L’Essentiel : La société Brea System, en difficulté financière, a ouvert une procédure de conciliation en janvier 2023. Malgré un protocole d’accord signé en avril, le tribunal de commerce a ordonné une procédure de sauvegarde en décembre. Accusant la Société Générale de manquements, Brea System a assigné la banque en référé en mars 2024 pour récupérer des sommes prélevées. Le tribunal a ordonné la restitution de 16.788,80 euros et condamné la banque à payer 3.000 euros de frais. En mai, la Société Générale a fait appel, mais la cour a confirmé l’ordonnance initiale, condamnant la banque aux dépens d’appel.
|
Contexte de l’affaireLa société Brea System a contracté plusieurs prêts auprès de la banque Nuger, désormais représentée par la Société Générale, dont deux étaient garantis par l’État. En raison de difficultés financières, une procédure de conciliation a été ouverte le 6 janvier 2023, avec la désignation d’un conciliateur pour aider à trouver un accord amiable avec les créanciers. Procédure de conciliation et jugement de sauvegardeUn protocole d’accord a été signé le 17 avril 2023, mais le 22 décembre 2023, le tribunal de commerce de Montluçon a ouvert une procédure de sauvegarde à l’encontre de Brea System. Cette décision a des implications sur les paiements et les créances de l’entreprise. Litige avec la Société GénéraleBrea System a accusé la Société Générale de divers manquements, notamment un débit de son compte après l’ouverture de la procédure de sauvegarde et le non-respect du protocole d’accord. En conséquence, Brea System et son administrateur judiciaire ont assigné la banque en référé le 22 mars 2024, demandant la restitution de sommes prélevées. Ordonnance du tribunalLe 26 avril 2024, le tribunal a constaté le désistement de certaines demandes de Brea System, mais a ordonné à la Société Générale de restituer 16.788,80 euros, sous astreinte, et a condamné la banque à payer 3.000 euros pour les frais de justice. La Société Générale a été déboutée de ses demandes. Appel de la Société GénéraleLe 16 mai 2024, la Société Générale a fait appel de l’ordonnance, contestant les décisions de restitution et de condamnation aux dépens. Dans ses conclusions, elle a demandé à la cour d’infirmer l’ordonnance et de débouter Brea System de ses demandes. Arguments de la Société GénéraleLa banque a soutenu que les débits en question étaient des régularisations comptables liées à un avenant au protocole de conciliation, et non des paiements de créances. Elle a également contesté l’existence du protocole de conciliation, arguant qu’il était soumis à une condition suspensive non réalisée. Décision de la courLa cour a confirmé l’ordonnance initiale, statuant que la Société Générale n’avait pas le droit de débiter la somme litigieuse après l’ouverture de la procédure de sauvegarde. Elle a également condamné la banque aux dépens d’appel et à payer 3.000 euros à Brea System pour les frais irrépétibles. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences juridiques d’un jugement d’ouverture de procédure de sauvegarde sur les paiements de créances ?Le jugement ouvrant une procédure de sauvegarde a des conséquences importantes sur les paiements de créances. Selon l’article L.627-7, alinéa 1, du code de commerce, ce jugement emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture. Cette interdiction s’applique également aux créances nées après le jugement d’ouverture, sauf si elles sont mentionnées au I de l’article L.622-17. Il est précisé que ces interdictions ne s’appliquent pas aux paiements des créances alimentaires. L’alinéa 3 de cet article stipule que tout acte ou paiement effectué en violation de ces dispositions peut être annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l’acte ou du paiement de la créance. Ainsi, dans le cas de la société Brea System, le tribunal a constaté que la Société Générale avait procédé à un débit de compte postérieurement à l’ouverture de la procédure de sauvegarde, ce qui constitue une violation des règles établies par le code de commerce. Quels sont les recours possibles en cas de non-respect d’un protocole de conciliation ?En cas de non-respect d’un protocole de conciliation, les parties peuvent engager des actions en justice pour faire valoir leurs droits. L’article 873 du code de procédure civile permet au président du tribunal de commerce de prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état, même en présence d’une contestation sérieuse. Cela signifie que si une partie estime que l’autre a manqué à ses obligations dans le cadre d’un protocole de conciliation, elle peut demander au tribunal d’ordonner des mesures pour faire cesser ce manquement. Dans le cas présent, la société Brea System a contesté le débit de son compte par la Société Générale, arguant que cela constituait une violation des termes du protocole de conciliation. Il est important de noter que la cour a relevé que le moyen invoqué par la Société Générale, tenant à l’absence de manquement au protocole, n’était pas pertinent pour la solution du litige, car le litige portait principalement sur la restitution de la somme débitée. Comment se détermine le montant des frais irrépétibles en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ?L’article 700 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles exposés pour assurer sa défense. Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses intérêts en justice. Le montant de cette somme est laissé à l’appréciation du juge, qui doit tenir compte de la situation des parties et des circonstances de l’affaire. Dans le cas de la société Brea System, le tribunal a condamné la Société Générale à payer une somme de 3.000 euros sur le fondement de cet article, en raison de sa position de partie perdante dans le litige. Il est à noter que cette somme est distincte des dépens, qui concernent les frais de justice et d’instance. Ainsi, la cour a confirmé cette décision, considérant que le premier juge avait correctement apprécié le sort des dépens et l’application de l’article 700. |
