Responsabilité de l’employeur et couverture des risques professionnels à l’étranger

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Responsabilité de l’employeur et couverture des risques professionnels à l’étranger

L’Essentiel : M. [W], salarié de la société [5] de 1978 à 2012, a déclaré une maladie professionnelle reconnue en 2009, mais cette reconnaissance a été jugée inopposable à l’employeur. Malgré une assurance volontaire souscrite auprès de la CFE, qui a évalué son incapacité à 5 %, M. [W] a engagé une action en justice pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur. La caisse a contesté cette décision, arguant que les expatriés ne relèvent pas de la sécurité sociale française. La Cour a confirmé que l’assurance ne couvrait pas la faute inexcusable, rejetant ainsi les demandes de M. [W].

Contexte de l’affaire

M. [W], salarié de la société [5] de 1978 à 2012, a déclaré une maladie professionnelle en 2009, reconnue par la caisse primaire d’assurance maladie. Cependant, cette reconnaissance a été déclarée inopposable à l’employeur.

Assurance et indemnisation

M. [W] avait souscrit une assurance volontaire auprès de la Caisse des Français de l’étranger (CFE) pendant sa période d’expatriation. La CFE a évalué son taux d’incapacité permanente à 5 % et lui a versé une indemnité en capital.

Procédure judiciaire

La victime a engagé une action en justice pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur. La caisse a contesté la décision de la cour d’appel, qui avait statué en faveur de la victime concernant la majoration de la rente et le versement de dommages et intérêts.

Arguments de la caisse

La caisse a soutenu que, selon la législation, un salarié expatrié ne relève pas de la sécurité sociale française et que la couverture d’assurance volontaire ne permet pas d’indemniser les conséquences de la faute inexcusable de l’employeur.

Réponse de la Cour

La Cour a confirmé que les travailleurs expatriés peuvent s’assurer volontairement, mais que cette assurance ne couvre que les prestations prévues par la législation professionnelle. M. [W] ne pouvant bénéficier du régime d’indemnisation pour faute inexcusable, il a le droit d’agir contre son employeur sur la base de la responsabilité civile.

Décision finale

La Cour a statué que M. [W] ne pouvait pas demander réparation au titre de la faute inexcusable de l’employeur, entraînant le rejet de toutes ses demandes.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article L. 762-1 du code de la sécurité sociale concernant les travailleurs expatriés ?

L’article L. 762-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale stipule que :

« Les travailleurs salariés ou assimilés de nationalité française qui exercent leur activité dans un pays étranger et qui ne sont pas ou ne sont plus soumis à la législation française de sécurité sociale en vertu d’une convention internationale ou de l’article L. 761-2, ont la faculté de s’assurer volontairement, notamment, contre les risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles. »

Cet article établit que les travailleurs expatriés peuvent choisir de souscrire à une assurance volontaire pour se protéger contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Cependant, cette couverture est limitée aux prestations prévues par la législation professionnelle applicable à l’assurance souscrite.

Ainsi, un salarié expatrié ne peut pas bénéficier des dispositions relatives à l’indemnisation des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur, car il n’est pas soumis à la législation française de sécurité sociale au moment de la première constatation médicale de sa maladie.

Quelles sont les implications de l’article D. 461-24 du code de la sécurité sociale dans ce contexte ?

L’article D. 461-24 du code de la sécurité sociale précise que :

« Les prestations et indemnités doivent être prises en charge par l’organisme de sécurité sociale auquel la victime était affiliée en dernier lieu avant son expatriation. »

Cet article implique que, dans le cas où un salarié a été expatrié et a souscrit à une assurance volontaire, les prestations liées à cette assurance doivent être gérées par l’organisme de sécurité sociale avec lequel il était affilié avant son départ à l’étranger.

Dans le cas présent, la cour d’appel a conclu que la caisse devait verser des sommes à la victime, en se basant sur cet article.

Cependant, la cour a omis de considérer que la victime, au moment de la première constatation médicale, n’était pas affiliée à un régime obligatoire français de sécurité sociale, ce qui a conduit à une application erronée de cet article.

