L’Essentiel : Monsieur [E] [H] a investi 2.500 euros dans un contrat « THF 2021 » proposé par la société Arkea. Le 26 décembre 2021, il a transféré 7.500 euros à l’entité AGS, mais a été victime d’une escroquerie. Après avoir déposé plainte, il a assigné la société Olinda en justice pour manquements à ses obligations de vigilance. Il a demandé le remboursement et des compensations. La société Olinda a contesté la demande de communication de documents, invoquant le secret bancaire. Le tribunal a ordonné la production de certains documents et a condamné Olinda à verser 500 euros à Monsieur [H] pour ses frais.
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Contexte de l’AffaireMonsieur [E] [H] a été approché par la société Arkea pour un investissement sur livret. Il a signé un bulletin de souscription le 3 décembre 2021 pour un contrat intitulé « THF 2021 », impliquant un compte à termes avec un investissement initial de 2.500 euros, basé sur le trading à haute fréquence. Ordre de Virement et PlainteLe 26 décembre 2021, Monsieur [H] a effectué un virement de 7.500 euros à l’entité AGS via la Banque Populaire, les fonds étant déposés sur un compte de la SAS Olinda, opérant sous l’enseigne Qonto. Suite à une escroquerie présumée, il a déposé plainte le 17 mai 2022 et a demandé le remboursement de la somme à la société Olinda, qui a refusé. Assignation en JusticeLe 28 septembre 2023, Monsieur [H] a assigné la société Olinda en justice, invoquant des manquements à ses obligations de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Il a demandé des réparations pour les préjudices subis, incluant le remboursement de 7.500 euros et des compensations pour préjudice moral et frais de justice. Demandes de Communication de DocumentsMonsieur [H] a également demandé la communication de documents attestant des vérifications d’identité liées à l’ouverture du compte bancaire. Il a précisé les types de documents requis, tant pour les personnes physiques que morales, et a proposé des astreintes en cas de non-respect de cette demande. Réponse de la Société OlindaLa société Olinda a contesté la demande de Monsieur [H], arguant que les documents sollicités étaient couverts par le secret bancaire. Elle a également demandé à être déboutée de la demande d’astreinte et a formulé des demandes de communication de documents à l’encontre de Monsieur [H]. Décision du TribunalLe tribunal a ordonné à la société Olinda de produire certains documents relatifs à l’identité du titulaire du compte et aux vérifications effectuées lors de l’ouverture de celui-ci. Les autres demandes de Monsieur [H] ont été rejetées, et la société Olinda a été condamnée à verser 500 euros à Monsieur [H] pour ses frais de justice. L’affaire a été renvoyée à une audience ultérieure pour la suite des débats. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de vigilance de la société Olinda en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux ?La société Olinda, en tant qu’établissement de paiement, est soumise à des obligations strictes en matière de vigilance, conformément aux dispositions du code monétaire et financier. L’article L. 561-5 du code monétaire et financier stipule : « I. – Avant d’entrer en relation d’affaires avec leur client ou de l’assister dans la préparation ou la réalisation d’une transaction, les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 : 1° Identifient leur client et, le cas échéant, le bénéficiaire effectif au sens de l’article L. 561-2-2 ; 2° Vérifient ces éléments d’identification sur présentation de tout document écrit à caractère probant. II. – Elles identifient et vérifient dans les mêmes conditions que celles prévues au I l’identité de leurs clients occasionnels et, le cas échéant, de leurs bénéficiaires effectifs, lorsqu’elles soupçonnent qu’une opération pourrait participer au blanchiment des capitaux ou au financement du terrorisme ou lorsque les opérations sont d’une certaine nature ou dépassent un certain montant. » Ainsi, la société Olinda doit procéder à l’identification et à la vérification de l’identité de ses clients avant d’ouvrir un compte, ce qui inclut la collecte de documents d’identité et la vérification de leur authenticité. De plus, l’article R. 561-5 précise les modalités d’identification : « Pour l’application du 1° du I de l’article L. 561-5, les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 identifient leur client dans les conditions suivantes : 1° Lorsque le client est une personne physique, par le recueil de ses nom et prénoms, ainsi que de ses date et lieu de naissance ; 2° Lorsque le client est une personne morale, par le recueil de sa forme juridique, de sa dénomination, de son numéro d’immatriculation, ainsi que de l’adresse de son siège social et celle du lieu de direction