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 8
ARRÊT DU 17 JANVIER 2025
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/09215 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJOPJ
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Avril 2024 -Président du TC de Paris – RG n° 2024019009
APPELANTE
S.A. SOCIÉTÉ GENERALE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Julie COUTURIER de la SELARL JCD AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0880
INTIMÉES
SELARL MJ de L’ALLIER prise en la personne de Maître [F] en qualité de Mandataire Judiciaire de la société BREA SYSTEM, désigné à cette fonction par le Tribunal de commerce de Montluçon le 22 décembre 2023,
[Adresse 6]
[Localité 1]
S.E.L.A.R.L. UJUP pris en la personne de Me [Y] [B] en qualité d’Administrateur judiciaire de la société BREA SYSTEM, désigné à cette fonction par le Tribunal de commerce de Montluçon le 22 décembre 2023,
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentées par Me Maryline LUGOSI de la SELARL Selarl MOREAU GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073
Ayant pour avocat plaidant Me Ambroise de PRADEL DE LAMAZE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 novembre 2024, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président, chargée du rapport, et Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Florence LAGEMI, Président,
Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller
Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire
Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Catherine GAFFINEL, Conseillère, pour le Président empêché, et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
La société Brea System a souscrit plusieurs contrats de prêt auprès de la banque Nuger aux droits de laquelle se trouve la Société Générale et de cette dernière dont deux prêts garantis par l’Etat.
Suivant ordonnance du 6 janvier 2023, le président du tribunal de commerce de Montluçon a ouvert une procédure de conciliation au bénéfice de la société Brea System et a désigné la SELARL AJ UP prise en la personne de Maître [B] en qualité de conciliateur avec pour mission, notamment, de favoriser la conclusion d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise avec ses principaux créanciers.
Un protocole d’accord de conciliation a été conclu le 17 avril 2023.
Par jugement du 22 décembre 2023, le tribunal de commerce de Montluçon a ouvert une procédure de sauvegarde à l’encontre de la société Brea System.
Reprochant à la Société Générale différents manquements dont un débit de son compte effectué par cette dernière, à son bénéfice, postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde et une inexécution des termes du protocole, la société Brea System et son administrateur judiciaire, la SELARL AJ UP ont, par acte du 22 mars 2024, assigné cette banque, en référé à heure indiquée, devant le président du tribunal de commerce de Paris aux fins, notamment, d’obtenir, sous astreinte, la communication de divers documents relatifs aux prêts consentis, la restitution de diverses sommes dont celle de 16.788,80 euros prélevée par la défenderesse le 28 décembre 2023.
Par ordonnance contradictoire du 26 avril 2024, le premier juge a :
constaté le désistement d’instance de la société Brea System et de la SELARL AJ UP en sa qualité d’administrateur judiciaire de la première, sur les demandes de communication et de régularisation par la Société Générale du débit de 46.757,35 euros ;
ordonné à la Société Générale, à titre provisionnel, de restituer à la société Brea System la somme de 16.788,80 euros, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la quinzaine suivant la date de signification de l’ordonnance, sur le compte bancaire ouvert dans les livres de la banque Thémis, correspondant au débit relevé postérieurement à l’ouverture de la sauvegarde ;
condamné la Société Générale à payer à la société Brea System la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
débouté la Société Générale de l’ensemble de ses demandes ;
Rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;
condamné en outre la Société Générale aux dépens de l’instance.
Par déclaration du 16 mai 2024, la Société Générale a relevé appel de cette ordonnance en critiquant ses dispositions l’ayant condamnée à restituer, sous astreinte, la somme de 16.788,80 euros, à payer celle de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’ayant déboutée de l’ensemble de ses demandes.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 5 juin 2024, la Société Générale demande à la cour de :
la déclarer recevable en son appel ;
infirmer l’ordonnance en ses dispositions dont elle a relevé appel ;
statuant à nouveau,
A titre principal,
constater que les sociétés Brea System et AJ UP ne rapportent pas la preuve du constat par le tribunal de commerce de Montluçon du protocole de conciliation ;
En conséquence,
débouter les sociétés Brea System et AJUP de leur demandes ;
A titre subsidiaire,
débouter les sociétés Brea System et AJ UP de leur demande tendant à la restitution sur le compte sauvegarde de la somme de 16.788,80 euros qui ne correspond à aucune somme perçue par la société Brea System,
En conséquence,
débouter les sociétés Brea System et AJ UP de leur demandes ;
En tout état de cause,
débouter les sociétés Brea System et AJ UP de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner in solidum les sociétés Brea System et AJ UP à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens au titre de la première instance ;
condamner in solidum les sociétés Brea System et AJ UP à lui payer la somme de 3.000 euros en application de ce texte pour les frais irrépétibles exposés en appel et aux entiers dépens d’appel.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 4 juillet 2024, les sociétés Brea System et AJ UP demandent à la cour de :
confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;
débouter la Société Générale de toutes ses demandes ;
la condamner à payer à la société Brea System la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 13 novembre 2024.
