L’Essentiel : En 2006, une souscriptrice a établi deux contrats d’assurance vie auprès d’une société, désignant comme bénéficiaire son fils et, à défaut, son petit-fils. Suite au décès de la souscriptrice en 2015, plusieurs membres de la famille, désignés comme consorts, ont contesté la validité des contrats. Ils ont formé un appel après avoir été déboutés. La cour d’appel a déclaré irrecevables leurs appels, arguant que l’un des coïndivisaires n’avait pas été partie en première instance. Les consorts ont soutenu que l’indivisibilité du litige justifiait leur intervention, mais la cour a maintenu sa décision, ne reconnaissant pas leur droit d’appel.
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Contexte des contrats d’assurance vieEn 2006, [U] [H] a souscrit deux contrats d’assurance vie auprès de la société Predica, désignant comme bénéficiaire son fils, M. [N] [H], et, à défaut, son petit-fils, M. [V]. [U] [H] est décédée le 20 septembre 2015. Contestations des consorts [H]Suite au décès de [U] [H], plusieurs membres de la famille, désignés comme consorts [H], ont contesté la validité des contrats d’assurance vie. Ils ont formé un appel après avoir été déboutés de leurs demandes initiales. Interventions et appelMme [SU] [T] [H] et M. [SP] [H] ont également intervenu volontairement dans l’instance devant la cour d’appel. Les consorts [H] ont contesté la décision de la cour d’appel qui a déclaré irrecevables leurs appels et interventions. Arguments des consorts [H]Les consorts [H] ont soutenu que, selon le principe d’indivisibilité, l’appel d’un coïndivisaire devrait produire effet pour tous les autres, même si certains n’avaient pas été parties en première instance. Ils ont fait valoir que leur communauté d’intérêts justifiait leur intervention. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a déclaré irrecevables les appels et interventions, arguant que M. [SP] [H] n’avait pas été partie en première instance et que les coïndivisaires qui n’avaient pas agi en première instance ne pouvaient pas intervenir en appel. Analyse juridiqueLa cour a cité les articles 552 et 553 du code de procédure civile, affirmant que l’appel d’un coïndivisaire ne s’applique pas à ceux qui n’ont pas été parties en première instance. Cependant, les consorts [H] ont contesté cette interprétation, arguant que M. [SP] [H] avait conservé son droit d’appel en raison de l’indivisibilité du litige. Conclusion de la courLa cour a finalement été jugée en violation des articles du code de procédure civile, car elle n’a pas reconnu le droit d’appel de M. [SP] [H] en tant que coïndivisaire, malgré son absence en première instance. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’appel en cas d’indivisibilité entre plusieurs parties ?L’article 552 du code de procédure civile stipule que : « En cas de solidarité ou d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel formé par l’une conserve le droit d’appel des autres, sauf à ces dernières à se joindre à l’instance. » Cet article établit que lorsque plusieurs parties sont coïndivisaires, l’appel interjeté par l’un d’eux a des effets sur les autres, même si ces derniers ne se sont pas joints à l’instance. Ainsi, dans le cas présent, les consorts [H] ont interjeté appel, ce qui aurait dû permettre à tous les coïndivisaires de bénéficier