Comment l’article L. 762-8 du code de la sécurité sociale s’applique-t-il à cette affaire ?

L’article L. 762-8 du code de la sécurité sociale stipule que :

« L’assurance volontaire accidents du travail et maladies professionnelles donne droit à l’ensemble des prestations prévues par le livre IV. »

Cet article indique que les travailleurs qui souscrivent à une assurance volontaire ont droit aux prestations définies dans le livre IV du code de la sécurité sociale.

Cependant, il est crucial de noter que ces prestations ne s’étendent pas à l’indemnisation des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur pour les travailleurs qui ne sont pas soumis à la législation française de sécurité sociale.

Dans le cas de M. [W], bien qu’il ait souscrit à une assurance volontaire, il ne pouvait pas prétendre à l’indemnisation pour faute inexcusable, car il n’était pas affilié à un régime de sécurité sociale français au moment de la première constatation de sa maladie.

Quelles sont les conséquences de la décision de la Cour de cassation sur les demandes de la victime ?

La Cour de cassation a décidé que :

« La victime, ne pouvant bénéficier du régime d’indemnisation des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur issu du livre IV du code de la sécurité sociale, doit être déboutée de l’ensemble de ses demandes. »

Cette décision signifie que M. [W] ne peut pas obtenir réparation pour la faute inexcusable de son employeur, car il n’était pas soumis à la législation française de sécurité sociale au moment de la première constatation de sa maladie.

Ainsi, même s’il avait souscrit à une assurance volontaire, cela ne lui confère pas le droit d’agir contre son employeur pour obtenir des indemnités liées à la faute inexcusable.

Il peut cependant agir sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile contractuelle pour obtenir réparation des préjudices causés par le manquement de son employeur à son obligation de sécurité.

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 janvier 2025

Cassation partielle
sans renvoi

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 98 F-B+R

Pourvoi n° Z 22-19.660

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025

La caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° Z 22-19.660 contre l’arrêt rendu le 1er juin 2022 par la cour d’appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [G] [W], domicilié [Adresse 3],

2°/ à la Caisse des français de l’étranger, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la société [5], dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [5], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse des français de l’étranger, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [W], et l’avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 11 décembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 1er juin 2022), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 16 juillet 2020, pourvoi n° 18-24.942, publié), M. [W] (la victime), salarié de la société [5] (l’employeur) du 11 septembre 1978 au 31 mars 2012, en qualité de prospecteur mécanicien, a déclaré, le 17 décembre 2009, une maladie consistant en des plaques pleurales auprès de la caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique (la caisse), laquelle a reconnu le caractère professionnel de la maladie par une décision du 26 mars 2010 qui a été déclarée inopposable à l’employeur.

2. La victime, ayant souscrit une assurance volontaire « accidents du travail et maladies professionnelles » auprès de la Caisse des français de l’étranger (la CFE), en tant que salarié expatrié, du 1er mai 2008 au 30 novembre 2011, la CFE a fixé le taux d’incapacité permanente résultant de la maladie professionnelle à 5 % à compter du 28 octobre 2011, et lui a attribué une indemnité en capital.

3. La victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses première et quatrième branches

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief à l’arrêt de dire que la majoration de la rente sera versée directement à la victime par elle, de dire que cette majoration s’applique au montant du capital versé, de surseoir à statuer sur la fixation du préjudice moral et le versement par la caisse de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice, d’inviter la victime, la caisse, l’employeur s’il y a lieu, à conclure sur la portée de l’arrêt du 16 juillet 2020 sur la fixation du préjudice moral et le versement par la caisse de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice, d’ordonner la radiation de l’affaire, de dire que la reprise d’instance est subordonnée au dépôt de ses conclusions par l’une des parties susvisées, la plus diligente d’entre elles et de mettre hors de cause la CFE, alors :