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu’aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de constat, qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques, mais uniquement des moyens.
Il est relevé que le litige en appel ne porte que sur la restitution de la somme de 16.788,80 euros dont la société Brea System prétend avoir été débitée de son compte en violation des règles applicables en matière de procédure collective.
Ainsi, le moyen invoqué par la société appelante tenant à l’absence de manquement au protocole de conciliation dont elle conteste, par ailleurs, l’existence en soutenant que cet acte était soumis à une condition suspensive non réalisée, est sans pertinence pour la solution du litige.
Sur la demande en restitution de la somme de 16.788,80 euros
Selon l’article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, dans les limites de la compétence du tribunal, peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence d’une obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Au cas présent, la société Brea System soutient que le 28 décembre 2023, la Société Générale a crédité son compte d’une somme de 15.918,97 euros puis, l’a débité, le même jour, d’une somme de 32.707,77 euros, réalisant ainsi un débit de 16.788,80 euros qu’elle n’était plus autorisée à effectuer du fait de la procédure de sauvegarde ouverte le 22 décembre 2023.
La Société Générale indique que les deux écritures litigieuses, passées postérieurement à l’ouverture de la procédure de sauvegarde, ne correspondent pas au paiement d’une créance mais à une régularisation d’écritures comptables, indispensable à la mise en place d’un avenant né du protocole du 17 avril 2023.
Elle explique qu’aux termes de ce protocole, elle a accepté de réaménager le prêt garanti par l’Etat consenti le 30 avril 2020 d’un montant de 240.000 euros, ce qui a justifié la signature d’un avenant ; que celui-ci a entraîné ‘la fermeture de l’ancien prêt’ et ‘l’ouverture d’un nouveau contrat de prêt’ portant de nouvelles références ; que la somme créditée de 15.918,97 euros s’explique comptablement par les échéances mentionnées dans le tableau d’amortissement initial entre les mois d’avril 2021 et de novembre 2023 et que celle débitée de 32.707,77 euros correspond aux échéances indiquées dans le tableau d’amortissement actualisé, après régularisation du protocole, entre les mois d’avril 2021 et de novembre 2023.
Selon l’article L.627-7, alinéa 1, du code de commerce, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d’ouverture, non mentionnée au I de l’article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires.
L’alinéa 3 de ce texte énonce que tout acte ou tout paiement passé en violation des dispositions du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l’acte ou du paiement de la créance. Lorsque l’acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci.
Il est constant que par jugement du 22 décembre 2023, le tribunal de commerce de Montluçon a ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la société Brea System interdisant ainsi tout paiement de toute créance ayant une origine antérieure à son prononcé.
Or, il ressort du relevé de compte de la société Brea System, ouvert dans les livres de la Société Générale, que celle-ci a, le 28 décembre 2023, après avoir crédité le compte de la somme de 15.918,97 euros au titre d’une ‘régul échéances sur PGE origine SG fermé’, prélevé celle de 32.707,77 euros au titre d’une ‘régul échéances sur PGE origine SG réouvert’, procédant ainsi au débit du compte d’une somme de 16.788,80 euros.
Contrairement à ce qu’indique la Société Générale, ces écritures ne sauraient correspondre à une régularisation comptable et le prélèvement opéré par celle-ci de la somme litigieuse apparaît comme un paiement effectué à son profit au titre des échéances d’un prêt garanti par l’Etat dues pour une période antérieure au jugement d’ouverture.
Il en résulte que la Société Générale n’était pas fondée à procéder au débit de cette somme. L’ordonnance entreprise sera donc confirmée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le sort des dépens de première instance et l’application de l’article 700 du code de procédure civile ont été exactement appréciés par le premier juge.
Succombant en ses prétentions, la Société Générale sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à la société Brea System, contrainte d’exposer des frais irrépétibles pour assurer sa défense, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Confirme l’ordonnance entreprise en ses dispositions dont il a été relevé appel ;
Condamne la société Société Générale aux dépens d’appel et à payer à la société Brea System la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCH »
Laisser un commentaire