de cet appel, indépendamment de leur participation initiale à la procédure. Quelles sont les conditions d’intervention en cause d’appel ?L’article 554 du code de procédure civile précise que : « Peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité. » Cet article permet à des tiers, qui n’ont pas été impliqués dans la première instance, d’intervenir en appel, à condition qu’ils aient un intérêt à le faire. Dans cette affaire, la cour d’appel a considéré que M. [SP] [H] ne pouvait pas intervenir car il n’avait pas été partie en première instance. Cependant, en tant que coïndivisaire, il aurait dû conserver son droit d’appel, ce qui contredit l’interprétation de la cour. Comment la cour d’appel a-t-elle justifié l’irrecevabilité des appels et interventions ?La cour d’appel a déclaré irrecevables les appels et interventions en se fondant sur le fait que M. [SP] [H] n’avait pas été partie devant les premiers juges. Elle a affirmé que : « Un coindivisaire qui a omis, volontairement ou non, d’agir en première instance ne saurait intervenir en cause d’appel. » Cette position repose sur l’idée que l’irrecevabilité est justifiée par le caractère indivisible du litige. Toutefois, cette interprétation semble ignorer que l’appel d’un coïndivisaire peut produire effet à l’égard des autres, comme le stipule l’article 553 du code de procédure civile. Quelles violations des droits ont été constatées par la Cour ?La cour a constaté que : « En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés. » Cela signifie que la décision de la cour d’appel ne respecte pas les articles 552 et 553 du code de procédure civile, qui garantissent le droit d’appel des coïndivisaires. En conséquence, la cour a reconnu que M. [SP] [H], en tant que coïndivisaire, devait avoir la possibilité d’intervenir, même s’il n’avait pas été partie en première instance, ce qui constitue une violation de ses droits. |
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 février 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 134 F-D
Pourvoi n° M 22-14.565
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2025
1°/ Mme [SU] [P] [Y] [H], épouse [WZ], domiciliée [Adresse 15],
2°/ M. [KA] [TC] [H], domicilié [Adresse 26],
3°/ M. [B] [X] [H], domicilié [Adresse 1],
4°/ Mme [SU] [KC] [H], épouse [G], domiciliée [Adresse 8],
5°/ [FX] [WM] [H], ayant été domicilié [Adresse 11], décédé le 28 juillet 2023,
6°/ Mme [SU] [S] [H], épouse [BV], domiciliée [Adresse 5],
7°/ M. [FX] [NT] [H], domicilié [Adresse 4],
8°/ M. [CC] [OD] [H], domicilié [Adresse 2],
9°/ Mme [SU] [BX] [H], domiciliée [Adresse 24],
10°/ Mme [SU] [U] [H], domiciliée [Adresse 18],
11°/ M. [SP] [H], domicilié [Adresse 22],
12°/ Mme [SU] [R] [H], divorcée [NX], domiciliée [Adresse 25],
13°/ M. [BZ] [E] [H], domicilié [Adresse 14],
14°/ M. [SS] [BZ] [GB] [H], domicilié [Adresse 21],
15°/ M. [A] [H], domicilié [Adresse 19],
16°/ Mme [SU] [I] [H], épouse [WT], domiciliée [Adresse 23],
17°/ Mme [L] [H], domiciliée [Adresse 6],
18°/ Mme [SU] [FZ] [H], épouse [WX] [JU], domiciliée [Adresse 16],
19°/ M. [SY] [BZ] [H], domicilié [Adresse 17],
ces sept derniers intervenant volontairement en qualité d’ayants droit de [BZ] [NR] [H], décédé,
20°/ M. [WV] [JS],
21°/ M. [W] [JS],
tous deux domiciliés [Adresse 13],
22°/ M. [CF] [JS], domicilié [Adresse 3],