effective de l’activité, si celle-ci est différente de l’adresse du siège social. » En résumé, la société Olinda a l’obligation de respecter ces procédures de vigilance pour prévenir le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, et doit pouvoir justifier de ces vérifications en cas de litige. Quels sont les recours possibles pour Monsieur [H] en cas de manquement de la société Olinda à ses obligations ?Monsieur [H] peut engager plusieurs recours en cas de manquement de la société Olinda à ses obligations de vigilance. Tout d’abord, il peut invoquer la responsabilité délictuelle de la société Olinda sur le fondement de l’article 1240 du code civil, qui dispose : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Monsieur [H] peut ainsi arguer que la société Olinda a commis une faute en ne respectant pas ses obligations de vigilance, ce qui a conduit à un préjudice financier pour lui. De plus, l’article 1241 du code civil précise : « Celui qui cause un dommage à autrui par sa faute est tenu de le réparer. » Cela renforce la possibilité pour Monsieur [H] de demander réparation pour les préjudices subis. En outre, si Monsieur [H] souhaite agir sur le terrain contractuel, il peut se fonder sur l’article 1104 du code civil, qui énonce : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. » Il peut ainsi soutenir que la société Olinda a manqué à son devoir de vigilance contractuel, engageant sa responsabilité. Enfin, Monsieur [H] peut demander la restitution des sommes versées, en se basant sur l’article 1231-1 du code civil, qui traite des obligations de restitution en cas d’inexécution d’un contrat. En résumé, Monsieur [H] dispose de plusieurs voies de recours, tant sur le plan délictuelle que contractuel, pour obtenir réparation de son préjudice face à la société Olinda. Comment le secret bancaire peut-il être levé dans le cadre de la demande de Monsieur [H] ?Le secret bancaire est un principe fondamental qui protège les informations relatives aux comptes bancaires des clients. Cependant, il existe des exceptions à ce principe, notamment dans le cadre de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. L’article L. 522-19 du code monétaire et financier stipule : « I.- Tout membre d’un conseil d’administration et, selon le cas, d’un conseil de surveillance et toute personne qui, à un titre quelconque, participe à la direction ou à la gestion d’un établissement de paiement ou qui est employée par un établissement de paiement est tenu au secret professionnel. » Cependant, ce secret peut être levé dans certaines circonstances, notamment lorsque la loi l’exige ou dans le cadre d’une procédure judiciaire. L’article L. 561-5-1 précise que les établissements de crédit doivent justifier des vérifications d’identité effectuées lors de l’ouverture d’un compte, ce qui peut inclure la communication de documents à un tribunal : « Les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 vérifient l’identité du client selon l’une des modalités suivantes : … » Dans le cas présent, Monsieur [H] a demandé la communication de documents pour établir la responsabilité de la société Olinda. Le juge de la mise en état a le pouvoir d’ordonner la production de ces documents, en vertu de l’article 788 du code de procédure civile : « Le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. » Ainsi, bien que le secret bancaire soit opposable, le juge peut ordonner la production de documents nécessaires à la résolution du litige, à condition que cela soit justifié par la nécessité d’établir la responsabilité de la société Olinda. En conclusion, le secret bancaire peut être levé dans le cadre d’une procédure judiciaire, permettant à Monsieur [H] d’accéder aux documents nécessaires pour prouver son cas. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies
délivrées le :
à
Me DUPUIS
Me BONNET DES TUVES
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9ème chambre 2ème section
N° RG 23/16232 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2VZW
N° MINUTE : 6
Assignation du :
28 Septembre 2023
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 31 Janvier 2025
DEMANDEUR
Monsieur [E] [H]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par Maître Audric DUPUIS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1162 et Maître Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant
DEFENDERESSE
Société OLINDA
[Adresse 1]
[Localité 2] / FRANCE
représentée par Maître Francis BONNET DES TUVES de l’AARPI INFINITY AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #G0685
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Augustin BOUJEKA, Vice-président, Juge de la mise en état, assisté de Diane FARIN, Greffière,
DEBATS
A l’audience du 13 décembre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 31 Janvier 2025.
