Prescription et forclusion : enjeux d’une garantie décennale en copropriété

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Prescription et forclusion : enjeux d’une garantie décennale en copropriété

L’Essentiel : Le 10 février 2009 et le 18 juin 2010, le syndicat des copropriétaires d’une résidence a signalé à l’assureur dommages-ouvrage des chutes de pierres de parement de la façade de l’immeuble, réceptionné sans réserve. L’assureur a accepté de garantir ces sinistres. Cependant, des déclarations de sinistre ultérieures ont été refusées, arguant que les désordres étaient survenus plus de dix ans après la réception. Le syndicat a assigné l’assureur pour obtenir le paiement des travaux, mais le tribunal a déclaré l’action irrecevable pour cause de prescription. En appel, le syndicat a soutenu que l’action n’était pas prescrite, mais la cour a confirmé le jugement initial.

Contexte de l’affaire

Le 10 février 2009 et le 18 juin 2010, le syndicat des copropriétaires de la résidence située à [Adresse 5] a signalé à l’assureur dommages-ouvrage, la Sa Axa France Iard, des chutes de pierres de parement de la façade de l’immeuble, réceptionné sans réserve le 25 juillet 2003. L’assureur a accepté de garantir ces sinistres. Cependant, le 10 décembre 2018 et le 21 mai 2019, le syndicat a effectué de nouvelles déclarations de sinistre, que l’assureur a refusées, arguant que les désordres étaient survenus plus de dix ans après la réception et que les déclarations étaient tardives selon l’article L.114-1 du code des assurances.

Procédure judiciaire initiale

Par ordonnance du 15 octobre 2019, le juge des référés a ordonné une expertise, désignant un expert pour examiner les désordres en question. L’expert a remis son rapport le 20 octobre 2021. Le 17 août 2022, le syndicat des copropriétaires a assigné l’assureur devant le tribunal judiciaire de Rouen pour obtenir le paiement des travaux de reprise et des frais d’assurance. Le jugement du 14 février 2023 a déclaré l’action irrecevable pour cause de prescription et a condamné le syndicat aux dépens.

Appel et décisions ultérieures

Le 20 avril 2023, le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de ce jugement. Le 13 mars 2024, la cour a ordonné la réouverture des débats et a demandé la communication de documents supplémentaires, notamment le rapport d’expertise. L’affaire a été renvoyée à une audience ultérieure.

Prétentions des parties

Dans ses conclusions du 4 novembre 2024, le syndicat des copropriétaires a demandé la réformation du jugement de 2023, soutenant que l’action n’était pas prescrite et que les désordres étaient évolutifs. Il a réclamé le paiement des sommes dues pour les travaux et les frais d’assurance, ainsi qu’une indemnité pour les frais de justice. De son côté, l’assureur a demandé la confirmation du jugement initial, arguant que l’action était prescrite et que les désordres n’étaient pas évolutifs.

Analyse des délais de prescription

La cour a examiné la question de la prescription, précisant que le délai décennal de forclusion ne pouvait être interrompu par la reconnaissance de l’assureur. Elle a conclu que le délai avait expiré sans interruption valide, rendant l’action du syndicat irrecevable. De plus, les désordres déclarés après le délai décennal n’étaient pas considérés comme évolutifs, car aucune action en justice n’avait été engagée dans le délai requis.

Conclusion de la cour

La cour a confirmé le jugement de première instance en toutes ses dispositions, condamnant le syndicat des copropriétaires aux dépens d’appel et à verser une somme à l’assureur pour les frais de justice. La décision a été rendue par arrêt contradictoire, mettant fin à la procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’action

L’article 122 du code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Dans cette affaire, le tribunal a déclaré l’action du syndicat des copropriétaires irrecevable en raison de la prescription.

Il est essentiel de comprendre que la prescription est un moyen de défense qui peut être soulevé par l’assureur, et que le tribunal a le devoir d’examiner cette question même si elle n’a pas été soulevée par les parties.

Sur le délai décennal de forclusion

L’article L.242-1 alinéa 1er du code des assurances précise que toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l’ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l’article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l’article 1792 du code civil.

