Droits des actionnaires et distribution des dividendes : enjeux d’égalité et de légitimité.

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Droits des actionnaires et distribution des dividendes : enjeux d’égalité et de légitimité.

L’Essentiel : La société d’investissement a acquis des actions de la société de distribution d’énergie à partir du 3 janvier 2014, ces actions étant issues de levées d’options sur titres accordées à des salariés. Le 6 mai 2014, une assemblée générale a voté la distribution d’un dividende de 1,87 euro par action pour l’exercice 2013. La société d’investissement a assigné la société de distribution en justice, arguant d’un refus de versement du dividende. La cour d’appel a rejeté la demande, affirmant que les actions détenues par la société d’investissement étaient distinctes des actions ordinaires, ne conférant pas les mêmes droits.

Contexte de l’affaire

La société ABC arbitrage a acquis des actions de la société Schneider Electric SE à partir du 3 janvier 2014, ces actions étant issues de levées d’options sur titres accordées à des salariés de Schneider. Le 6 mai 2014, une assemblée générale de Schneider a voté la distribution d’un dividende de 1,87 euro par action pour l’exercice 2013.

Demande de la société ABC

La société ABC a assigné la société Schneider en justice, arguant que celle-ci avait commis une faute en refusant de lui verser le dividende voté. ABC a demandé réparation pour le préjudice financier résultant de ce refus.

Arguments de la société ABC

ABC a soutenu que le principe d’égalité des actionnaires exigeait que tous les actionnaires, y compris ceux détenant des actions nouvelles, perçoivent les dividendes proportionnellement à leur part dans le capital social. Elle a contesté la décision de la cour d’appel qui a jugé que les actions nouvelles ne donnaient pas droit aux mêmes distributions que les actions ordinaires.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a rejeté la demande de la société ABC, affirmant que les actions détenues par ABC étaient distinctes des actions ordinaires, inscrites sur une ligne de cotation spécifique et se négociant à un prix inférieur. Elle a également noté que la thèse d’ABC n’était pas soutenue par des éléments textuels ou jurisprudentiels.

Analyse de la décision

La cour a conclu que le refus de verser le dividende à ABC n’était pas fautif, car les actions nouvelles ne conféraient pas les mêmes droits que les actions ordinaires. Cependant, la décision a été critiquée pour ne pas avoir établi de manière adéquate l’absence de droit au dividende pour les actions détenues par ABC, ce qui a conduit à un manque de base légale dans la décision.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée du principe d’égalité des actionnaires dans la distribution des dividendes ?

Le principe d’égalité des actionnaires est fondamental dans le droit des sociétés. Selon l’article 1832 du Code civil, « la société est instituée dans un but licite et doit être constituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent d’affecter à une entreprise commune des biens en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter. »

De plus, l’article 1844-1 du même code précise que « chaque action d’une valeur nominale identique d’une société anonyme donne droit au même montant de dividendes. »

Ainsi, ce principe impose que chaque actionnaire perçoive les bénéfices et contribue aux pertes en proportion de sa part dans le capital social. Cela signifie que les actions ordinaires nouvelles doivent, en principe, bénéficier des mêmes distributions que les actions ordinaires.

Il est donc essentiel que les sociétés respectent ce principe d’égalité lors de la distribution des dividendes, sauf dispositions contraires clairement établies.

Quelles sont les conséquences juridiques du refus de verser un dividende à un actionnaire ?

Le refus de verser un dividende à un actionnaire peut constituer une faute si ce refus n’est pas justifié par des dispositions légales ou statutaires. En l’espèce, la société ABC a soutenu que la société Schneider avait commis une faute en refusant de lui verser le dividende voté par l’assemblée générale.

L’article 1844-1 du Code civil, déjà cité, stipule que chaque action d’une valeur nominale identique donne droit au même montant de dividendes.

Si un actionnaire est privé de son droit au dividende sans justification légale, il peut demander réparation pour le préjudice financier subi. Cela peut inclure la demande de versement du montant du dividende ainsi que des dommages-intérêts pour le préjudice causé par ce refus.

Dans le cas présent, la cour d’appel a jugé que le refus de la société Schneider n’était pas fautif, en se basant sur des motifs qui n’ont pas établi de manière adéquate l’absence de droit au dividende pour la société ABC.

Comment la distinction entre actions ordinaires et actions nouvelles influence-t-elle les droits des actionnaires ?

La distinction entre actions ordinaires et actions nouvelles peut avoir un impact significatif sur les droits des actionnaires, notamment en ce qui concerne le droit aux dividendes.

L’arrêt de la cour d’appel a retenu que les actions dont était titulaire la société ABC étaient inscrites sur une ligne de cotation spécifique et se négociaient à un prix moindre que les actions ordinaires. Cela a conduit à la conclusion que ces actions étaient distinctes et n’ouvraient pas les mêmes droits.

Cependant, l’article 1844-1 du Code civil impose que, sauf dispositions contraires, chaque action d’une valeur nominale identique doit donner droit au même montant de dividendes.