ORDONNANCE
Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Monsieur [E] [H] expose avoir été démarché par une société dénommée Arkea qui lui a proposé un investissement sur livret.
Dans cette perspective, il a signé, le 3 décembre 2021, un bulletin de souscription afférent à un contrat intitulé « THF 2021 » proposé par cette société Arkea, relatif à un compte à termes avec une mise de départ de 2.500 euros, avec comme support le trading à haute fréquence multi-support.
Le 26 décembre 2021, Monsieur [H] a donné un ordre de virement à la société Banque Populaire, dans les livres de laquelle il était titulaire d’un compte bancaire, portant sur la somme de 7.500 euros au profit d’une entité dénommée AGS, les fonds ayant été réceptionnés sur un compte bancaire domicilié en France dans les livres de la SAS Olinda, exerçant sous l’enseigne Qonto.
Monsieur [H] affirme avoir, en considération d’une escroquerie à l’origine de ce paiement, déposé plainte le 17 mai 2022 auprès de la gendarmerie nationale et, par lettre de son conseil du 14 novembre 2022, mis en demeure la société Olinda d’avoir à lui restituer la somme de 7.500 euros, recevant une réponse négative en date du 5 décembre 2022.
C’est dans ce contexte que par acte du 28 septembre 2023, Monsieur [H] a fait assigner la société Olinda devant ce tribunal pour demander, au visa des directives européennes n°91/308/CEE, n°2001/97/CE, n°2005/60/CE, n°2015/849, n°2018/843, des articles L. 561-1 et suivants, R. 561-1 et suivants du code monétaire et financier, 1240, 1241, 1231-1, 1104 du code civil, de :
A titre principal :
• Juger que la société Olinda n’a pas respecté son obligation légale de vigilance au titre du dispositif de LCB-FT ;
• Juger que la société Olinda est responsable des préjudices subis par Monsieur [H].
A titre subsidiaire :
• Juger que la société Olinda a commis un manquement contractuel à son devoir de vigilance engageant sa responsabilité délictuelle à l’égard de Monsieur [H].
• Juger que la société Olinda est responsable des préjudices subis par Monsieur [H].
En tout état de cause :
• Condamner la société Olinda à rembourser à Monsieur [H] la somme de 7.500 €, correspondant aux sommes ayant transité par le compte bancaire litigieux, en réparation de son préjudice matériel.
• Condamner la société Olinda à verser à Monsieur [H] la somme de 1.500 €, correspondant à 20 % des sommes ayant transité sur le compte bancaire ouvert au sein de ses livres, en réparation de son préjudice moral.
• Condamner la société Olinda à verser à Monsieur [H] la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
• Condamner la même aux entiers dépens.
Par écritures d’incident signifiées le 6 juin 2024, réitérées le 10 décembre 2024, Monsieur [H] demande au juge de la mise en état près le tribunal de céans, au visa des articles 11, 138, 142, 788 et 789 du code de procédure civile, L561-5 et suivants et R561-5 et suivants du code monétaire et financier, de :
« • ORDONNER la société Olinda à communiquer à Monsieur [H] :
– Tout document attestant des vérifications d’identité du titulaire du compte bancaire lors de son ouverture (compte ayant pour IBAN le numéro : [XXXXXXXXXX04]).
S’agissant d’une personne physique :
– Une copie de la carte d’identité ou du passeport du titulaire du compte,
– La preuve du recours à un moyen d’identification électronique conforme à l’article R. 561-5-1 du code monétaire et financier,
– Le justificatif de domicile fourni lors de l’ouverture du compte,
– Les éléments communiqués par le titulaire du compte relatifs à sa situation personnelle, professionnelle et patrimoniale.