Selon l’article 1792-4-1 du code civil, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux.

Ce délai décennal est un délai d’épreuve, préfix, de forclusion et non un délai de prescription, de sorte que l’article 2240 du code civil, issu de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 sur la réforme de la prescription civile, et prévoyant l’effet interruptif de la reconnaissance par le débiteur du droit du créancier pour le seul délai de prescription, ne lui est pas applicable.

En l’espèce, le délai décennal a commencé à courir à compter de la réception du 25 juillet 2003 et a expiré le 25 juillet 2013 sans être valablement interrompu par l’acceptation de la garantie par l’assureur dommages-ouvrage le 10 août 2009.

Sur le délai biennal de prescription

En application de l’article L.114-1 du code des assurances, l’assuré dispose, pour réclamer l’exécution de la garantie dommages-ouvrage souscrite, d’un délai de deux ans à compter de la connaissance qu’il a des désordres survenus dans les dix ans qui ont suivi la réception des travaux.

Le désordre évolutif est celui qui, né après l’expiration du délai décennal, trouve son siège dans l’ouvrage où un désordre de même nature a été constaté présentant le caractère de gravité requis par l’article 1792 du code civil et ayant fait l’objet d’une demande en réparation en justice pendant le délai décennal.

Dans cette affaire, la réparation des premiers sinistres, déclarés les 10 février 2009 et 18 juin 2010, n’a pas été demandée en justice avant le 25 juillet 2013.

Cette condition n’étant pas remplie, les désordres déclarés en 2018 et 2019 ne peuvent pas être considérés comme évolutifs.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance sur les dépens seront confirmées.

Partie perdante, le syndicat des copropriétaires sera condamné aux dépens d’appel.

Il est équitable de le condamner également à payer à l’assureur la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés pour cette instance d’appel.

Ainsi, la cour, statuant par arrêt contradictoire, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et condamne le syndicat des copropriétaires à payer à l’assureur la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

N° RG 23/01407 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JLCC

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 5 FEVRIER 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

22/03271

Tribunal judiciaire de Rouen du 14 février 2023

APPELANTE :

Syndicat de copropriétaires de la résidence [Adresse 5] représenté par son syndic la société FONCIA NORMANDIE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée et assistée par Me Renaud DE BEZENAC de la SELARL DE BEZENAC ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen substitué par Me Yves MAHIU

INTIMEE :

SA AXA FRANCE IARD autrement dénommnée

AXA PARTICULIERS & IARD ENTREPRISES

RCS de Nanterre 722 057 460

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la SELARL POIROT-BOURDAIN AVOCAT, et assistée par Me Olivier FERRETTI, avocat au barreau de Caen

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 4 décembre 2024 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l’audience publique du 4 décembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 5 février 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 5 février 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Les 10 février 2009 et 18 juin 2010, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] a déclaré à la Sa Axa France Iard, assureur dommages-ouvrage, la survenue de chutes de pierres de parement de la façade de l’immeuble, situé à l’angle des [Adresse 6], et réceptionné sans réserve le 25 juillet 2003.

Celle-ci a garanti ces sinistres.

Les 10 décembre 2018 et 21 mai 2019, le syndicat des copropriétaires a effectué de nouvelles déclarations de sinistre de même nature auprès de l’assureur dommages-ouvrage.

Celui-ci a refusé sa garantie aux motifs que les désordres étaient survenus plus de dix ans après la réception et que ces déclarations de garantie étaient tardives en application de l’article L.114-1 du code des assurances.

Par ordonnance du 15 octobre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen a fait droit à la demande d’expertise présentée par le syndicat des copropriétaires et désigné M. [K] [I] pour y procéder au contradictoire de la Sa Axa France Iard. Celui-ci a établi son rapport d’expertise le 20 octobre 2021.

Suivant acte de commissaire de justice du 17 août 2022, le syndicat des copropriétaires a fait assigner la Sa Axa France Iard devant le tribunal judiciaire de Rouen en paiement des travaux de reprise de 146 965,68 euros et du coût de la souscription d’une assurances dommages-ouvrage de 2 150 euros.