Ainsi, la simple distinction de cotation ou de prix ne suffit pas à justifier une privation de droit au dividende. La cour d’appel a été critiquée pour ne pas avoir établi de manière suffisante l’existence de dispositions ou de stipulations qui auraient pu priver les actions de la société ABC de leur droit au dividende.

COMM.

SH

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 février 2025

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 81 F-B

Pourvoi n° M 23-16.179

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 FÉVRIER 2025

La société ABC arbitrage, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 23-16.179 contre l’arrêt rendu le 14 mars 2023 par la cour d’appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l’opposant à la société Schneider Electric SE, société européenne, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société ABC arbitrage, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Schneider Electric SE, après débats en l’audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 14 mars 2023), à compter du 3 janvier 2014, la société ABC arbitrage (la société ABC) est devenue titulaire d’actions de la société Schneider Electric SE (la société Schneider), dont les titres sont admis aux négociations sur le marché Euronext Paris. Ces actions étaient issues de levées d’options sur titres consenties par la société Schneider à certains de ses salariés.

2. Le 6 mai 2014, l’assemblée générale mixte de la société Schneider a décidé la distribution d’un dividende d’un montant de 1,87 euro par action au titre de l’exercice 2013, prélevé sur un report à nouveau et sur des primes d’émission.

3. Soutenant que la société Schneider avait commis une faute en refusant de lui verser le dividende ainsi voté, la société ABC l’a assignée en réparation de son préjudice financier.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches

Enoncé du moyen

4. La société ABC fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à voir la société Schneider condamnée à lui verser la somme de 3 090 59,39 euros au titre du refus fautif de distribuer aux titulaires d’actions nouvelles un dividende prélevé sur les primes d’émission et le report à nouveau voté par l’assemblée générale mixte le 6 mai 2014, alors :

« 1°/ que le principe d’égalité des actionnaires impose que chacun perçoive en principe les bénéfices et contribue aux pertes à proportion de sa part dans le capital social ; qu’ainsi, les actions ordinaires nouvelles donnent droit en principe aux mêmes distributions que les actions ordinaires et aux mêmes droits sur les capitaux propres ; qu’en jugeant que la thèse de la société ABC, selon laquelle les détenteurs d’actions nouvelles doivent bénéficier des dividendes lorsque ces derniers portent sur les fonds propres de la société (report à nouveau et prime d’émission), n’était étayée par aucun élément textuel ou jurisprudentiel et ne pouvait être retenue, tandis que le principe d’égalité des actionnaires commande en principe que les titulaires d’actions nouvelles disposent des mêmes droits sur les capitaux propres que les titulaires d’actions ordinaires, la cour d’appel a violé le principe d’égalité des actionnaires, ensemble les articles 1832 et 1844-1 du code civil ;

2°/ qu’en retenant, par des motifs inopérants, que les actions nouvelles dont était titulaire la société ABC étaient distinctes des titres ordinaires et n’ouvraient pas les mêmes droits, la cour d’appel a violé le principe d’égalité des actionnaires, ensemble les articles 1832 et 1844-1 du code civil ;

3°/ que, pour retenir que les actions nouvelles dont était titulaire la société ABC étaient distinctes des titres ordinaires et n’ouvraient pas les mêmes droits, la cour d’appel a énoncé que la différence de ligne de cotation et le prix auquel se négociaient les actions nouvelles permettaient d’établir l’absence de droit aux réserves ; qu’en statuant par de tels motifs, impropres à justifier que les titulaires de ces actions ordinaires nouvelles aient été privés de leur droit à participer aux distributions des réserves issues de primes d’émission et du report à nouveau, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1832 et 1844 1 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l’ article 1844-1 du code civil :

5. Il résulte de ce texte que, sauf dispositions ou stipulations contraires, chaque action d’une valeur nominale identique d’une société anonyme donne droit au même montant de dividendes.

6. Pour rejeter la demande de la société ABC, l’arrêt retient que les actions dont est titulaire la société ABC étaient inscrites sur une ligne de cotation spécifique avec un numéro ISIN distinct de celui des actions ordinaires et se négociaient à un prix moindre que ces dernières sur la période d’avril et mai 2014. L’arrêt retient encore que les actions litigieuses étaient issues de levées d’options sur titres (« stock-options ») par des salariés de la société Schneider. L’arrêt ajoute que la thèse de la société ABC, selon laquelle les détenteurs d’actions nouvelles doivent bénéficier des dividendes lorsque ces derniers portent sur les fonds propres de la société, n’est étayée par aucun élément textuel ou jurisprudentiel. L’arrêt en déduit que les actions dont est titulaire la société ABC sont distinctes des actions ordinaires, de sorte qu’elles n’ouvrent pas les mêmes droits et, qu’en conséquence, le refus de la société Schneider de verser à la société ABC un dividende sur les actions dont cette dernière dispose n’était pas fautif.

7. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir l’existence de dispositions ou de stipulations privant les actions détenues par la société ABC du droit au dividende décidé par l’assemblée générale mixte de la société Schneider du 6 mai 2014, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.


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