisations des propriétaires sauf à la dévoyer totalement.

La demanderesse affirme, dans ses dernières écritures, et contrairement à ce qui ressort des termes de son assignation, qu’elle n’entend pas solliciter l’évaluation de son préjudice qui a d’ores et déjà été déterminé dans le cadre de l’expertise amiable, mais que sa présence aux opérations d’expertise se justifie par le fait que les experts se sont vu confier la mission de se prononcer sur la couverture réseau du véhicule et le bornage de la téléphonie du chauffeur de la camionnette incriminée, qui est un abonné ORANGE, et que si une éventuelle insuffisance de couverture de réseau devait être retenue, cela serait de nature à engager sa responsabilité.

Il résulte des pièces produites que la société ORANGE a été admise, hors cadre judiciaire, sans opposition des parties et avec l’accord des experts, à participer à toutes les réunions d’expertise depuis le 07 novembre 2023. Le message de M.[O] du 13 décembre 2024, en réponse à la sollicitation du conseil de la demanderesse, confirme que les experts n’ont « aucune raison de s’opposer à ce qu’elle soit attraite à la procédure » dans la mesure où il est pour eux « du plus grand intérêt de pouvoir disposer de toutes les informations qu’elle pourra transmettre » pour leur permettre de répondre à ce chef de mission.

Pour autant, il en ressort qu’il est seulement attendu de la société ORANGE qu’elle fournisse aux experts tous les éléments techniques utiles leur permettant de répondre au chef de mission portant sur la téléphonie, ce qu’elle est manifestement en mesure de faire alors même qu’elle n’est pas partie à la procédure.

Ni les experts, ni les parties présentes aux opérations d’expertise n’invoquent sa possible mise en cause pour insuffisance de la couverture réseau, de sorte qu’elle ne justifie en l’état d’aucun motif légitime.

Il y a lieu en conséquence de la déclarer irrecevable en sa demande.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie ses dépens ainsi que les sommes, non comprises dans les dépens, exposée par elle dans le cadre de la présente instance. Les demandes sur ce fondement seront rejetées.

III – DÉCISION

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, statuant par décision réputée contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, et à charge d’appel;

Déclare la société ORANGE irrecevable en ses demandes

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens et des sommes exposées par elle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision a été signée par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente, et par Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.

Le Greffier, Le Président,


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon