L’Essentiel : La société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE a accordé un crédit de 28 500 euros à M. [D] [O] en mai 2018, remboursable en 84 mensualités. En raison de paiements manquants, la banque a assigné M. [D] [O] en mai 2024, demandant le paiement de 13 081 euros. Lors de l’audience de novembre 2024, la dette a été mise à jour à 12 440,89 euros. Le juge a constaté la déchéance du terme et des intérêts, condamnant M. [D] [O] à rembourser 7 978,35 euros, sans intérêts, le jugement étant exécutoire de plein droit à titre provisoire.
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Constitution du créditLa société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE a accordé un crédit amortissable à M. [D] [O] le 30 mai 2018, d’un montant de 28 500 euros, remboursable en 84 mensualités de 383,04 euros, avec un taux d’intérêt annuel nominal de 3,5 %. Assignation en justiceEn raison de mensualités impayées, la banque a assigné M. [D] [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris le 24 mai 2024, demandant la constatation de la déchéance du terme et le paiement de 13 081 euros, ainsi que d’autres sommes. Audience et mise à jour de la detteLors de l’audience du 18 novembre 2024, la banque a mis à jour la dette à 12 440,89 euros, précisant que des paiements partiels avaient été effectués. M. [D] [O] n’a pas comparu ni été représenté. Examen des moyens de défenseLe juge a relevé d’office des questions de forclusion, de nullité et de déchéance du droit aux intérêts. Selon le code de procédure civile, le juge peut statuer même en l’absence du défendeur. Forclusion de l’action en paiementLa banque a engagé son action dans le délai de deux ans suivant le premier incident de paiement, ce qui la rend recevable. Le premier incident a eu lieu le 5 novembre 2022. Déchéance du termeLa déchéance du terme a été prononcée après une mise en demeure restée sans effet. La mise en demeure du 14 février 2023 a précisé un délai de 8 jours pour régulariser la situation. Droit aux intérêtsLa banque a demandé des intérêts au taux contractuel, mais le juge a constaté qu’aucune preuve de la remise des informations précontractuelles n’avait été fournie, entraînant la déchéance du droit aux intérêts. Montant de la créanceEn cas de déchéance des intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du capital. M. [D] [O] doit donc rembourser 7 978,35 euros, correspondant à la différence entre le montant débloqué et les paiements effectués. Demandes accessoires et dépensM. [D] [O] a été condamné aux dépens, mais aucune condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’a été prononcée, en raison de l’équité et des situations économiques des parties. Décision finaleLe jugement a constaté la déchéance du terme et des intérêts, condamnant M. [D] [O] à rembourser 7 978,35 euros sans intérêts, et a précisé que le jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la déchéance du terme dans le cadre d’un prêt personnel ?La déchéance du terme dans le cadre d’un prêt personnel entraîne l’exigibilité immédiate des sommes dues, y compris le principal, les intérêts et les accessoires. Selon l’article 1231-1 du Code civil, la déchéance du terme est subordonnée à la délivrance d’une mise en demeure préalable. Cette mise en demeure doit préciser au débiteur le délai dont il dispose pour y faire obstacle. En l’espèce, la mise en demeure de payer la somme de 1689,64 euros, datée du 14 février 2023, a été présentée le 20 février 2023. Elle stipulait qu’en l’absence de paiement dans un délai de 8 jours, la déchéance du terme produirait effet. Ainsi, en l’absence de régularisation dans le délai imparti, la société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE a pu régulièrement prononcer la déchéance du terme. Quelles sont les conséquences de la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur ?La déchéance du droit aux intérêts a des conséquences significatives pour le prêteur. Selon l’article L.341-8 du Code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital. Cette déchéance s’étend donc aux intérêts et à tous leurs accessoires. En conséquence, la société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE, bien qu’initialement en droit de réclamer des intérêts, se voit déchue de ce droit en raison de l’absence de preuve de la remise des informations précontractuelles à l’emprunteur, comme l’exige l’article L.341-1 du Code de la consommation. Ainsi, le montant de la créance se limite à la somme de 7978,35 euros, correspondant à la différence entre le montant débloqué et les paiements effectués par M. [D] [O]. Comment la forclusion affecte-t-elle l’action en paiement du prêteur ?La forclusion est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office par le juge, conformément à l’article 125 du Code de procédure civile. Les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation doivent être engagées devant le juge des contentieux de la protection dans un délai de deux ans à compter de l’événement qui leur a donné naissance, sous peine de forclusion. Dans cette affaire, la société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE a assigné M. [D] [O] le 24 mai 2024, ce qui est antérieur à l’expiration du délai de deux ans à compter du premier incident de paiement non régularisé survenu le 5 novembre 2022. Par conséquent, l’action en paiement est recevable. Quelles sont les obligations du prêteur en matière d’informations précontractuelles ?L’article L.312-12 du Code de la consommation impose au prêteur de fournir à l’emprunteur, avant la conclusion du contrat de crédit, des informations précontractuelles par écrit ou sur un autre support durable. Ces informations doivent permettre à l’emprunteur de comparer différentes offres et de comprendre clairement l’étendue de son engagement. En l’espèce, la société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE n’a pas pu prouver que la fiche d’informations précontractuelles a été remise à M. [D] [O], ce document n’étant pas signé par lui. En conséquence, le prêteur est déchu de son droit aux intérêts, conformément à l’article L.341-1 du Code de la consommation. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens. Cependant, dans cette affaire, le juge a décidé d’écarter toute condamnation au titre de l’article 700, en tenant compte de l’équité et de la situation économique respective des parties. Cela signifie que, bien que M. [D] [O] ait été condamné aux dépens, il n’a pas été condamné à verser des frais supplémentaires à la société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE. Cette décision reflète une approche équilibrée du juge, prenant en compte les circonstances particulières du litige. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Ingrid BOILEAU ; Monsieur [D] [O]
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 24/05666 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5CGI
N° MINUTE :
JUGEMENT
rendu le vendredi 17 janvier 2025
DEMANDERESSE
S.A. BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Ingrid BOILEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D0575
DÉFENDEUR
Monsieur [D] [O], demeurant [Adresse 1]
non comparant, ni représenté
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Pascale DEMARTINI, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Antonio FILARETO, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 18 novembre 2024
Délibéré le 17 janvier 2025
JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 17 janvier 2025 par Pascale DEMARTINI, Vice-présidente assistée de Antonio FILARETO, Greffier
Décision du 17 janvier 2025
PCP JCP fond – N° RG 24/05666 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5CGI
Suivant offre de contrat acceptée le 30 mai 2018, la société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE a consenti à M. [D] [O] un crédit amortissable n°10683848 d’un montant de 28500 euros, remboursable en 84 mensualités de 383,04 euros, hors assurance, moyennant un taux d’intérêt annuel nominal de 3,5 % et un taux annuel effectif global de 3,56 %.
Des mensualités étant restées impayées à leur échéance, la société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE a, par acte de commissaire de justice du 24 mai 2024, fait assigner M. [D] [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, afin de voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire:
constater que la déchéance du terme est acquise,condamner M. [D] [O] à payer la somme de 13081 euros au titre des sommes restant dues au 25 mai 2023, outre intérêts au taux contractuel sur la somme due au principal de 12314,84 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 25 mai 2023, sous déduction de la somme de 250 euros réglée postérieurement à la déchéance du terme,à titre subsidiaire, prononcer la résiliation judiciaire du contrat et condamner le défendeur à payer la somme de 12064,84 euros avec intérêts au taux contractuel à compter de l’assignation,condamner M. [D] [O] à payer la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens.
À l’audience du 18 novembre 2024, la société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son exploit introductif d’instance, en précisant que des paiements partiels ont repris et en actualisant la dette à la somme de 12440,89 euros.
La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels et légaux ont été mis dans le débat d’office.
Bien que régulièrement assigné par acte de commissaire de justice délivré à étude, Monsieur M. [D] [O] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
L’affaire a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où le présent jugement a été rendu par mise à disposition au greffe.
Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait alors droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Selon l’article R.632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions de ce code.
Il convient donc, en l’espèce, d’appliquer d’office au contrat litigieux les dispositions du code de la consommation, dans leur numérotation et rédaction en vigueur au 30 mai 2018, sur lesquelles les parties ont été en mesure de présenter leurs observations, conformément aux dispositions de l’article 16 du code de procédure civile.
Sur la demande en paiement
L’article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de l’absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Sur la forclusion
La forclusion de l’action en paiement est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office par le juge en vertu de l’article 125 du Code de Procédure Civile. En outre, les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le Juge des Contentieux de la Protection du Tribunal Judiciaire dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
En l’espèce, il apparaît que la présente action a été engagée avant l’expiration d’un délai de deux années à compter du premier incident de paiement non régularisé soit le 5 novembre 2022, la société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE qui a assigné le 24 mai 2024, sera dite recevable en ses demandes.
Sur la déchéance du terme
En matière de prêt, la déchéance du terme entraîne l’exigibilité immédiate des sommes dues en principal, intérêts et accessoires. Sauf dispense conventionnelle expresse et non équivoque, une telle déchéance est subordonnée à la délivrance d’une mise en demeure préalable, précisant au débiteur le délai dont il dispose pour y faire obstacle.
En l’espèce, est restée sans effet la mise en demeure de payer la somme de 1689,64 euros du 14 février 2023 présentée le 20 février 2023 précisant qu’en l’absence de paiement dans le délai mentionné (en l’espèce, 8 jours) la déchéance du terme produirait effet. De sorte qu’en l’absence de régularisation dans le délai, ainsi qu’il en ressort de l’historique de compte, la société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE a pu régulièrement prononcer la déchéance du terme.
Sur le droit du prêteur aux intérêts
La société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE demande à bénéficier des intérêts au taux contractuel.
Il lui appartient donc de démontrer, conformément aux dispositions de l’article 1353 du code civil, que la formation du contrat du 30 mai 2018 et son exécution sont conformes aux dispositions d’ordre public du code de la consommation.
L’article L.341-1 du code de la consommation dispose en effet que le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l’article L.312-12 est déchu du droit aux intérêts.
L’article L.312-12 susvisé exige du prêteur ou de l’intermédiaire de crédit qu’il donne à l’emprunteur, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, par écrit ou sur un autre support durable dont le contenu et la présentation sont définis par les articles R.312-2 et suivants, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.
En l’espèce, aucun élément produit par la société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE ne permet d’apporter la preuve que la fiche d’informations pré-contractuelles européenne normalisée a été remise à l’emprunteur, ce document n’étant pas signé par lui.
La société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE sera, en conséquence, intégralement déchue de son droit aux intérêts.
Sur le montant de la créance
Conformément à l’article L 341-8 du code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital. Cette déchéance s’étend donc aux intérêts et à tous leurs accessoires.
Les sommes dues se limiteront par conséquent à la somme de 7978,35 euros, correspondant à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de M. [D] [O] (28500 euros) et celui des règlements effectués par ce dernier (20521,65 euros).
Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l’article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier.
Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s’il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu’il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n’avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d’efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).
En l’espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d’intérêt annuel fixe de 3,50 %. Dès lors, les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points ne seraient pas inférieurs à ce taux conventionnel.
Il convient, en conséquence, d’écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L 313-3 du code monétaire et financier et de dire que les sommes dues au prêteur ne produiront aucun intérêt, même au taux légal.
Sur les demandes accessoires
En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [D] [O], partie perdante, sera condamné aux dépens.
En revanche, l’équité et la situation économique respective des parties commandent d’écarter toute condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,
CONSTATE que les conditions de prononcé régulier de la déchéance du terme du prêt personnel n°10683848 du 30 mai 2018 de 28500 euros accordé par la société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE à M. [D] [O] sont réunies,
PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts de la société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE au titre du crédit souscrit le 30 mai 2018 par M. [D] [O],
CONDAMNE M. [D] [O] à payer à la société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE la somme de 7978,35 euros (sept mille neuf cent soixante-dix-huit euros et trente-cinq centimes), à titre de restitution des sommes versées en application du contrat précité,
DIT que cette somme ne produira pas d’intérêt, même au taux légal,
DÉBOUTE la société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE du surplus de ses demandes,
DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [D] [O] aux dépens,
RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Ainsi signé par la juge et le greffier susnommées et mis à disposition des parties le 17 janvier 2025.
Le Greffier La Juge
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