Par jugement réputé contradictoire du 14 février 2023, le tribunal a :

– déclaré l’action du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5], représenté par son syndic la société Foncia Normandie, à l’encontre de la société Axa France Iard irrecevable car prescrite,

– condamné le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] représenté par son syndic la société Foncia Normandie aux entiers dépens,

– rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Par déclaration du 20 avril 2023, le syndicat des copropriétaires a formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Par arrêt avant dire droit du 13 mars 2024, notre cour a :

– ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture de la procédure intervenue le 31 janvier 2024 et la réouverture des débats,

– enjoint au syndicat des copropriétaires et à la Sa Axa France Iard de :

. communiquer aux débats le rapport d’expertise judiciaire du 20 octobre 2021 accompagné de l’intégralité de ses annexes et plus spécifiquement de la réponse au dire n°2 de la Sa Axa France Iard du 14 octobre 2021,

. conclure, au vu de ces nouvelles pièces, sur l’existence ou non de désordres évolutifs et ses conséquences sur la prescription de l’action,

– renvoyé l’affaire à l’audience de la mise en état électronique du 3 juillet 2024 à 9 heures,

– réservé les dépens.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 4 novembre 2024, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5], pris en la personne de son syndic, la société Foncia Normandie, demande de voir en application des articles 10 et 192 alinéa 1er du code civil :

– réformer le jugement du 14 février 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Rouen qui a déclaré prescrite l’action engagée le 17 août 2022 à l’encontre de la Sa Axa France Iard et l’a condamné aux dépens de l’instance,

statuant à nouveau :

– condamner la Sa Axa France Iard à lui payer les sommes suivantes :

. 146 965,68 euros au titre des travaux de reprise, indexée sur l’indice du coût de la construction au jour de son parfait paiement, l’indice de référence étant celui publié au 4ème trimestre de l’année 2020 (1795),

. 2 150 euros au titre du coût de la souscription d’une assurance de dommages à l’ouvrage,

– dire et juger que ces sommes porteront intérêt de droit à compter du jour de l’assignation,

– condamner la Sa Axa France Iard à lui payer la somme de 6 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris ceux de référé et d’expertise judiciaire.

Il expose que la jurisprudence visée par le tribunal, qui a soulevé d’office la prescription de son action sans l’inviter prélablement à faire valoir ses observations sur ce moyen, ne peut s’appliquer au cas d’espèce dès lors que la notion de reconnaissance de responsabilité ou de contribution par l’assureur était absente ; que l’engagement de l’assureur de payer la réparation des désordres constitue une reconnaissance de sa dette d’assurance, interruptive de la forclusion décennale, qui ne peut être limitée à l’évaluation des dommages par l’expert mais doit s’étendre aux aggravations de ces désordres.

Il répond à la Sa Axa France Iard que, comme l’a jugé la cour d’appel de Paris le 22 décembre 2023 dans une affaire opposant celle-ci et la Smabtp et dans le sens de l’argumentation soutenue par l’assureur intimé, une reconnaissance de responsabilité ou de garantie est une cause d’interruption du délai de forclusion en vertu des dispositions antérieures de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 ayant réformé la prescription civile qui s’appliquaient à la date de réception des travaux ; que, dès lors, son action n’est pas prescrite.

Il soutient que les désordres en cause sont des désordres évolutifs qui affectent le même ouvrage que celui sur lequel ils ont été dénoncés dans le délai décennal et dont la réparation a été obtenue avant son expiration ; que l’exigence d’une demande de réparation en justice avant l’expiration du délai décennal n’apparaît pas de manière constante dans la jurisprudence de la Cour de cassation postérieure à l’arrêt de 2006 cité par le tribunal ; qu’il suffit que le désordre soit dénoncé dans la période décennale.