S’agissant d’une personne morale :
– L’attestation de l’immatriculation de la société au registre du commerce fournie au moment de l’ouverture du compte,
– Les statuts de la société concernée,
– La déclaration de résidence fiscale de la société,
– Une copie de la carte d’identité ou du passeport du représentant légal de la société et du bénéficiaire effectif ;
– La déclaration de bénéficiaire effectif.
– Tout document attestant de la nature du compte ouvert :
– La justification économique déclarée par les titulaires des comptes ou le fonctionnement envisagé des comptes bancaires.
– Tout document justifiant des vérifications d’usage durant le fonctionnement des comptes bancaires :
– Les relevés de compte bancaire intégraux pour les mois de novembre à décembre 2021 et janvier 2022,
– Tout document justifiant la provenance et la destination des fonds concernés par l’affaire,
S’agissant d’une ou de sociétés, les factures émises pour justifier de la prestation fournie au titre de l’encaissement des fonds de Monsieur [H].
Sous astreinte définitive de 1.000 € par jour de retard, passé un délai de 15 jours après la signification de l’ordonnance à intervenir, durant 2 mois et l’y CONDAMNER au besoin.
• Condamner la société Olinda à verser à Monsieur [H] la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
• Condamner la même aux entiers dépens. »
Par écritures d’incident signifiées le 23 octobre 2024, la société Olinda demande au juge de la mise en état près ce tribunal, au visa des articles 788, 789, 138, 142 et 700 du code de procédure civile, L. 522-19 du code monétaire et financier, de :
« Déclarer recevable et bien fondée la société OLINDA SAS en ses demandes fins et conclusions.
En conséquence,
A titre principal :
Débouter Monsieur [E] [H] de sa demande de communication de :
– Tout document attestant des vérifications d’identité des titulaires des comptes bancaires lors de leur ouverture (compte ayant pour IBAN le numéro : [XXXXXXXXXX04]) :
– Un extrait Kbis à jour,
– Les statuts de la personne morale,
– Une copie d’une pièce d’identité en cours de validité du représentant légal de la personne morale,
– Un « Selfie » ou un « live vidéo » de ce représentant légal,
– Une justification du siège social de la personne morale (toute vérification de l’adresse indiquée aux termes du Kbis),
– Une attestation d’assurance responsabilité civile,
– La déclaration de bénéficiaire effectif et un justificatif de sa pièce d’identité.
– Tout document attestant de la nature du compte ouvert :
La justification économique déclarée par le/les titulaires des comptes ou le fonctionnement envisagé des comptes bancaires.
– Tout document justifiant des vérifications d’usage durant le fonctionnement du compte bancaire :
– Les relevés de compte bancaire intégraux pour les mois d’avril à juillet 2021,
– Tout document justifiant la provenance et la destination des fonds concernés par l’affaire,
S’agissant d’une ou de sociétés, les factures émises pour justifier des prestations fournies au titre de l’encaissement des fonds de Monsieur [H].
A titre subsidiaire :
– Autoriser la communication des pièces précisément déterminées dans l’ordonnance à intervenir et dont la communication est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de Monsieur [H] soit, la liste limitative suivante :
S’il s’agit d’une personne morale :
– le recueil de sa forme juridique, de sa dénomination ; – de son numéro d’immatriculation ; – de l’adresse de son siège social et celle du lieu de direction effective de l’activité, si celle-ci est différente de l’adresse du siège social.
S’il s’agit d’une personne physique :
– Un document d’identité faisant apparaître ses nom et prénoms, ainsi que de ses date et lieu de naissance et son adresse.
En tout état de cause :
Débouter Monsieur [E] [H] de sa demande d’astreinte.
Condamner Monsieur [E] [H] à payer à la société OLINDA la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Condamner aux dépens. »
L’affaire a été appelée à l’audience du 13 décembre 2024 et mise en délibéré au 31 janvier 2025.
Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Sur la demande de production forcée
Monsieur [H] se prévaut des dispositions des articles 788 et 789 du code de procédure civile, L.561-5, L.561-5-1, R.561-5, R.561-5-1 et R.561-12 du code monétaire et financier pour solliciter la communication par la société Olinda des pièces visées au dispositif de ses dernières écritures d’incident. Il invoque encore les dispositions des articles 11, 138 et 142 du code de procédure civile, donnant pouvoir au juge d’enjoindre à un tiers de communiquer des documents nécessaires à la solution d’un litige, ainsi que de la possibilité, au nom du droit à la preuve, d’assouplir le secret bancaire, pour dire que la demande de communication forcée faite par le concluant est justifiée. Il explique sa demande, assortie d’astreintes, par la nécessité d’établir la responsabilité de la société Olinda au moyen des documents dont il sollicite la production.
En réplique, la société Olinda fait valoir, à titre principal, que Monsieur [H] sollicite la production forcée de pièces couvertes par le secret bancaire prévu à l’article L.522-19 du code monétaire et financier, en ce que ces pièces portent sur ses relations avec un tiers. Elle se prévaut encore des dispositions des articles 138 et 139 du code de procédure civile pour dire que les pouvoirs donnés au juge par ces textes en matière de communication de pièces sont limités par un motif légitime que le tiers détenteur des pièces visées peut exciper, le secret bancaire constituant pareil motif. Elle ajoute que l’obligation de non-immixtion à la charge du banquier fait également obstacle au cas particulier. Elle précise que Monsieur [H] n’est pas légitime en sa demande, en ce qu’il entend rechercher la responsabilité de la concluante sur le fondement de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme qui ne peut prospérer quand un particulier invoque un préjudice sur ce fondement.
Subsidiairement, la société Olinda précise que si le juge de la mise en état devait faire droit à la demande de Monsieur [H], il conviendrait de circonscrire la communication aux pièces strictement proportionnées au droit à la preuve du demandeur, en particulier au regard de l’article R.561-5, 2° du code monétaire et financier, énonçant les éléments nécessaires à la vérification de l’identité du client lors de l’ouverture du compte, tant pour un client personne morale que pour un client personne physique. Elle invite par ailleurs le juge de la mise en état, au cas où il ferait partiellement droit à la demande de production forcée, de ne pas prononcer d’astreinte.
Sur ce,
L’article L.522-19 du code monétaire et financier dispose notamment : « I.- Tout membre d’un conseil d’administration et, selon le cas, d’un conseil de surveillance et toute personne qui, à un titre quelconque, participe à la direction ou à la gestion d’un établissement de paiement ou qui est employée par un établissement de paiement est tenu au secret professionnel.
Outre les cas où la loi le prévoit, le secret professionnel ne peut être opposé ni à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ni à la Banque de France ni à l’Institut d’émission d’outre-mer ni à l’Institut d’émission des départements d’outre-mer ni à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale. … »
En outre, l’article L.561-5 du code monétaire et financier énonce notamment : « I. – Avant d’entrer en relation d’affaires avec leur client ou de l’assister dans la préparation ou la réalisation d’une transaction, les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 :
1° Identifient leur client et, le cas échéant, le bénéficiaire effectif au sens de l’article L. 561-2-2 ;
2° Vérifient ces éléments d’identification sur présentation de tout document écrit à caractère probant.