« 1°/ que, faute de dispositions contraires, issues notamment de conventions internationales, un salarié qui exerce son activité professionnelle à l’étranger ne relève pas de la législation française de sécurité sociale ; qu’il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en application la règle de conflit de lois ; qu’en mettant à la charge de la caisse des sommes en application de l’article D. 461-24 du code de la sécurité sociale, disposition qui, à supposer la législation française de sécurité sociale applicable, répartit les compétences entre les caisses auxquelles l’assuré a été successivement affilié, s’agissant de la charge des prestations, quand elle constatait qu’à la date de la première constatation médicale, l’assuré exerçait son activité à l’étranger, n’était pas affilié en France et qu’il avait souscrit à une assurance volontaire, de sorte que la législation française de sécurité sociale ne pouvait trouver application, la cour d’appel a violé l’article 3 du code civil, et l’article D. 461-24 du code de la sécurité sociale ;

4°/ que, si les travailleurs salariés qui exercent leur activité dans un pays étranger et qui ne sont pas ou ne sont plus soumis à la législation française de sécurité sociale ont la faculté de s’assurer volontairement contre les risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles, cette couverture est limitée aux seules prestations prévues au titre de la législation professionnelle, à l’exclusion de l’indemnisation des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt qu’à la date de la première constatation médicale, l’assuré exerçait son activité à l’étranger, n’était pas affilié en France et avait souscrit à une assurance volontaire, de sorte qu’il ne pouvait prétendre à l’indemnisation des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur, fut-ce auprès de la caisse auprès de laquelle il a été affilié en dernier lieu ; qu’en retenant qu’il appartenait à la caisse de verser à la victime des sommes au titre la faute inexcusable, la cour d’appel a violé les articles L. 762-1, alinéa 1er, et L. 762-8 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1214 du 24 décembre 2018, applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 762-1, alinéa 1er, L. 762-8 et D. 461-24 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1214 du 24 décembre 2018, applicable au litige :

5. Aux termes du premier de ces textes, les travailleurs salariés ou assimilés de nationalité française qui exercent leur activité dans un pays étranger et qui ne sont pas ou ne sont plus soumis à la législation française de sécurité sociale en vertu d’une convention internationale ou de l’article L. 761-2, ont la faculté de s’assurer volontairement, notamment, contre les risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

6. Selon le deuxième, l’assurance volontaire accidents du travail et maladies professionnelles donne droit à l’ensemble des prestations prévues par le livre IV.

7. Il résulte du premier de ces textes que le travailleur salarié expatrié à l’étranger a droit aux seules prestations prévues au titre de la législation professionnelle en exécution de l’assurance volontaire contre les risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles à laquelle il est adhérent à la date de la première constatation médicale de la maladie.

8. N’étant pas soumis à cette date à la législation française de sécurité sociale, il ne peut bénéficier de ses dispositions relatives au régime d’indemnisation des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur.

9. Il dispose cependant du droit d’agir à l’encontre de son employeur, sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile contractuelle, pour obtenir la réparation des préjudices causés par le manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

10. Pour confirmer le jugement en tant qu’il a dit que la majoration de rente sera versée directement à la victime par la caisse, l’arrêt relève qu’à la date de la première constatation médicale de la maladie du 2 décembre 2009, la victime, qui avait adhéré à la CFE, n’était pas affiliée à une caisse primaire ou à un régime spécial de sécurité sociale. Il en déduit que, par application des dispositions de l’article D. 461-24 du code de la sécurité sociale, les prestations et indemnités doivent être prises en charge par l’organisme de sécurité sociale auquel la victime était affiliée en dernier lieu avant son expatriation.

11. En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses constatations qu’à la date de la première constatation médicale de la maladie, la victime, expatriée à l’étranger, avait souscrit à l’assurance volontaire contre les risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles, ce dont il résultait que, n’étant pas soumise à un régime obligatoire français de sécurité sociale, elle ne pouvait demander l’avance des réparations prévues au livre IV du code de la sécurité sociale par une caisse primaire d’assurance maladie, fût-ce celle auprès de laquelle elle avait été affiliée en dernier lieu, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

14. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 5, 6, 7, 8, 9 et 11 que la victime, ne pouvant bénéficier du régime d’indemnisation des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur issu du livre IV du code de la sécurité sociale, doit être déboutée de l’ensemble de ses demandes.


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