Il ajoute sur le fond que les désordres dénoncés sont de nature décennale et ont la même cause que ceux déclarés et garantis en 2009 et 2010 qui est un défaut d’adhérence entre la pierre et la colle, comme le concluait l’expert de l’assureur dommages-ouvrage dans son rapport du 28 février 2019 ; que l’origine de ce défaut d’adhérence est une mise en oeuvre du revêtement de pierre dans de mauvaises conditions climatiques que peuvent être le gel mais aussi un temps humide ; que, pour justifier le décalage entre la survenance des premiers désordres et ceux de 2018, l’expert judiciaire les a imputés à la localisation des pierres, que la Sa Axa France Iard n’a pas remis en cause cette explication par une démonstration technique probante ; que l’évolution des désordres a été envisagée par l’expert de la société Axa en 2010.

Par dernières conclusions notifiées le 2 juillet 2024, la Sa Axa Particuliers & Iard Entreprises sollicite de voir :

– confirmer le jugement entrepris en ses dispositions qui ont :

. déclaré l’action du syndicat des copropriétaires [Adresse 5] irrecevable car prescrite,

. condamné le syndicat des copropriétaires [Adresse 5] aux dépens,

. rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,

à titre principal, en vertu des articles 1792 et suivants du code civil et L.242-1 du code des assurances,

– déclarer l’action du syndicat des copropriétaires prescrite ou à défaut forclose,

– dire et juger, en tout état de cause, que les désordres, objets de la réclamation, sont survenus postérieurement à l’expiration du délai d’épreuve décennal et que sa garantie dommages-ouvrage n’est pas mobilisable,

– débouter le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes,

subsidiairement,

– dire que les indemnités allouées ne pourront excéder la somme de

134 828,40 euros HT, outre 2 150 euros au titre des frais de souscription de l’assurance dommages-ouvrage,

– débouter le syndicat des copropriétaires du surplus de ses demandes,

en tout état de cause,

– condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en plus des dépens d’appel.

Elle fait valoir à titre principal que l’action du syndicat des copropriétaires est prescrite aux motifs que l’assignation en référé, seul acte interruptif, n’a été délivrée que le 24 juillet 2019, alors que le délai de prescription expirait le 25 juillet 2015, soit deux ans au-delà de l’expiration du délai décennal suivant la réception le 25 juillet 2013 ; qu’en tout état de cause, les désordres, objets des réclamations du syndicat des copropriétaires, sont survenus au-delà de l’expiration du délai décennal, de sorte que sa garantie n’est pas mobilisable.

Elle précise que le délai décennal est un délai de forclusion, et non de prescription, qui ne peut être interrompu par un paiement ou la reconnaissance du droit ; que la cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 22 décembre 2023, a retenu que le paiement effectué par l’assureur datait du 16 juillet 2005, soit avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, alors que, dans le cas d’espèce, l’acceptation de sa garantie est intervenue le 10 août 2009 et le règlement a été effectué le 9 février 2010, soit après l’entrée en vigueur de cette loi ; que dès lors cette offre de règlement et de prise en charge n’a pas interrompu le délai de forclusion, l’article 2240 du code civil étant réservé au délai de prescription.

Elle estime que les nouveaux désordres, à l’origine des réclamations du syndicat des copropriétaires, ne sont pas des désordres évolutifs au sens de la jurisprudence qui pose deux conditions qui ne sont pas en l’espèce remplies ; qu’en effet, aucune action en justice n’a été formée par assignation dans le délai d’épreuve, la seule déclaration de sinistre n’étant pas assimilable à une demande en justice ; qu’en outre, les désordres déclarés en 2009 et 2010, qui consistaient dans le détachement très ponctuel de pierres recouvrant des balcons ou des pierres collées sur acrotères béton formant partiellement garde-corps, sont d’une nature différente de ceux faisant l’objet du présent litige qui se caractérisent principalement par des décollements de pierre en façade courante ; qu’ils n’ont pas une localisation similaire ; que la cause de leur origine n’est pas non plus identique, qu’il ne peut être affirmé que les conditions de pose telles que privilégiées par l’expert judiciaire comme tenant aux intempéries seraient à l’origine de l’intégralité des décollements.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux écritures des parties ci-dessus.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 13 novembre 2024.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’action

L’article 122 du code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

1) Sur le délai décennal de forclusion

L’article L.242-1 alinéa 1er du code des assurances précise que toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l’ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l’article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l’article 1792 du code civil.