ces trois derniers intervenant volontairement en qualité d’ayants droit de [SU] [K] [H], épouse [JS], décédée le 13 mai 2019,
23°/ Mme [SU] [JS] épouse [FT], domiciliée [Adresse 27],
24°/ M. [BZ] [JS], domicilié [Adresse 7],
ces deux derniers intervenant volontairement en qualité d’ayants droit de [FX] [FV] [JS], décédé le 9 décembre 1995, fils de [SU] [K] [H], épouse [JS], décédée le 13 mai 2019,
25°/ Mme [SW] [SU] [D] [NV], veuve de [FX] [WM] [H], épouse commune en biens, domiciliée [Adresse 11],
26°/ Mme [SU] [F] [H], domiciliée [Adresse 28],
27°/ M. [BZ] [M] [H], domicilié [Adresse 12],
28°/ M. [BZ] [GD] [H], domicilié [Adresse 10],
29°/ Mme [SU] [NZ] [H], domiciliée [Adresse 11],
ces cinq derniers agissant en qualité d’héritiers de [FX] [WM] [H],
ont formé le pourvoi n° M 22-14.565 contre l’arrêt rendu le 28 décembre 2021 par la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre civile TGI), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Prédica prévoyance dialogue du Crédit agricole, société anonyme, dont le siège est [Adresse 20],
2°/ à M. [N] [H],
3°/ à M. [Z] [V],
tous deux domiciliés [Adresse 9],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de Me Carbonnier, avocat de Mme [SU] [P] [Y] [H], épouse [WZ], M. [KA] [TC] [H], M. [B] [X] [H], Mme [SU] [KC] [H], épouse [G], Mme [SW] [SU] [D] [NV], veuve [H], Mme [SU] [F] [H], M. [BZ] [M] [H], M. [BZ] [GD] [H] et Mme [SU] [NZ] [H], Mme [SU] [S] [H], épouse [BV], M. [FX] [NT] [H], M. [CC] [OD] [H], Mme [SU] [BX] [H], Mme [SU] [U] [H], M. [SP] [H], Mme [SU] [R] [H], divorcée [NX], M. [BZ] [E] [H], M. [SS] [BZ] [GB] [H], M. [A] [H], Mme [SU] [I] [H], épouse [WT], Mme [L] [H], Mme [SU] [FZ] [H], épouse [WX] [JU], M. [SY] [BZ] [H], M. [BZ] [WR] [JS], M. [W] [J] [JS], M. [CF] [BZ] [JS], Mme [SU] [O] [JS], épouse [FT] et M. [JW] [JS], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Prédica prévoyance dialogue du Crédit agricole, et l’avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l’audience publique du 18 décembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d’instance
1. Il est donné acte à Mme [SW] [SU] [D] [NV], veuve [H], Mme [SU] [F] [H], M. [BZ] [M] [H], M. [BZ] [GD] [H] et Mme [SU] [NZ] [H], en leur qualité d’héritiers de [JY] [H], décédé, de leur reprise d’instance.
2. Selon l’arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 28 décembre 2021), [U] [H] a souscrit en 2006 auprès de la société Predica deux contrats d’assurance vie et désigné comme bénéficiaire l’un de ses fils, M. [N] [H], et à défaut, son petit-fils, M. [V].
3. Elle est décédée le 20 septembre 2015, et Mme [SU] [P] [Y] [H], épouse [WZ], M. [KA] [TC] [H], M. [B] [X] [H], Mme [SU] [KC] [H], épouse [G], M. [FX] [WM] [H], Mme [SU] [S] [H], épouse [BV], M. [FX] [NT] [H], M. [CC] [OD] [H], Mme [SU] [BX] [H], Mme [SU] [U] [H], M. [BZ] [E] [H], M. [SS] [BZ] [GB] [H], M. [A] [H], Mme [SU] [I] [H], épouse [WT], Mme [L] [H], Mme [SU] [FZ] [H], épouse [WX] [JU], M. [SY] [BZ] [H], M. [BZ] [WR] [JS], M. [W] [J] [JS], M. [CF] [BZ] [JS], Mme [SU] [O] [JS], épouse [FT], et M. [JW] [JS] (les consorts [H]) ont contesté la souscription de ces assurances vie.
4. Les consorts [H] ont fait appel du jugement les ayant déboutés de leurs demandes et Mme [SU] [T] [H] et M. [SP] [H] sont intervenus volontairement à l’instance devant la cour d’appel.