II. – Elles identifient et vérifient dans les mêmes conditions que celles prévues au I l’identité de leurs clients occasionnels et, le cas échéant, de leurs bénéficiaires effectifs, lorsqu’elles soupçonnent qu’une opération pourrait participer au blanchiment des capitaux ou au financement du terrorisme ou lorsque les opérations sont d’une certaine nature ou dépassent un certain montant. …»
De plus, l’article R.561-5 prévoit notamment : « Pour l’application du 1° du I de l’article L. 561-5, les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 identifient leur client dans les conditions suivantes :
1° Lorsque le client est une personne physique, par le recueil de ses nom et prénoms, ainsi que de ses date et lieu de naissance ;
2° Lorsque le client est une personne morale, par le recueil de sa forme juridique, de sa dénomination, de son numéro d’immatriculation, ainsi que de l’adresse de son siège social et celle du lieu de direction effective de l’activité, si celle-ci est différente de l’adresse du siège social ; … »
Par ailleurs, l’article R.561-5-1 du même code dispose notamment : « Pour l’application du 2° du I de l’article L. 561-5, les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 vérifient l’identité du client selon l’une des modalités suivantes :
1° En recourant :
a) A un moyen d’identification électronique certifié ou attesté par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information conforme au niveau de garantie soit substantiel soit élevé fixé par l’article 8 du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur, ou
b) A un moyen d’identification électronique délivré dans le cadre d’un schéma notifié à la Commission européenne par un Etat membre de l’Union européenne dans les conditions prévues au paragraphe 1 de l’article 9 de ce règlement et dont le niveau de garantie correspond au niveau soit substantiel soit élevé fixé par l’article 8 du même règlement ;
2° En recourant à un moyen d’identification électronique présumé fiable au sens de l’article L. 102 du code des postes et des communications électroniques ;
3° Lorsque le client est une personne physique, physiquement présente aux fins de l’identification au moment de l’établissement de la relation d’affaires, par la présentation de l’original d’un document officiel en cours de validité comportant sa photographie et par la prise d’une copie de ce document ;
4° Lorsque le client est une personne morale, dont le représentant dûment habilité est physiquement présent aux fins de l’identification au moment de l’établissement de la relation d’affaires, par la communication de l’original ou de la copie de tout acte ou extrait de registre officiel datant de moins de trois mois ou extrait du Journal officiel, constatant la dénomination, la forme juridique, l’adresse du siège social et l’identité des associés et dirigeants sociaux mentionnés aux 1° et 2° de l’article R. 123-54 du code de commerce, des représentants légaux ou de leurs équivalents en droit étranger. La vérification de l’identité de la personne morale peut également être réalisée en obtenant une copie certifiée du document directement via les greffes des tribunaux de commerce ou un document équivalent en droit étranger ; … »
En vertu du premier de ces textes, le secret bancaire est opposable erga omnes par les organes de direction et les préposés d’une personne assujetties, sauf dérogation légale.
En vertu des trois autres textes visés ci-dessus, il incombe aux établissements de crédit, aux établissements de paiement et aux établissements de monnaie électronique, préalablement à l’ouverture d’un compte dans leurs livres, de procéder à la vérification de l’identité et du domicile du postulant personne physique et quand le postulant est une personne morale, d’agir de même pour ce qui est de sa dénomination sociale, de sa forme juridique, de son siège statutaire ou du lieu de direction de son activité si celui-ci est différent du siège statutaire et de l’identité de ses dirigeants.
Par ailleurs, en cas de recherche de la responsabilité de l’un de ces établissements pour manquement au devoir de vérification ainsi énoncé, celui-ci doit pouvoir en justifier auprès du demandeur à l’action sans encourir le grief de violation du secret bancaire.
Au cas particulier, il est produit aux débats par Monsieur [H] un document à l’entête de « Qonto » indiquant que la société Banque Populaire a exécuté pour le compte du demandeur un ordre de virement crédité sur un compte ouvert dans les livres de la société Olinda, exerçant sous l’enseigne Qonto, indiquant comme titulaire « AGS » et comme IBAN [XXXXXXXXXX04].
A titre liminaire, il sera retenu que c’est à tort que la société Olinda conclue à ce que la demande de production forcée de pièces de Monsieur [H] soit déclarée irrecevable en ce que l’intéressé se fonde sur la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, laquelle ne peut fonder la réparation d’un préjudice invoqué par un particulier.
En effet, pareil argument relève des débats devant le tribunal statuant au fond, échappant dès lors à l’appréciation du juge de la mise en état dépourvu de pouvoir pour statuer à son propos faute d’en être saisi.