Selon l’article 1792-4-1 du code civil, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l’article 1792-3, à l’expiration du délai visé à cet article.

Ce délai décennal est un délai d’épreuve, préfix, de forclusion et non un délai de prescription, de sorte que l’article 2240 du code civil, issu de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 sur la réforme de la prescription civile, et prévoyant l’effet interruptif de la reconnaissance par le débiteur du droit du créancier pour le seul délai de prescription, ne lui est pas applicable. L’article 2220 du même code, également issu de cette loi, précise ainsi que les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par le présent titre, c’est-à-dire le titre XX ‘De la prescription extinctive’ chapitre 1er : dispositions générales qui comprend l’article 2240.

Avant l’entrée en vigueur de cette loi, le délai de forclusion de la garantie décennale pouvait être interrompu par la reconnaissance non équivoque par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit.

En l’espèce, l’application ou non de l’article 2240 doit être appréciée au jour de son fait générateur qu’est la manifestation par le débiteur de sa reconnaissance du droit du créancier, et non pas la réception de l’ouvrage contrairement à ce qu’avance l’appelant.

La première déclaration de sinistre du 10 février 2009 relative à la chute de pierres sur acrotères de balcon a donné lieu à la réalisation d’une expertise par le Cabinet Eurisk, mandaté par la Sa Axa France Iard, lequel a établi son rapport d’expertise le 30 mars 2009.

Par courrier daté du 10 août 2009, la Sa Axa France Iard a émis son accord de principe sur la mobilisation de sa garantie. Aux termes d’un courrier du 9 février 2010, elle a fait parvenir un chèque du coût des travaux de réparation de

3 713,60 euros TTC évalué par son expert.

Ces courriers valent reconnaissance par l’assureur dommages-ouvrage du droit à indemnisation du syndicat des copropriétaires. Ils sont postérieurs au 19 juin 2008, date d’entrée en vigueur de l’article 2240, lequel est donc applicable.

Le délai décennal a commencé à courir à compter de la réception du 25 juillet 2003. Il a expiré le 25 juillet 2013 sans être valablement interrompu par l’acceptation de sa garantie par l’assureur dommages-ouvrage le 10 août 2009 et, partant, par celles émises postérieurement, ni encore par l’assignation en référé expertise délivrée à la Sa Axa France Iard le 24 juillet 2019.

2) Sur le délai biennal de prescription

En application de l’article L.114-1 du code des assurances, l’assuré dispose, pour réclamer l’exécution de la garantie dommages-ouvrage souscrite, d’un délai de deux ans à compter de la connaissance qu’il a des désordres survenus dans les dix ans qui ont suivi la réception des travaux.

Le désordre évolutif est celui qui, né après l’expiration du délai décennal, trouve son siège dans l’ouvrage où un désordre de même nature a été constaté présentant le caractère de gravité requis par l’article 1792 du code civil et ayant fait l’objet d’une demande en réparation en justice pendant le délai décennal.

En l’espèce, la réparation des premiers sinistres, déclarés les 10 février 2009 et 18 juin 2010 et auxquels, selon le syndicat des copropriétaires, sont liés les désordres qu’il a déclarés les 10 décembre 2018 et 21 mai 2019, n’a pas été demandée en justice avant le 25 juillet 2013.

Cette condition n’étant pas remplie, ces derniers désordres ne sont pas évolutifs.

En définitive, la présente action engagée le 24 juillet 2019, soit postérieurement au 25 juillet 2013, ainsi qu’au 25 juillet 2015, est prescrite. La décision du tribunal l’ayant déclaré irrecevable sera confirmée.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance sur les dépens seront confirmées.

Partie perdante, le syndicat des copropriétaires sera condamné aux dépens d’appel.

Il est équitable de le condamner également à payer à la Sa Axa France Iard la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés pour cette instance d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] représenté par son syndic à payer à la Sa Axa France Iard autrement dénommée Axa Particuliers & Iard Entreprises, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] représenté par son syndic aux dépens d’appel.

Le greffier, La présidente de chambre,


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