Enoncé du moyen
5. Les consorts [H], Mme [SU] [T] [H] et M. [SP] [H] font grief à l’arrêt de déclarer irrecevables l’appel et l’intervention volontaire formés par [SP] [H], par voie de conséquence, de déclarer irrecevable l’appel de [SU] [P] [B] [H] épouse [WZ], [SU] [K] [H] épouse [JS], [BZ] [NR] [H], [KA] [TC] [H], [B] [X] [H], [SU] [KC] [H] épouse [G], [FX] [WM] [H], [SU] [S] [H] épouse [BV], [FX] [NT] [H], [CC] [OD] [H], [SU] [BX] [H] et [SU] [U] [H] et par voie de conséquence, de déclarer irrecevables les interventions volontaires de [BZ] [E] [H], [SS] [BZ] [GB] [H], [A] [H], [SU] [I] [H] épouse [WT], [L] [H], [SU] [FZ] [H] épouse [WX] [JU], [SY] [BZ] [C] [H], en leur qualité d’ayants droit de [BZ] [NR] [H], décédé le 23 septembre 2018, de [WV] [JS], [W] [J] [JS], [CF] [BZ] [JS], en leur qualité d’ayants droit de [SU] [K] [H] épouse [JS], décédée le 13 mai 2019, de [SU] [O] [FT] née [JS], [JW] [JS], en leur qualité d’ayants droit de [FX] [FV] [JS], décédé, fils de [SU] [K] [H] épouse [JS], décédée le 13 mai 2019, [SU] [T] [H] divorcée [NX], alors « qu’en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel de l’une produit effet à l’égard des autres même si celles-ci ne sont pas jointes à l’instance ; qu’en raison d’une évidente communauté d’intérêts entre les coïndivisaires, ceux-ci sont, dès l’origine de la procédure, en état de faire valoir leurs droits en intervenant volontairement à tout stade de la procédure, si bien que l’appel de certains des indivisaires produit effet à l’égard des autres du fait de l’indivisibilité entre toutes les parties ; Qu’il est constant qu'[U] [H], décédée le 20 septembre 2015, a laissé pour lui succéder ses quinze enfants ; que, dans le cadre d’une procédure dirigée contre l’un des indivisaires, bénéficiaire indu de contrats d’assurance-vie souscrits par la défunte, douze des enfants ont assigné ce dernier et l’assureur ; que les douze héritiers ont interjeté appel du jugement ; que devant la cour d’appel, les treizième et quatorzième enfants (M. [SP] [H] et Mme [T] [H]) se sont associés à la procédure ; Que, pour déclarer irrecevable l’ensemble des appels et interventions volontaires, la cour d’appel a relevé que « [SP] [H] n’a pas été partie devant les premiers juges. Son appel est irrecevable » et qu’« un coindivisaire qui a omis, volontairement ou non, d’agir en première instance » ne saurait intervenir en cause d’appel, si bien qu’« en raison du caractère indivisible du litige concernant les héritiers coindivisaires, l’appel de ces derniers et les interventions volontaires ne peuvent être déclarés recevables » ; Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles 552 et 553 du code de procédure civile, ensemble l’article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »
Vu les articles 552, 553 et 554 du code de procédure civile :
6. Aux termes du premier de ces textes, en cas de solidarité ou d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel formé par l’une conserve le droit d’appel des autres, sauf à ces dernières à se joindre à l’instance.
7. Aux termes du second de ces textes, en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel de l’une produit effet à l’égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l’instance.
8. Selon le dernier, peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
9. Pour déclarer irrecevables l’appel et l’intervention volontaire formés par M. [SP] [H], l’arrêt retient, d’une part, que celui-ci n’a pas été partie devant les premiers juges et, d’autre part, que les dispositions de l’article 554 du code de procédure civile ne peuvent s’appliquer qu’aux tiers qui n’ont été ni parties, ni représentés en première instance ou qui y ont figuré sous une autre qualité et que cet article ne saurait, en revanche, concerner et être invoqué par un coindivisaire qui a omis, volontairement ou non, d’agir en première instance dans la mesure où il n’a manifestement pas la qualité de tiers exigée.
10. En statuant ainsi, alors, d’une part, qu’en tant que coïndivisiaire, M. [SP] [H] s’était vu conserver son droit d’appel du fait de l’appel des autres héritiers, et que d’autre part elle constatait que M. [SP] [H] n’avait été ni partie ni représenté par ses coïndivisaires en première instance, de sorte qu’il avait la qualité de tiers, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
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