Ceci étant précisé, l’article 788 du code de procédure civile dispose : « Le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. »
En l’espèce, la société Olinda n’a pas spontanément justifié avoir procédé aux vérifications prévues aux articles L.561-5, R.561-5 et R.561-5-1 du code monétaire et financier préalablement à l’ouverture dans ses livres du compte dont le titulaire, bénéficiaire du virement de 7.500 euros ordonné par Monsieur [H], apparaît sous l’appellation « AGS ».
Or afin de permettre au tribunal, statuant au fond d’apprécier si elle a accompli les diligences préalables à l’ouverture de ce compte, la société Olinda, qui n’a pas spontanément produit aux débats les éléments afférents, doit y pourvoir.
En conséquence, il sera enjoint à la société Olinda, dans le cas où « AGS » désignerait l’acronyme d’une personne physique, de produire copie de sa pièce d’identité comportant son état civil, sa photographie et la mention de son domicile et, dans le cas il s’agirait d’une personne morale, un extrait du registre d’immatriculation ou l’équivalent, comportant indication de son siège social ou du lieu de direction de son activité si celui-ci est différent de son siège statutaire, ainsi que l’identité de ses principaux dirigeants.
La société Olinda doit également produire les pièces justifiant qu’elle a procédé à la vérification de ces éléments d’identification, selon qu’il s’agit d’une personne physique ou une personne morale, conformément aux dispositions de l’article R.561-5-1 du code monétaire et financier.
Par ailleurs, dans la mesure où les autres pièces dont Monsieur [H] sollicite la communication sont de plein droit couvertes par le secret bancaire, pour ne pas avoir trait aux conditions d’ouverture d’un compte bancaire au sens des dispositions des articles L.561-5, R.561-5 et R.561-5-1 du code monétaire et financier, il convient de le débouter du surplus de ses demandes.
En outre, il n’y a pas lieu de donner droit à la demande de condamnation sous astreinte formulée par Monsieur [H].
Cependant, la SAS Olinda devra communiquer les pièces énumérées au dispositif de cette ordonnance au plus tard le 14 mars 2025.
L’affaire est renvoyée à l’audience de mise en état de la 2ème section de la 9ème chambre du tribunal de céans du vendredi 11 avril 2025, Monsieur [H] devant avoir signifié des conclusions au fond avant cette date.
Sur les demandes annexes
Succombant partiellement, la SAS Olinda sera condamnée à verser à Monsieur [H] la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens sont réservés.
Nous, Augustin Boujeka, juge de la mise en état, statuant publiquement par ordonnance contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
ORDONNONS à la SAS Olinda de produire la copie de la pièce officielle d’identité comportant la photographie, l’état civil et le domicile de AGS s’il s’agit de l’acronyme ou du surnom d’une personne physique ;
ORDONNONS à la SAS Olinda de produire l’extrait du registre d’immatriculation ou l’équivalent, comportant la forme juridique, le siège social ou le lieu de direction de l’activité si distinct du siège social de l’entité AGS, ainsi que le nom des principaux dirigeants de la personne morale si c’en est une ;
ORDONNONS à la SAS Olinda de produire les pièces justifiant des vérifications prescrites au 1° à 4° de l’article R.561-5-1 du code monétaire et financier ;
ORDONNONS que les pièces mentionnées au dispositif de cette ordonnance doivent être produites aux débats au plus tard le 14 mars 2025 ;
RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état de la 2ème section de la 9ème chambre du tribunal de céans du vendredi 11 avril 2025, Monsieur [E] [H] devant avoir signifié des conclusions au fond avant cette date ;
CONDAMNONS la SAS Olinda à verser à Monsieur [E] [H] la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
RÉSERVONS les dépens ;
DÉBOUTONS Monsieur [E] [H] du surplus de ses demandes.
Faite et rendue à Paris le 31 Janvier 2025
LA GREFFIÈRE LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT
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